Sur la route entre Boulanouar et Nouadhibou, dans le nord-est mauritanien
Il y a près de trente ans, la Mauritanie se retirait du conflit du Sahara occidental, qui opposait le Front Polisario aux autorités marocaines et mauritaniennes. Aujourd’hui, toute la frontière nord du pays reste truffée de mines antipersonnelles et anti-char. Depuis la signature de la convention d’Ottawa, en 2000, le programme national de déminage humanitaire est chargé de nettoyer les zones et de sensibiliser les populations. La France vient d’ailleurs d’accorder une aide de 200 000 dollars à la Mauritanie pour la lutte anti-mines, via le système des Nations unies.
« C’était derrière la ville de Boulanouar, en 2000. Je courais derrière des chameaux avec d’autres jeunes quand la mine a explosé. On n’avait pas conscience du danger ».
Sidati ould Ahmed Salem raconte son histoire d’une voix douce, sans haine. Il a pourtant perdu son bras gauche et a eu la jambe si abîmée qu’il doit utiliser une prothèse pour continuer à se déplacer. « Aujourd’hui, la seule chose que je demande, c’est un remplacement de mon appareillage. Ma prothèse a été fabriquée en Espagne et elle n’a pas été changée depuis sept ans ».
Souvenirs tenaces du conflit du Sahara, duquel la Mauritanie s’est retirée en 1979, les mines antipersonnelles et anti-char suivent implacablement le tracé de la frontière nord du pays. Les zones minées se trouvent surtout le long de l’unique voie ferrée, qui relie Zouérat à Nouadhibou, plus précisément entre les rails et la frontière marocaine, située à quelques kilomètres de là. L’entrée de la presqu’île de Nouadhibou est considérée comme une zone très sensible, au même titre que la ville septentrionale de Bir Moghrein.
« D’après l’étude sur l’impact des mines, que nous avons réalisée au cours des trois derniers mois de 2006 avec le bureau national de déminage, la surface minée est estimée à 76 km² dans le nord de la Mauritanie », explique Jim Sawatsky, le conseiller technique principal du PNUD chargé du déminage. « Il s’agit d’une étude empirique, basée sur le savoir des populations, et qui va ensuite permettre aux autorités de déployer des démineurs dans les zones à haut risque ».
Attention, terrain miné !
Les nomades de la zone vivent depuis toujours avec la peur des mines. Il s’avère pourtant bien difficile de déterminer si une zone suspecte est réellement infestée ou s’il s’agit de rumeurs relevant du fantasme. « Un jour tu viens, tu vois les mines. Mais le lendemain, tu reviens et là, il n’y a plus rien parce que le vent a apporté du sable qui a tout recouvert », raconte aussi Mohamed Salem ould Bacar, un chef de village au front ridé et à la barbe grisonnante. En janvier 2005, son fils a perdu un pied et l’usage de ses yeux dans l’explosion d’une mine au passage de sa voiture.
Entre Boulanouar et Nouadhibou, de grands panneaux bilingues mettent en garde les habitants et les touristes. Des plots rouge et blanc, ornés du symbole explicite de la tête de mort, jalonnent les dunes, le long de la route.
Mais cela n’empêche pas les accidents. « Au début de l’année, un véhicule transportant deux touristes français sexagénaires a sauté sur plusieurs mines, près du poste frontière, rappelle le consul de France à Nouadhibou. Un des passagers a été tué sur le coup. Apparemment, ils ignoraient totalement le danger ».
Pourtant, grâce aux campagnes de sensibilisation menées auprès des ONG et des enseignants, les populations locales semblent aujourd’hui mieux informées. Les nomades, qui avaient l’habitude de suivre leurs troupeaux et de franchir parfois la frontière avec le Maroc, seraient désormais plus disciplinés. « Les bergers sont bien mieux renseignés qu’avant », affirme le Lieutenant Colonel Alioune ould Mohamed el Hacen, le coordinateur du Programme National de Déminage Humanitaire pour le Développement. « Ils ne s’aventurent plus au-delà des frontières. Le bétail, peut-être, mais les hommes, non ».
Aide aux victimes
Pour la première fois cette année, le Programme National de Déminage et l’UNICEF entendent soutenir directement les victimes des mines. « Sur les 200 000 dollars donnés par la France, 50 000 vont nous revenir directement, explique Mohamed Lemine ould Ahmed Seyfer, de l’UNICEF à Nouakchott. Cette année, nous allons contribuer à l’appareillage des personnes amputées, en partenariat avec le Centre national de réhabilitation fonctionnelle. Nous allons aussi encourager les microprojets, afin de permettre une meilleure réinsertion socio-économique des victimes handicapées ».
La Mauritanie s’est fixé comme objectif « zéro mine en 2011 ». Un pari audacieux, mais indispensable pour assurer la sécurité des populations et soutenir le développement économique de la zone. « Regardez cette magnifique Baie de l’étoile, s’exclame encore le colonel Alioune ould Mohamed el Hacen, à mesure que l’on s’approche de l’entrée de la deuxième ville du pays. Avant, ici, c’était un champ de mines. Aujourd’hui on est en train d’y construire le plus grand hôtel de Nouadhibou, face à la mer ! ».
