Enivrés par les premiers barils exportés en février 2006, les Mauritaniens rêvaient de voir leur pays engranger les pétrodollars et leur vie s'améliorer. Déception : la production est en chute libre. Woodside, la principale société opératrice, a mis la clé sous le paillasson et, à la pompe, le prix des carburants n'en finissant pas de grimper.
Les Mauritaniens ne comprennent pas ! Eux qui, depuis des années, rêvaient pétrodollars et amélioration de leur niveau de vie grâce à l'exploitation de leur pétrole, réalisent que la flambée des cours mondiaux du brut se répercute surtout sur le prix des carburants à la pompe. Début novembre, à Nouakchott, les prix de l’essence et du gasoil ont respectivement augmenté de 7 et 8 %.
‘A quoi ça sert d’avoir des ressources en hydrocarbures si elles n’ont pas d’implications sur leurs produits dérivés’, se demande Kane Demba. Ce chauffeur de 40 ans, salarié dans le privé, peste contre la récente augmentation des prix de l’électricité et du carburant. Comme nombre de ses compatriotes, il ne conçoit pas que, faute de capacité de raffinage, son pays importe des produits dérivés au prix fort sans bénéficier en tant qu'exportateur de l'envolée des cours du brut. Le baril à près de 100 $ ne rapportera pas, en effet, autant qu'espéré à la Mauritanie car sa production pétrolière, estimée en 2006 à 75 000 barils/j sur une dizaine d’années, est tombée à 15 000 barils/j.
Le rêve avait commencé en 2001, lorsque Woodside, une entreprise australienne annonce avoir découvert d’importantes réserves de pétrole offshore (125 millions de barils). L’euphorie d’une nouvelle ère économique gagne alors le pays. Les prix des loyers à Nouakchott, la capitale mauritanienne, s'envolent : les hausses atteignent jusqu'à 400 %. Du jamais vu !
L'exploitation du pétrole démarre en fanfare en février 2006, mais quelques mois plus tard, la production chute presque de moitié. L'entreprise australienne, incapable de redresser la barre, décide purement et simplement de plier bagage le 28 septembre dernier, après avoir revendu ses avoirs à Pétronas, une société malaisienne, pour 418 millions $ US (585 millions €). Pour les Mauritaniens, c'est la fin d’un rêve.
Pourquoi un tel écart entre les promesses et la réalité ? Selon Benjamin Augé, chercheur à l’Institut français de géopolitique, spécialiste du pétrole mauritanien, Woodside, société gazière à l'origine, n'avait aucune expérience de l'exploitation pétrolière en Afrique. Ignorant la géologie locale, ajoute-t-il, ‘elle exploitait des réserves à 800 mètres au-dessous de l’eau, avec une technologie coûteuse qu’elle ne maîtrisait vraiment pas’. En Mauritanie, beaucoup d’observateurs accusent Woodside d’avoir surestimé sa capacité de production. ‘Des études sismiques sérieuses auraient pu édifier les autorités sur les réserves pétrolières dès l’exploitation du champ offshore de Chinguitti (à 80 km au large de Nouakchott, Ndlr) et leur éviter ainsi de faire miroiter à tous que le pétrole existait en quantité commercialement rentable’, critique A. Fall, un agent de l’administration publique.
Au mois de mai dernier déjà, dans sa déclaration de politique générale, le Premier ministre, Zeine O. Zeidane, avait tenu le langage de la vérité à ses compatriotes en annonçant, pour l'exercice 2007-2008, un déficit budgétaire de 30 milliards d’ouguiyas (82 millions €) dont 13 (35,6 millions €) dus à la chute des exportations du pétrole. ‘Les projections de l’opérateur étaient erronées !’, fulmine un spécialiste. En dessous de 20 000 barils/j, explique-t-il, Woodside s’est planté, entraînant avec lui l’espoir de tout un peuple. Une grande majorité de Mauritaniens partagent, en effet, sa déception.
L'amélioration tant attendue de leurs conditions de vie, grâce au pétrole, n’a pas eu lieu. ‘Il faut rester lucide : l’histoire du pétrole n'a été qu'un grand tapage médiatique. Rien dans ma vie n’a changé. Je gagne toujours pareil…’, lance Alioune O. Ahmed Salem, la trentaine. Il appartient à cette catégorie de travailleurs du privé qui n’ont pas été augmentés contrairement aux 40 000 bas salaires de la fonction publique, qui, eux, ont bénéficié d'une augmentation de 50 % en janvier 2006 et 2007. Mohamed O. Abdellahi, secrétaire général de la Cgtm, la puissante centrale syndicale, estime que tous les fonctionnaires n’ont pas été logés à la même enseigne et regrette, lui aussi, que le secteur privé n’ait pas eu les mêmes augmentations.
Malgré leurs désillusions, les Mauritaniens se prennent encore à rêver à l’exploitation de nouveaux gisements offshore, notamment dans les champs Thiof et Penda, non loin de celui de Chinguitti. Et l’exploration onshore (sur le continent) bat son plein avec un consortium franco-chinois dans le bassin de Taoudeni, qui s'étend au nord du pays et au Mali. L’aventure pétrolière continue.
