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« Le peuple se réveille mais il n’assassine pas, il prévient seulement ses tortionnaires qu’il lui faut des gens issus de lui pour le gouverner. Mais il ne saurait indéfiniment jouer le rôle de victime. Tôt ou tard, il refluera sur ses assassins et ce sera alors comme un grand séisme et un grand raz de marée. », Mohammed Khaïr-Eddine, Une vie, un rêve, un peuple, toujours errants…, Casablanca, Tarik Éditions, 2011, p. 128.
Evidence que Je s’exprime toujours. Vous vous êtes rendu compte, que dans toutes ces Khoutba que je ne vous ai entretenu que de mes expériences au point de vouloir vous dire là, à l’instant, qu’on ne témoigne que du vécu et puis de son propre vécu. Joom boru loppa boru mum[[1]] . La conclusion est irréfutable, car il s’agit là de « Je » qui s’exprime en toute conscience. C’est une évidence ! Pourtant elle est peu admise, car on est vite taxé de nombriliste, pointé du doigt par cette injonction qui nous dit que « parler à la première personne du singulier appelle un égocentrisme, une schizophrénie !».
Je n’ai jamais croisé sentence aussi injuste, folle, inadmissible, inintelligente, et qui, finalement, ne cherche qu’à censurer l’expression de la différance dans le sens Derridéien du terme. Car laissez-moi vous dire que le « Nous » est le plus nombriliste au monde. « Nous » qui ? Comme si nous (tous ensemble, inséparables) avions les mêmes constitutions physiques, sensationnelles, des pulsions criminelles, intellectuelles et décisionelles identiques. C’est de la dictature anonyme et aveugle, car elle appelle une unité de vues, le contraire de l’essence de la vie. Et ce « On » ! Comme un Zéro (0) à la ceinture trop serrée au point qu’il prend la forme de ce Huit (8) qu’il n’est pas et ne sera jamais, ce Huit couché tentant de figurer l’infini (cıɔ) pour tromper notre vigilance. Imaginez-vous un peu un Zéro ceinturé et qui devient comme un Huit. Vous voyez qu’il res-semble seulement au huit alors qu’il figure deux Zéros. Donc « On » n’a pas de sens aussi, car il censure l’expérience individuelle qui doit être partagée afin que nous [tous, de «Je » en « Je », formions la chaîne humaine et convions NOUS-TOUS au jeu du monde, terrible je qui se débat sur le terrain de jeu libéral] arrivions à concilier les individualités et fondions un consensus autour des questions qui nous rassemblent.
Voilà pourquoi mes textes sont remplis de ce « Je » qui est un véritable jeu, une lutte, un drame que j’entretiens avec ce « Nous » hautain et nombriliste et ce « On » vide, insipide et qui, finalement, provoque le rejet dans le sens vomitif du terme. « Nous » et « On » relèvent des statistiques alors que « Je » est éminemment philosophique. Je ne souhaite pas être simplement décompté, mais compter pour qu’on décompte ma voix le jour du vote car Je, doit s’exprimer librement sans « Nous » et « On » empêchés par l’isoloir qui valide la souveraineté de mon « Je » venu peser de son vrai poids sur le « jeu électoral ». Nous n’existe pas dans l’urne, mais Je oui : « A voté », c’est « On » qui le déclare après que « Je » ai glissé son bulletin dans l’urne. Il sanctionne la démocratie et valide l’individualité de l’individu. Donc, « Je », ne peut pas toujours accepter d’être accusé de nombrilisme, d’égocentrisme ou de toute autre étiquette au point de le disqualifier dans son assumation. Il faut bien comprendre avec Bertrand Badie et Pascal Perrineau que « La citoyenneté apparaît […] comme un effort de l’individu sur lui-même pour accepter la dimension collective de l’existence humaine à laquelle il se sent étranger et pénétrer ainsi dans la Cité » (Lire le livre qu’ils ont coordonné Le citoyen. Mélanges offerts à Alain Lancelot, Paris, Presses de Sciences Po, 2000, p. 22).
Je ne supporte pas ce manque de discernement de nombre de mes contradicteurs. Sinon comment témoigner de quelque chose qu’on n’a pas vécu et qui n’est pas notre vécu ? Cela s’appelle de la mégalomanie en langage intelligent. La mégalomanie est la chose la plus abominable dans notre vie. Mais elle nous gouverne collectivement comme individuellement, c’est-à-dire NOUS-TOUS alimentée d’informations par « On » et glorifiée par « Nous ». Donc si on ne témoigne que du vécu et de son vécu, même si on ne dit pas « Je », il est évident que c’est « Je » qui se prononce dans votre témoignage. C’est, ce que j’ai fait tout au long de mes fameuses Khoutba subversives et pleines de travers-es, de labyrinthes sémantiques, de camouflages orthographiques et de libertés grammaticales qui m’ont permis de toucher le cœur de ce qui nous préoccupe, à partir de ma lorgnette victime des intempéries liées à l’évolution de notre propre histoire ; celle qui produit en même temps notre nouvelle société. Enfin ce qui me préoccupe pour dire vrai.
