Génocide Biométrique : la sourde oreille des autorités mauritaniennes, quelle attitude et quelles actions pour les exclus?
Permettez-moi tout d’abord de remercier mon grand Frère Ousmane Diagana qui m’a invité à cette journée pour faire partie des intervenants de cette journée d’anniversaire. Je salue également tous les membres de la section AJD/MR, compatriotes mauritaniens, militants et sympathisants venus nombreux assister à cette journée qui commémore le 6eme anniversaire de l’AJD/MR.
Avant de commencer mon intervention, j’aimerais vous rappeler qu’au mois septembre, notre jeune frère Lamina Magane a été tué. Je m’incline devant sa dépouille et celles de nos martyrs tués sauvagement. J’implore au Bon Dieu de les accueillir dans son Saint Paradis Amen.
PLAN DE L’INTERVENTION
I -Contexte de l’enrôlement
II- Conditions
III- Conséquences
I-Contexte de l’enrôlement en Mauritanie:
Pour comprendre les enjeux et les motivations profondes de l’enrôlement qui a lieu en Mauritanie, il faut rappeler l’injonction faite au Gouvernement Mauritanien par le Comité des Nations Unies pour l’Elimination de la Discrimination Raciale lors de sa Soixante-cinquième Session (65ème) qui s’était tenue à Genève du 2 au 20 août 2004. Le Comité des Nations-Unies a en effet constaté que le rapport présenté par le Gouvernement Mauritanien « contient des informations relatives à la composition linguistique de la population, mais que ces données ne permettent pas de percevoir toute la complexité de la société mauritanienne, en particulier en ce qui concerne la composition du groupe arabophone (...) et regrette que les indicateurs en matière économique et sociale communiqués au Comité n’aient pas été ventilés selon l’ascendance ou l’origine ethnique ». Le comité se dit par ailleurs « préoccupé par les allégations faisant état du très faible taux de participation des Maures Noirs et des Négro-africains dans l’armée, la police, l’administration, le gouvernement et autres institutions de l’Etat ». Le Comité demande donc à l’Etat de fournir dans son prochain rapport « les informations détaillées sur cette question (..), qu’en outre, le (Gouvernement) devrait en toutes circonstances assurer une représentation effective des diverses composantes de la population mauritanienne dans les institutions de l’Etat et le droit égal de tous d’accéder aux fonctions publiques » en vertu des articles 2 §1 et 5 c de la Convention Internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciales adoptée à New York le 21 décembre 1965, ratifiée par la Mauritanie le 13 décembre 1988 et entrée en vigueur le 12 janvier 1989.
Le Comité engage enfin le Gouvernement mauritanien de « procéder à un recensement de la population plus précis, sans se limiter aux seuls éléments linguistiques, de produire des indicateurs plus détaillés, ventilés selon l’ascendance ou l’origine ethnique (..), de mener des enquêtes ciblées qui permettront de mieux déterminer la situation dans laquelle se trouvent les divers groupes tombant dans la définition de l’article 1 de la convention » c'est-à-dire dans la discrimination raciale.
Depuis cette injonction du comité des Nations Unies, germait l’idée d’un recensement qui légitimerait le quasi monopole des leviers de l’Etat par la Communauté maure.
Après les coups d’Etat des 03 août 2005 et 06 août 2008, l’idée du recensement fut reprise par les autorités mauritaniennes.
L’enrôlement en cours est donc conçu comme un instrument à double détente : Il enferme d’abord les mauritaniens dans des structures ethnolinguistiques, ce qui est contraire à l’idée de recensement à vocation d’état-civil. Pour le recensement à vocation d’état-civil, l’élément fondateur est celui de l’appartenance à une Nation et non celui de l’appartenance à telle ou telle structure ethnolinguistique dont on sait les conséquences historiques que cette dernière option a pu entrainer, notamment au Rwanda.
Ce recensement vise ensuite et surtout- et c’est son premier objectif- à démontrer que la participation des Négro-africains et des Maures noirs dans les différentes institutions de l’Etat correspond bien à leurs poids démographiques respectifs, quitte à créer pour cela, ce qu’on appelle à propos des pratiques d’enrôlement, « une nouvelle race de mauritaniens apatrides ».
