L'ancien président de l'ANC Thabo Mbeki
Le changement de style est visible: le discours de clôture de Zuma a fait danser les quelque 4.000 délégués du Congrès national africain (ANC), ses partisans laissant éclater leur joie aux accents de son hymne "Umshini Wami" (Passe moi ma mitraillette).
Ce chant de la lutte anti-apartheid a souvent retenti, lors des cinq jours du congrès de l'ANC à Polokwane (nord-est). Mais c'est la défiance que les supporteurs du tribun zoulou exprimaient alors, comme lorsque ce cri guerrier a empli dimanche le chapiteau en réaction au discours-fleuve de leur leader sortant, Mbeki.
Rompant avec l'habituelle réserve du chef de l'Etat, peu enclin à s'exprimer devant les médias, le nouveau patron du tout puissant ANC a donné une conférence de presse dès la fin du congrès.
S'il a ri, et fait rire les journalistes, le désormais potentiel successeur de Mbeki à la tête du pays n'a guère précisé ses intentions.
Interrogé sur l'éventuel rétablissement de la peine de mort, abolie par l'ex-président Nelson Mandela, dès son arrivée au pouvoir en 1994, il a esquivé, disant que c'était "au peuple de faire savoir s'il voulait un référendum" sur la question.
A propos d'éventuels remaniements ministériels: "C'est le boulot du président du pays, pas le mien".
Il n'a pas davantage éclairci les inflexions sociales et économiques qu'il propose, lui qui a rassemblé les voix des laissés-pour-compte des orientations libérales de Mbeki, affirmant que c'était au parti d'en décider.
"La différence essentielle est que nous n'allons plus avoir un président (de l'ANC) citant Shakespeare, mais quelqu'un qui va danser sur les podiums", estime Adam Habib, analyste du Conseil de recherche en Sciences humaines.
"Je ne pense pas qu'il y aura de gros changements de politique générale, sauf peut-être dans des domaines qui ne paniqueront pas les marchés", ajoute-t-il, citant la lutte contre le Sida ou la criminalité, fléaux de l'Afrique du Sud.
Susan Booysen, de l'Université de Witwatersrand à Johannesburg, souligne aussi que le triomphe de Zuma, élu mardi avec 60% des voix, tient beaucoup au rejet de la personnalité distante du président sortant de l'ANC.
Mais, nuance-t-elle, "Zuma apporte aussi la promesse de politiques qui auront un effet plus tangible et immédiat sur la pauvreté et le chômage. C'est là dessus qu'il sera jugé".
Quelque 43% des 48 millions d'habitants de la première économie d'Afrique vivent dans la misère et le chômage réel est estimé à 40%, en dépit d'une croissance continue depuis la chute de l'apartheid il y a treize ans.
Les deux puissants supporteurs de Zuma dans la campagne, la confédération syndicale Cosatu et le Parti communiste, ont adopté un ton conciliateur, mais souligné qu'ils attendaient une meilleure écoute de la part de l'ANC, avec laquelle ils forment l'alliance gouvernementale.
La débâcle qui a entraîné Mbeki a aussi emporté nombre de ses proches hors des instances dirigeantes de l'ANC, dont certains ministres. Le chef de l'Etat a exclu toute démission, mais les spéculations abondent sur un remaniement gouvernemental.
A ces incertitudes vient s'ajouter l'épée de Damoclès d'une inculpation de Zuma pour corruption.
Le procureur général a annoncé jeudi qu'il disposait de suffisamment d'éléments pour le déférer en justice, dans une affaire de contrat d'armement avec le groupe français Thales.
Devant la presse, Zuma s'est refusé à tout commentaire, affirmant qu'il répondrait "aux allégations, s'il y en a, devant un tribunal".
Source: TV5
(M)