Pour atténuer ma chute, disons ce que je vois à partir de mon perchoir presque insolent, impertinent, agaçant, fâchant, décourageant et finalement très moqueur. Ne vous en faites même pas, c’est ma vocation et, Je, assume. Donc je ne peux pas utiliser « Nous » et « On » sinon je vous accuse de mes bêtises et vous m’accablez d’orthographes qui décrivent les hérétiques parmi nous, des « Je » ostracisés. Voilà, là le « Nous » s’imposait car le « parmi » est le « Je » isolé dans ce nous uniforme et si difforme car imitant Zéro (0) avec sa ceinture si serrée qu’il ressemble à un Huit (8).
Pour aller dans la mare des non-dits. Je vous avoue, que je me suis tellement donné du mal à y réfléchir que l’excès de subtilités, comme un vrai kalajo moderne quand même dira l’autre, dans le langage a fait que mes Khoutba étaient devenues insipides[[2]] pour moi-même qui cours après les autres idées qui me parviennent du Tout-monde pour parler comme Edouard Glissant. Mais, je crois aussi que par pur amusement intellectuel, je souhaitais tester leur sipidité (stupidités !). Eh bien voilà leur but justement, c’est de vous faire lire et relire, de vous fatiguer, vous lasser, de vous faire suer, vous faire gratter vos méninges, tuer le temps du Ramadan (qui vous tue oui !) et finalement de vous dire l’Imam-curé[[3]] Bassel Djinthiou professe des choses irréalisables. Idéaliste ! Un pauvre « intellectuel » du Net ! Il rêve tout le temps. Un pauvre poète meurtri par l’exil alors qu’il est juste à 500 kilomètres de chez lui, Boghé-Ndakaaru rek. Le Sénégal c’est bien son second pays non ! Il connait tout le monde, il se permet même de s’afficher dans leurs télés et de vociférer dans leurs multiples radios comme un… ! Et puis ils sont tous noirs là-bas ! Mais qu’est-ce qui le prend à se sentir EXILÉ au Sénégal ? Incroyable comme situation !
Je pense qu’il ne s’est jamais remis de ce choc de 1989 ! Mais moi je crois que sa Terre Natale (c’est-à-dire le degré de concentration de son TN2) - ce quelque chose qui ne s’exprime pas, muet comme l’Univers un peu avant le big bang - ne peut que lui manquer, sinon il ne se serait pas réfugié, pensant s’échapper, dans sa quatrième khoutba derrière la musicalité, ce fouillis incroyables de mé-tissages. Mais oui cette chose qu’on appelle avec ce mot un peu barbare, pour moi, chronotope - wuddu, ce nombril qu’on regarde chaque matin et qui s’est cicatrisé mais qui nous rappelle la « terre-natale » notre TN2. Voilà, j’ai finalement trouvé, c’est le Cordon Ombilical (CO1)[[4]] enterré quelque part sur cette terre-mère et que mon esprit cherche vainement, c’est ma Nationalité Irrévocable, mon NI1 - cette chose bizarre qui vous prend la gorge, malgré tout votre confort matériel, familiale et intellectuelle. Vous savez en quittant l’autre rive, il y a quelques années, je m’étais dit : « Je change de pays ! ». Quelle naïveté, en présence de la douleur, peut habiter un homme pour croire que changer de pays et de nationalité de manière définitive est possible. C’est même une idée horriblement folle et suicidaire. Ce n’est pas une bonne idée, car elle conduit aux hallucinations quotidiennes venant d’un fond historique vécu et surtout à vivre en terre-natale. Bon on l’appelle abusivement « les racines », et cela lui ressemble de toutes les façons. C’est pourquoi la sensation de mal ne disparaîtra jamais. D’ailleurs en pulaar « On » dit que la « terre rappelle » ses fils hein ! C’est incroyable que de s’arracher ou de se voir arraché de son pays, et puis de rester si attaché à lui jusqu’à se prendre pour un imam-curé sans mission précise ni charge justifiée par une katiba « centralisée » pour donner des ordres dans des Khoutba si impertinentes[[5]] . Eh bien, c’est en fait la nostalgie dans sa dimension nostalgiquement nostalgique : la permanence de l’appartenance à un pays et surtout la rage de le revendiquer au point d’écrire des Khoutba aux allures de Fatwa très ciblées.