L’enjeu de cet enrôlement est donc pour le régime de Ould Abdel AZIZ de justifier sa politique d’exclusion raciste et chauvine ou de quotas réservés aux Négro-africains et aux harratines. Mais pour ces derniers, l’enjeu majeur est la question de nationalité qui explique, surtout chez les Négro-africains, à cause de la déportation de 1989, les manifestations de frustration et surtout de colère. D’ailleurs, quelque soit le côté abordé, le problème de l’enrôlement trouve sa « centralité » dans la question de nationalité.
Pour parvenir à son objectif, l’Etat a mis en place un cadre juridique et institutionnel sous contrôle pour un enrôlement « maîtrisé » lancé officiellement le 28 Novembre 2010.
A cet effet, une Agence Nationale du Registre des Populations et des Titres Sécurisés (ANRPTS) a été créée par décret (n°210-150) en date du 06 juillet 2010. Mais la composition mono-ethnique et clientéliste de cette agence, exprime la volonté du Président Ould Abdel AZIZ de se doter de son propre fichier d’état-civil.
L’Agence est en effet dirigée par un proche du Président qui n’est autre que son ancien directeur de campagne lors des élections Présidentielles du 18 juillet 2009 en charge de la logistique et du système informatique, dont le premier acte, rappelons le, fut de détruire une partie du Fichier National d’état-civil. Cet homme concentre entre ses mains tous les pouvoirs en matière d’état-civil et l’organe qu’il dirige est un organe politique censé participer à la destinée du pays, puisqu’il a la charge historique de dire en définitive qui est mauritanien et qui ne l’est pas.
L’Agence comprend cinq instances : un Conseil d’Administration présidé par le conseiller du Président, un Comité de Gestion présidé par le Président du Conseil d’Administration, un Comité technique de Pilotage, un Administrateur Directeur Général et un Comité juridique dirigé par le conseiller juridique du Président.
Dans toutes ces instances, on ne compte qu’un seul négro-africain. Sont cependant membres de droit de ces instances, le Chef d’état major national ou son représentant, le Chef d’état-major de la Garde nationale ou son représentant, le Chef d’état-major de la gendarmerie nationale ou son représentant, le Directeur de la sûreté nationale ou son représentant, le Directeur du groupement général de la sécurité des routes ou son représentant.
Il est créé par ailleurs, dans chaque Département, un Comité d’Accueil Citoyens composé du Préfet, d’un Gendarme, d’un Garde, d’un policier, du Maire ou d’un Conseiller Municipal et d’agents de recensement. Ces Comités parachèvent le dispositif institutionnel de contrôle des opérations de recensement.
Ces centres d’Accueil Citoyens sont les lieux d’enrôlement où se déroulent les procédures de collecte et d’enregistrement des données biométriques et biographiques pour l’identification des candidats au recensement.
II- conditions d’enrôlement
Les relents discriminatoires dans ces centres, qui sont devenus en fait de véritables lieux d’instruction et d’épuration, font légion et expriment l’objectif à peine voilé de mettre en cause la nationalité de bon nombre de Mauritaniens, et principalement des noirs.
Certains Mauritaniens sont momentanément exclus du recensement : il s’agit de tous ceux qui sont nés à l’étranger et de ceux qui ont moins de quarante-cinq ans (-45 ans).
Pour les Mauritaniens candidats au recensement, il ne suffit pas seulement de produire les documents d’état-civil demandés, mais également de répondre aux questions posées par les responsables des Centres notamment sur la géographie du pays, la religion, les noms de personnalités du pays, la connaissance de l’arabe ou du coran. En somme tous les candidats à patronyme non arabophone sont présumés étrangers. Ils sont donc soumis à une série de questions. Pour les candidats de plus 45 ans dont les parents ou l’un des parents sont ou est en vie, ils doivent présenter son (ses) parent(s) quel que soit leur âge ou leur condition physique, ou au contraire présenter leurs actes de décès, sachant que l’état-civil dans ce pays est encore quasiment inexistant, rappelons que les premiers efforts significatifs dans ce domaine datent de 1998 avec l’appui de la Communauté Européenne. En outre, certains Mauritaniens doivent faire des dizaines et quelques fois des centaines de kilomètres pour se rendre dans les centres d’enrôlement.
Toutes ces tracasseries participent au découragement et à la démoralisation des négro-mauritaniens pour atteindre l’objectif escompté par le Pouvoir.
