La langue française est en fête cette semaine. La francophonie aussi. Selon M. Jean Pruvost, la langue française se porte « joyeusement », et la francophonie constitue un affluant qui l’alimente positivement et significativement. Le français se porte joyeusement, selon M. Pruvost, car « il est en permanence fécondé par les médias, la littérature et les pays francophones. C’est indispensable. « Une langue qui ne connaîtrait aucune forme de néologie serait déjà une langue morte », disait Bernard Quemada. C’est dans la presse écrite et l’audiovisuel, lieux de débats permanents et d’observation d’une actualité qu’il faut désigner, que naissent le plus de néologismes. »
La francophonie, elle, selon toujours M. Pruvost « apporte son lot de nouveautés. Nous devons aux Belges la « frigolite » – une mousse blanche à base de polystyrène utilisée comme isolant thermique et emballage – et la « prépension » – allocation-chômage majorée versée aux salariés licenciés après un certain âge. Aux Québécois, le « bas-culotte » – équivalent du collant hexagonal. Aux Sénégalais, ‘’l’ambianceur » – le chauffeur de salle, l’animateur et, par extension, le fêtard. »
C’est dire que le français n’est plus, et n’est pas la langue des seuls français. C’est une langue universelle qui a été, et demeure, un viatique qui permet à des millions d’individus de se lier au monde, et de communiquer avec d’autres. Ceux qui la pratiquent, comme l’exprime si bien M. Pruvost, l’enrichissent avec leur génie créateur, et elle le leur rend bien à travers ce qu’elle véhicule comme culture, comme art, comme histoire, comme sciences, comme techniques et technologies innovantes.
Ces réalités, pourtant criantes, ne semblent pas être comprises par tous. En particulier mon ami le député Khalil Teyeb qui, après moult tergiversations, un nomadisme politique devant lequel rougiraient nos anciens chefs de campement, une versatilité caméléonienne, une réputation ‘’d’artificier politique’’ ayant réussi à faire imploser les grands groupes d’opposition pour le compte des systèmes militaro-politiques ayant dirigé le pays, a fini comme ténor de l’actuel parti au du pouvoir UPR (Union pour la République).
Ce tonitruant député mauritanien qui, dans un excès d’insolent chauvinisme, et d’obscurantisme endiablé, d’espièglerie démagogique, aurait déchiré, séance tenante, un procès-verbal de la commission des finances de l’assemblée nationale, pour l’unique et bête raison que le document était rédigé en français.
Il ne serait peut-être pas inutile de préciser que l’article 2 de la constitution de la 5 ème République fait de la langue française un attribut de souveraineté. A ce titre, on peut considérer que le geste de notre député est pour le moins inamical à l’égard d’une nation amie et pays allié : la France.
Il se peut que l’intéressé se retranche derrière l’article 6 de la constitution mauritanienne, maintes fois tripatouillée, pour une utiliser un terme particulièrement expressif et si cher au célèbre chroniqueur de rfi MAMANE.
L’article en question stipule que la langue arabe est la langue officielle du pays. Mais il fait aussi de l’Arabe, du Poular, du Soninké et du Wolof des langues nationales. Entre Nationales et officielle, comme je ne suis guère constitutionnaliste. A l’assemblée nationale où siège notre bouillant député, il n’y a pas que des arabophones. Il y a même des analphabètes. Comme ce député inculte, dont j’avais parlé dans un billet consacré ici à nos vaillants « dépités », et qui n’avait pu exprimer valablement son suffrage lors de l’élection/nomination de l’actuel Président de l’Assemblée nationale.
Il est clair que pour qu’il y ait les débats censés avoir lieu au sein de l’hémicycle, il faut que tout le monde puisse comprendre, à la fois, ce qui se dit et ce qui est écrit. Pour ce faire, la traduction doit être systématisée, non seulement pour le français et l’arabe, mais aussi en langues nationales.
Le geste irréfléchi du dépité est d’une gravité extrême, et à ce titre requiert qu’il présentât des excuses publiques. Il n’a pas seulement humilié l’institution parlementaire nationale au sein de laquelle il officie, insulté un symbole de souveraineté d’un pays ami, mais il a accompli un acte qui pourrait menacer gravement l’unité nationale.
Si demain, au sein de l’une des commissions parlementaires, un autre élu francophone se trouvait devant un document exclusivement rédigé en Arabe, et se permettait de le réduire en lambeaux. Les nationalistes arabes crieraient au scandale, au complot franco-américano-sioniste. Les invectives commenceront, les crachats pleuvront, les coups de poings fuseront, les bâtons, armes blanches et à feu seraient brandis. En somme, la guerre civile. Et la déchirure commise par le député, deviendra une fracture irréparable.
Si le nationalisme modéré peut être compris, le chauvinisme, lui, est inadmissible et tout à fait répréhensible. Le refus de communiquer avec l’autre, de nos jours, est tout simplement stupide et insensé. Les français poursuivent et renforcent leurs efforts de promotion de la langue française et de la francophonie, mais ils ouvrent, en même temps, leurs universités à l’enseignement en langues étrangères. Les chinois ont leur radio et leur chaine TV en langue française. Les israéliens maitrisent mieux que nous notre langue arabe classique comme dialectale. Nous ne connaissons pas un mot d’Hébreu, si ce n’est le célèbre Chalom, déjà universalisé.
Comment être aussi allergique à une langue ? Je ne peux le comprendre. Une langue c’est le moyen de communiquer, de découvrir l’autre, de cohabiter avec lui, de le respecter, de se faire apprécier par lui, de pénétrer les méandres de sa culture, d’explorer les tréfonds de sa pensée et capitaliser ce qui vous convient de ses valeurs.
La langue c’est ça. Le défunt guide Libyen, Mouammar Kaddafi, auquel notre énigmatique député avait, peu de temps avant l’effondrement de son système château de cartes, fait publiquement allégeance, l’avait bien compris. Il avait tourné le dos à une arabité raciste et chimérique qu’il avait eu du mal à faire vendre, et son Nasser avant lui. Il s’était érigé en roi des rois d’Afrique. Une sorte de « faux »Négus. Naturellement, Roi des Rois d’Afrique veut dire Haussa, Germa , Bambara, Swahéli, Baoulé, Diola, Pulaar, Soninké, Wolof, et l’indescriptible langue des Bushmen du Kalahari, pour ceux parmi vous qui, au moins, ont eu la chance de voir le film « les Dieux sont tombés sur la tête ».
Mon ami le député lui, est sans doute tombé sur sa propre tête, avant d’accomplir sa regrettable déchirure.
Heureusement qu’il y a d’autres arabes plus ouverts que lui. L’exemple de ce « Rousseau et Ibn Khaldoun se prêtent leur langue » est une preuve éloquente qu’il existe encore une étoffe d’hommes qui œuvrent, à travers la langue, à jeter les bases d’une communication constructive, d’échanges profitables, et de dialogue franc et responsable.
Que Monsieur le député sache aussi que l’analphabète d’aujourd’hui n’est pas l’illettré comme beaucoup le croient à tort. Il est celui qui ne parle pas, en plus de la maternelle, deux autres langues. Autrement dit un polyglotte.
Deballahi Abdel Jelil