Que pensez-vous du retour annoncé des FLAM en Mauritanie ? L’AJD-MR est-elle disposée à travailler avec eux?
Les FLAM ont joué un rôle indéniable dans la prise de conscience des mauritaniens sur la question nationale. J’ai été membre fondateur de cette organisation et, même si certains me le contestent aujourd’hui, je suis également un des rédacteurs du Manifeste du négro-mauritanien opprimé. A supposer même que mes détracteurs aient eu raison, cela n’aurait ôté en rien mon apport multiforme à la lutte des négro-africains pour recouvrer leur dignité dans leur propre pays ; comme c’est le cas pour Murtudo Diop qui, bien qu’ayant œuvré à l’avènement de ce mouvement, n’a pas participé à la rédaction du Manifeste.
Cela dit, depuis ma sortie de prison le 14 septembre 1990, j’ai choisi de lutter légalement à l’intérieur du pays aux côtés des autres forces politiques qui partagent nos préoccupations. Je suis resté ici sans chercher à régler seul ma situation administrative alors que comme d’autres, j’aurais pu le faire pour m’assurer une retraite moins difficile. J’ai préféré attendre que le règlement soit global et définitif et j’attends toujours. Nous avons essayé l’Alliance pour une Mauritanie Nouvelle (AMN) dont la lettre des 402 a été à la base du programme de l’UFD et du PLEJ. Puis nous avons milité dans l’UFD et à Action pour le Changement (AC) devenu APP. Et Aujourd’hui l’AJD/MR. Avec la parenthèse d’un mandat de député à l’Assemblée Nationale de 2001 à 2005 qui n’est pas passé inaperçu et deux élections présidentielles, en 2007 où j’ai recueilli 8% me plaçant 5ème sur dix neuf candidats et en 2009 où j’ai obtenu 5% en arrivant 4ème sur 9 postulants. Je pense que nous avons fait ce que nous avons pu.
Nos camarades qui avaient choisi l’exil n’ont pas démérité. Ils ont porté plus loin le message et ce n’est pas vain. Nous n’avons pas pu coordonner nos actions de lutte pour des raisons qu’il serait très long d’exposer ici. Au-delà des problèmes de stratégie, il y a eu certainement des problèmes humains. La confiance a été sérieusement malmenée et son rétablissement est une condition sine qua non pour un travail en commun fructueux. Pour le reste leur retour en Mauritanie est une très bonne chose. Je pense que la situation est favorable. Les FLAM sont moins diabolisés aujourd’hui qu’il y a trente ans. Sur le terrain tous les combats sont possibles et il y a de la place pour tous. La multiplicité des cadres de lutte peut créer une émulation. On peut lutter ensemble dans une même organisation ou fédérer des structures, on peut se concerter en cas de besoin. Si, au lieu de se tirer dessus, on tirait dans la même direction, il ne pourrait y avoir aucun problème. Mais si on part du principe que « moi je ne peux exister que si l’autre disparaît », là naturellement ça va gripper la machine alors qu’il n’y a que des difficultés et la misère à se disputer.
Depuis la sortie de l’AJD/MR de la CPM, certains cherchent à la situer dans l’échiquier politique. Que leur répondez-vous?
Nous avons dit clairement que l’AJD/MR gardait son indépendance organisationnelle face aux grands pôles qui se partagent la scène politique, mais que nous étions prêts à étudier à la carte toute initiative qui va dans le sens de nos options fondamentales.
Nous avons tiré les leçons de toutes les coalitions auxquelles nous avons eu à participer par le passé. Des hommes ou partis politiques avec lesquels nous avons eu à signer des partenariats dans la lutte pour l’avènement d’une Mauritanie réconciliée avec elle-même n’ont pas hésité à les trahir pour des intérêts particuliers. Nous n’avons pas oublié tous les coups bas que nous avons reçus et qui ont retardé notre lutte. Loin d’être vindicatifs, nous choisissons la prudence car il ne faut pas se laisser mordre le doigt par deux fois. So gumDo wumi wumtii andii ko gite nafata !