Le candidat admis se verra remettre, après les opérations matérielles accomplies (empreintes digitales, photographie, signature….) un numéro national d’identification du Registre National des Populations. Ce numéro lui permettra de bénéficier d’un titre d’état-civil sécurisé et par conséquent d’un acte d’état-civil tout simple, mais rappelons que l’article 72 de la loi du 12 janvier 2011 portant code de l’état-civil prévoit qu’ «il sera mis fin par décret aux actes d’état-civil délivrés antérieurement en vertu de la loi du 19 juin 1996 abrogée, portant code de l’état-civil ». Par conséquent, à partir de la publication de ce décret, tout Mauritanien non inscrit sur le Registre des Populations ne disposera plus d’actes d’état-civil mauritaniens valables, ce qui entraine inéluctablement des difficultés pour le renouvellement de son passeport et surtout pour prouver sa nationalité mauritanienne. Notre nationalité mauritanienne ne sera admise qu’au vu des nouveaux titres sécurisés établis sur la base des données fournies par l’Agence Nationale de Registre des populations.
Il existe donc de façon indubitable, un lien direct entre les nouveaux titres sécurisés et l’obtention de la nationalité, d’autant plus que ce sont les seuls titres reconnus, les anciens deviennent de simples papiers périmés.
En conséquence, seuls ceux qui sont inscrits sur le registre national des populations peuvent prétendre à la nationalité mauritanienne, les autres non-inscrits deviennent et resteront apatrides dans leur propre pays. Pour alerter l’opinion et le pouvoir politique sur les conditions et conséquences inacceptables de ce recensement, le mouvement « touche pas à ma nationalité » se créé. Très mobilisé et actif, ce mouvement a organisé dans les grandes villes du sud, notamment à Kaédi, Maghama, Sélibaby, Boghé, des manifestations pour demander l’arrêt des opérations d’enrôlement. Ces manifestations ont malheureusement été réprimées dans le sang par les forces de la répression qui ont tiré à balles réelles sur des manifestants désarmés, faisant plusieurs morts et blessés graves dont des enfants, ce qui plonge un peu plus le pays dans une situation politique chaotique.
C’est dans ce contexte particulièrement lourd que le gouvernement mauritanien lance la création d’une commission de recensement en France. Cette commission logée dans les locaux de l’Ambassade de Mauritanie a commencé ses opérations d’enrôlement. Ces opérations se sont révélées humiliantes, juridiquement contestables et politiquement condamnables.
En effet, cette commission oblige tout mauritanien et leur famille (femmes, enfants vieillards) de France et d’Europe, à se confiner dans des lieux insalubres et inadaptés pour accueillir de grands groupes. Ces mauritaniens patientent depuis 5 heures du matin mais seule une cinquantaine de personnes ne peut être recensée par jour ouvrable, les autres sont renvoyées chez elles sans explications, sans rendez vous possible. Ce manque d’organisation tant sur le plan humain que sur l’encadrement au sein de l’Ambassade de Mauritanie, sont humainement inacceptables. Les files d’attente et le mécontentement de certains occasionnent des gênes sur la voie publique.
Ensuite, les conditions exigées aux mauritaniens de France et d’Europe sont inacceptables parce que ladite Commission exige pour procéder à l’enrôlement, que le candidat soit en possession d’une carte de séjour établie par les autorités françaises. Or tout citoyen mauritanien en possession d’un passeport, d’une pièce d’identité ou même d’une copie intégrale établie valablement par des autorités mauritaniennes compétentes doit pouvoir se faire recenser d’autant plus que ce recensement se déroule dans l’enceinte de l’Ambassade de Mauritanie. La question est de savoir : comment un pays qui, pour justifier de la véracité des documents qu’il a lui-même établis, doit demander le titre de séjour d’un pays étranger ? Ce qui nous permet aujourd’hui de nous poser de sérieuses questions sur l’indépendance de notre administration nationale.
III- Conséquences
L’exigence de la carte de séjour a en effet pour conséquence d’écarter du recensement des catégories entières de mauritaniens :
Nous constatons avec regret qu’aussi bien en Mauritanie qu’en Europe, cet enrôlement vise à écarter le maximum de mauritaniens noirs du registre de l’Etat civil donc à terme, de nous priver de la nationalité mauritanienne pour devenir malgré nous des apatrides. Nous avons identifié beaucoup d’expatriés mauritaniens noirs qui ne peuvent plus voyager faute de passeport, d’autres qui devraient renouveler leur titre de séjour en France et qui vont par conséquent tomber dans la clandestinité avec toutes les conséquences qui en découlent.
