Parmi les assassins des quatre Français, des islamistes connus avaient bénéficié, au nom de l'ouverture, de condamnations légères.
À Arafat, ce n'est qu'une mosquée parmi tant d'autres, un bâtiment de béton qui ne détonne en rien. Dans ce quartier populaire de Nouakchott, où la misère est plus visible qu'ailleurs, c'est tout juste si l'on remarque les femmes strictement voilées, les barbes un peu plus broussailleuses des fidèles qui y prient et les regards qui se détournent à la vue d'étrangers.
Longtemps les Mauritaniens n'ont pas prêté attention à ces salafistes. Le meurtre brutal de quatre voyageurs français, le 24 décembre, par de présumés djihadistes a brutalement changé la donne. L'attaque, deux jours plus tard, d'un petit poste militaire avancé, qui laisse trois morts parmi les soldats, n'a fait que confirmer l'évidence d'une menace islamique dans le pays et achever de sceller l'échec de la politique mise en place depuis deux ans.
De fait, plusieurs des meurtriers présumés des touristes, notamment Moustapha Ould Abdelkader, alias Abou Saïd, sont des militants islamistes connus. Ils furent au centre d'un procès retentissant pour leurs liens avec l'ex-Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) algérien, devenu al-Qaida au Maghreb islamique, et le raid contre une caserne en 2005 qui avait fait 15 morts. En dépit de la gravité des faits, Abou Saïd et ses complices n'avaient écopé en juillet dernier que de peines très légères. «Le gouvernement entendait par là faire un geste d'ouverture, une politique de réconciliation nationale très populaire», souligne Mohammed Fall Ould Oumère, directeur du quotidien La Tribune.
La mouvance islamiste bénéficiait alors de son aura d'opposant inflexible au régime du Maaouyya Ould Taya. Au pouvoir pendant vingt ans, le dictateur a multiplié les fermetures d'associations, les harcèlements et les arrestations sous couvert de « menaces terroristes ». Après le renversement de l'autocrate, le nouveau président élu, Sidi Mohammed Ould Abdallahi, a largement ouvert les geôles sous les acclamations de la foule et de la communauté internationale.
Une islamisation croissante
«Ce fut une erreur car, dans ce pays à la mentalité orientale où la demande despotique reste très forte, cette concession démocratique a été prise pour un aveu de faiblesse», souligne un intellectuel. Selon lui, les islamistes ne se sont montrés que plus actifs ces deux dernières années. Pour Yayah Ould al-Barah, anthropologue à l'université de Nouakchott, l'islamisation de la société s'est de toute façon considérablement accrue au cours des vingt années passées. Alors que la capitale ne comptait que 54 mosquées en 1989, on en recensait 617 en 2002. Surfant sur cette vague, le nouveau président n'a pas hésité à donner des gages, rétablissant le week-end musulman (férié le vendredi et le samedi) ou faisant construire une mosquée dans le palais présidentiel. La création d'un parti politique islamiste a achevé la mutation des barbus en une tendance fréquentable. Le relatif échec de ce parti aux scrutins cinq parlementaires élus semblait lui donner largement raison. Jusqu'au très impopulaire meurtre des quatre Français.
Les tenants d'une tendance plus autoritaire ont relevé la tête. « La démocratie ne doit pas ouvrir les portes au n'importe quoi. Si nous avions pu faire des barrages, fouiller les voitures, cela ne serait pas arrivé, n'en déplaise aux ONG », affirme le préfet d'Aleg, Sidi Maouloud Ould Brahim. Sentant la sourde hostilité, les islamistes ont vivement condamné les attaques. « Ce n'est qu'un acte isolé et non musulman, et nous n'avons rien à voir avec cela », assure Jemil Mansour, un député islamiste.
Selon une source sécuritaire haut placée, la tuerie n'est cependant pas totalement surprenante : «Nous avions eu de la chance, affirme-t-il. On sait qu'il y a des cellules actives en Mauritanie. On avait arrêté ces derniers mois plusieurs groupes faisant des repérages.» Des diplomates étaient alors visés. Les autorités se veulent cependant rassurantes. «Ce n'est pas un tournant. L'action d'Aleg fait preuve de peu de professionnalisme et la fuite éperdue des tueurs montre qu'on est loin de la détermination des kamikazes algériens.»
Coincé entre sa politique passée et la brusque demande de répression, le gouvernement semble hésiter. «Il y a là une occasion à saisir de rependre la main, mais la tâche est délicate», détaille un observateur. Yayah Ould al-Barah s'insurge déjà contre l'autoritarisme: «Depuis l'avènement de la démocratie, le djihadisme est en plein recul, estime-t-il. Le vrai problème réside dans la pauvreté et les grands écarts sociaux. Revenir à la répression ne ferait que renforcer les islamistes et de revenir à la case départ, au temps de Taya.»
