« Au nom de l’Etat, le Président de la République doit demander pardon au peuple mauritanien… »
Après le « Manifeste du Négro-mauritanien opprimé » et les arrestations de 1986, Ousmane Diagana, actuel Secrétaire Général des Flam Rénovation, a été membre fondateur de la Section FLAM/Europe. L’avis des Flam Rénovation sur la déclaration de politique générale du gouvernement, sur les modalités de retour des déportés, l’avenir de l’opposition en exil…sont au menu de cet entretien.
Question 1 : Avez-vous été contacté par les nouvelles autorités en perspective du retour des déportés ?
Réponse : Non
Question 2 : Que pensent les FLAM/Rénovation du discours du Premier Ministre à l’Assemblée Nationale au sujet du retour des déportés, du passif humanitaire et de l’esclavage?
Réponse : En ce qui concerne le retour des déportés et le règlement du passif humanitaire, nous ne pouvons que nous en féliciter car, pour la première fois, officiellement, l’Etat mauritanien reconnaît l’existence de ces déportés et du passif humanitaire que l’ancien pouvoir avait toujours niée. Nous saluons d’autant plus l’annonce que les FLAM/Rénovation avaient toujours plaidé, déjà sous les autorités de la transition, pour cette reconnaissance officielle mais aussi et surtout pour le retour organisé et urgent, sous l’égide du HCR, de nos compatriotes déportés au Sénégal et au Mali.
En ce qui concerne le règlement du passif, nous espérons qu’il connaîtra la même procédure que celle présentée pour les déportés dans le discours du Premier Ministre, c’est dire que le consensus évoqué ne doit nullement empêcher de faire la lumière sur ces atrocités afin de mieux prémunir la Mauritanie, à l’avenir, contre toute atteinte à la dignité humaine. Nous saluons également l’intention du chef de l’Etat, à travers le gouvernement et le parlement de vouloir « criminaliser » la pratique de l’esclavage dans notre pays.
Si cette annonce est un premier pas, nous pensons que le Président de la République, devrait, en tant que Chef de l’Etat, commencer par poser un acte symbolique fort avant le début des opérations de rapatriement de nos compatriotes. Il devrait, au nom de l’Etat, demander pardon au peuple mauritanien et aux victimes pour toutes les exactions commises par l’ancien pouvoir. Un tel acte serait de nature à décrisper l’atmosphère politique et à favoriser la paix dans les esprits et dans les cœurs. Les FLAM/Rénovation demeureront néanmoins vigilantes quant au processus complet du retour de nos compatriotes chez eux.
Nous voudrions enfin ajouter que le retour des déportés et le règlement du passif humanitaire ne doivent pas occulter l’essentiel pour les Mauritaniens et les FLAM/Rénovation, à savoir la résolution globale, définitive et durable de la question de la cohabitation entre nos différentes communautés, ce que nous appelons le vivre ensemble. Pour ce faire, il est indispensable de nous mettre autour d’une table pour rechercher et trouver ensemble des solutions consensuelles pour que notre peuple puisse vivre dans l’harmonie, dans la concorde et dans la solidarité.
Sur ce point également, le Premier Ministre s’est engagé « solennellement à ce que tous les Mauritaniens puissent éprouver une légitime fierté d’appartenir à une grande nation qui les protège et les traite sur un même pied d’égalité, tous sans exclusive, en leur offrant les mêmes droits, les mêmes obligations et les mêmes chances devant le service public ». Si ce que nous espérions avec le CMJD en nous impliquant devait être réalisé par le Président de la République, son Premier Ministre et son gouvernement, nous ne pouvons que soutenir leur initiative et leur démarche dans l’intérêt de notre peuple.
Question 3 : Etes vous pour le recours aux « notables » pour l’identification des déportés ?
Réponse : Je pense que les personnes désignées sous ce vocable n’ont pas eu tous le même comportement par rapport aux douloureux événements. Je pense que le critère de choix est celui que nous avions indiqué dans notre projet de retour à savoir des personnalités connues pour leur probité et leur intégrité plutôt.
Question 4 : Le projet de retour des déportés proposé par les FLAM/Rénovation est-il toujours d’actualité ?
Réponse : Le projet de retour des déportés proposé par les FLAM/Rénovation dont une partie de la presse nationale s’est faite l’écho, en particulier la vôtre, demeure plus que jamais d’actualité. Il avait été remis en son temps au Président du CMJD car nous avons déployé tous nos efforts pour que les militaires daignent prendre à bras le corps cette question. Hélas, cela n’a pas été le cas et nous le regrettons pour notre pays et pour notre peuple. Ce projet a été proposé pour aider concrètement à la résolution définitive et urgente de cette injustice inadmissible et inacceptable pour toute conscience humaine normale.