Sao Ousmane
21 septembre 2013
Paris
avomm.com
Permettez-moi tout d’abord de remercier mon grand Frère Ousmane Diagana qui m’a invité à cette journée pour faire partie des intervenants de cette journée d’anniversaire. Je salue également tous les membres de la section AJD/MR, compatriotes mauritaniens, militants et sympathisants venus nombreux assister à cette journée qui commémore le 6eme anniversaire de l’AJD/MR.
Avant de commencer mon intervention, j’aimerais vous rappeler qu’au mois septembre, notre jeune frère Lamina Magane a été tué. Je m’incline devant sa dépouille et celles de nos martyrs tués sauvagement. J’implore au Bon Dieu de les accueillir dans son Saint Paradis Amen.
PLAN DE L’INTERVENTION
I -Contexte de l’enrôlement
II- Conditions
III- Conséquences
I-Contexte de l’enrôlement en Mauritanie:
Pour comprendre les enjeux et les motivations profondes de l’enrôlement qui a lieu en Mauritanie, il faut rappeler l’injonction faite au Gouvernement Mauritanien par le Comité des Nations Unies pour l’Elimination de la Discrimination Raciale lors de sa Soixante-cinquième Session (65ème) qui s’était tenue à Genève du 2 au 20 août 2004. Le Comité des Nations-Unies a en effet constaté que le rapport présenté par le Gouvernement Mauritanien « contient des informations relatives à la composition linguistique de la population, mais que ces données ne permettent pas de percevoir toute la complexité de la société mauritanienne, en particulier en ce qui concerne la composition du groupe arabophone (...) et regrette que les indicateurs en matière économique et sociale communiqués au Comité n’aient pas été ventilés selon l’ascendance ou l’origine ethnique ». Le comité se dit par ailleurs « préoccupé par les allégations faisant état du très faible taux de participation des Maures Noirs et des Négro-africains dans l’armée, la police, l’administration, le gouvernement et autres institutions de l’Etat ». Le Comité demande donc à l’Etat de fournir dans son prochain rapport « les informations détaillées sur cette question (..), qu’en outre, le (Gouvernement) devrait en toutes circonstances assurer une représentation effective des diverses composantes de la population mauritanienne dans les institutions de l’Etat et le droit égal de tous d’accéder aux fonctions publiques » en vertu des articles 2 §1 et 5 c de la Convention Internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciales adoptée à New York le 21 décembre 1965, ratifiée par la Mauritanie le 13 décembre 1988 et entrée en vigueur le 12 janvier 1989.
Le Comité engage enfin le Gouvernement mauritanien de « procéder à un recensement de la population plus précis, sans se limiter aux seuls éléments linguistiques, de produire des indicateurs plus détaillés, ventilés selon l’ascendance ou l’origine ethnique (..), de mener des enquêtes ciblées qui permettront de mieux déterminer la situation dans laquelle se trouvent les divers groupes tombant dans la définition de l’article 1 de la convention » c'est-à-dire dans la discrimination raciale.
Depuis cette injonction du comité des Nations Unies, germait l’idée d’un recensement qui légitimerait le quasi monopole des leviers de l’Etat par la Communauté maure.
Après les coups d’Etat des 03 août 2005 et 06 août 2008, l’idée du recensement fut reprise par les autorités mauritaniennes.
L’enrôlement en cours est donc conçu comme un instrument à double détente : Il enferme d’abord les mauritaniens dans des structures ethnolinguistiques, ce qui est contraire à l’idée de recensement à vocation d’état-civil. Pour le recensement à vocation d’état-civil, l’élément fondateur est celui de l’appartenance à une Nation et non celui de l’appartenance à telle ou telle structure ethnolinguistique dont on sait les conséquences historiques que cette dernière option a pu entrainer, notamment au Rwanda.
Ce recensement vise ensuite et surtout- et c’est son premier objectif- à démontrer que la participation des Négro-africains et des Maures noirs dans les différentes institutions de l’Etat correspond bien à leurs poids démographiques respectifs, quitte à créer pour cela, ce qu’on appelle à propos des pratiques d’enrôlement, « une nouvelle race de mauritaniens apatrides ».
