Il convient de préciser que toute forme d’esclavage a un caractère social. En effet, l’esclavage est le fait des hommes. Celui-ci a été créé pour répondre aux besoins des hommes. Or,
l’homme vit en société. Il est un être social (Aristote).
Par conséquent, les premières formes d’esclavage ont eu, à la fois, un caractère social et local. Les esclaves étaient issues du même groupe social du fait des rapports de force. C’est ainsi que les Arabes asservissaient d’autres Arabes. Il en a été ainsi des Grecs, des Français, etc.
Cela a été vrai pendant longtemps. Par la suite, une évolution s’est opérée. L’esclave est devenu, d’une manière générale, toujours l’Autre, celui d’une autre société ou d’autres ethnies. Les Grecs avaient de nombreux esclaves venus de Thrace et d’ailleurs, donc
d’autres races. Les Arabes préislamiques avaient aussi des esclaves noirs, peu nombreux par rapport aux conséquences des deux traites orientale et saharienne post islamiques.
L’expansion islamique a permis, outre l’islamisation de nombreux Noirs, la réduction d’autres à l’esclavage. La reconnaissance par l’Islam de l’esclavage a sacralisé cette institution d’où les difficultés, aujourd’hui, de surmonter cette tare sociale.
Du fait de la traite transsaharienne, l’esclavage maure en Mauritanie a un caractère, à la fois, social et racial.
Social pour les raisons évoquées ci-dessus. C’est le cas de l’esclavage dans la communauté négro-mauritanienne. Dans celle-ci, les esclaves sont tous noirs.
1- Racial parce que les Esclaves maures sont tous noirs. Il y a parmi eux des métis, fruit des rapports sexuels entre les Maîtres maures et les femmes esclaves. Lesquels métis demeurent, à quelques rares exceptions, esclaves.
2- Les Haratine (Affranchis de l’esclavage maure) n’acquièrent pas une liberté qui les met au même niveau statutaire que les hommes libres. En effet, les Haratine sont figés dans un statut de clientélisme (Mawla) qui relève du rite malékite. « Le wala’ ou « patronat », recommandée au demeurant par les textes du fikh. Ces phénomènes qui ne nous paraissent pas tout à fait identiques aux formes modernes d’esclavage dit « classique », parce qu’on n’y est plus la « propriété » mais l’ « obligé » d’une autre personne … correspondrent parfaitement aux normes d’asservissement qualifiées par le Bureau international du travail (BIT) d’ « esclavage moderne ». ( Inés Mrad Dali, De l’esclavage à la servitude, Le cas des Noirs de Tunisie in Cahiers d’études africaine, n°179-180, 2005).
Les règles du rite malékite assignent aux Haratine une place intermédiaire où ils sont libres en théorie, mais exploités à distance. Ils continuent à travailler pour leurs Anciens Maîtres. Ils sont privés de leurs droits de témoignage. Ils peuvent être dépossédés de leurs biens acquis après leur libération. Ils ne peuvent être Imams, même en étant instruits, etc. Les rapports de clientélisme s’héritent de père en fils tout comme l’héritage des Esclaves. Or, le Coran qui reconnaît l’esclavage, incite les Musulmans à l’affranchissement des Esclaves. Puis, une fois affranchi, le nouvel affranchi acquiert une liberté égale à celle de son ancien maître. Aucun rapport de subordination n’est permis par le Coran après l’affranchissement.
Cette violation des règles religieuses, prouve si besoin est, le caractère racial de l’esclavage maure. Même affranchis, les Haratine du fait de leur ancien statut d’esclaves et de la couleur de leur peau, sont maintenus dans une position médiane qui ne leur permet pas d’être les égaux des hommes libres (Maures).
3- La communauté noire de Mauritanie (non asservie par les Maures) est victime du racisme. Il suffit de rappeler les événements de 1966, 1979, 1989 et suite où les Négro-mauritaniens ont été déportés, tués, etc. Ce racisme pratiqué sur une communauté qui n’est pas touchée par
l’esclavage avec des Maîtres maures ( elle connaît, elle aussi l’esclavage ), mais noire de peau, montre non seulement l’existence du racisme anti-noir en Mauritanie, mais aussi le caractère racial de l’esclavage maure puisque tous les Noirs (Haratine et Négro-mauritaniens) sont frappés soit par le racisme, soit par l’esclavage et le racisme. La cohérence idéologique veut que les Abid (Esclaves) et les Haratine (Affranchis) appartiennent à une race (noire) inférieure à l’ethnie arabe et l’ethnie berbère. Ainsi, les Abid ou les Haratine qui seraient tentés par la liberté, ne verraient pas dans la race noire un exemple de dignité supérieur ou égal aux Maîtres et anciens Maîtres.
