Galvanisé par le Printemps arabe, le Rassemblement national pour la réforme et le développement (Tawassul) veut accroître son influence au sein du mouvement de contestation en Mauritanie. Et soigne à dessein son image.
À Nouakchott, c'est devenu une habitude. En marge des meetings de la Coordination de l'opposition démocratique (COD), dont ils font pourtant partie, les islamistes « modérés » organisent leurs propres réunions. Non sans succès, puisque le Rassemblement national pour la réforme et le développement (RNRD), plus connu sous l'appellation Tawassul (« liaison »), commence à drainer les foules. « Nous mobilisons simplement notre base, afin d'optimiser la participation de nos militants au mouvement de contestation », explique Jemil Ould Mansour, président fondateur du parti à « référentiel islamique », proche des Frères musulmans et autorisé en 2007. Pourtant, depuis plusieurs mois, il a entamé avec ses militants un véritable travail de fond. Sillonnant sans relâche l'intérieur du pays, ils mènent leur propre campagne sous le slogan « les prémices du départ d'Aziz ». Avec une présence logistique revendiquée dans 49 des 53 départements, Tawassul, galvanisé par le Printemps arabe, veut accroître son influence au sein du vaste mouvement de protestation qui vise le chef de l'État, Mohamed Ould Abdelaziz.
Cultivant une image moderne, Ould Mansour est affable et volontiers rieur. Lors de ses meetings, il s'évertue à dénoncer les conditions de vie des plus démunis, dont il rend Ould Abdelaziz responsable. « L'ensemble de son bilan est négatif, juge-t-il. En concentrant les pouvoirs, il renoue avec les vieilles méthodes. » Ould Mansour salue l'élection de Mohamed Morsi en Égypte, mais nie toute appartenance en tant que parti politique à la confrérie des Frères musulmans. Ses relations avec les Tunisiens d'Ennahdha ou les Marocains du Parti de la justice et du développement (PJD) ? « Nous les soutenons, mais nous sommes indépendants. » Partisan d'un islam modéré, Tawassul tient à se dissocier des salafistes. Ainsi Ould Mansour condamne-t-il fermement, au nom de la « liberté religieuse », la destruction des mausolées à Tombouctou et se dit favorable à une intervention militaire au Mali, mais « africaine » et en « dernier recours ». En revanche, il ne rejette pas l'idée de dialoguer avec les salafistes mauritaniens, bien qu'ils « nous reprochent d'être des démocrates, d'encourager la participation des femmes à la vie politique ou de valoriser les arts ».
Par ailleurs, alors que la Mauritanie est l'une de leurs cibles privilégiées, il reconnaît que c'est un « devoir » de lutter contre les terroristes, mais « à l'intérieur de nos frontières et après consultation nationale. Aziz s'est engagé seul dans cette guerre pour bénéficier de l'appui des Occidentaux, ce qui est totalement irresponsable ».
Réseau associatif
Tawassul possède ses propres journaux en ligne (Alkhabar et Sirradj) et vient d'obtenir l'agrément pour la création d'une chaîne de télévision. Le parti a investi le terrain humanitaire - il gère plusieurs centres de santé et a son propre réseau associatif. Sur le plan du financement, Ould Mansour est catégorique : « Nous vivons des contributions de nos militants, à savoir 5 % des revenus pour un fonctionnaire. » Mais à Nouakchott, on livre volontiers une autre version : des donations, facilitées par l'imam Moktar el-Hacen Ould Deddew, proche de Tawassul, proviendraient des pays du Golfe, via la solidarité entre partis et associations d'obédience islamique.
