Pulaagu.com a rencontré les acteurs principaux de l'organisation mauritanienne AVOMM Association d’Aides aux Veuves et Orphelins de Militaires Mauritaniens. Son président, Ousmane SARR nous parle de cette association qui est l'une des plus dynamiques de l'univers humanitaire mauritanien après les différents évènements qui ont causé tant de tort aux familles des militaires qui ont toujours été en première ligne.
Pulaagu.com: Nous vous remercions beaucoup d'avoir accepté de vous entretenir avec nous sur l'actualité de votre organisation et de la Mauritanie. Premièrement, pouvez-vous vous présenter aux internautes de Pulaagu.com?
Ousmane SARR : Je suis le président de l'Association d'aides aux Veuves et Orphelins de Militaires Mauritaniens, AVOMM. Je suis un ex-sergent de l'Armée Nationale réfugié en France depuis 1994, j’ai fait ma formation militaire à Bejaia en Algérie à l’École d'application de l’infrastructure de 1982 à 1984 où je suis sorti major de ma promotion à l'issue du stage. De retour en Mauritanie j’ai servi au génie militaire avant d’être muté à l'état major national au 4ème bureau où je suis resté jusqu'au 22 octobre 1987 date de mon arrestation, suite à ce que les autorités nationales avaient déclaré comme une tentative de coup d’état des militaires négro mauritaniens.
Au terme d'un procès injuste au camp de J'reida j'ai été condamné à 20 ans de travaux forcés, j'ai fait la prison mouroir de Oualata, puis celle d'Aioun avant d’être libéré le 7 mars 1991. J'avais été arrêté avec SARR Amadou, Ba Seydi, Sy Saidou trois officiers qui furent lâchement exécutés à J'reida par le régime Taya. Je fus détenu avec Ba Abdoul Koudouss, Téne Youssouf, Ba Alassane Oumar tous assassinés à Oualata, paix sur leur âme. En hommage à leurs mémoires nous continuerons de lutter jusqu' à la victoire sur ce système raciste et oppresseur qui a causé tant de souffrances à notre peuple.
Pulaagu.com: Qu'est-ce que l'AVOMM? Quels sont ses objectifs, ses actions et ses réalisations?
Ousmane SARR : L’AVOMM, association d’aides aux veuves et orphelins de militaires mauritaniens, est née le 25 décembre 1995 à Paris de la volonté d’une dizaine d’anciens officiers et sous-officiers de l’armée mauritanienne réfugiés en France, ayant refusé de cautionner la politique raciste et criminelle de Taya, ce qui leur avait valu la prison, la torture, et toutes sortes d’humiliation. Pour l’histoire on peut citer quelques noms, parmi ceux qui ont toujours été constants dans cette lutte pour la quête de la justice, le refus de l’oubli au nom de nos martyrs. Des hommes convaincus de l’idéal d’égalité mais aussi de solidarité qui doit être le socle de la Mauritanie que nous aimons tous. Des hommes discrets, humbles, intelligents et patriotes que j’ai appris à connaître et à apprécier au fil des ans. Il me plairait de citer mon compagnon de prison de Walata le lt Kane Harouna, l’adjudant Bathily Amadou, le sergent chef Fall Demba Oumou, le sergent SALL Ousmane Hamady, dans le combat que nous menons, ces hommes ont une place d’honneur. Parmi ceux, non moins méritants qui nous ont rejoints depuis, on peut retenir les hommes et les femmes qui ont finalement fait de l’AVOMM ce qu’elle est devenue: le lt Diacko Abdoul Karim ancien détenu de Walata, Docteur Sy Moussa, le sergent chef SARR Abou, Mme Anne Fatou Haidara, Mme Sylvie Araminthe et la présence jusque là voulue discrète de Mme Mireille Hamelin qui nous apporte beaucoup et sans oublier bien sûr, mon conseiller personnel et ami Mohamed Dogui. Je tenais à magnifier ces personnalités sans lesquelles l’AVOMM aurait disparu depuis bien longtemps.Les objectifs de notre organisation ont été de faire connaître au monde entier ce qui s’est passé dans notre pays au mépris des droits de l’homme en dénonçant la terreur du régime sanguinaire de Taya, de lutter contre l’impunité et de soutenir les veuves, les orphelins mais aussi les rescapés civils ou militaires vivant dans le pays ou déportés hors des frontières nationales s’ils n’étaient pas simplement exécutés par les hommes de Gabriel Cimper et de Ely ould Mohamed Vall qui officiait à la tête de la sûreté nationale et bien d’autres à la tête des unités de l’armée et de la police .Par cette démarche, nous pensions participer à la conscientisation de notre peuple et à aider ainsi à l’avènement d’une société où nos différentes nationalités pourront vivre en parfaite harmonie leur volonté de construire une nation véritable.Nos actions ont été multiples en 12 ans d’existence et je suis dans l’incapacité de vous en faire le bilan exhaustif mais il est éloquent, les mauritaniens honnêtes qui nous suivent l’apprécient et en sont fiers. Néanmoins nous pouvons énumérer dans la lutte contre l’impunité : L’affaire Ely ould DAH, la plainte contre Taya à Bruxelles, la traque des tortionnaires dans le monde qui continue et qui ne s’arrêtera pas tant que les criminels ne seront pas traduits devant des juridictions internationales ou nationales . Dans l’action sociale le parrainage des orphelins en Mauritanie même ou d’enfants des camps de réfugiés au Sénégal, la caravane de santé 2006 toujours dans les camps de réfugiés, et notre lutte pour fédérer toutes les organisations humanitaires qui partagent nos convictions afin que nous puissions apporter plus à notre pays, dans cette nouvelle ère qui nous permet d’être bien optimiste depuis l’avènement du président Sidi ould Cheikh Abdallahi.