Le caractère racial de l’esclavage maure est nié aujourd’hui par El Hor (Organisation pour la Libération et l’Emancipation des Haratine) et SOS-Esclaves. Voilà ce qu’en dit Boubacar ould Messaoud, président de SOS- Esclaves :
« Au prétexte que les esclaves dans la société arabe sont de peau noire, on voudrait ainsi récupérer leur cause en la confondant avec d’autres situations. Or, l’esclavage en Mauritanie n’est pas et ne saurait être un problème racial… Le contentieux qu’ils posent est d’ordre social et devrait le rester. »(Rapport SOS-Esclaves avril 1997 : vingt questions relatives à
l’esclavage).
Cette négation du caractère racial de l’esclavage maure constitue une concession politique importante, faite à l’adresse de la communauté maure et de l’Etat mauritanien. Elle déculpabilise la communauté maure en ce sens qu’elle place celle-ci et la communauté noire sur le même pied d’égalité concernant la question de l’esclavage : il y a l’esclavage dans les deux communautés et celui -ci a un caractère social et non racial. Dans cet ordre d’idées, les Maures ne cessent d’affirmer que leur esclavage est similaire à celui ancestral et actuel de la communauté négro-africaine. À partir du moment ou les deux formes d’esclavage sont identiques, aucune communauté n’est fondée à dénoncer l’autre. Il en va de sa propre crédibilité.
Par rapport à l’Etat, la concession d’El Hor et SOS-Esclaves déresponsabilise les gouvernants. Les pressions sur l’aspect racial en moins, les autorités politiques gèrent dans une relative tranquillité la question de l’esclavage. Les seuls perdants dans cette concession sont les Haratine qui n’ont même pas eu une abolition réelle de l’esclavage à ce jour.
Le problème se pose lorsque la réalité quotidienne vient contredire les affirmations et les concessions politiques. Jugez-en vous-même, avec cette seconde déclaration de Boubacar ould Messaoud en novembre 2005 : « Le cas de Khadama nous apprend toute l’envergure de cette continuité : en dépit d’un flagrant délit d’esclavage, de témoins nombreux, de preuves vivantes et actuelles, la loi s’arrête, net, quand son application porte atteinte aux intérêts des élites arabo-berbères. Nous n’insisterons, jamais assez, sur la dimension ethno-sociale de l’impunité et de son occultation. » (Témoignage n°18 : www.haratine.com )
Cette citation montre, si besoin est, le caractère racial de l’esclavage maure. Elle révèle aussi la contradiction qui existe entre les deux déclarations de Boubacar ould Messaoud, celle de 1997 et celle de 2005. Pour être logique, Boubacar ould Messaoud doit tirer les conséquences de la déclaration de 2005 où il reconnaît le caractère racial de l’esclavage maure et ainsi réviser sa première position.
L’Etat mauritanien et la Féodalité maure s’appuient sur le racisme pour conserver et pérenniser leur domination ethnique : « En effet, à travers la fidélité à cette vision sectaire du pouvoir politique en Mauritanie, le CMJD démontre que le système qui a fait souffrir les Mauritaniens n’est pas le système de Maouya tout seul. C’est aussi le système du CMJD, de son chef, et de tous les milieux qui se sont traditionnellement investis dans la construction et la consolidation de l’Etat ethnique ou de la classe »
(Les horizons bouchés de la transition par Birame ould Dah ould Abeid : Article n° 21 in www.haratine.com).
A.H.M.E (Association des Haratine de Mauritanie en Europe) dénonce la concession politique faite par El Hor et SOS-Esclaves sur le caractère racial de l’esclavage maure.
D’abord, cette concession constitue une contrevérité. Nous venons de le démontrer. Aussi, elle affaiblit la lutte des Haratine contre l’esclavage et le racisme. Ensuite, elle renforce et décomplexe les Esclavagistes par rapport à l’esclavage. Enfin, elle atténue les pressions politiques sur l’Etat qui a deux préoccupations majeures : la conservation du système esclavagiste et la séparation de la communauté haratine et la communauté négro-mauritanienne. Aussi longtemps que cette séparation perdurera, le système de domination maure se maintiendra.
