L'animateur de radio Michael Baisden (deuxième à gauche), le Révérend Al Sharpton (deuxième à droite) et Melissa Bell (à droite), mère de Mychal Bell, marchent vers l'école secondaire Jena, dans la petite ville du même nom, en Louisiane.
Mychal Bell restera en prison, même si son verdict de culpabilité a été cassé le 14 septembre. Ainsi en a décidé vendredi un juge de Louisiane, refusant de libérer sous caution l'adolescent noir, l'un des «Six de Jena».
Pour les milliers, voire les dizaines de milliers de Noirs (et les quelques Blancs) qui sont descendus jeudi sur Jena, ville de 3000 habitants, la décision du juge était une preuve de plus de l'inégalité raciale devant la justice.
«Ce juge pense que nous sommes en 1947, pas en 2007», a déclaré le révérend Al Sharpton, qui a participé à la manifestation de Jena, dont l'ampleur a rappelé les grandes marches du mouvement des droits civiques des années 50 et 60.
Pourquoi Mychal Bell est-il en prison? Qui sont les «Six de Jena»? Pourquoi cette foule de manifestants a-t-elle défilé dans les rues d'une petite ville de Louisiane?
Jeudi, en regardant à la télévision les images de Jena, une bonne partie des Américains se sont posé ces questions. Ce jour-là, ils ont appris l'existence de Mychal Bell et des Six de Jena. Fait remarquable, le New York Times, un journal de référence, n'avait rien publié de sérieux sur cette affaire troublante avant la veille. La Presse, sous la signature de Nicolas Bérubé, y a consacré un reportage de fond en juin dernier.
La presse internationale avait été attirée à Jena par un incident qui donne une idée des tensions raciales dans cette ville où seulement 15% de la population est noire.
Au début de l'année scolaire 2006, trois élèves noirs vont voir le principal de leur école secondaire avec une demande spéciale. Peuvent-ils s'asseoir sous l'arbre situé dans un coin de la cour d'école réservé tacitement aux élèves blancs? Bien sûr, leur répond le principal.
Le lendemain, les trois élèves noirs s'approchent de l'arbre des Blancs et voient, pendus à l'arbre, trois noeuds coulants qui rappellent la sinistre époque du Ku Klux Klan. Dans les semaines qui suivent, plusieurs incidents raciaux perturbent la vie de Jena. Dans l'un d'eux, un jeune Blanc pointe un fusil en direction de jeunes Noirs. Ceux-ci le désarment et sont par la suite accusés d'avoir volé le fusil.
Le 20 septembre 2006, six adolescents noirs sont accusés de tentative de meurtre après avoir agressé et blessé un adolescent blanc. Celui-ci, faut-il préciser, a perdu connaissance et a été conduit à l'hôpital. Ses blessures étaient cependant mineures puisqu'il a pu participer à une fête le jour même.
L'accusation de tentative de meurtre, qui a soulevé un tollé, a par la suite été réduite. Mychal Bell a ainsi subi un procès pour coups et blessures. En juin dernier, il a été reconnu coupable par un jury exclusivement blanc. Joueur de football prometteur, le jeune Noir de 17 ans a ainsi pris le chemin de la prison plutôt que celui du collège. Ses coaccusés attendent toujours leur procès.
Noeuds coulants dans les arbres. Verdict de culpabilité rendu par un jury «monochrome». Impunité des jeunes Blancs. Si cette histoire n'a pas retenu l'attention du Times avant mercredi, elle a indigné les animateurs de radio et les internautes afro-américains, qui ont répandu la mauvaise nouvelle sur Jena.
«Il n'y a pas d'égalité», a déclaré jeudi sur CNN Tina Jones, mère de l'un des Six de Jena. «Les Noirs reçoivent la peine la plus lourde prévue à la loi tandis que les Blancs s'en tirent avec une tape sur les doigts.»
En fait, une étude a indiqué en 2003 que les jeunes Noirs de Louisiane risquent quatre fois plus d'être envoyés dans des prisons pour mineurs que des Blancs ayant commis le même type de crime qu'eux. Cette inégalité devant la justice se manifeste dans d'autres États américains.
Dans le cas de Mychal Bell, une cour d'appel a annulé la sentence le 14 septembre et ordonné que l'adolescent soit jugé comme un mineur. Il avait auparavant comparu devant un tribunal pour adultes. En attendant son nouveau procès, le jeune Noir s'est vu refuser sa libération sous caution.
La veille, le président des États-Unis avait été interrogé sur la manifestation de Jena lors d'une conférence de presse à la Maison-Blanche. «Les événements en Louisiane m'ont attristé, et je comprends les émotions», avait répondu George W. Bush, tout en assurant que le ministère de la Justice suivait l'affaire.