L’enjeu de cet enrôlement est donc pour le régime de Ould Abdel AZIZ de justifier sa politique d’exclusion raciste et chauvine ou de quotas réservés aux Négro-africains et aux harratines. Mais pour ces derniers, l’enjeu majeur est la question de nationalité qui explique, surtout chez les Négro-africains, à cause de la déportation de 1989, les manifestations de frustration et surtout de colère. D’ailleurs, quelque soit le côté abordé, le problème de l’enrôlement trouve sa « centralité » dans la question de nationalité.
Pour parvenir à son objectif, l’Etat a mis en place un cadre juridique et institutionnel sous contrôle pour un enrôlement « maîtrisé » lancé officiellement le 28 Novembre 2010.
A cet effet, une Agence Nationale du Registre des Populations et des Titres Sécurisés (ANRPTS) a été créée par décret (n°210-150) en date du 06 juillet 2010. Mais la composition mono-ethnique et clientéliste de cette agence, exprime la volonté du Président Ould Abdel AZIZ de se doter de son propre fichier d’état-civil.
L’Agence est en effet dirigée par un proche du Président qui n’est autre que son ancien directeur de campagne lors des élections Présidentielles du 18 juillet 2009 en charge de la logistique et du système informatique, dont le premier acte, rappelons le, fut de détruire une partie du Fichier National d’état-civil. Cet homme concentre entre ses mains tous les pouvoirs en matière d’état-civil et l’organe qu’il dirige est un organe politique censé participer à la destinée du pays, puisqu’il a la charge historique de dire en définitive qui est mauritanien et qui ne l’est pas.
L’Agence comprend cinq instances : un Conseil d’Administration présidé par le conseiller du Président, un Comité de Gestion présidé par le Président du Conseil d’Administration, un Comité technique de Pilotage, un Administrateur Directeur Général et un Comité juridique dirigé par le conseiller juridique du Président.
Dans toutes ces instances, on ne compte qu’un seul négro-africain. Sont cependant membres de droit de ces instances, le Chef d’état major national ou son représentant, le Chef d’état-major de la Garde nationale ou son représentant, le Chef d’état-major de la gendarmerie nationale ou son représentant, le Directeur de la sûreté nationale ou son représentant, le Directeur du groupement général de la sécurité des routes ou son représentant.
Il est créé par ailleurs, dans chaque Département, un Comité d’Accueil Citoyens composé du Préfet, d’un Gendarme, d’un Garde, d’un policier, du Maire ou d’un Conseiller Municipal et d’agents de recensement. Ces Comités parachèvent le dispositif institutionnel de contrôle des opérations de recensement.
Ces centres d’Accueil Citoyens sont les lieux d’enrôlement où se déroulent les procédures de collecte et d’enregistrement des données biométriques et biographiques pour l’identification des candidats au recensement.
II- conditions d’enrôlement
Les relents discriminatoires dans ces centres, qui sont devenus en fait de véritables lieux d’instruction et d’épuration, font légion et expriment l’objectif à peine voilé de mettre en cause la nationalité de bon nombre de Mauritaniens, et principalement des noirs.
Certains Mauritaniens sont momentanément exclus du recensement : il s’agit de tous ceux qui sont nés à l’étranger et de ceux qui ont moins de quarante-cinq ans (-45 ans).
Pour les Mauritaniens candidats au recensement, il ne suffit pas seulement de produire les documents d’état-civil demandés, mais également de répondre aux questions posées par les responsables des Centres notamment sur la géographie du pays, la religion, les noms de personnalités du pays, la connaissance de l’arabe ou du coran. En somme tous les candidats à patronyme non arabophone sont présumés étrangers. Ils sont donc soumis à une série de questions. Pour les candidats de plus 45 ans dont les parents ou l’un des parents sont ou est en vie, ils doivent présenter son (ses) parent(s) quel que soit leur âge ou leur condition physique, ou au contraire présenter leurs actes de décès, sachant que l’état-civil dans ce pays est encore quasiment inexistant, rappelons que les premiers efforts significatifs dans ce domaine datent de 1998 avec l’appui de la Communauté Européenne. En outre, certains Mauritaniens doivent faire des dizaines et quelques fois des centaines de kilomètres pour se rendre dans les centres d’enrôlement.
Toutes ces tracasseries participent au découragement et à la démoralisation des négro-mauritaniens pour atteindre l’objectif escompté par le Pouvoir.
