En 2050, l'Afrique devrait compter presque autant de personnes âgées que l'Europe. Mais elle n'a pas les politiques sociales nécessaires pour y faire face, avance une étude de l'INED. Or, avec la modernisation du continent, les solidarités familiales d'hier s'étiolent.
L'Afrique vieillit. Une étude de l'Institut national d'études démographiques (INED) publiée hier insiste sur une réalité presque oubliée jusqu'ici, tant l'Afrique est présentée comme un continent à la jeunesse porteuse d'espoirs pour son développement. Si les Africains de 60 ans et plus ne représentent, d'après les données 2010 des Nations unies, que 5,5 % de la population africaine (contre quatre fois plus dans les pays développés), le processus de vieillissement devrait « progresser rapidement », affirment les chercheurs de l'INED. En 2050, l'Afrique devrait ainsi compter 215 millions de personnes de 60 ans et plus, soit presque autant qu'en Europe (241 millions).
Un vieillissement auquel le continent n'est que très peu préparé, les politiques de santé et de retraite à l'égard de cette frange de population étant peu développées. Il n'existe ainsi pas vraiment de retraites en Afrique, ces dernières étant souvent limitées aux fonctionnaires et aux employés des grandes entreprises privées. « Moins de 10 % des personnes âgées (de 60 ans et plus) peuvent prétendre à une pension de retraite », estime l'INED dans son étude.
« Les barrières sont multiples »
Or, la modernisation des sociétés africaines conduit à l'effritement des mécanismes de solidarité entre générations qui permettaient souvent aux personnes de grand âge d'être prises en charge par leur famille. L'évolution des sociétés africaines conduit les jeunes générations à « s'émanciper de la tutelle des aînés », écrivent les chercheurs de l'INED. Cette évolution « remet parfois en cause les solidarités intergénérationnelles constitutives du contrat social en Afrique, au détriment des plus âgés ».
Le risque est aussi que ce vieillissement pèse sur le développement du continent. « Dans le domaine de l'emploi, les personnes âgées sont amenées à travailler à des âges relativement avancés et c'est autant d'offres d'emploi manquantes pour les jeunes générations », estime l'un des auteurs du rapport, Valérie Golaz. Chercheuse en Ouganda, elle évoque l'expérience menée par ce pays -qui a pourtant la proportion de personnes âgées la plus faible en Afrique - pour instaurer une sorte de revenu minimum pour les plus de 65 ans, un dispositif étendu aux personnes qui ont des orphelins à charge ou aux handicapés. Le pays a lancé ce projet pilote sur quelques districts. « Pour l'instant, on ne peut pas encore savoir quelle en sera l'efficacité ni si cela améliorera la situation des populations concernées, d'autant que les sommes en jeu ne permettent pas de vivre au-dessus du seuil de pauvreté sans autre revenu », précise Valérie Golaz.
Le Maroc, où la question du vieillissement est plus prégnante qu'en Ouganda, a mis en place le Régime d'assistance médicale (Ramed), fondé sur le principe de la solidarité nationale au profit des plus démunis. Le Sénégal a instauré un « plan Sésame » qui permet à des personnes âgées d'avoir accès à des soins et à une prise en charge partielle de ces soins. Mais cela ne se fait qu'après avoir respecté une procédure administrative qui suppose une demande préalable de prise en charge et de préfinancement qui n'est « pas forcément évidente pour des personnes âgées qui ne sont pas toutes lettrées et qui ne vivent pas nécessairement près d'un hôpital », estime encore Valérie Golaz. Sans préjuger des résultats de telle ou telle expérience, « les politiques sociales mises en oeuvre par certains pays africains n'atteignent pas toujours leur but, parce que les barrières sont multiples », ajoute-t-elle.
