Photo : Manon Rivière/RFI
Le forum national de concertation sur les réfugiés se tiendra le 15 novembre. L’occasion pour les autorités de présenter leur plan de réinsertion. Selon le Haut commissariat aux réfugiés, 34 000 Mauritaniens vivent encore en exil au Mali et au Sénégal suite à leur expulsion en 1989. Le HCR devrait pouvoir en rapatrier 2 000 cette année
De notre envoyée spéciale à Rosso, Manon Rivière
« Il parait que certains veulent rentrer, mais nous, on ne sait pas vraiment, on n’a pas d’information. En tous cas, celui qui voudra revenir ici sera le bienvenu ! » Mohamed Lemine ould Mohamed est le chef d’arrondissement de Jidrel Mohguen. Accessible par une piste cahoteuse, cette localité se situe à une trentaine de kilomètres de Rosso, sur la rive mauritanienne du fleuve Sénégal. Ce jour-là, Mohamed Lemine reçoit pour la première fois la visite d’une équipe du HCR, venue lui poser quelques questions : combien de familles veulent rentrer à Jidrel Mohguen ? Combien sont déjà rentrées ? Que vont-ils retrouver ici ? Que sont devenus leurs biens ? « Nous essayons de rencontrer les autorités administratives et communales de chaque village, ainsi que toutes les personnes ressources susceptibles de nous aider, explique Habib Thiam, assistant de programme auprès du bureau du HCR de Rosso. L’objectif est de dresser la liste des infrastructures existantes dans chaque localité, au niveau de l’accès à l’eau, des écoles ou encore des postes de santé. « Globalement, les gens nous accueillent bien et comprennent ce que l’on fait. Le plus dur, c’est d’obtenir des informations chiffrées concernant le nombre de candidats au retour ».
2 000 rapatriés prévus pour 2007
Selon le recensement mené en août par le Haut commissariat aux réfugiés au Sénégal, 12 600 réfugiés ont émis le souhait de rentrer au plus vite au pays. « Compte tenu des moyens actuellement mobilisés et des infrastructures d’accueil sur le sol mauritanien, nous sommes en mesure d’en rapatrier déjà 2 000 avant la fin de l’année, précise Didier Laye, le représentant du HCR en Mauritanie. Depuis le 1er octobre, le Haut commissariat s’appuie sur deux antennes délocalisées en région, à la frontière sénégalaise. Une à Rosso et l’autre à Kaédi, plus en amont du fleuve. Concernant les aspects purement logistiques, un partenariat a été signé avec l’ALPD, l’association mauritanienne de lutte contre la pauvreté et le sous-développement. « Chaque bureau des Nations unies est piloté par un chef d’antenne, assisté de deux collaborateurs nationaux et de deux internationaux », explique encore Didier Laye. Allemande, la chef d’antenne de Rosso compte parmi ses collègues une Ethiopienne et un Tunisien. L’arabe et le français sont parlés dans chaque bureau. Le staff mauritanien maîtrisant également les langues nationales. « Je parle le français, mais aussi le hassaniya, le pular et le wolof, détaille Habib Thiam. C’est capital pour ce genre de mission. »
Espoirs et incertitudes
Dans une ruelle ensablée du village de Jidrel Mohguen, allongé sur une natte à l’ombre des arbres, Moussa Lô se repose. Ce vieux pêcheur-cultivateur de 78 ans a été chassé avec sa famille vers le Sénégal lors des événements de 1989, cette répression orchestrée par les autorités de l’époque contre les communautés noires. Resté quatre ans de l’autre côté du fleuve, il a rejoint la Mauritanie en 1993. Profitant du passage du HCR devant sa maison, il ose quelques questions. « Moi j’ai perdu mes champs, mes outils agricoles, mais aussi mes pirogues à moteur. Est-ce que le HCR va me rembourser mes biens volés en 1989 ? ».