Pulaagu.com : Vous avez récemment fait une tournée dans les camps de réfugiés au Sénégal, quel était le but de ce voyage et quel est l'état d'esprit actuel de vos compatriotes réfugiés?
Ousmane SARR : La Mauritanie est aujourd’hui gouvernée par des hommes élus démocratiquement, et qui nous ont promis de régler les problèmes qui ont gangrené et failli hypothéquer sérieusement l’avenir du pays, alors, sans énumérer tous ces dossiers complexes nous disons qu’il y en a un, le plus douloureux, auquel le président Sidi a décidé de s’attaquer en premier, c’est celui du passif humanitaire. Dans ce passif humanitaire il y a le retour des réfugiés et celui des victimes militaires. Vous avez compris que je ne tente pas comme certains de dissocier le retour des réfugiés du passif humanitaire, c’est un tout. Des organisations mauritaniennes en exil, de la société civile et des partis politiques en Mauritanie veulent tous parler au nom des réfugiés et des victimes de toutes sortes. Sans oublier toute la gamme de prédateurs qui cherchent à se faire remarquer à coup de déclarations, de rapports et de toutes sortes de démarches le plus souvent inadaptées et qui n’apportent pas grand-chose d’ailleurs. C’est ainsi que la direction de l’AVOMM, m’avait mandaté pour rencontrer : le COVIRE, collectif des victimes de la répression, reconnu par le gouvernement mauritanien, le Comité Directeur élu par les réfugiés eux-mêmes à Boki Diawé en juillet 2007 pour parler au nom des réfugiés, la coordination des réfugiés mauritaniens au Sénégal et au Mali, le CAREMS, l’UARMS... Il s’agissait de trouver avec toutes ces organisations les moyens de coordonner nos actions et de pouvoir parler d’une même voix pour mieux aider à la résolution des différents dossiers que nous portons, notamment la lutte contre l’impunité et le retour des réfugiés. La mission a été un succès car elle nous a permis de nous concerter sur toutes nos préoccupations et en prenant tous l’engagement de continuer à échanger nos points de vue pour qu’à l’arrivée nous puissions faire bloc pour mieux poser nos doléances. Concernant les réfugiés du Sénégal, ils sont optimistes et décidés à rentrer le plus rapidement possible. Ils ont surtout été rassurés après le passage du comité interministériel mauritanien, chargé du règlement de ce dossier, dans les camps.
Pulaagu.com : Comment voyez-vous l'avenir en Mauritanie au vu de tous les développements de ces deux dernières années?
Ousmane SARR : L’avenir de la Mauritanie est aujourd’hui entre les mains des Mauritaniens et des Mauritaniennes. Si nous dégageons les obstacles à la consolidation de l’unité nationale au lieu de continuer à les occulter comme par le passé, si nous enracinons la démocratie chez nous, notre avenir sera radieux. Nos problèmes sont connus ils s’appellent le racisme, la corruption à tous les niveaux, l’analphabétisme, la santé publique, l’impunité, le partage des richesses et du pouvoir. Les difficultés sont nombreuses mais pas insurmontables, juste une question de volonté politique des autorités qui nous gouvernent et de dépassement de toutes les composantes du pays.
Pulaagu.com : Merci infiniment pour ces éclaircissements et transmettez nos prières et nos encouragements à tous les membres et sympathisants de l'AVOMM.
Ousmane SARR: Merci de m’avoir permis de m’exprimer dans ce formidable symbole de la culture pulaar en marche.
Pulaagu.com : Merci Mr le président
Propos recueillis par Ibrahima SARR
source : pulaagu.com