Or, dans certains pays, le problème du vieillissement n'attendra pas 2050 pour se poser. C'est le cas en Ouganda où « l'urgence est déjà là », conclut cette chercheuse, avec des personnes âgées qui n'ont parfois plus de descendance en raison de l'épidémie de sida qui a décimé des familles entières. « Au moment de leur perte d'autonomie se pose alors la question de leur survie et plus seulement de maintien du niveau de vie de ces personnes âgées. »
MARIE-CHRISTINE CORBIER
Source: lesechos
L'Afrique vieillit. Une étude de l'Institut national d'études démographiques (INED) publiée hier insiste sur une réalité presque oubliée jusqu'ici, tant l'Afrique est présentée comme un continent à la jeunesse porteuse d'espoirs pour son développement. Si les Africains de 60 ans et plus ne représentent, d'après les données 2010 des Nations unies, que 5,5 % de la population africaine (contre quatre fois plus dans les pays développés), le processus de vieillissement devrait « progresser rapidement », affirment les chercheurs de l'INED. En 2050, l'Afrique devrait ainsi compter 215 millions de personnes de 60 ans et plus, soit presque autant qu'en Europe (241 millions).
Un vieillissement auquel le continent n'est que très peu préparé, les politiques de santé et de retraite à l'égard de cette frange de population étant peu développées. Il n'existe ainsi pas vraiment de retraites en Afrique, ces dernières étant souvent limitées aux fonctionnaires et aux employés des grandes entreprises privées. « Moins de 10 % des personnes âgées (de 60 ans et plus) peuvent prétendre à une pension de retraite », estime l'INED dans son étude.
« Les barrières sont multiples »
Or, la modernisation des sociétés africaines conduit à l'effritement des mécanismes de solidarité entre générations qui permettaient souvent aux personnes de grand âge d'être prises en charge par leur famille. L'évolution des sociétés africaines conduit les jeunes générations à « s'émanciper de la tutelle des aînés », écrivent les chercheurs de l'INED. Cette évolution « remet parfois en cause les solidarités intergénérationnelles constitutives du contrat social en Afrique, au détriment des plus âgés ».
Le risque est aussi que ce vieillissement pèse sur le développement du continent. « Dans le domaine de l'emploi, les personnes âgées sont amenées à travailler à des âges relativement avancés et c'est autant d'offres d'emploi manquantes pour les jeunes générations », estime l'un des auteurs du rapport, Valérie Golaz. Chercheuse en Ouganda, elle évoque l'expérience menée par ce pays -qui a pourtant la proportion de personnes âgées la plus faible en Afrique - pour instaurer une sorte de revenu minimum pour les plus de 65 ans, un dispositif étendu aux personnes qui ont des orphelins à charge ou aux handicapés. Le pays a lancé ce projet pilote sur quelques districts. « Pour l'instant, on ne peut pas encore savoir quelle en sera l'efficacité ni si cela améliorera la situation des populations concernées, d'autant que les sommes en jeu ne permettent pas de vivre au-dessus du seuil de pauvreté sans autre revenu », précise Valérie Golaz.
Le Maroc, où la question du vieillissement est plus prégnante qu'en Ouganda, a mis en place le Régime d'assistance médicale (Ramed), fondé sur le principe de la solidarité nationale au profit des plus démunis. Le Sénégal a instauré un « plan Sésame » qui permet à des personnes âgées d'avoir accès à des soins et à une prise en charge partielle de ces soins. Mais cela ne se fait qu'après avoir respecté une procédure administrative qui suppose une demande préalable de prise en charge et de préfinancement qui n'est « pas forcément évidente pour des personnes âgées qui ne sont pas toutes lettrées et qui ne vivent pas nécessairement près d'un hôpital », estime encore Valérie Golaz. Sans préjuger des résultats de telle ou telle expérience, « les politiques sociales mises en oeuvre par certains pays africains n'atteignent pas toujours leur but, parce que les barrières sont multiples », ajoute-t-elle.
Or, dans certains pays, le problème du vieillissement n'attendra pas 2050 pour se poser. C'est le cas en Ouganda où « l'urgence est déjà là », conclut cette chercheuse, avec des personnes âgées qui n'ont parfois plus de descendance en raison de l'épidémie de sida qui a décimé des familles entières. « Au moment de leur perte d'autonomie se pose alors la question de leur survie et plus seulement de maintien du niveau de vie de ces personnes âgées. »
MARIE-CHRISTINE CORBIER
Source: lesechos