Que proposons nous brièvement dans ce projet ? Après un bref rappel du contexte, nous proposons la mise en place d’une Commission Nationale pour le Retour des Déportés (CNRD) composée de personnalités connues pour leur probité et leur intégrité : des officiels de l’Etat, des représentants des déportés, des membres de la société civile. Cette commission travaillera sous l’égide d’un Chargé de mission auprès du Chef de l’Etat. Ensuite, nous proposons un plan d’action faisant d’abord un état des lieux, puis identifiera les déportés, ensuite envisagera la réinstallation et enfin mènera la réinsertion des déportés.
Et pour réaliser ce retour, nous proposons d’enregistrer et de délivrer des documents d’identité aux déportés réinstallés, de distribuer des aides, de mettre sur pied une cellule d’évaluation des préjudices et d’estimation des indemnisations, de réunir une commission aussi large que représentative pour promouvoir la réconciliation nationale, finalité de ce projet.
Enfin, l’exécution de ce projet devrait pouvoir se faire selon un calendrier prévisionnel que nous avons établi ainsi : recherche des moyens : un mois ; état des lieux et identifications des besoins : deux mois ; transfert et réinstallation des populations : trois mois ; réinsertion : six mois ; suivi : trois ans et bilan : un an. Dans notre esprit, ce calendrier n’est pas figé ; il est adaptable.
Question 5 : Que proposent les FLAM/Rénovation pour le règlement du passif humanitaire ?
Réponse : Outre le pardon demandé par le Président de la République au nom de l’Etat, il est impératif de faire la lumière, toute la lumière sur les crimes commis. L’établissement de la vérité sur ces crimes doit aider l’ensemble des mauritaniens et en particulier les ayant droits à comprendre et à faire enfin leur deuil.
Ensuite, réintégrer tous les fonctionnaires civils et militaires dans leurs fonctions avec un rappel rétroactif de leurs rétributions. Ils doivent bénéficier aussi rétroactivement des avancements hiérarchiques afférents. En ce qui concerne les veuves et les orphelins, l’Etat doit indemniser tous les ayants droits de façon rétroactive après une estimation juste et équitable des préjudices subis par eux.
Question 6 : Quelle est votre position par rapport à la plainte déposée contre TAYA aux USA ?
Réponse : TAYA incarne un régime abject qui a souillé la Mauritanie et a semé la haine et la division dans notre pays pour se maintenir au pouvoir. Il est responsable, en tant que Chef de l’Etat, à l’époque, des crimes commis à l’encontre de ses propres concitoyens. Dans un Etat de droit, chaque individu doit répondre de ses actes devant la justice. Il est inacceptable et inadmissible que cet individu jouisse d’une impunité après ses forfaits macabres.
Il ne s’agit pas pour nous d’être revanchard mais de demander justice. Et la meilleure façon de rendre justice, ce n’est pas de se faire justice soi même mais de s’en remettre à des institutions judiciaires libres et indépendantes.
Que nos concitoyens résidant aux Etats-Unis demandent à ce que justice leur soit rendue, quoi de plus normal. Je rappelle que ces concitoyens ont été chassés de chez eux et errent à travers le monde depuis.
Question 7 : Quel avenir pour l’opposition en exil ?
Réponse : L’opposition en exil a joué et continue de jouer un rôle déterminant dans la dénonciation des violations des droits de l’homme en Mauritanie. Les organisations politiques ont contribué à faire connaître, à la face du monde, le caractère immonde d’un régime et d’un système qui a divisé, humilié, déporté, et tué son peuple. L’opposition en exil a contribué à sa fragilisation jusqu’à sa chute. Je pense que tous les Mauritaniens doivent rendre hommage à cette opposition en exil en Afrique, en Europe ou en Amérique.
Certaines comme les FLAM/Rénovation ont estimé, après une analyse de la situation politique en Mauritanie, après le changement du 3 août 2005, qu’il fallait s’impliquer dans le processus aux côtés de nos populations d’autant que la répression semblait avoir cessé. En tout cas, nous sommes heureux d’avoir été aux côtés du candidat Ibrahima SARR durant les dernières élections présidentielles, ce qui a permis de donner un espoir aux peuple mauritanien. D’autres, au contraire, ont estimé que les conditions n’étaient pas encore réunies et n’ont pas souhaité prendre part à ce processus : c’est une attitude tout à fait digne de respect.