Affirmation du rôle de Je dans le Jeu entre « Nous » et « On ». L’Imam-curé de Djinthiou, nous a servi des Khoutba, à la limite, une partie de sa biographie expérimentale, maigre du reste et qui ne s’occupe pas de l’essentiel de la lutte que Tous menons. Je n’ai pas dit « nous » de peur de singulariser la lutte et l’attribuer à celui-là ou celui-ci. Mais bon, n’oublions pas que les choses doivent changer et que donc nous devons réfléchir sur comment revenir réellement sur ce terrain pour nous enrôler tous, nos fils et nos petits fils avec, pour devenir de vrais « Je » et prétendre au « Nous-Tous ». Ah, il faut que le combat continue, mais à l’intérieur. Le combat de dehors là, c’est fini. Mbiir lamba mais pas caggal [Lutteur dans l’arène pas dehors, c’est du pulaar et c’est très clair comme exigence. Il faut se prendre pour Balla Gaye 2 devant Yahou Dial et le combat est gagné]. Oui la présence, l’acte de naissance, les certificats de décès des arrières grands-parents, l’inscription sur la liste des enrôlés, puis les infinies queues pour la carte d’identité numérique, le passeport, l’inscription sur les listes électorales, la carte électorale non falsifiable qui confirme la citoyenneté en offrant la possibilité de choisir celui qui doit gouverner cette diversité à préserver et ses alliances matrimoniales qui adviendront sous peu. Eh bien sans cela la lutte n’aura aucun sens, hélas ! Il faut se faire identifier mort ou vif pour mériter les honneurs de la vie et échapper à la souffrance des obsèques d’un inconnu.
Devenir un tumuranke – étranger, non étrangeté c’est plus expressif de ce qui risque d’arriver à beaucoup, si l’intelligence ne nous vient pas au secours - dans son propre pays cela transforme en victime anonyme de ce mal du pays, catégorie de cancer mortel non répertorié par l’OMS.
Sinon personne d’entre nous (donc Je) ne pourra constater avec le Pôle de l’Alliance Patriotique et de la Convention pour une Alternance Pacifique (AP/CAP) les réserves sur les élections législatives à venir. À savoir, je cite :
« - (i) l’état de l’enrôlement qui risque d’exclure beaucoup de mauritaniens de l’intérieur, comme de l’extérieur;
- (ii) le faible niveau de retrait des cartes d’identité et le coût exorbitant que cela représente pour une famille moyenne ;
- (iii) les conditions actuelles de vie des populations surtout en milieu rural;
et
- (iv) une approche purement technicienne ne tenant pas compte des concertations nécessaires avec les acteurs politiques et sans plan de communication en direction de l’opinion nationale. »
Il faudra bien que les membres de ce pôle soient appuyés par des citoyens légalement inscrits pour imposer avec eux ces quelques idées qui sonnent comme des recommandations à appliquer rapidement. Je cite encore :
« - (i) l’impérieuse nécessité de tenir compte de l’évolution de l’environnement politique à assainir afin d’organiser des élections crédibles et consensuelles ;
- (ii) l’affirmation de l’indépendance de la CENI, vis-à-vis des parties prenantes, notamment les pouvoirs publics ;
- (iii) la dotation de ressources financières légales et conformes à l’Accord politique du dialogue national ;
et
- (iv) la transparence et l’équité dans les procédures de marchés et le recrutement du personnel de la CENI. » (Lire : « Pôle AP/CAP - CENI : Rencontre de haut niveau sous le signe de la franchise » au lien : http://www.avomm.com/Pole-AP-CAP-CENI-Rencontre-de-haut-niveau-sous-le-signe-de-la-franchise_a15785.html, visité le 26/07/2013).
Pour suivre la caravane dans sa nonchalance. Voilà pourquoi les Khoutba avaient l’air poétique et une indolence littéraire alors qu’elles cachaient dans leurs gros ventres philosophiques des idées clés qu’il fallait aller cueillir comme des fruits mûrs. C’est la seule voie que j’ai pour participer avec tous, je, on et nous au combat que NOUS-TOUS menons. C’est la seule arme, mon arme, celle que je pense pouvoir utiliser avec le bonheur que je ressens là à l’instant, le clavier prolongeant la main que je vous tends pour vous saluer et puiser un peu de votre chaleur, afin que la nostalgie se repose de me fatiguer ne serait-ce que le temps d’une connexion virtuelle, finalement, salvatrice.
