Ce que l'on voit d'abord, ce ne sont pas les gants noirs qui protègent ses mains, ni la minerve transparente qui soutient son menton, ni cette posture un peu raide qu'elle a, même assise. Non, ce qui attire d'abord, c'est son regard. D'une intensité à donner le vertige. Mama Galledou, âgée de 27 ans, est une miraculée. Pour la première fois, ce jeudi 20 septembre, à quelques jours du procès de ses agresseurs, elle accepte de parler à la presse. "Pourquoi ont-ils fait ça ? Ils n'ont pas d'excuse. Je souhaite que justice soit faite", dit-elle d'une voix lente.
Il y a presque un an, le 28 octobre 2006, elle était assise à l'arrière du bus 32, qui dessert le nord de Marseille, quand une bande de garçons - tous mineurs au moment des faits - ont volontairement mis le feu au véhicule, blessant très grièvement la jeune femme. Deux d'entre eux comparaîtront, à partir du 25 septembre, devant le tribunal pour enfants de la cité phocéenne. Brûlée à plus de 60 %, Mama Galledou a déjà subi plusieurs greffes, mais son état exige un traitement et des soins permanents qui devront se poursuivre durant de longs mois.
"Aller au procès ou pas ? Jusqu'au dernier moment, je vais hésiter. Je ne sais pas si ce procès peut m'aider à tourner la page ou s'il va, au contraire, me fragiliser", songe à voix haute la jeune femme. C'est dans le cabinet de Me Alain Molla, son avocat, et en présence de celui-ci, qu'elle a décidé de recevoir les représentants des quotidiens La Provence et Le Monde. Son père et sa soeur cadette l'accompagnent. Mama Galledou craint les médias, les photographes et les caméras, en particulier, plus encore que le soleil.
COURRIER INNOMBRABLE
Quand on lui demande comment elle a trouvé la force de tenir, de se reconstruire, elle esquisse un sourire amer, qui vite, se mue en larmes. "Est-ce que je suis reconstruite ?", lâche-t-elle, bouleversée. L'interview s'interrompt pendant quelques minutes, le temps que la blessée retrouve un peu de calme. "Je vais essayer de vivre", reprend-elle, incertaine. "Tu vas vivre !", l'admoneste sa soeur.
Parfois, au cours de la discussion, les deux filles partent dans un fou rire - dont elles seules ont la clé. La jeune femme, peu à peu, se détend. Ses proches, ses parents, comme ses deux soeurs et son frère, tiennent auprès d'elle un rôle primordial, "vital", dit-elle. "Ils ne réagissent pas par rapport à ce qui s'est passé. Ils font comme si j'étais normale, ils font comme d'habitude. Et ça m'aide", explique la jeune femme. Pourtant, Dieu sait combien elle sent, douloureusement, dans chaque geste, chaque mouvement, le gouffre qui sépare sa vie "d'avant" et celle d'aujourd'hui. Le seul fait de tourner la tête représente un effort. Marcher normalement lui est impossible - "J'arrive à mettre un pied devant l'autre, c'est tout".
Ce qui lui donne la force de s'acharner ? "Je crois en Dieu", répond-elle simplement. A ce courage, qui n'est qu'à elle, s'ajoute le courrier, innombrable, qu'elle reçoit tous les jours : "Ce sont des gens que je ne connais pas, qui m'écrivent et qui m'encouragent - cela aussi, ça m'aide." Les lettres viennent de France, de toute l'Europe, des Etats-Unis et "même de Thaïlande". Sa gratitude va aussi au personnel médical et aux malades qu'elle a croisés - parmi lesquels elle a découvert des personnes "formidables".
Les épreuves qu'elle traverse ne l'ont ni endurcie, ni affaiblie. "Il y a beaucoup de choses qu'à présent je trouve futiles. D'autres, au contraire, qui me semblent extrêmement importantes", essaye-t-elle d'expliquer. Lesquelles ? "Prenez l'expression "être bien dans sa peau" : je pense à celui qui l'a inventée... C'est d'une telle justesse", soupire Mama. "Et encore, heureusement que j'ai gardé intact mon visage !", ajoute-t-elle.
Le père de Mama, assis à côté d'elle, écoute attentivement. Professeur de chimie à l'université de Dakar (Sénégal), il a pris une année sabbatique, afin de venir en France et demeurer auprès de sa fille. Son épouse, inspectrice dans l'enseignement, a fait de même. "Que la vérité soit faite : c'est cela que nous attendons du procès. Nous faisons confiance à la justice", souligne-t-il. Quant à Mama, prévient-il, elle surtout "besoin de calme".