Propos recueillis par Khalilou Diagana
Après le « Manifeste du Négro-mauritanien opprimé » et les arrestations de 1986, Ousmane Diagana, actuel Secrétaire Général des Flam Rénovation, a été membre fondateur de la Section FLAM/Europe. L’avis des Flam Rénovation sur la déclaration de politique générale du gouvernement, sur les modalités de retour des déportés, l’avenir de l’opposition en exil…sont au menu de cet entretien.
Question 1 : Avez-vous été contacté par les nouvelles autorités en perspective du retour des déportés ?
Réponse : Non
Question 2 : Que pensent les FLAM/Rénovation du discours du Premier Ministre à l’Assemblée Nationale au sujet du retour des déportés, du passif humanitaire et de l’esclavage?
Réponse : En ce qui concerne le retour des déportés et le règlement du passif humanitaire, nous ne pouvons que nous en féliciter car, pour la première fois, officiellement, l’Etat mauritanien reconnaît l’existence de ces déportés et du passif humanitaire que l’ancien pouvoir avait toujours niée. Nous saluons d’autant plus l’annonce que les FLAM/Rénovation avaient toujours plaidé, déjà sous les autorités de la transition, pour cette reconnaissance officielle mais aussi et surtout pour le retour organisé et urgent, sous l’égide du HCR, de nos compatriotes déportés au Sénégal et au Mali.
En ce qui concerne le règlement du passif, nous espérons qu’il connaîtra la même procédure que celle présentée pour les déportés dans le discours du Premier Ministre, c’est dire que le consensus évoqué ne doit nullement empêcher de faire la lumière sur ces atrocités afin de mieux prémunir la Mauritanie, à l’avenir, contre toute atteinte à la dignité humaine. Nous saluons également l’intention du chef de l’Etat, à travers le gouvernement et le parlement de vouloir « criminaliser » la pratique de l’esclavage dans notre pays.
Si cette annonce est un premier pas, nous pensons que le Président de la République, devrait, en tant que Chef de l’Etat, commencer par poser un acte symbolique fort avant le début des opérations de rapatriement de nos compatriotes. Il devrait, au nom de l’Etat, demander pardon au peuple mauritanien et aux victimes pour toutes les exactions commises par l’ancien pouvoir. Un tel acte serait de nature à décrisper l’atmosphère politique et à favoriser la paix dans les esprits et dans les cœurs. Les FLAM/Rénovation demeureront néanmoins vigilantes quant au processus complet du retour de nos compatriotes chez eux.
Nous voudrions enfin ajouter que le retour des déportés et le règlement du passif humanitaire ne doivent pas occulter l’essentiel pour les Mauritaniens et les FLAM/Rénovation, à savoir la résolution globale, définitive et durable de la question de la cohabitation entre nos différentes communautés, ce que nous appelons le vivre ensemble. Pour ce faire, il est indispensable de nous mettre autour d’une table pour rechercher et trouver ensemble des solutions consensuelles pour que notre peuple puisse vivre dans l’harmonie, dans la concorde et dans la solidarité.
Sur ce point également, le Premier Ministre s’est engagé « solennellement à ce que tous les Mauritaniens puissent éprouver une légitime fierté d’appartenir à une grande nation qui les protège et les traite sur un même pied d’égalité, tous sans exclusive, en leur offrant les mêmes droits, les mêmes obligations et les mêmes chances devant le service public ». Si ce que nous espérions avec le CMJD en nous impliquant devait être réalisé par le Président de la République, son Premier Ministre et son gouvernement, nous ne pouvons que soutenir leur initiative et leur démarche dans l’intérêt de notre peuple.
Question 3 : Etes vous pour le recours aux « notables » pour l’identification des déportés ?
Réponse : Je pense que les personnes désignées sous ce vocable n’ont pas eu tous le même comportement par rapport aux douloureux événements. Je pense que le critère de choix est celui que nous avions indiqué dans notre projet de retour à savoir des personnalités connues pour leur probité et leur intégrité plutôt.
Question 4 : Le projet de retour des déportés proposé par les FLAM/Rénovation est-il toujours d’actualité ?
Réponse : Le projet de retour des déportés proposé par les FLAM/Rénovation dont une partie de la presse nationale s’est faite l’écho, en particulier la vôtre, demeure plus que jamais d’actualité. Il avait été remis en son temps au Président du CMJD car nous avons déployé tous nos efforts pour que les militaires daignent prendre à bras le corps cette question. Hélas, cela n’a pas été le cas et nous le regrettons pour notre pays et pour notre peuple. Ce projet a été proposé pour aider concrètement à la résolution définitive et urgente de cette injustice inadmissible et inacceptable pour toute conscience humaine normale.