Vous avez reçu le Président Messaoud Ould Boulkhier dans le cadre de son initiative pour apaiser le climat politique. Pensez-vous que le pays ait replongé dans une crise politique et institutionnelle similaire à l'impasse en 2009 avant les accords de Dakar?
Il y a crise puisque l’assemblée nationale qui est en place est illégitime. Les députés qu’ils soient du pouvoir ou de l’opposition se sont reconduits de manière indéterminée et sans honte. Les députés de l’opposition qui fustigent cette situation ne prennent pas l’initiative de démissionner, salaires et avantages obligent. Les municipalités ne sont pas renouvelées et certains partis continuent de percevoir à ce titre les subventions de l’Etat alors qu’ils ne sont pas sûrs de recueillir les mêmes suffrages et avoir des élus si de nouvelles consultations étaient organisées. Il n’y a que l’AJD/MR, aujourd’hui 4ème force politique du pays si on s’en tient à la dernière élection présidentielle, qui ne dispose d’aucun député, d’aucun maire, d’aucune subvention. C’est ça la crise !
Pour le reste, l’élection présidentielle a eu lieu, un Président a été élu et tout le monde l’a reconnu à un moment donné. L’occasion d’un dialogue inclusif a été offerte, une partie de l’opposition l’a accepté, une autre l’a refusée. Si cette dernière souhaite un autre dialogue pour améliorer ce qui a été déjà obtenu, personnellement je ne suis pas contre. Mais les résultats du premier dialogue qui sont extrêmement importants doivent être appliqués scrupuleusement. Cependant rien ne doit empêcher d’aller aux élections législatives et municipales qui, seules, peuvent donner la mesure de la réalité des forces politiques en présence. Nous appuyons dans ce sens la proposition du Président Messaoud.
Mais l’opposition n’est pas conséquente. La vérité qu’aucun discours ne peut éluder est que le vrai coup d’Etat est celui qui a été fait contre Taya en août 2005. Celui-ci avait été favorisé par les deux tentatives des Cavaliers du Changement. Sidi Ould Cheikh Abdallahi, avec tout le respect que je lui voue, n’a été qu’une victime innocente des militaires qui voulaient en faire un simple chargé de mission. C’est eux qui l’ont installé au pouvoir, on ne le répétera jamais assez, autrement il n’aurait pas été élu face à Ahmed Ould Daddah. Ils attendaient de lui qu’il joue leur carte jusqu’au bout, il ne l’a pas fait c’est tout à son honneur. Et les militaires ont repris leur pouvoir pour prolonger la transition. J’avais prévu ce scénario dès mai 2006 [NDLR'La transition en dérive, se ressaisir !’]. L’opposition, par opportunisme a vite salué le putsch du 3 août 2005- qui était bon pour eux – et n’a pris aucune garantie face aux militaires qu’ils ont soutenus.
Voilà ce que j’avais écrit en conclusion de ce texte : « Je suggère que le CMJD prenne le temps qu'il faut pour régler les problèmes du pays. Car, lui seul peut les régler sans trop de difficultés avec ce départ de Maouwiya qu'il a provoqué. Sinon, son action aura été vaine. En symbiose avec la classe politique, dans le cadre d'un gouvernement d'union nationale de transition et d'un programme concocté en commun, le CMJD doit pouvoir reprendre le processus de transition et le mener à terme en réglant tous les problèmes ». Vous voyez ? C’est cela que propose le Président Messaoud aujourd’hui, six ans après.
Et plus loin, j’ajoutais « j'en appelle à toute la classe politique pour qu'elle ravale un instant son appétit du pouvoir et qu'elle sache que " rien ne sert de courir, il faut partir à point ". Il vaut mieux prendre du temps pour bien faire, maintenant, par nous-mêmes et pour nous-mêmes, que d'avoir à affronter des problèmes autrement plus difficiles dans l'avenir donnant justement l'occasion à d'autres de s'y immiscer ».
La prophétie s’est réalisée avec la médiation du Groupe de Contact International ayant abouti aux accords de Dakar.
