Des embarcations en construction à Elinkine, au Sénégal
Tempêtes, rixes, suicides... La traversée des clandestins ouest-africains jusqu'à l'archipel espagnol des Canaries à bord d'embarcations de fortune est pleine de dangers, et nombreux sont ceux qui n'atteignent jamais l'Eldorado européen.
"Pendant les 10 jours de la traversée je n'ai pas dormi. On enlevait l'eau le jour et la nuit. Si on s'arrêtait c'était la mort", explique devant son atelier à Ziguinchor (Casamance, sud du Sénégal) Keba Sow, un menuisier de 31 ans parti en août 2006 de Guinée-Bissau pour l'Europe.
Transport de bois pour la construction de pirogues à Elinkine le 8 novembre 2007
Des cuisiniers préparaient une fois par jour du riz avec du poisson, "quand il n'y avait pas de tempête". Ils avaient aussi des biscuits dans leur pirogue, raconte-t-il.
Henri, un pêcheur de 41 ans, a, lui, échoué par deux fois à rejoindre l'Espagne, rebroussant chemin à la suite d'avaries. En attendant de repartir, il se souvient de la répartition des passagers à bord.
"Sur 100 personnes, 80 sont des Peulhs (une ethnie de bergers) qui ne connaissent rien à la mer. Ils se mettent à l'avant de la pirogue, sous la bâche, et ils ne bougent pas tellement ils ont peur", explique-t-il.
"Sous la bâche il fait chaud et ça pue. Certains font même leurs besoins dedans", se désole-t-il.
A l'arrière de la pirogue prennent place les capitaines (au moins deux par pirogues) et leur équipage, séparés du reste du bateau par les réserves d'eau, de nourriture et d'essence.
"Devant, on entend seulement des prières, mais derrière, on discute de la vie en Espagne et de nos projets. On prépare du thé aussi", poursuit Henri.
Un certain nombre de passagers effrayés ou malades ne survivent pas à la traversée. D'autres perdent la tête et tentent de plonger dans la mer.
"J'ai vu un de mes amis se jeter dans l'eau. Ce n'est pas facile", explique Keba Sow avant d'ajouter que quatre autres personnes se sont également suicidées de la sorte au cours du même voyage.
Ibrahim Tendeng, 25 ans, était à bord de la même pirogue. Il se souvient avoir dû attacher l'un de ses camarades qui voulait se précipiter dans l'océan. "Il y avait beaucoup de tempêtes, on était fatigué. Les gens se provoquaient à bord et certains disaient qu'on allait mourir", narre-t-il.
Le trajet d'Abdoulaye Ndiaye, un chômeur de 22 ans de Ziguinchor, a été encore plus cahotique. Sa pirogue "s'est ouverte à l'avant" au cours d'une tempête, et des clans se sont formés à bord pour savoir s'il fallait continuer ou demander de l'aide à un navire passant au loin.
Après la tempête, "on a bricolé la pirogue", mais de plus en plus d'eau entrait et "on écopait l'eau toute la journée", se souvient-il. "Quand on a vu le bateau, les deux capitaines se sont disputés".
"Il y avait des gens qui pleuraient. Moi je voulais l'appeler. On s'est battu avec des bâtons et des coupe-coupe", poursuit-il. Abdoulaye est parvenu ensuite à "maîtriser" le capitaine. Ils ont fabriqué des torches pour appeler le bateau qui les a secourus et conduit en Espagne.
Selon lui, "9 personnes ont trouvé la mort à bord de sa pirogue avant d'être jetées à la mer. Il affirme avoir vu au cours de sa traversée une dizaine de corps à la dérive laissés par d'autres pirogues.
Malgré tous ces drames, Abdoulaye veut à tout prix reprendre la mer. "Je préfère mourir dans la mer que de rester ici sans satisfaire ma famille qui me regarde alors que je n'ai rien à lui donner. C'est horrible".
Source: TV5
(M)
"Pendant les 10 jours de la traversée je n'ai pas dormi. On enlevait l'eau le jour et la nuit. Si on s'arrêtait c'était la mort", explique devant son atelier à Ziguinchor (Casamance, sud du Sénégal) Keba Sow, un menuisier de 31 ans parti en août 2006 de Guinée-Bissau pour l'Europe.
Transport de bois pour la construction de pirogues à Elinkine le 8 novembre 2007
Des cuisiniers préparaient une fois par jour du riz avec du poisson, "quand il n'y avait pas de tempête". Ils avaient aussi des biscuits dans leur pirogue, raconte-t-il.
Henri, un pêcheur de 41 ans, a, lui, échoué par deux fois à rejoindre l'Espagne, rebroussant chemin à la suite d'avaries. En attendant de repartir, il se souvient de la répartition des passagers à bord.
"Sur 100 personnes, 80 sont des Peulhs (une ethnie de bergers) qui ne connaissent rien à la mer. Ils se mettent à l'avant de la pirogue, sous la bâche, et ils ne bougent pas tellement ils ont peur", explique-t-il.
"Sous la bâche il fait chaud et ça pue. Certains font même leurs besoins dedans", se désole-t-il.
A l'arrière de la pirogue prennent place les capitaines (au moins deux par pirogues) et leur équipage, séparés du reste du bateau par les réserves d'eau, de nourriture et d'essence.
"Devant, on entend seulement des prières, mais derrière, on discute de la vie en Espagne et de nos projets. On prépare du thé aussi", poursuit Henri.
Un certain nombre de passagers effrayés ou malades ne survivent pas à la traversée. D'autres perdent la tête et tentent de plonger dans la mer.
"J'ai vu un de mes amis se jeter dans l'eau. Ce n'est pas facile", explique Keba Sow avant d'ajouter que quatre autres personnes se sont également suicidées de la sorte au cours du même voyage.
Ibrahim Tendeng, 25 ans, était à bord de la même pirogue. Il se souvient avoir dû attacher l'un de ses camarades qui voulait se précipiter dans l'océan. "Il y avait beaucoup de tempêtes, on était fatigué. Les gens se provoquaient à bord et certains disaient qu'on allait mourir", narre-t-il.
Le trajet d'Abdoulaye Ndiaye, un chômeur de 22 ans de Ziguinchor, a été encore plus cahotique. Sa pirogue "s'est ouverte à l'avant" au cours d'une tempête, et des clans se sont formés à bord pour savoir s'il fallait continuer ou demander de l'aide à un navire passant au loin.
Après la tempête, "on a bricolé la pirogue", mais de plus en plus d'eau entrait et "on écopait l'eau toute la journée", se souvient-il. "Quand on a vu le bateau, les deux capitaines se sont disputés".
"Il y avait des gens qui pleuraient. Moi je voulais l'appeler. On s'est battu avec des bâtons et des coupe-coupe", poursuit-il. Abdoulaye est parvenu ensuite à "maîtriser" le capitaine. Ils ont fabriqué des torches pour appeler le bateau qui les a secourus et conduit en Espagne.
Selon lui, "9 personnes ont trouvé la mort à bord de sa pirogue avant d'être jetées à la mer. Il affirme avoir vu au cours de sa traversée une dizaine de corps à la dérive laissés par d'autres pirogues.
Malgré tous ces drames, Abdoulaye veut à tout prix reprendre la mer. "Je préfère mourir dans la mer que de rester ici sans satisfaire ma famille qui me regarde alors que je n'ai rien à lui donner. C'est horrible".
Source: TV5
(M)