Auteur: Catherine Simon
Note avomm: Mama Gallédou est la niéce de notre camarade Ousmane Diagana , nous partageons sa douleur et celle de sa famille
Il y a presque un an, le 28 octobre 2006, elle était assise à l'arrière du bus 32, qui dessert le nord de Marseille, quand une bande de garçons - tous mineurs au moment des faits - ont volontairement mis le feu au véhicule, blessant très grièvement la jeune femme. Deux d'entre eux comparaîtront, à partir du 25 septembre, devant le tribunal pour enfants de la cité phocéenne. Brûlée à plus de 60 %, Mama Galledou a déjà subi plusieurs greffes, mais son état exige un traitement et des soins permanents qui devront se poursuivre durant de longs mois.
"Aller au procès ou pas ? Jusqu'au dernier moment, je vais hésiter. Je ne sais pas si ce procès peut m'aider à tourner la page ou s'il va, au contraire, me fragiliser", songe à voix haute la jeune femme. C'est dans le cabinet de Me Alain Molla, son avocat, et en présence de celui-ci, qu'elle a décidé de recevoir les représentants des quotidiens La Provence et Le Monde. Son père et sa soeur cadette l'accompagnent. Mama Galledou craint les médias, les photographes et les caméras, en particulier, plus encore que le soleil.
COURRIER INNOMBRABLE
Quand on lui demande comment elle a trouvé la force de tenir, de se reconstruire, elle esquisse un sourire amer, qui vite, se mue en larmes. "Est-ce que je suis reconstruite ?", lâche-t-elle, bouleversée. L'interview s'interrompt pendant quelques minutes, le temps que la blessée retrouve un peu de calme. "Je vais essayer de vivre", reprend-elle, incertaine. "Tu vas vivre !", l'admoneste sa soeur.
Parfois, au cours de la discussion, les deux filles partent dans un fou rire - dont elles seules ont la clé. La jeune femme, peu à peu, se détend. Ses proches, ses parents, comme ses deux soeurs et son frère, tiennent auprès d'elle un rôle primordial, "vital", dit-elle. "Ils ne réagissent pas par rapport à ce qui s'est passé. Ils font comme si j'étais normale, ils font comme d'habitude. Et ça m'aide", explique la jeune femme. Pourtant, Dieu sait combien elle sent, douloureusement, dans chaque geste, chaque mouvement, le gouffre qui sépare sa vie "d'avant" et celle d'aujourd'hui. Le seul fait de tourner la tête représente un effort. Marcher normalement lui est impossible - "J'arrive à mettre un pied devant l'autre, c'est tout".
Ce qui lui donne la force de s'acharner ? "Je crois en Dieu", répond-elle simplement. A ce courage, qui n'est qu'à elle, s'ajoute le courrier, innombrable, qu'elle reçoit tous les jours : "Ce sont des gens que je ne connais pas, qui m'écrivent et qui m'encouragent - cela aussi, ça m'aide." Les lettres viennent de France, de toute l'Europe, des Etats-Unis et "même de Thaïlande". Sa gratitude va aussi au personnel médical et aux malades qu'elle a croisés - parmi lesquels elle a découvert des personnes "formidables".
Les épreuves qu'elle traverse ne l'ont ni endurcie, ni affaiblie. "Il y a beaucoup de choses qu'à présent je trouve futiles. D'autres, au contraire, qui me semblent extrêmement importantes", essaye-t-elle d'expliquer. Lesquelles ? "Prenez l'expression "être bien dans sa peau" : je pense à celui qui l'a inventée... C'est d'une telle justesse", soupire Mama. "Et encore, heureusement que j'ai gardé intact mon visage !", ajoute-t-elle.
Le père de Mama, assis à côté d'elle, écoute attentivement. Professeur de chimie à l'université de Dakar (Sénégal), il a pris une année sabbatique, afin de venir en France et demeurer auprès de sa fille. Son épouse, inspectrice dans l'enseignement, a fait de même. "Que la vérité soit faite : c'est cela que nous attendons du procès. Nous faisons confiance à la justice", souligne-t-il. Quant à Mama, prévient-il, elle surtout "besoin de calme".
Auteur: Catherine Simon
Note avomm: Mama Gallédou est la niéce de notre camarade Ousmane Diagana , nous partageons sa douleur et celle de sa famille