Avril 1989- avril 2012. Nouakchott frémit et la Mauritanie retient son souffle. Sous prétexte d’imposer un titre de résidence aux étrangers de Mauritanie - une action somme toute normale- les autorités improvisent une opération qui ravive des plaies à peine cicatrisées. Qu’un Etat cherche à tracer tous les citoyens vivants sur son sol est une action qui, en temps ordinaires, n’est pas de nature à susciter la polémique. Mais les conditions dans lesquelles la décision tombe interpellent à plus d’un titre.
D’abord, la précipitation avec laquelle la décision est appliquée. A peine les critères de résidence sont-ils connus des étrangers que les expulsions sont lancées. Ni répit ni grâce. Comme si l’objectif était plus de sanctionner que de donner aux concernés le temps et l’opportunité de se conformer aux nouvelles règles.
Ensuite, il est loin le temps où l’homme fort de Nouakchott jouait des muscles pour se poser en rempart contre la gabegie et le terrorisme. Sur le premier plan, les scandales qui émaillent la vie nationale sèment le doute sur le caractère juste et impartial des opérations « mains propres » menées au gré des… humeurs et des agendas politiques. Sur le second plan, après plusieurs attentats et incursions d’AQMI sur le territoire national, on a moins fière allure. Même après des sorties ponctuelles hors de nos frontières, que ce soit pour attaquer des terroristes dans la forêt de Wagadou ou pour, supposition ou réalité, soutenir la rébellion Touareg avec comme calcul, en faire un tampon entre notre pays et AQMI. Maintenant que le monde entier a découvert que les jihadistes marchent avec le MNLA (au moins à Gao et à Tombouctou), nos plans s’écroulent comme des châteaux de cartes. Les places que notre pays va libérer en jetant dehors les étrangers ne seront pas assez pour accueillir les dizaines de milliers de réfugiés maliens qui ont passé nos frontières alors que la famine fait des ravages dans un silence scandaleux.
Enfin, sur le front politique intérieur, M. Ould Abdel Aziz fait face à une mobilisation qui, si elle semble peiner à se massifier, n’en présente pas moins un potentiel de danger important : grèves à l’Université, manifestations à l’Institut Islamique, mobilisation contre un recensement qui exclut une partie des populations nationales, marches de l’opposition, déclaration des érudits musulmans comme Cheikh Dedew appelant –dans des termes à peine voilés- à emboiter le pas aux révolutions arabes, IRA et ses alliés qui en appellent à un Conseil National de Transition à l’image de la Libye et de la Syrie, Moustapha Ould Chafi qui veille … D’où viendra l’étincelle qui mettra le feu aux poudres ?
Devant des lendemains aussi incertains, quel meilleur joker que l’étranger ? Quel meilleur ciment que la xénophobie et tout ce qu’elle charrie de haine et d’exhalations nauséabondes ? Ah ces bons étrangers qu’on ne saurait voir ! Il est des signes qui ne trompent pas. Ainsi de la ritournelle de la menace extérieure ou du cancer des étrangers. Chaque fois qu’un régime brandit l’un quelconque de ces deux arguments, c’est qu’il est en mauvaise posture. Le régime de M. Mohamed Ould Abdel Aziz aurait-il mangé son pain blanc ? Au point de ne trouver d’autre excuse que de jeter en pâture les hôtes étrangers parmi nous ?
Autre signe inquiétant : dans plusieurs salons, on entend dire que le nouveau président Sénégalais Macky Sall était dans le gouvernement qui avait organisé le massacre des Mauritaniens au Sénégal en 1989. M. Sall n’était alors même pas membre du PDS mais de And Jëf/PADS qu’il ne quittera qu’en 1990 pour le parti de Me Wade. Ce dernier n’arrivera au pouvoir qu’en 2000, si l’on excepte une participation à des Gouvernements de Majorité Présidentielle Elargie à compter de 1991. Sans Macky Sall.
Tout dernier détail –mais de taille-, en 2000, suite à l’accession au pouvoir de Me Abdoulaye Wade, M. Ould Taya avait donné 48 h aux ressortissants Sénégalais pour quitter la Mauritanie. Coïncidence : 12 ans après, le scenario des mauvais polars reprend sous M. Ould Abdel Aziz après l’élection de Macky Sall. A la cérémonie d’investiture, on pouvait voir le président mauritanien murmurer quelque chose à l’oreille de son tout nouveau homologue sénégalais. Quelque chose du genre « je vais bientôt t’envoyer un cadeau de bienvenue » ou « Je veux vraiment savoir qu’est devenue la maison où j’ai vécu mes années d’enfance à Louga, que d’aucuns disent être ma ville natale » ?
Il ne manquerait plus à ce mélange hétéroclite qu’un liant pour faire craindre le pire. Et savez-vous quelle est la nationalité des centaines d’étrangers expulsés de Mauritanie ces derniers jours ? Je vous le donne en mille : Sénégalaise. Cette décision semble obéir à un agenda –politicien- caché. M. Ould Abdel Aziz ouvre la chasse aux étrangers. En attendant le pire, les nationalistes semblent s'en féliciter et fourbissent leurs armes. Et jusqu’ici, aucun Mauritanien n’a été expulsé du Sénégal. C’est bon à savoir pour la chronologie.
Mais autres temps autres mœurs. Les harratines (M. Ould Dah le rappelait encore récemment) ne seront plus abusés. La majorité des Mauritaniens ne se contentera plus de se calfeutrer dans un silence fut-il désapprobateur. Les Mauritaniens ont compris et se sont mobilisés depuis plusieurs années pour réparer le mal fait, avant tout, à d’autres Mauritaniens sous prétexte de régler un conflit international. Ce combat a des acquis, un legs, un héritage, un fonds de commerce (oui) que les Mauritaniens ne laisseront pas dilapider sans réagir. Que les apprentis-sorciers se le tiennent pour dit.
