La Mauritanie sous son big-boss : espoirs et désespoirs

Il est difficile de spéculer sur demain, à plus forte raison sur le futur proche. Mais nous allons essayer de nous prêter à cet exercice délicat sans prétendre posséder les outils de la prédiction analytique. Par notre modeste expérience d’observateur de la scène politique au sens large du terme, nous allons livrer quelques réflexions sur ce que serait la Mauritanie dans le courant du mandat du président Mohamed Ould Abdel Aziz ou de ce qui en reste après deux ans de gouvernance. Certes dans tout début de règne il y a des balbutiements voire des maladresses, des atermoiements, des fougues d’initié.

Mais quand l’énergie impulsive dépasse la force rationnelle, les bonnes intentions peuvent se noyer dans l’océan des illusions. Le courage du brave peut se heurter à l’intransigeance de l’histoire et les fausses apparences craquer sous le poids de la réalité implacable et incontrôlable. Dire qu’il est facile de diriger un pays, à plus forte raison une nation multiculturelle et pauvre confrontée à toutes les menaces, tous les défis politiques et sociaux, c’est se laisser aller à des divagations naïves.

Mais raconter qu’en Mauritanie, le secret de la présidence est dans les faux rendez-vous avec les rêves et les aspirations du peuple pousse à des tentations superstitieuses. Reconnaître en revanche, qu’un dirigeant doit posséder en plus du charisme, la lucidité intellectuelle, c’est définir le vrai profil d’un chef. Nos big-boss en manquent cruellement. Osons croire que les temps ont changé. Avec eux les manières de voir et de penser. Après des expériences peu glorieuses que les mauritaniens ont connues avec leurs dirigeants, les longues années de misère d’ignorance et de silence, de privations, il est permis d’espérer que rien ne sera plus comme avant , tant dans les méthodes de gouverner que dans le monopole du pouvoir. Les rapports doivent inévitablement bouger dans les relations du sommet avec la base, entre le parlement et l’exécutif, le judiciaire et les autres pouvoirs. Si en théorie les frontières sont bien tracées, dans la pratique les rapports restent dominés par le primat de la machine politique de l’exécutif. En clair, les décisions restent sous les ordres de l’autorité suprême du président de la République et sa volonté de conduire le destin du pays. Le gouvernement tremble de respect et de dévotion au chef. Les mauritaniens savent juger leurs gouvernants et s’autorisent même à donner des notes à tous ses membres. Il suffit de les écouter pour savoir ce qu’ils pensent des progrès faits, des reculades enregistrées mais aussi des vrais /faux programmes annoncés par les nouveaux venus. A la lumière de la situation actuelle, il est fort à craindre que la démocratie mauritanienne s’enlisera dans les sédiments des apparences et des arrangements politiques empêchant ainsi le système de se construire de manière objective et voler de ses propres ailes. En effet, c’est dans les contradictions et les oppositions que les fondamentaux d’une démocratie se consolident. Quand la polémique retentit dans l’hémicycle, les préjugés tombent et les intérêts supérieurs de la nation se mettent en première ligne.

Malheureusement, cette belle parenthèse qui avait commencé à changer le visage de l’assemblée nationale risque de s’estomper dans les prochains mois avec l’organisation de nouvelles élections législatives et municipales très défavorables aux forces de l’opposition radicale. Et pour cause, le pacte politique entre acteurs de la majorité et une partie de l’opposition. On s’achemine vers le scénario catastrophe d’un parlement quasi-monolithique avec les alliances de la majorité qui vont éclipser la présence de l’opposition. Cette très probable configuration du schéma démocratique, loin de présager d’un avenir radieux, consacrera le retour des vieux réflexes autocratiques. Et cela n’augure pas d’une rupture avec le passé. (À suivre …)

Cheikh Tidiane Dia


Source: le renovateur