09/05/2007
Mohamed Yahya ould Ciré
l’homme vit en société. Il est un être social (Aristote).
Par conséquent, les premières formes d’esclavage ont eu, à la fois, un caractère social et local. Les esclaves étaient issues du même groupe social du fait des rapports de force. C’est ainsi que les Arabes asservissaient d’autres Arabes. Il en a été ainsi des Grecs, des Français, etc.
Cela a été vrai pendant longtemps. Par la suite, une évolution s’est opérée. L’esclave est devenu, d’une manière générale, toujours l’Autre, celui d’une autre société ou d’autres ethnies. Les Grecs avaient de nombreux esclaves venus de Thrace et d’ailleurs, donc
d’autres races. Les Arabes préislamiques avaient aussi des esclaves noirs, peu nombreux par rapport aux conséquences des deux traites orientale et saharienne post islamiques.
L’expansion islamique a permis, outre l’islamisation de nombreux Noirs, la réduction d’autres à l’esclavage. La reconnaissance par l’Islam de l’esclavage a sacralisé cette institution d’où les difficultés, aujourd’hui, de surmonter cette tare sociale.
Du fait de la traite transsaharienne, l’esclavage maure en Mauritanie a un caractère, à la fois, social et racial.
Social pour les raisons évoquées ci-dessus. C’est le cas de l’esclavage dans la communauté négro-mauritanienne. Dans celle-ci, les esclaves sont tous noirs.
1- Racial parce que les Esclaves maures sont tous noirs. Il y a parmi eux des métis, fruit des rapports sexuels entre les Maîtres maures et les femmes esclaves. Lesquels métis demeurent, à quelques rares exceptions, esclaves.
2- Les Haratine (Affranchis de l’esclavage maure) n’acquièrent pas une liberté qui les met au même niveau statutaire que les hommes libres. En effet, les Haratine sont figés dans un statut de clientélisme (Mawla) qui relève du rite malékite. « Le wala’ ou « patronat », recommandée au demeurant par les textes du fikh. Ces phénomènes qui ne nous paraissent pas tout à fait identiques aux formes modernes d’esclavage dit « classique », parce qu’on n’y est plus la « propriété » mais l’ « obligé » d’une autre personne … correspondrent parfaitement aux normes d’asservissement qualifiées par le Bureau international du travail (BIT) d’ « esclavage moderne ». ( Inés Mrad Dali, De l’esclavage à la servitude, Le cas des Noirs de Tunisie in Cahiers d’études africaine, n°179-180, 2005).
Les règles du rite malékite assignent aux Haratine une place intermédiaire où ils sont libres en théorie, mais exploités à distance. Ils continuent à travailler pour leurs Anciens Maîtres. Ils sont privés de leurs droits de témoignage. Ils peuvent être dépossédés de leurs biens acquis après leur libération. Ils ne peuvent être Imams, même en étant instruits, etc. Les rapports de clientélisme s’héritent de père en fils tout comme l’héritage des Esclaves. Or, le Coran qui reconnaît l’esclavage, incite les Musulmans à l’affranchissement des Esclaves. Puis, une fois affranchi, le nouvel affranchi acquiert une liberté égale à celle de son ancien maître. Aucun rapport de subordination n’est permis par le Coran après l’affranchissement.
Cette violation des règles religieuses, prouve si besoin est, le caractère racial de l’esclavage maure. Même affranchis, les Haratine du fait de leur ancien statut d’esclaves et de la couleur de leur peau, sont maintenus dans une position médiane qui ne leur permet pas d’être les égaux des hommes libres (Maures).
3- La communauté noire de Mauritanie (non asservie par les Maures) est victime du racisme. Il suffit de rappeler les événements de 1966, 1979, 1989 et suite où les Négro-mauritaniens ont été déportés, tués, etc. Ce racisme pratiqué sur une communauté qui n’est pas touchée par
l’esclavage avec des Maîtres maures ( elle connaît, elle aussi l’esclavage ), mais noire de peau, montre non seulement l’existence du racisme anti-noir en Mauritanie, mais aussi le caractère racial de l’esclavage maure puisque tous les Noirs (Haratine et Négro-mauritaniens) sont frappés soit par le racisme, soit par l’esclavage et le racisme. La cohérence idéologique veut que les Abid (Esclaves) et les Haratine (Affranchis) appartiennent à une race (noire) inférieure à l’ethnie arabe et l’ethnie berbère. Ainsi, les Abid ou les Haratine qui seraient tentés par la liberté, ne verraient pas dans la race noire un exemple de dignité supérieur ou égal aux Maîtres et anciens Maîtres.