Jedna DEIDA
Source: walffadjri
(M)
Les Mauritaniens ne comprennent pas ! Eux qui, depuis des années, rêvaient pétrodollars et amélioration de leur niveau de vie grâce à l'exploitation de leur pétrole, réalisent que la flambée des cours mondiaux du brut se répercute surtout sur le prix des carburants à la pompe. Début novembre, à Nouakchott, les prix de l’essence et du gasoil ont respectivement augmenté de 7 et 8 %.
‘A quoi ça sert d’avoir des ressources en hydrocarbures si elles n’ont pas d’implications sur leurs produits dérivés’, se demande Kane Demba. Ce chauffeur de 40 ans, salarié dans le privé, peste contre la récente augmentation des prix de l’électricité et du carburant. Comme nombre de ses compatriotes, il ne conçoit pas que, faute de capacité de raffinage, son pays importe des produits dérivés au prix fort sans bénéficier en tant qu'exportateur de l'envolée des cours du brut. Le baril à près de 100 $ ne rapportera pas, en effet, autant qu'espéré à la Mauritanie car sa production pétrolière, estimée en 2006 à 75 000 barils/j sur une dizaine d’années, est tombée à 15 000 barils/j.
Le rêve avait commencé en 2001, lorsque Woodside, une entreprise australienne annonce avoir découvert d’importantes réserves de pétrole offshore (125 millions de barils). L’euphorie d’une nouvelle ère économique gagne alors le pays. Les prix des loyers à Nouakchott, la capitale mauritanienne, s'envolent : les hausses atteignent jusqu'à 400 %. Du jamais vu !
L'exploitation du pétrole démarre en fanfare en février 2006, mais quelques mois plus tard, la production chute presque de moitié. L'entreprise australienne, incapable de redresser la barre, décide purement et simplement de plier bagage le 28 septembre dernier, après avoir revendu ses avoirs à Pétronas, une société malaisienne, pour 418 millions $ US (585 millions €). Pour les Mauritaniens, c'est la fin d’un rêve.
Pourquoi un tel écart entre les promesses et la réalité ? Selon Benjamin Augé, chercheur à l’Institut français de géopolitique, spécialiste du pétrole mauritanien, Woodside, société gazière à l'origine, n'avait aucune expérience de l'exploitation pétrolière en Afrique. Ignorant la géologie locale, ajoute-t-il, ‘elle exploitait des réserves à 800 mètres au-dessous de l’eau, avec une technologie coûteuse qu’elle ne maîtrisait vraiment pas’. En Mauritanie, beaucoup d’observateurs accusent Woodside d’avoir surestimé sa capacité de production. ‘Des études sismiques sérieuses auraient pu édifier les autorités sur les réserves pétrolières dès l’exploitation du champ offshore de Chinguitti (à 80 km au large de Nouakchott, Ndlr) et leur éviter ainsi de faire miroiter à tous que le pétrole existait en quantité commercialement rentable’, critique A. Fall, un agent de l’administration publique.
Au mois de mai dernier déjà, dans sa déclaration de politique générale, le Premier ministre, Zeine O. Zeidane, avait tenu le langage de la vérité à ses compatriotes en annonçant, pour l'exercice 2007-2008, un déficit budgétaire de 30 milliards d’ouguiyas (82 millions €) dont 13 (35,6 millions €) dus à la chute des exportations du pétrole. ‘Les projections de l’opérateur étaient erronées !’, fulmine un spécialiste. En dessous de 20 000 barils/j, explique-t-il, Woodside s’est planté, entraînant avec lui l’espoir de tout un peuple. Une grande majorité de Mauritaniens partagent, en effet, sa déception.
L'amélioration tant attendue de leurs conditions de vie, grâce au pétrole, n’a pas eu lieu. ‘Il faut rester lucide : l’histoire du pétrole n'a été qu'un grand tapage médiatique. Rien dans ma vie n’a changé. Je gagne toujours pareil…’, lance Alioune O. Ahmed Salem, la trentaine. Il appartient à cette catégorie de travailleurs du privé qui n’ont pas été augmentés contrairement aux 40 000 bas salaires de la fonction publique, qui, eux, ont bénéficié d'une augmentation de 50 % en janvier 2006 et 2007. Mohamed O. Abdellahi, secrétaire général de la Cgtm, la puissante centrale syndicale, estime que tous les fonctionnaires n’ont pas été logés à la même enseigne et regrette, lui aussi, que le secteur privé n’ait pas eu les mêmes augmentations.
Malgré leurs désillusions, les Mauritaniens se prennent encore à rêver à l’exploitation de nouveaux gisements offshore, notamment dans les champs Thiof et Penda, non loin de celui de Chinguitti. Et l’exploration onshore (sur le continent) bat son plein avec un consortium franco-chinois dans le bassin de Taoudeni, qui s'étend au nord du pays et au Mali. L’aventure pétrolière continue.
Jedna DEIDA
Source: walffadjri
(M)