Cet épisode passé, l’opposition avait eu l’opportunité historique d’opérer une alternance politique en 2007, mais certains avaient préféré rejoindre le camp parrainé par les militaires. Alors pourquoi dès lors continuer à s’en prendre à ces derniers ? Nous sommes les seuls responsables de ce qui nous arrive.
Au mois de juin 2012, la section de Sebkha de l’AJD/MR avait organisé une marche pour demander l’abrogation de la loi d’amnistie de 1993 ; de quels moyens de pression disposez-vous pour faire avancer cette question ?
En vérité, nous avons même tardé à le faire. Nous aurions du durant le règne de Taya dénoncer par des actions d’éclat cette loi scélérate. Nous devions utiliser les armes que nous avions choisies en toute conscience, c’est-à-dire la lutte dans la légalité, pour abroger cette disposition parrainée par des négro-africains. A l’Assemblée Nationale, nous avions bien pris notre courage à deux mains pour dénoncer l’esclavage et réclamer le retour des déportés, ce qui eut pour conséquence la dissolution de AC. C’était la période la plus difficile, Taya était encore là et l’opposition n’avait que onze députés. Aujourd’hui la situation est plus aisée, avec une opposition bien représentée et une majorité moins cohérente, des députés peuvent bien se permettre de proposer une loi pour abroger cette autoamnistie des militaires. Cela ne suffira pas s’il n’y a pas une pression populaire forte ; à ce niveau l’AJD/MR s’atèle à mobiliser sa base. Ce ne sera pas facile par les temps qui courent, nous savons que les négro-africains sont traversés par un fort courant de pessimisme à cause des échecs répétés et qu’ils attendent la providence. C’est une situation dangereuse puisqu’elle peut déboucher sur des actes de désespoir devant l’obstination du système qui ne comprend pas ce silence précédant peut-être la tempête. Nous devons cependant sortir et manifester pacifiquement, montrer notre détermination à voir cette loi abolie et les coupables jugés conformément au Droit et à notre sainte religion. Personne ne peut s’absoudre de crimes de sang imprescriptibles.
Quelles sont vos impressions après votre rencontre avec Biram Ould Dah ?
Quelque soit les griefs que j’ai à l’égard de Messaoud Ould Boulkheir, et j’en ai, je le connais suffisamment pour affirmer que c’est un homme exceptionnel qui a joué un rôle important dans la vie politique en Mauritanie et la libération des esclaves lui doit beaucoup. Comme tout le monde, il a commis des erreurs mais s’il n’existait pas, les haratines l’auraient créé. D’autres leaders comme Boubacar Messaoud, qui n’a jamais fait de compromis avec les esclavagistes, Oumar Ould Yali, et même ceux qui comme Boydiel Ould Houmeid qui continuent à revendiquer l’héritage du sinistre Moawiya, jusqu’à Mohamed Salem Ould Merzoug, qui est une fierté pour notre pays pour avoir conduit de main de maître l’OMVS, la seule organisation régionale qui a véritablement réussi, ont pesé de leur présence sur la scène nationale et internationale pour faire avancer la cause haratine.
Biram Ould Dah apporte une touche nouvelle qui est peut-être décisive. Si le système tente de le liquider, d’une manière ou d’une autre, il va hâter l’avènement d’autres Biram plus radicaux. C’est pourquoi l’AJD/MR, qui comprend le sens de l’histoire, a suggéré au Président Aziz de reconnaître officiellement l’IRA et de collaborer sincèrement avec cette organisation, comme avec les autres avant elle, afin de mettre en application la loi criminalisant l’esclavage. L’AJD/MR sera toujours aux côtés de ceux qui luttent pour l’éradication systématique de ce fléau, éradication sans laquelle la lutte pour une meilleure cohabitation entre nos composantes nationales ne sera pas gagnée.
Le passif humanitaire est-il bouclé après le règlement du dossier des fonctionnaires?