Pédagogue et à l’écoute, la chef d’antenne du bureau de Rosso, Katharina Thote, recueille les doléances des habitants dans un petit carnet de note. « Ce qui est sûr, c’est que nous allons aider les réfugiés à revenir et à se réinsérer, explique-t-elle calmement. En ce qui concerne les compensations octroyées à ceux qui sont rentrés de leur plein gré dans les années 90, c’est au gouvernement de se prononcer. » Haut fonctionnaire déporté en 1989, Malick Thiam a passé sept ans sur la rive sénégalaise du fleuve, à Richard Toll. Aujourd’hui, il s’implique dans le recensement des réfugiés rentrés spontanément au pays. « Vous voyez, nous avons établi des listes précises au cours des mois d’août et de septembre. Il y a le nom de la personne, son numéro de carte de réfugié et le détail des biens perdus. Nous espérons que notre travail sera pris en compte et que nous serons indemnisés ». Selon les chiffres de Malick Thiam, 2 000 familles mauritaniennes ont déjà rejoint la région du Trarza au cours des dix dernières années.
Priorité nationale
Rentrés entre 1996 et 1998 dans le cadre du PSIR, le Programme Spécial d’Insertion Rapide, ces « ex-réfugiés » n’ont généralement pas récupéré ce qui leur appartenait. Ils craignent d’être à nouveau exclus du processus de réinsertion. « Moi, j’avais 60 hectares avant mon expulsion vers le Sénégal, se rappelle Amadou Hamady Bâ, le chef du village de Toulel, situé à quelques kilomètres de Rosso. A mon retour en Mauritanie, je n’ai récupéré que 25 hectares, le reste est toujours entre les mains de cultivateurs maures. C’est bien si l’on donne des maisons et des champs aux exilés qui vont bientôt rentrer, mais moi aussi je veux récupérer mes biens ! ».
Malgré le consensus national qui s’est dégagé autour de la question des réfugiés -définie comme une priorité par le chef de l’Etat mauritanien-, les crispations entre communautés peinent à disparaître. La région du Trarza ne fait pas exception. « Globalement, le clivage entre Noirs et Maures reste très fort, confie un journaliste local. D’autant que ceux qui ont commis les exactions voient le retour des déportés comme une humiliation. » Confiantes, les autorités estiment que les opérations de rapatriement pourraient durer 6 à 8 mois. Le travail de réinsertion des réfugiés devrait lui s’étaler sur deux à trois ans.
Source: RFI
(M)
De notre envoyée spéciale à Rosso, Manon Rivière
« Il parait que certains veulent rentrer, mais nous, on ne sait pas vraiment, on n’a pas d’information. En tous cas, celui qui voudra revenir ici sera le bienvenu ! » Mohamed Lemine ould Mohamed est le chef d’arrondissement de Jidrel Mohguen. Accessible par une piste cahoteuse, cette localité se situe à une trentaine de kilomètres de Rosso, sur la rive mauritanienne du fleuve Sénégal. Ce jour-là, Mohamed Lemine reçoit pour la première fois la visite d’une équipe du HCR, venue lui poser quelques questions : combien de familles veulent rentrer à Jidrel Mohguen ? Combien sont déjà rentrées ? Que vont-ils retrouver ici ? Que sont devenus leurs biens ? « Nous essayons de rencontrer les autorités administratives et communales de chaque village, ainsi que toutes les personnes ressources susceptibles de nous aider, explique Habib Thiam, assistant de programme auprès du bureau du HCR de Rosso. L’objectif est de dresser la liste des infrastructures existantes dans chaque localité, au niveau de l’accès à l’eau, des écoles ou encore des postes de santé. « Globalement, les gens nous accueillent bien et comprennent ce que l’on fait. Le plus dur, c’est d’obtenir des informations chiffrées concernant le nombre de candidats au retour ».