Ould Mansour n'a pas toujours vilipendé la politique d'Aziz, dont il a reconnu l'élection en 2009. Ainsi a-t-il approuvé le rapprochement avec la Libye et l'Iran et, surtout, la rupture des relations diplomatiques avec Israël, décidés par Aziz au début de son mandat. Le chef de Tawassul, alors membre du Front national de défense de la démocratie (FNDD) - le bloc de partis antiputsch -, avait surpris en se présentant à la présidentielle, faisant voler en éclats le pacte autour d'une candidature unique du FNDD. Ce qui lui vaut aujourd'hui d'être taxé d'opportunisme. « Dans un contexte apaisé, ils ont peu de poids, estime cependant Abdelvetah Ould Mohamed, rédacteur en chef de l'hebdomadaire Biladi. Mais si un scrutin est organisé dans le climat politique actuel, il faut s'attendre à un véritable raz-de-marée islamiste. »
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Justine Spiegel, envoyée spéciale
Jeuneafrique.com -
À Nouakchott, c'est devenu une habitude. En marge des meetings de la Coordination de l'opposition démocratique (COD), dont ils font pourtant partie, les islamistes « modérés » organisent leurs propres réunions. Non sans succès, puisque le Rassemblement national pour la réforme et le développement (RNRD), plus connu sous l'appellation Tawassul (« liaison »), commence à drainer les foules. « Nous mobilisons simplement notre base, afin d'optimiser la participation de nos militants au mouvement de contestation », explique Jemil Ould Mansour, président fondateur du parti à « référentiel islamique », proche des Frères musulmans et autorisé en 2007. Pourtant, depuis plusieurs mois, il a entamé avec ses militants un véritable travail de fond. Sillonnant sans relâche l'intérieur du pays, ils mènent leur propre campagne sous le slogan « les prémices du départ d'Aziz ». Avec une présence logistique revendiquée dans 49 des 53 départements, Tawassul, galvanisé par le Printemps arabe, veut accroître son influence au sein du vaste mouvement de protestation qui vise le chef de l'État, Mohamed Ould Abdelaziz.
Cultivant une image moderne, Ould Mansour est affable et volontiers rieur. Lors de ses meetings, il s'évertue à dénoncer les conditions de vie des plus démunis, dont il rend Ould Abdelaziz responsable. « L'ensemble de son bilan est négatif, juge-t-il. En concentrant les pouvoirs, il renoue avec les vieilles méthodes. » Ould Mansour salue l'élection de Mohamed Morsi en Égypte, mais nie toute appartenance en tant que parti politique à la confrérie des Frères musulmans. Ses relations avec les Tunisiens d'Ennahdha ou les Marocains du Parti de la justice et du développement (PJD) ? « Nous les soutenons, mais nous sommes indépendants. » Partisan d'un islam modéré, Tawassul tient à se dissocier des salafistes. Ainsi Ould Mansour condamne-t-il fermement, au nom de la « liberté religieuse », la destruction des mausolées à Tombouctou et se dit favorable à une intervention militaire au Mali, mais « africaine » et en « dernier recours ». En revanche, il ne rejette pas l'idée de dialoguer avec les salafistes mauritaniens, bien qu'ils « nous reprochent d'être des démocrates, d'encourager la participation des femmes à la vie politique ou de valoriser les arts ».
Par ailleurs, alors que la Mauritanie est l'une de leurs cibles privilégiées, il reconnaît que c'est un « devoir » de lutter contre les terroristes, mais « à l'intérieur de nos frontières et après consultation nationale. Aziz s'est engagé seul dans cette guerre pour bénéficier de l'appui des Occidentaux, ce qui est totalement irresponsable ».
Réseau associatif
Tawassul possède ses propres journaux en ligne (Alkhabar et Sirradj) et vient d'obtenir l'agrément pour la création d'une chaîne de télévision. Le parti a investi le terrain humanitaire - il gère plusieurs centres de santé et a son propre réseau associatif. Sur le plan du financement, Ould Mansour est catégorique : « Nous vivons des contributions de nos militants, à savoir 5 % des revenus pour un fonctionnaire. » Mais à Nouakchott, on livre volontiers une autre version : des donations, facilitées par l'imam Moktar el-Hacen Ould Deddew, proche de Tawassul, proviendraient des pays du Golfe, via la solidarité entre partis et associations d'obédience islamique.
Ould Mansour n'a pas toujours vilipendé la politique d'Aziz, dont il a reconnu l'élection en 2009. Ainsi a-t-il approuvé le rapprochement avec la Libye et l'Iran et, surtout, la rupture des relations diplomatiques avec Israël, décidés par Aziz au début de son mandat. Le chef de Tawassul, alors membre du Front national de défense de la démocratie (FNDD) - le bloc de partis antiputsch -, avait surpris en se présentant à la présidentielle, faisant voler en éclats le pacte autour d'une candidature unique du FNDD. Ce qui lui vaut aujourd'hui d'être taxé d'opportunisme. « Dans un contexte apaisé, ils ont peu de poids, estime cependant Abdelvetah Ould Mohamed, rédacteur en chef de l'hebdomadaire Biladi. Mais si un scrutin est organisé dans le climat politique actuel, il faut s'attendre à un véritable raz-de-marée islamiste. »
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Justine Spiegel, envoyée spéciale
Jeuneafrique.com -