De notre envoyé spécial à Nouakchott, Tanguy Berthemet
Source: lefigaro
(M)
À Arafat, ce n'est qu'une mosquée parmi tant d'autres, un bâtiment de béton qui ne détonne en rien. Dans ce quartier populaire de Nouakchott, où la misère est plus visible qu'ailleurs, c'est tout juste si l'on remarque les femmes strictement voilées, les barbes un peu plus broussailleuses des fidèles qui y prient et les regards qui se détournent à la vue d'étrangers.
Longtemps les Mauritaniens n'ont pas prêté attention à ces salafistes. Le meurtre brutal de quatre voyageurs français, le 24 décembre, par de présumés djihadistes a brutalement changé la donne. L'attaque, deux jours plus tard, d'un petit poste militaire avancé, qui laisse trois morts parmi les soldats, n'a fait que confirmer l'évidence d'une menace islamique dans le pays et achever de sceller l'échec de la politique mise en place depuis deux ans.
De fait, plusieurs des meurtriers présumés des touristes, notamment Moustapha Ould Abdelkader, alias Abou Saïd, sont des militants islamistes connus. Ils furent au centre d'un procès retentissant pour leurs liens avec l'ex-Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) algérien, devenu al-Qaida au Maghreb islamique, et le raid contre une caserne en 2005 qui avait fait 15 morts. En dépit de la gravité des faits, Abou Saïd et ses complices n'avaient écopé en juillet dernier que de peines très légères. «Le gouvernement entendait par là faire un geste d'ouverture, une politique de réconciliation nationale très populaire», souligne Mohammed Fall Ould Oumère, directeur du quotidien La Tribune.
La mouvance islamiste bénéficiait alors de son aura d'opposant inflexible au régime du Maaouyya Ould Taya. Au pouvoir pendant vingt ans, le dictateur a multiplié les fermetures d'associations, les harcèlements et les arrestations sous couvert de « menaces terroristes ». Après le renversement de l'autocrate, le nouveau président élu, Sidi Mohammed Ould Abdallahi, a largement ouvert les geôles sous les acclamations de la foule et de la communauté internationale.
Une islamisation croissante
«Ce fut une erreur car, dans ce pays à la mentalité orientale où la demande despotique reste très forte, cette concession démocratique a été prise pour un aveu de faiblesse», souligne un intellectuel. Selon lui, les islamistes ne se sont montrés que plus actifs ces deux dernières années. Pour Yayah Ould al-Barah, anthropologue à l'université de Nouakchott, l'islamisation de la société s'est de toute façon considérablement accrue au cours des vingt années passées. Alors que la capitale ne comptait que 54 mosquées en 1989, on en recensait 617 en 2002. Surfant sur cette vague, le nouveau président n'a pas hésité à donner des gages, rétablissant le week-end musulman (férié le vendredi et le samedi) ou faisant construire une mosquée dans le palais présidentiel. La création d'un parti politique islamiste a achevé la mutation des barbus en une tendance fréquentable. Le relatif échec de ce parti aux scrutins cinq parlementaires élus semblait lui donner largement raison. Jusqu'au très impopulaire meurtre des quatre Français.
Les tenants d'une tendance plus autoritaire ont relevé la tête. « La démocratie ne doit pas ouvrir les portes au n'importe quoi. Si nous avions pu faire des barrages, fouiller les voitures, cela ne serait pas arrivé, n'en déplaise aux ONG », affirme le préfet d'Aleg, Sidi Maouloud Ould Brahim. Sentant la sourde hostilité, les islamistes ont vivement condamné les attaques. « Ce n'est qu'un acte isolé et non musulman, et nous n'avons rien à voir avec cela », assure Jemil Mansour, un député islamiste.
Selon une source sécuritaire haut placée, la tuerie n'est cependant pas totalement surprenante : «Nous avions eu de la chance, affirme-t-il. On sait qu'il y a des cellules actives en Mauritanie. On avait arrêté ces derniers mois plusieurs groupes faisant des repérages.» Des diplomates étaient alors visés. Les autorités se veulent cependant rassurantes. «Ce n'est pas un tournant. L'action d'Aleg fait preuve de peu de professionnalisme et la fuite éperdue des tueurs montre qu'on est loin de la détermination des kamikazes algériens.»
Coincé entre sa politique passée et la brusque demande de répression, le gouvernement semble hésiter. «Il y a là une occasion à saisir de rependre la main, mais la tâche est délicate», détaille un observateur. Yayah Ould al-Barah s'insurge déjà contre l'autoritarisme: «Depuis l'avènement de la démocratie, le djihadisme est en plein recul, estime-t-il. Le vrai problème réside dans la pauvreté et les grands écarts sociaux. Revenir à la répression ne ferait que renforcer les islamistes et de revenir à la case départ, au temps de Taya.»
De notre envoyé spécial à Nouakchott, Tanguy Berthemet
Source: lefigaro
(M)