Pour nous le passif humanitaire comprend trois volets : le matériel, le moral, et le judiciaire. Jusqu’ici l’Etat ne s’est intéressé qu’au matériel avec les réparations qui sont très loin d’être achevés tant au niveau des militaires qu’au niveau des victimes civiles, sans oublier les cas non recensés dans la vallée qui a connu beaucoup d’exactions durant cette période où les populations ont perdu tous leurs biens, leurs terres, leurs bétails…
Il y a également les fonctionnaires de 1986 dont la situation a été confiée à une commission qui a déposé ses conclusions demeurées lettre morte jusqu’ici.
Pour finir, pouvez-vous nous parler dela crise au Mali et la mort des prédicateurs mauritaniens, l'assassinat de l'ambassadeur des USA à Benghazi...
L’AJD/MR a dans un communiqué déploré la mort de nos prédicateurs au Mali. Ce sont les premières victimes mauritaniennes de cette guerre de l’Azawad. Avec le déploiement envisagé des forces de la CEDEAO appuyés par les puissances occidentales, nous craignons un débordement préjudiciable à la sécurité de notre pays.
Il faut impérativement sécuriser nos frontières tout en évitant de s’impliquer directement dans ce conflit, la décision de ne pas envoyer des troupes au Mali est sage.
En ce qui concerne le film « Innocence des musulmans » et les réactions dans le monde musulman suite aux caricatures du Prophète Mohamed (PSL), nous condamnons cette liberté d’expression qui menace la paix dans le monde et le dialogue des religions et des cultures. De même tout en comprenant la colère des musulmans, nous estimons que ces derniers doivent prêcher par l’exemple en se conformant aux préceptes de notre sainte religion dont le leitmotiv est la paix. L’occident, en mal de repères, s’inquiète de l’avancée inexorable de l’islam et certains de ces représentants feignent de ne pas reconnaître que le prophète de l’islam a été désigné comme l’être le plus exceptionnel de tous les temps par de grands penseurs comme Victor Hugo, ou l’historien Gustave Le Bon qui a dit que « Mohamed est le plus grand homme de l’Histoire ».
Monsieur le Président, nous vous remercions d’avoir répondu à nos questions.
Lire la première partie ICI
Propos recueillis par Bocar BA et Boubacar SY
Source: AJD/MR
Les FLAM ont joué un rôle indéniable dans la prise de conscience des mauritaniens sur la question nationale. J’ai été membre fondateur de cette organisation et, même si certains me le contestent aujourd’hui, je suis également un des rédacteurs du Manifeste du négro-mauritanien opprimé. A supposer même que mes détracteurs aient eu raison, cela n’aurait ôté en rien mon apport multiforme à la lutte des négro-africains pour recouvrer leur dignité dans leur propre pays ; comme c’est le cas pour Murtudo Diop qui, bien qu’ayant œuvré à l’avènement de ce mouvement, n’a pas participé à la rédaction du Manifeste.
Cela dit, depuis ma sortie de prison le 14 septembre 1990, j’ai choisi de lutter légalement à l’intérieur du pays aux côtés des autres forces politiques qui partagent nos préoccupations. Je suis resté ici sans chercher à régler seul ma situation administrative alors que comme d’autres, j’aurais pu le faire pour m’assurer une retraite moins difficile. J’ai préféré attendre que le règlement soit global et définitif et j’attends toujours. Nous avons essayé l’Alliance pour une Mauritanie Nouvelle (AMN) dont la lettre des 402 a été à la base du programme de l’UFD et du PLEJ. Puis nous avons milité dans l’UFD et à Action pour le Changement (AC) devenu APP. Et Aujourd’hui l’AJD/MR. Avec la parenthèse d’un mandat de député à l’Assemblée Nationale de 2001 à 2005 qui n’est pas passé inaperçu et deux élections présidentielles, en 2007 où j’ai recueilli 8% me plaçant 5ème sur dix neuf candidats et en 2009 où j’ai obtenu 5% en arrivant 4ème sur 9 postulants. Je pense que nous avons fait ce que nous avons pu.
