Cheres Soeurs, Chers Frères,
Ce fut avec plaisir et émotion que j'ai participé à la journée consacrée par l'AVOMM sur la question du retour des déportés négro-mauritaniens en Mauritanie.
Nous avons pu, au cours de cette journée, découvrir les actions de la Caravane de santé dans les camps de déporté au Sénégal. L'ampleur de la catastrophe sanitaire y a bien été démontré. Lors de mon intervention dans le débat, j'ai souhaité participé à la Caravane de santé pour les déportés au Nord du Mali car c'est une région que je connais bien. J'espère que la promesse qui m'a été faite par un frère ne sera pas sans suite.
Madame SALL Habsa Banor et Monsieur SY Mahamadou Saidou, respectivement déportée pour Madame SALL et internée au camp d'Inal pour Monsieur SY nous ont fait part des tragédies qu'ils ont vécus et rendu hommage à tous ceux qui, hélas aujourd'hui, ne sont plus en vie pour témoigner de l'horreur des crimes commis en 1989. L'émotion prit toute la salle à la gorge.
Enfin, Madame Marion Frésia est intervenue sur les antécédants qui ont menés à cette tragédie envers les négros mauritaniens. Elle nous a rappelé qu'en plus d'une tragédie génocidaire, cela fut commandée par des raisons économiques, puisque c'est dans les régions les plus prolifères en matières premières que les crimes ont eu lieu. Donc pour s'accaparer les richesses minières ont hésite pas, comme malheureusement partout en afrique, à sacrifier des peuples. C'est ainsi que naissent les génocides, promptement calculés, anticipés en haut lieu, et qu'on veut faire passer pour des réglements de comptes inter-ethniques.
Pour une fois, les interventions émanant du public, étaient courtes, précises, enrichissantes et pas insultantes, comme on en entends très souvent dans ce genre de rencontre ou sur certains sites mauritaniens ou présentés comme tels.
Pour ma part, mon intervention ne visait nullement en donneuse de leçon et je pense que cela fut bien compris. Tout comme le Professeur Ibrahima SALL, j'ai insisté sur le fait que la Mauritanie ne peut et ne pourra se construire les uns contre les autres, ou les uns sans les autres, mais uniquement LES UNS AVEC LES AUTRES. Ceci tenant compte de la diversité ethnique et sociale de l'ensemble des mauritaniens sans exclusion sauf pour les criminels contre l'humanité.
Certains n'ont pas bien compris pourquoi je disais "Notre pays", d'une part c'est parce que j'ai eu l'occasion de m'y rendre officiellement en touriste, mais officieusement mandatée par certains qui se reconnaîtront et pour qui j'ai servi de "boite aux lettres". D'autre part, étant plus ou moins pulaarhophone, même si miin almuudo et avoir été la cible de la soldatesque de Taya le 20 Avril 2002 alors que je me trouvais "par hasard" dans une manifestation estudiantine, je pense aussi pouvoir exprimer un avis, certes avec un regard extérieur, sur cette période.
J'ai insisté sur la nécessité d'établir une commission Vérité, Justice et Réconciliation, voire un tribunal pour juger les coupables, mais cela se sont les mauritaniens qui doivent en décider la tenue et la finalité. Vérité, comment le crime a t il été orchestré ? Quand ? Par qui ? Dans quel but ? Responsabilité Collective et Individuelle ? Justice, les bourreaux doivent être reconnus en tant que tels, et les victimes en tant que telles. Une victime ne peut se reconstruire si elle n'est pas, d'une part reconnue en tant que victime et que son bourreau n'est pas reconnu en tant que son bourreau. La reconstruction psychologique ne passera que par là. Et après on pourra parler de réparations, de dédommagement, de rétribution des terres, de l'identité, etc, etc, etc, tout cela en découle automatiquement. Ensuite Réconciliation car sans la Vérité pas de Justice et sans Justice pas de Rconciliation possible. Or comme le disait Martin Luther King, "à vivre comme des fous, on mourra comme des fous". Ce sera la part la plus difficile à accomplir pour le peuple mauritanien, j'en suis tout à fait consciente. Cela ne se fera pas du jour au lendemain et prendra plusieirs décennies. Effectivement si les adultes peuvent au moins poser les bases d'une société Réconciliée, les enfants, petits enfants et tous leurs descendants les remercieront par leur progrès, leur respect, et en faisant de leur pays une démocratie qui fera partie du "peloton de tête des nations" comme le dirait le Professeur CHEIKH ANTA DIOP. Mon intervention allait dans ce sens là. J'ai même insisté lorsque j'ai dit "notre mauritanie" puisque jusqu'à un passé récent, la Mauritanie et la Guadeloupe ont une histoire commune, celle de l'esclavage et de la découpe par caste selon la race. D'autre part d'un point de vue strictement géographique la Guadeloupe est placée sur le même tropique que la Mauritanie. Vous prenez une barque à Nouackchott, vous filez tout droit et la première ile que vous rencontrez c'est la Guadeloupe, située en gros à 4.000 Km de la Mauritanie. En Finj'ai déjà eu l'occasion de démontré que dans notre langue, que certains ose encore appeler Kréyol, mais qu'il vaudrait mieux dire afrokarayib, il y a beaucoup de mots peulh, et beaucoup de nos traditions concernant les rites de baptême et mortuaire entre autre ont toute leur signification dans les racines africaines, même si elles ont subi des "adapations locales". Vous voyez donc qu'on a une longue histoire commune et qu'il y a de quoi partager nos expériences et nos richesses.
C'est dans ce sens là que je suis intervenue.
Mariam SERI SIDIBE
mariamserisidibe@yahoo.fr