Le caractère racial de l’esclavage maure est nié aujourd’hui par El Hor (Organisation pour la Libération et l’Emancipation des Haratine) et SOS-Esclaves. Voilà ce qu’en dit Boubacar ould Messaoud, président de SOS- Esclaves :
« Au prétexte que les esclaves dans la société arabe sont de peau noire, on voudrait ainsi récupérer leur cause en la confondant avec d’autres situations. Or, l’esclavage en Mauritanie n’est pas et ne saurait être un problème racial… Le contentieux qu’ils posent est d’ordre social et devrait le rester. »(Rapport SOS-Esclaves avril 1997 : vingt questions relatives à
l’esclavage).
Cette négation du caractère racial de l’esclavage maure constitue une concession politique importante, faite à l’adresse de la communauté maure et de l’Etat mauritanien. Elle déculpabilise la communauté maure en ce sens qu’elle place celle-ci et la communauté noire sur le même pied d’égalité concernant la question de l’esclavage : il y a l’esclavage dans les deux communautés et celui -ci a un caractère social et non racial. Dans cet ordre d’idées, les Maures ne cessent d’affirmer que leur esclavage est similaire à celui ancestral et actuel de la communauté négro-africaine. À partir du moment ou les deux formes d’esclavage sont identiques, aucune communauté n’est fondée à dénoncer l’autre. Il en va de sa propre crédibilité.
Par rapport à l’Etat, la concession d’El Hor et SOS-Esclaves déresponsabilise les gouvernants. Les pressions sur l’aspect racial en moins, les autorités politiques gèrent dans une relative tranquillité la question de l’esclavage. Les seuls perdants dans cette concession sont les Haratine qui n’ont même pas eu une abolition réelle de l’esclavage à ce jour.
Le problème se pose lorsque la réalité quotidienne vient contredire les affirmations et les concessions politiques. Jugez-en vous-même, avec cette seconde déclaration de Boubacar ould Messaoud en novembre 2005 : « Le cas de Khadama nous apprend toute l’envergure de cette continuité : en dépit d’un flagrant délit d’esclavage, de témoins nombreux, de preuves vivantes et actuelles, la loi s’arrête, net, quand son application porte atteinte aux intérêts des élites arabo-berbères. Nous n’insisterons, jamais assez, sur la dimension ethno-sociale de l’impunité et de son occultation. » (Témoignage n°18 : www.haratine.com )
Cette citation montre, si besoin est, le caractère racial de l’esclavage maure. Elle révèle aussi la contradiction qui existe entre les deux déclarations de Boubacar ould Messaoud, celle de 1997 et celle de 2005. Pour être logique, Boubacar ould Messaoud doit tirer les conséquences de la déclaration de 2005 où il reconnaît le caractère racial de l’esclavage maure et ainsi réviser sa première position.
L’Etat mauritanien et la Féodalité maure s’appuient sur le racisme pour conserver et pérenniser leur domination ethnique : « En effet, à travers la fidélité à cette vision sectaire du pouvoir politique en Mauritanie, le CMJD démontre que le système qui a fait souffrir les Mauritaniens n’est pas le système de Maouya tout seul. C’est aussi le système du CMJD, de son chef, et de tous les milieux qui se sont traditionnellement investis dans la construction et la consolidation de l’Etat ethnique ou de la classe »
(Les horizons bouchés de la transition par Birame ould Dah ould Abeid : Article n° 21 in www.haratine.com).
A.H.M.E (Association des Haratine de Mauritanie en Europe) dénonce la concession politique faite par El Hor et SOS-Esclaves sur le caractère racial de l’esclavage maure.
D’abord, cette concession constitue une contrevérité. Nous venons de le démontrer. Aussi, elle affaiblit la lutte des Haratine contre l’esclavage et le racisme. Ensuite, elle renforce et décomplexe les Esclavagistes par rapport à l’esclavage. Enfin, elle atténue les pressions politiques sur l’Etat qui a deux préoccupations majeures : la conservation du système esclavagiste et la séparation de la communauté haratine et la communauté négro-mauritanienne. Aussi longtemps que cette séparation perdurera, le système de domination maure se maintiendra.
09/05/2007
Mohamed Yahya ould Ciré