Nos camarades qui avaient choisi l’exil n’ont pas démérité. Ils ont porté plus loin le message et ce n’est pas vain. Nous n’avons pas pu coordonner nos actions de lutte pour des raisons qu’il serait très long d’exposer ici. Au-delà des problèmes de stratégie, il y a eu certainement des problèmes humains. La confiance a été sérieusement malmenée et son rétablissement est une condition sine qua non pour un travail en commun fructueux. Pour le reste leur retour en Mauritanie est une très bonne chose. Je pense que la situation est favorable. Les FLAM sont moins diabolisés aujourd’hui qu’il y a trente ans. Sur le terrain tous les combats sont possibles et il y a de la place pour tous. La multiplicité des cadres de lutte peut créer une émulation. On peut lutter ensemble dans une même organisation ou fédérer des structures, on peut se concerter en cas de besoin. Si, au lieu de se tirer dessus, on tirait dans la même direction, il ne pourrait y avoir aucun problème. Mais si on part du principe que « moi je ne peux exister que si l’autre disparaît », là naturellement ça va gripper la machine alors qu’il n’y a que des difficultés et la misère à se disputer.
Depuis la sortie de l’AJD/MR de la CPM, certains cherchent à la situer dans l’échiquier politique. Que leur répondez-vous?
Nous avons dit clairement que l’AJD/MR gardait son indépendance organisationnelle face aux grands pôles qui se partagent la scène politique, mais que nous étions prêts à étudier à la carte toute initiative qui va dans le sens de nos options fondamentales.
Nous avons tiré les leçons de toutes les coalitions auxquelles nous avons eu à participer par le passé. Des hommes ou partis politiques avec lesquels nous avons eu à signer des partenariats dans la lutte pour l’avènement d’une Mauritanie réconciliée avec elle-même n’ont pas hésité à les trahir pour des intérêts particuliers. Nous n’avons pas oublié tous les coups bas que nous avons reçus et qui ont retardé notre lutte. Loin d’être vindicatifs, nous choisissons la prudence car il ne faut pas se laisser mordre le doigt par deux fois. So gumDo wumi wumtii andii ko gite nafata !
Vous avez reçu le Président Messaoud Ould Boulkhier dans le cadre de son initiative pour apaiser le climat politique. Pensez-vous que le pays ait replongé dans une crise politique et institutionnelle similaire à l'impasse en 2009 avant les accords de Dakar?
Il y a crise puisque l’assemblée nationale qui est en place est illégitime. Les députés qu’ils soient du pouvoir ou de l’opposition se sont reconduits de manière indéterminée et sans honte. Les députés de l’opposition qui fustigent cette situation ne prennent pas l’initiative de démissionner, salaires et avantages obligent. Les municipalités ne sont pas renouvelées et certains partis continuent de percevoir à ce titre les subventions de l’Etat alors qu’ils ne sont pas sûrs de recueillir les mêmes suffrages et avoir des élus si de nouvelles consultations étaient organisées. Il n’y a que l’AJD/MR, aujourd’hui 4ème force politique du pays si on s’en tient à la dernière élection présidentielle, qui ne dispose d’aucun député, d’aucun maire, d’aucune subvention. C’est ça la crise !
Pour le reste, l’élection présidentielle a eu lieu, un Président a été élu et tout le monde l’a reconnu à un moment donné. L’occasion d’un dialogue inclusif a été offerte, une partie de l’opposition l’a accepté, une autre l’a refusée. Si cette dernière souhaite un autre dialogue pour améliorer ce qui a été déjà obtenu, personnellement je ne suis pas contre. Mais les résultats du premier dialogue qui sont extrêmement importants doivent être appliqués scrupuleusement. Cependant rien ne doit empêcher d’aller aux élections législatives et municipales qui, seules, peuvent donner la mesure de la réalité des forces politiques en présence. Nous appuyons dans ce sens la proposition du Président Messaoud.