2 000 rapatriés prévus pour 2007
Selon le recensement mené en août par le Haut commissariat aux réfugiés au Sénégal, 12 600 réfugiés ont émis le souhait de rentrer au plus vite au pays. « Compte tenu des moyens actuellement mobilisés et des infrastructures d’accueil sur le sol mauritanien, nous sommes en mesure d’en rapatrier déjà 2 000 avant la fin de l’année, précise Didier Laye, le représentant du HCR en Mauritanie. Depuis le 1er octobre, le Haut commissariat s’appuie sur deux antennes délocalisées en région, à la frontière sénégalaise. Une à Rosso et l’autre à Kaédi, plus en amont du fleuve. Concernant les aspects purement logistiques, un partenariat a été signé avec l’ALPD, l’association mauritanienne de lutte contre la pauvreté et le sous-développement. « Chaque bureau des Nations unies est piloté par un chef d’antenne, assisté de deux collaborateurs nationaux et de deux internationaux », explique encore Didier Laye. Allemande, la chef d’antenne de Rosso compte parmi ses collègues une Ethiopienne et un Tunisien. L’arabe et le français sont parlés dans chaque bureau. Le staff mauritanien maîtrisant également les langues nationales. « Je parle le français, mais aussi le hassaniya, le pular et le wolof, détaille Habib Thiam. C’est capital pour ce genre de mission. »
Espoirs et incertitudes
Dans une ruelle ensablée du village de Jidrel Mohguen, allongé sur une natte à l’ombre des arbres, Moussa Lô se repose. Ce vieux pêcheur-cultivateur de 78 ans a été chassé avec sa famille vers le Sénégal lors des événements de 1989, cette répression orchestrée par les autorités de l’époque contre les communautés noires. Resté quatre ans de l’autre côté du fleuve, il a rejoint la Mauritanie en 1993. Profitant du passage du HCR devant sa maison, il ose quelques questions. « Moi j’ai perdu mes champs, mes outils agricoles, mais aussi mes pirogues à moteur. Est-ce que le HCR va me rembourser mes biens volés en 1989 ? ».
Pédagogue et à l’écoute, la chef d’antenne du bureau de Rosso, Katharina Thote, recueille les doléances des habitants dans un petit carnet de note. « Ce qui est sûr, c’est que nous allons aider les réfugiés à revenir et à se réinsérer, explique-t-elle calmement. En ce qui concerne les compensations octroyées à ceux qui sont rentrés de leur plein gré dans les années 90, c’est au gouvernement de se prononcer. » Haut fonctionnaire déporté en 1989, Malick Thiam a passé sept ans sur la rive sénégalaise du fleuve, à Richard Toll. Aujourd’hui, il s’implique dans le recensement des réfugiés rentrés spontanément au pays. « Vous voyez, nous avons établi des listes précises au cours des mois d’août et de septembre. Il y a le nom de la personne, son numéro de carte de réfugié et le détail des biens perdus. Nous espérons que notre travail sera pris en compte et que nous serons indemnisés ». Selon les chiffres de Malick Thiam, 2 000 familles mauritaniennes ont déjà rejoint la région du Trarza au cours des dix dernières années.
Priorité nationale
Rentrés entre 1996 et 1998 dans le cadre du PSIR, le Programme Spécial d’Insertion Rapide, ces « ex-réfugiés » n’ont généralement pas récupéré ce qui leur appartenait. Ils craignent d’être à nouveau exclus du processus de réinsertion. « Moi, j’avais 60 hectares avant mon expulsion vers le Sénégal, se rappelle Amadou Hamady Bâ, le chef du village de Toulel, situé à quelques kilomètres de Rosso. A mon retour en Mauritanie, je n’ai récupéré que 25 hectares, le reste est toujours entre les mains de cultivateurs maures. C’est bien si l’on donne des maisons et des champs aux exilés qui vont bientôt rentrer, mais moi aussi je veux récupérer mes biens ! ».
Malgré le consensus national qui s’est dégagé autour de la question des réfugiés -définie comme une priorité par le chef de l’Etat mauritanien-, les crispations entre communautés peinent à disparaître. La région du Trarza ne fait pas exception. « Globalement, le clivage entre Noirs et Maures reste très fort, confie un journaliste local. D’autant que ceux qui ont commis les exactions voient le retour des déportés comme une humiliation. » Confiantes, les autorités estiment que les opérations de rapatriement pourraient durer 6 à 8 mois. Le travail de réinsertion des réfugiés devrait lui s’étaler sur deux à trois ans.
Source: RFI
(M)