Que proposons nous brièvement dans ce projet ? Après un bref rappel du contexte, nous proposons la mise en place d’une Commission Nationale pour le Retour des Déportés (CNRD) composée de personnalités connues pour leur probité et leur intégrité : des officiels de l’Etat, des représentants des déportés, des membres de la société civile. Cette commission travaillera sous l’égide d’un Chargé de mission auprès du Chef de l’Etat. Ensuite, nous proposons un plan d’action faisant d’abord un état des lieux, puis identifiera les déportés, ensuite envisagera la réinstallation et enfin mènera la réinsertion des déportés.
Et pour réaliser ce retour, nous proposons d’enregistrer et de délivrer des documents d’identité aux déportés réinstallés, de distribuer des aides, de mettre sur pied une cellule d’évaluation des préjudices et d’estimation des indemnisations, de réunir une commission aussi large que représentative pour promouvoir la réconciliation nationale, finalité de ce projet.
Enfin, l’exécution de ce projet devrait pouvoir se faire selon un calendrier prévisionnel que nous avons établi ainsi : recherche des moyens : un mois ; état des lieux et identifications des besoins : deux mois ; transfert et réinstallation des populations : trois mois ; réinsertion : six mois ; suivi : trois ans et bilan : un an. Dans notre esprit, ce calendrier n’est pas figé ; il est adaptable.
Question 5 : Que proposent les FLAM/Rénovation pour le règlement du passif humanitaire ?
Réponse : Outre le pardon demandé par le Président de la République au nom de l’Etat, il est impératif de faire la lumière, toute la lumière sur les crimes commis. L’établissement de la vérité sur ces crimes doit aider l’ensemble des mauritaniens et en particulier les ayant droits à comprendre et à faire enfin leur deuil.
Ensuite, réintégrer tous les fonctionnaires civils et militaires dans leurs fonctions avec un rappel rétroactif de leurs rétributions. Ils doivent bénéficier aussi rétroactivement des avancements hiérarchiques afférents. En ce qui concerne les veuves et les orphelins, l’Etat doit indemniser tous les ayants droits de façon rétroactive après une estimation juste et équitable des préjudices subis par eux.
Question 6 : Quelle est votre position par rapport à la plainte déposée contre TAYA aux USA ?
Réponse : TAYA incarne un régime abject qui a souillé la Mauritanie et a semé la haine et la division dans notre pays pour se maintenir au pouvoir. Il est responsable, en tant que Chef de l’Etat, à l’époque, des crimes commis à l’encontre de ses propres concitoyens. Dans un Etat de droit, chaque individu doit répondre de ses actes devant la justice. Il est inacceptable et inadmissible que cet individu jouisse d’une impunité après ses forfaits macabres.
Il ne s’agit pas pour nous d’être revanchard mais de demander justice. Et la meilleure façon de rendre justice, ce n’est pas de se faire justice soi même mais de s’en remettre à des institutions judiciaires libres et indépendantes.
Que nos concitoyens résidant aux Etats-Unis demandent à ce que justice leur soit rendue, quoi de plus normal. Je rappelle que ces concitoyens ont été chassés de chez eux et errent à travers le monde depuis.
Question 7 : Quel avenir pour l’opposition en exil ?
Réponse : L’opposition en exil a joué et continue de jouer un rôle déterminant dans la dénonciation des violations des droits de l’homme en Mauritanie. Les organisations politiques ont contribué à faire connaître, à la face du monde, le caractère immonde d’un régime et d’un système qui a divisé, humilié, déporté, et tué son peuple. L’opposition en exil a contribué à sa fragilisation jusqu’à sa chute. Je pense que tous les Mauritaniens doivent rendre hommage à cette opposition en exil en Afrique, en Europe ou en Amérique.
Certaines comme les FLAM/Rénovation ont estimé, après une analyse de la situation politique en Mauritanie, après le changement du 3 août 2005, qu’il fallait s’impliquer dans le processus aux côtés de nos populations d’autant que la répression semblait avoir cessé. En tout cas, nous sommes heureux d’avoir été aux côtés du candidat Ibrahima SARR durant les dernières élections présidentielles, ce qui a permis de donner un espoir aux peuple mauritanien. D’autres, au contraire, ont estimé que les conditions n’étaient pas encore réunies et n’ont pas souhaité prendre part à ce processus : c’est une attitude tout à fait digne de respect.
Propos recueillis par Khalilou Diagana