Mais l’opposition n’est pas conséquente. La vérité qu’aucun discours ne peut éluder est que le vrai coup d’Etat est celui qui a été fait contre Taya en août 2005. Celui-ci avait été favorisé par les deux tentatives des Cavaliers du Changement. Sidi Ould Cheikh Abdallahi, avec tout le respect que je lui voue, n’a été qu’une victime innocente des militaires qui voulaient en faire un simple chargé de mission. C’est eux qui l’ont installé au pouvoir, on ne le répétera jamais assez, autrement il n’aurait pas été élu face à Ahmed Ould Daddah. Ils attendaient de lui qu’il joue leur carte jusqu’au bout, il ne l’a pas fait c’est tout à son honneur. Et les militaires ont repris leur pouvoir pour prolonger la transition. J’avais prévu ce scénario dès mai 2006 [NDLR'La transition en dérive, se ressaisir !’]. L’opposition, par opportunisme a vite salué le putsch du 3 août 2005- qui était bon pour eux – et n’a pris aucune garantie face aux militaires qu’ils ont soutenus.
Voilà ce que j’avais écrit en conclusion de ce texte : « Je suggère que le CMJD prenne le temps qu'il faut pour régler les problèmes du pays. Car, lui seul peut les régler sans trop de difficultés avec ce départ de Maouwiya qu'il a provoqué. Sinon, son action aura été vaine. En symbiose avec la classe politique, dans le cadre d'un gouvernement d'union nationale de transition et d'un programme concocté en commun, le CMJD doit pouvoir reprendre le processus de transition et le mener à terme en réglant tous les problèmes ». Vous voyez ? C’est cela que propose le Président Messaoud aujourd’hui, six ans après.
Et plus loin, j’ajoutais « j'en appelle à toute la classe politique pour qu'elle ravale un instant son appétit du pouvoir et qu'elle sache que " rien ne sert de courir, il faut partir à point ". Il vaut mieux prendre du temps pour bien faire, maintenant, par nous-mêmes et pour nous-mêmes, que d'avoir à affronter des problèmes autrement plus difficiles dans l'avenir donnant justement l'occasion à d'autres de s'y immiscer ».
La prophétie s’est réalisée avec la médiation du Groupe de Contact International ayant abouti aux accords de Dakar.
Cet épisode passé, l’opposition avait eu l’opportunité historique d’opérer une alternance politique en 2007, mais certains avaient préféré rejoindre le camp parrainé par les militaires. Alors pourquoi dès lors continuer à s’en prendre à ces derniers ? Nous sommes les seuls responsables de ce qui nous arrive.
Au mois de juin 2012, la section de Sebkha de l’AJD/MR avait organisé une marche pour demander l’abrogation de la loi d’amnistie de 1993 ; de quels moyens de pression disposez-vous pour faire avancer cette question ?
En vérité, nous avons même tardé à le faire. Nous aurions du durant le règne de Taya dénoncer par des actions d’éclat cette loi scélérate. Nous devions utiliser les armes que nous avions choisies en toute conscience, c’est-à-dire la lutte dans la légalité, pour abroger cette disposition parrainée par des négro-africains. A l’Assemblée Nationale, nous avions bien pris notre courage à deux mains pour dénoncer l’esclavage et réclamer le retour des déportés, ce qui eut pour conséquence la dissolution de AC. C’était la période la plus difficile, Taya était encore là et l’opposition n’avait que onze députés. Aujourd’hui la situation est plus aisée, avec une opposition bien représentée et une majorité moins cohérente, des députés peuvent bien se permettre de proposer une loi pour abroger cette autoamnistie des militaires. Cela ne suffira pas s’il n’y a pas une pression populaire forte ; à ce niveau l’AJD/MR s’atèle à mobiliser sa base. Ce ne sera pas facile par les temps qui courent, nous savons que les négro-africains sont traversés par un fort courant de pessimisme à cause des échecs répétés et qu’ils attendent la providence. C’est une situation dangereuse puisqu’elle peut déboucher sur des actes de désespoir devant l’obstination du système qui ne comprend pas ce silence précédant peut-être la tempête. Nous devons cependant sortir et manifester pacifiquement, montrer notre détermination à voir cette loi abolie et les coupables jugés conformément au Droit et à notre sainte religion. Personne ne peut s’absoudre de crimes de sang imprescriptibles.
Quelles sont vos impressions après votre rencontre avec Biram Ould Dah ?