Correspondante à Nouakchott, Manon Rivière
Source: RFI
(M)
« C’était derrière la ville de Boulanouar, en 2000. Je courais derrière des chameaux avec d’autres jeunes quand la mine a explosé. On n’avait pas conscience du danger ».
Sidati ould Ahmed Salem raconte son histoire d’une voix douce, sans haine. Il a pourtant perdu son bras gauche et a eu la jambe si abîmée qu’il doit utiliser une prothèse pour continuer à se déplacer. « Aujourd’hui, la seule chose que je demande, c’est un remplacement de mon appareillage. Ma prothèse a été fabriquée en Espagne et elle n’a pas été changée depuis sept ans ».
Souvenirs tenaces du conflit du Sahara, duquel la Mauritanie s’est retirée en 1979, les mines antipersonnelles et anti-char suivent implacablement le tracé de la frontière nord du pays. Les zones minées se trouvent surtout le long de l’unique voie ferrée, qui relie Zouérat à Nouadhibou, plus précisément entre les rails et la frontière marocaine, située à quelques kilomètres de là. L’entrée de la presqu’île de Nouadhibou est considérée comme une zone très sensible, au même titre que la ville septentrionale de Bir Moghrein.
« D’après l’étude sur l’impact des mines, que nous avons réalisée au cours des trois derniers mois de 2006 avec le bureau national de déminage, la surface minée est estimée à 76 km² dans le nord de la Mauritanie », explique Jim Sawatsky, le conseiller technique principal du PNUD chargé du déminage. « Il s’agit d’une étude empirique, basée sur le savoir des populations, et qui va ensuite permettre aux autorités de déployer des démineurs dans les zones à haut risque ».
Attention, terrain miné !
Les nomades de la zone vivent depuis toujours avec la peur des mines. Il s’avère pourtant bien difficile de déterminer si une zone suspecte est réellement infestée ou s’il s’agit de rumeurs relevant du fantasme. « Un jour tu viens, tu vois les mines. Mais le lendemain, tu reviens et là, il n’y a plus rien parce que le vent a apporté du sable qui a tout recouvert », raconte aussi Mohamed Salem ould Bacar, un chef de village au front ridé et à la barbe grisonnante. En janvier 2005, son fils a perdu un pied et l’usage de ses yeux dans l’explosion d’une mine au passage de sa voiture.
Entre Boulanouar et Nouadhibou, de grands panneaux bilingues mettent en garde les habitants et les touristes. Des plots rouge et blanc, ornés du symbole explicite de la tête de mort, jalonnent les dunes, le long de la route.
Mais cela n’empêche pas les accidents. « Au début de l’année, un véhicule transportant deux touristes français sexagénaires a sauté sur plusieurs mines, près du poste frontière, rappelle le consul de France à Nouadhibou. Un des passagers a été tué sur le coup. Apparemment, ils ignoraient totalement le danger ».
Pourtant, grâce aux campagnes de sensibilisation menées auprès des ONG et des enseignants, les populations locales semblent aujourd’hui mieux informées. Les nomades, qui avaient l’habitude de suivre leurs troupeaux et de franchir parfois la frontière avec le Maroc, seraient désormais plus disciplinés. « Les bergers sont bien mieux renseignés qu’avant », affirme le Lieutenant Colonel Alioune ould Mohamed el Hacen, le coordinateur du Programme National de Déminage Humanitaire pour le Développement. « Ils ne s’aventurent plus au-delà des frontières. Le bétail, peut-être, mais les hommes, non ».
Aide aux victimes
Pour la première fois cette année, le Programme National de Déminage et l’UNICEF entendent soutenir directement les victimes des mines. « Sur les 200 000 dollars donnés par la France, 50 000 vont nous revenir directement, explique Mohamed Lemine ould Ahmed Seyfer, de l’UNICEF à Nouakchott. Cette année, nous allons contribuer à l’appareillage des personnes amputées, en partenariat avec le Centre national de réhabilitation fonctionnelle. Nous allons aussi encourager les microprojets, afin de permettre une meilleure réinsertion socio-économique des victimes handicapées ».
La Mauritanie s’est fixé comme objectif « zéro mine en 2011 ». Un pari audacieux, mais indispensable pour assurer la sécurité des populations et soutenir le développement économique de la zone. « Regardez cette magnifique Baie de l’étoile, s’exclame encore le colonel Alioune ould Mohamed el Hacen, à mesure que l’on s’approche de l’entrée de la deuxième ville du pays. Avant, ici, c’était un champ de mines. Aujourd’hui on est en train d’y construire le plus grand hôtel de Nouadhibou, face à la mer ! ».
Correspondante à Nouakchott, Manon Rivière
Source: RFI
(M)