Abdoulaye DIAGANA
Source: Kassataya
D’abord, la précipitation avec laquelle la décision est appliquée. A peine les critères de résidence sont-ils connus des étrangers que les expulsions sont lancées. Ni répit ni grâce. Comme si l’objectif était plus de sanctionner que de donner aux concernés le temps et l’opportunité de se conformer aux nouvelles règles.
Ensuite, il est loin le temps où l’homme fort de Nouakchott jouait des muscles pour se poser en rempart contre la gabegie et le terrorisme. Sur le premier plan, les scandales qui émaillent la vie nationale sèment le doute sur le caractère juste et impartial des opérations « mains propres » menées au gré des… humeurs et des agendas politiques. Sur le second plan, après plusieurs attentats et incursions d’AQMI sur le territoire national, on a moins fière allure. Même après des sorties ponctuelles hors de nos frontières, que ce soit pour attaquer des terroristes dans la forêt de Wagadou ou pour, supposition ou réalité, soutenir la rébellion Touareg avec comme calcul, en faire un tampon entre notre pays et AQMI. Maintenant que le monde entier a découvert que les jihadistes marchent avec le MNLA (au moins à Gao et à Tombouctou), nos plans s’écroulent comme des châteaux de cartes. Les places que notre pays va libérer en jetant dehors les étrangers ne seront pas assez pour accueillir les dizaines de milliers de réfugiés maliens qui ont passé nos frontières alors que la famine fait des ravages dans un silence scandaleux.
Enfin, sur le front politique intérieur, M. Ould Abdel Aziz fait face à une mobilisation qui, si elle semble peiner à se massifier, n’en présente pas moins un potentiel de danger important : grèves à l’Université, manifestations à l’Institut Islamique, mobilisation contre un recensement qui exclut une partie des populations nationales, marches de l’opposition, déclaration des érudits musulmans comme Cheikh Dedew appelant –dans des termes à peine voilés- à emboiter le pas aux révolutions arabes, IRA et ses alliés qui en appellent à un Conseil National de Transition à l’image de la Libye et de la Syrie, Moustapha Ould Chafi qui veille … D’où viendra l’étincelle qui mettra le feu aux poudres ?
Devant des lendemains aussi incertains, quel meilleur joker que l’étranger ? Quel meilleur ciment que la xénophobie et tout ce qu’elle charrie de haine et d’exhalations nauséabondes ? Ah ces bons étrangers qu’on ne saurait voir ! Il est des signes qui ne trompent pas. Ainsi de la ritournelle de la menace extérieure ou du cancer des étrangers. Chaque fois qu’un régime brandit l’un quelconque de ces deux arguments, c’est qu’il est en mauvaise posture. Le régime de M. Mohamed Ould Abdel Aziz aurait-il mangé son pain blanc ? Au point de ne trouver d’autre excuse que de jeter en pâture les hôtes étrangers parmi nous ?
Autre signe inquiétant : dans plusieurs salons, on entend dire que le nouveau président Sénégalais Macky Sall était dans le gouvernement qui avait organisé le massacre des Mauritaniens au Sénégal en 1989. M. Sall n’était alors même pas membre du PDS mais de And Jëf/PADS qu’il ne quittera qu’en 1990 pour le parti de Me Wade. Ce dernier n’arrivera au pouvoir qu’en 2000, si l’on excepte une participation à des Gouvernements de Majorité Présidentielle Elargie à compter de 1991. Sans Macky Sall.
Tout dernier détail –mais de taille-, en 2000, suite à l’accession au pouvoir de Me Abdoulaye Wade, M. Ould Taya avait donné 48 h aux ressortissants Sénégalais pour quitter la Mauritanie. Coïncidence : 12 ans après, le scenario des mauvais polars reprend sous M. Ould Abdel Aziz après l’élection de Macky Sall. A la cérémonie d’investiture, on pouvait voir le président mauritanien murmurer quelque chose à l’oreille de son tout nouveau homologue sénégalais. Quelque chose du genre « je vais bientôt t’envoyer un cadeau de bienvenue » ou « Je veux vraiment savoir qu’est devenue la maison où j’ai vécu mes années d’enfance à Louga, que d’aucuns disent être ma ville natale » ?
Il ne manquerait plus à ce mélange hétéroclite qu’un liant pour faire craindre le pire. Et savez-vous quelle est la nationalité des centaines d’étrangers expulsés de Mauritanie ces derniers jours ? Je vous le donne en mille : Sénégalaise. Cette décision semble obéir à un agenda –politicien- caché. M. Ould Abdel Aziz ouvre la chasse aux étrangers. En attendant le pire, les nationalistes semblent s'en féliciter et fourbissent leurs armes. Et jusqu’ici, aucun Mauritanien n’a été expulsé du Sénégal. C’est bon à savoir pour la chronologie.
Mais autres temps autres mœurs. Les harratines (M. Ould Dah le rappelait encore récemment) ne seront plus abusés. La majorité des Mauritaniens ne se contentera plus de se calfeutrer dans un silence fut-il désapprobateur. Les Mauritaniens ont compris et se sont mobilisés depuis plusieurs années pour réparer le mal fait, avant tout, à d’autres Mauritaniens sous prétexte de régler un conflit international. Ce combat a des acquis, un legs, un héritage, un fonds de commerce (oui) que les Mauritaniens ne laisseront pas dilapider sans réagir. Que les apprentis-sorciers se le tiennent pour dit.
Abdoulaye DIAGANA
Source: Kassataya