Quelque soit les griefs que j’ai à l’égard de Messaoud Ould Boulkheir, et j’en ai, je le connais suffisamment pour affirmer que c’est un homme exceptionnel qui a joué un rôle important dans la vie politique en Mauritanie et la libération des esclaves lui doit beaucoup. Comme tout le monde, il a commis des erreurs mais s’il n’existait pas, les haratines l’auraient créé. D’autres leaders comme Boubacar Messaoud, qui n’a jamais fait de compromis avec les esclavagistes, Oumar Ould Yali, et même ceux qui comme Boydiel Ould Houmeid qui continuent à revendiquer l’héritage du sinistre Moawiya, jusqu’à Mohamed Salem Ould Merzoug, qui est une fierté pour notre pays pour avoir conduit de main de maître l’OMVS, la seule organisation régionale qui a véritablement réussi, ont pesé de leur présence sur la scène nationale et internationale pour faire avancer la cause haratine.
Biram Ould Dah apporte une touche nouvelle qui est peut-être décisive. Si le système tente de le liquider, d’une manière ou d’une autre, il va hâter l’avènement d’autres Biram plus radicaux. C’est pourquoi l’AJD/MR, qui comprend le sens de l’histoire, a suggéré au Président Aziz de reconnaître officiellement l’IRA et de collaborer sincèrement avec cette organisation, comme avec les autres avant elle, afin de mettre en application la loi criminalisant l’esclavage. L’AJD/MR sera toujours aux côtés de ceux qui luttent pour l’éradication systématique de ce fléau, éradication sans laquelle la lutte pour une meilleure cohabitation entre nos composantes nationales ne sera pas gagnée.
Le passif humanitaire est-il bouclé après le règlement du dossier des fonctionnaires?
Pour nous le passif humanitaire comprend trois volets : le matériel, le moral, et le judiciaire. Jusqu’ici l’Etat ne s’est intéressé qu’au matériel avec les réparations qui sont très loin d’être achevés tant au niveau des militaires qu’au niveau des victimes civiles, sans oublier les cas non recensés dans la vallée qui a connu beaucoup d’exactions durant cette période où les populations ont perdu tous leurs biens, leurs terres, leurs bétails…
Il y a également les fonctionnaires de 1986 dont la situation a été confiée à une commission qui a déposé ses conclusions demeurées lettre morte jusqu’ici.
Pour finir, pouvez-vous nous parler dela crise au Mali et la mort des prédicateurs mauritaniens, l'assassinat de l'ambassadeur des USA à Benghazi...
L’AJD/MR a dans un communiqué déploré la mort de nos prédicateurs au Mali. Ce sont les premières victimes mauritaniennes de cette guerre de l’Azawad. Avec le déploiement envisagé des forces de la CEDEAO appuyés par les puissances occidentales, nous craignons un débordement préjudiciable à la sécurité de notre pays.
Il faut impérativement sécuriser nos frontières tout en évitant de s’impliquer directement dans ce conflit, la décision de ne pas envoyer des troupes au Mali est sage.
En ce qui concerne le film « Innocence des musulmans » et les réactions dans le monde musulman suite aux caricatures du Prophète Mohamed (PSL), nous condamnons cette liberté d’expression qui menace la paix dans le monde et le dialogue des religions et des cultures. De même tout en comprenant la colère des musulmans, nous estimons que ces derniers doivent prêcher par l’exemple en se conformant aux préceptes de notre sainte religion dont le leitmotiv est la paix. L’occident, en mal de repères, s’inquiète de l’avancée inexorable de l’islam et certains de ces représentants feignent de ne pas reconnaître que le prophète de l’islam a été désigné comme l’être le plus exceptionnel de tous les temps par de grands penseurs comme Victor Hugo, ou l’historien Gustave Le Bon qui a dit que « Mohamed est le plus grand homme de l’Histoire ».
Monsieur le Président, nous vous remercions d’avoir répondu à nos questions.
Lire la première partie ICI
Propos recueillis par Bocar BA et Boubacar SY
Source: AJD/MR