Le candidat admis se verra remettre, après les opérations matérielles accomplies (empreintes digitales, photographie, signature….) un numéro national d’identification du Registre National des Populations. Ce numéro lui permettra de bénéficier d’un titre d’état-civil sécurisé et par conséquent d’un acte d’état-civil tout simple, mais rappelons que l’article 72 de la loi du 12 janvier 2011 portant code de l’état-civil prévoit qu’ «il sera mis fin par décret aux actes d’état-civil délivrés antérieurement en vertu de la loi du 19 juin 1996 abrogée, portant code de l’état-civil ». Par conséquent, à partir de la publication de ce décret, tout Mauritanien non inscrit sur le Registre des Populations ne disposera plus d’actes d’état-civil mauritaniens valables, ce qui entraine inéluctablement des difficultés pour le renouvellement de son passeport et surtout pour prouver sa nationalité mauritanienne. Notre nationalité mauritanienne ne sera admise qu’au vu des nouveaux titres sécurisés établis sur la base des données fournies par l’Agence Nationale de Registre des populations.
Il existe donc de façon indubitable, un lien direct entre les nouveaux titres sécurisés et l’obtention de la nationalité, d’autant plus que ce sont les seuls titres reconnus, les anciens deviennent de simples papiers périmés.
En conséquence, seuls ceux qui sont inscrits sur le registre national des populations peuvent prétendre à la nationalité mauritanienne, les autres non-inscrits deviennent et resteront apatrides dans leur propre pays. Pour alerter l’opinion et le pouvoir politique sur les conditions et conséquences inacceptables de ce recensement, le mouvement « touche pas à ma nationalité » se créé. Très mobilisé et actif, ce mouvement a organisé dans les grandes villes du sud, notamment à Kaédi, Maghama, Sélibaby, Boghé, des manifestations pour demander l’arrêt des opérations d’enrôlement. Ces manifestations ont malheureusement été réprimées dans le sang par les forces de la répression qui ont tiré à balles réelles sur des manifestants désarmés, faisant plusieurs morts et blessés graves dont des enfants, ce qui plonge un peu plus le pays dans une situation politique chaotique.
C’est dans ce contexte particulièrement lourd que le gouvernement mauritanien lance la création d’une commission de recensement en France. Cette commission logée dans les locaux de l’Ambassade de Mauritanie a commencé ses opérations d’enrôlement. Ces opérations se sont révélées humiliantes, juridiquement contestables et politiquement condamnables.
En effet, cette commission oblige tout mauritanien et leur famille (femmes, enfants vieillards) de France et d’Europe, à se confiner dans des lieux insalubres et inadaptés pour accueillir de grands groupes. Ces mauritaniens patientent depuis 5 heures du matin mais seule une cinquantaine de personnes ne peut être recensée par jour ouvrable, les autres sont renvoyées chez elles sans explications, sans rendez vous possible. Ce manque d’organisation tant sur le plan humain que sur l’encadrement au sein de l’Ambassade de Mauritanie, sont humainement inacceptables. Les files d’attente et le mécontentement de certains occasionnent des gênes sur la voie publique.
Ensuite, les conditions exigées aux mauritaniens de France et d’Europe sont inacceptables parce que ladite Commission exige pour procéder à l’enrôlement, que le candidat soit en possession d’une carte de séjour établie par les autorités françaises. Or tout citoyen mauritanien en possession d’un passeport, d’une pièce d’identité ou même d’une copie intégrale établie valablement par des autorités mauritaniennes compétentes doit pouvoir se faire recenser d’autant plus que ce recensement se déroule dans l’enceinte de l’Ambassade de Mauritanie. La question est de savoir : comment un pays qui, pour justifier de la véracité des documents qu’il a lui-même établis, doit demander le titre de séjour d’un pays étranger ? Ce qui nous permet aujourd’hui de nous poser de sérieuses questions sur l’indépendance de notre administration nationale.
III- Conséquences
L’exigence de la carte de séjour a en effet pour conséquence d’écarter du recensement des catégories entières de mauritaniens :
- Les mauritaniens non recensés mais qui ont demandé le renouvellement de leur titre de séjour, ne pourront par retirer leur carte de séjour, faute de pouvoir présenter le nouveau passeport biométrique désormais obtenu après le recensement.
- Les mauritaniens qui n’ont pas de titres de séjour, disposant de pièces d’identité valablement établies par les autorités mauritaniennes.
Sao Ousmane
21 septembre 2013
Paris
avomm.com