Trop peu, trop tard?
Richard Hétu
La Presse
Source: cyberpresse
(M)
Note: Ailleurs c'est aussi Ici
Pour les milliers, voire les dizaines de milliers de Noirs (et les quelques Blancs) qui sont descendus jeudi sur Jena, ville de 3000 habitants, la décision du juge était une preuve de plus de l'inégalité raciale devant la justice.
«Ce juge pense que nous sommes en 1947, pas en 2007», a déclaré le révérend Al Sharpton, qui a participé à la manifestation de Jena, dont l'ampleur a rappelé les grandes marches du mouvement des droits civiques des années 50 et 60.
Pourquoi Mychal Bell est-il en prison? Qui sont les «Six de Jena»? Pourquoi cette foule de manifestants a-t-elle défilé dans les rues d'une petite ville de Louisiane?
Jeudi, en regardant à la télévision les images de Jena, une bonne partie des Américains se sont posé ces questions. Ce jour-là, ils ont appris l'existence de Mychal Bell et des Six de Jena. Fait remarquable, le New York Times, un journal de référence, n'avait rien publié de sérieux sur cette affaire troublante avant la veille. La Presse, sous la signature de Nicolas Bérubé, y a consacré un reportage de fond en juin dernier.
La presse internationale avait été attirée à Jena par un incident qui donne une idée des tensions raciales dans cette ville où seulement 15% de la population est noire.
Au début de l'année scolaire 2006, trois élèves noirs vont voir le principal de leur école secondaire avec une demande spéciale. Peuvent-ils s'asseoir sous l'arbre situé dans un coin de la cour d'école réservé tacitement aux élèves blancs? Bien sûr, leur répond le principal.
Le lendemain, les trois élèves noirs s'approchent de l'arbre des Blancs et voient, pendus à l'arbre, trois noeuds coulants qui rappellent la sinistre époque du Ku Klux Klan. Dans les semaines qui suivent, plusieurs incidents raciaux perturbent la vie de Jena. Dans l'un d'eux, un jeune Blanc pointe un fusil en direction de jeunes Noirs. Ceux-ci le désarment et sont par la suite accusés d'avoir volé le fusil.
Le 20 septembre 2006, six adolescents noirs sont accusés de tentative de meurtre après avoir agressé et blessé un adolescent blanc. Celui-ci, faut-il préciser, a perdu connaissance et a été conduit à l'hôpital. Ses blessures étaient cependant mineures puisqu'il a pu participer à une fête le jour même.
L'accusation de tentative de meurtre, qui a soulevé un tollé, a par la suite été réduite. Mychal Bell a ainsi subi un procès pour coups et blessures. En juin dernier, il a été reconnu coupable par un jury exclusivement blanc. Joueur de football prometteur, le jeune Noir de 17 ans a ainsi pris le chemin de la prison plutôt que celui du collège. Ses coaccusés attendent toujours leur procès.
Noeuds coulants dans les arbres. Verdict de culpabilité rendu par un jury «monochrome». Impunité des jeunes Blancs. Si cette histoire n'a pas retenu l'attention du Times avant mercredi, elle a indigné les animateurs de radio et les internautes afro-américains, qui ont répandu la mauvaise nouvelle sur Jena.
«Il n'y a pas d'égalité», a déclaré jeudi sur CNN Tina Jones, mère de l'un des Six de Jena. «Les Noirs reçoivent la peine la plus lourde prévue à la loi tandis que les Blancs s'en tirent avec une tape sur les doigts.»
En fait, une étude a indiqué en 2003 que les jeunes Noirs de Louisiane risquent quatre fois plus d'être envoyés dans des prisons pour mineurs que des Blancs ayant commis le même type de crime qu'eux. Cette inégalité devant la justice se manifeste dans d'autres États américains.
Dans le cas de Mychal Bell, une cour d'appel a annulé la sentence le 14 septembre et ordonné que l'adolescent soit jugé comme un mineur. Il avait auparavant comparu devant un tribunal pour adultes. En attendant son nouveau procès, le jeune Noir s'est vu refuser sa libération sous caution.
La veille, le président des États-Unis avait été interrogé sur la manifestation de Jena lors d'une conférence de presse à la Maison-Blanche. «Les événements en Louisiane m'ont attristé, et je comprends les émotions», avait répondu George W. Bush, tout en assurant que le ministère de la Justice suivait l'affaire.
Trop peu, trop tard?
Richard Hétu
La Presse
Source: cyberpresse
(M)
Note: Ailleurs c'est aussi Ici