Je suis convaincu que c’est aussi une arme, car le discours (dis-courir, la racine disc rend la chose plus complexe, dérouler à l’infini les interprétations jusqu’à compliquer le recours à l’ijtihad au XXIe siècle ‼!) peut être plus redoutable qu’une bombe à fragmentation. Parce que justement, la bombe a commencé avec le discours avant d’obtenir cette force destructrice. Un concentré de discours mais détonnant jusqu’à la désolation, et dont les conséquences sur l’écriture de l’histoire peuvent compliquer le devenir de l’Humanité toute entière. Vous savez pour clore ce débat autour du discours et de son importance, je voue convie à vous rendre direct à la Mecque, chez les Wahhabites ou aux USA chez les Néoconservateurs.
Moi j’ai toujours cru comprendre que le discours est ce Tout qui nous enveloppe et que c’est par lui que nous arrivons à persuader les sceptiques, à ramener vers nous les plus réticents d’entre nous voire qui garantira notre accès au Paradis ou à l’Enfer. Vous voyez que c’est encore ce « Nous » pompeux qui pose problème quand il souhaite compacter le discours au point de disqualifier je, le vrai Sujet. Je crois qu’il faut d’abord prendre conscience de l’importance de « Je » pour affirmer un supposé « Nous ». Par exemple je m’enrôle, je vote, je choisis librement avec une conscience tranquille et indépendante de l’œil perçant de « On », ce surveillant aveugle et sourd. C’est aussi « Je » qui permettra de faire éclater ce « Nous » et les « On » tribaux qui les maintiennent dans les chaînes de l’esclavage, qui font commettre des injustices sans bornes et des meurtres abominables. « Je », est toujours dans un processus dynamique alors que « Nous » est un « décret » statique
Et comment donc ? Pour atteindre ce but, le discours doit être éminemment pédagogique sinon nous perdons notre temps à pérorer. Et pérorer c’est la spécialité exclusive du perroquet vert de Casamance. Je devais éviter ce chemin de la facilité de condamner sans avoir une vue large de la complexité qui nous gouverne. C’est pourquoi mes Khoutba avaient une saveur telle, qu’elles pouvaient détourner de la substance réelle des textes que vous avez lus durant ce mois de Ramadan.
L’objet de cette Homélie d’El Fitr est de rendre aux textes et aux idées développées leur unité, car c’est JE qui a parlé. Il a parlé parce que dopé et rassuré par la présence de la franchise et de la lucidité des assignés parmi les mauritaniens. Le peuple suivra le flot qui se déversera « Je » par « Je » dans le bassin qui accueillera « Nous ». Et là les jeux seront faits afin de disqualifier « On » et pour de bon. Car « On » est le sujet du menteur et de ceux qui colportent, collent et portent. C’est dangereux tout ça non ! On ne peut pas vivre entre jassouss et kalabanté.
Dans la khoutba I, j’ai parlé de ce que je pense être le comportement d’un chef. C’est simple mais aussi compliqué que la/les cibles visées. Bon je n’ai pas le temps d’expliciter davantage de quoi je parlais dans cette khoutba, car son fondement s’applique à ceux (des « Je ») qui prétendent un jour diriger et ceux (des « Je ») qui doivent les choisir. Donc mes cibles sont si multiples que le flou risque de m’être fatal, car le contenu de la khoutba est vite détourné vers un seul « Je » qui fait plus de bruits que ce « Nous » que des « On », n’ont jamais cessé d’éduquer dans la culture de la soumission de leur « Je ».
Aussi, je voulais dire que ceux qui choisissent doivent éviter un chef qui leur montre toujours ses photos, les félicitations qu’il reçoit et son côté conteur, sinon ils se rendront compte, tardivement, qu’ils sont en face de quelqu’un qui n’écoute pas les autres et qui ne cherche pas à être consensuel. Ce sera trop tard, car ils se sont habitués à croire servir alors qu’intérieurement ils savaient qu’ils ne servaient à rien, un tel chef est inchangeable dans son comportement. Il faut le quitter pour exprimer ce « Je » que vous êtes et sortir de ce « Nous » où « On » commande, dirige, dicte et finalement gouverne avec poigne.
Dans la khoutba II j’ai parlé de ballon, de stade, de peuple, de Nation et surtout de l’émotion qui lie tous ces éléments. L’objectif était clair que tout peut unir, il suffit d’exercer de l’intelligence sur les événements. Mais là il faut aussi se pencher sur la dimension émotionnelle de la construction d’une Nation pour comprendre comment « Nous » devient si arrogant au point d’essayer de génocider « Je ». Il fallait vous dire que « Nous » ne devait pas écouter les « On » au point d’oublier qu’un stade est un stade rempli de couleurs, de corps, d’esprits qui peuvent Tous devenir un « Je » (le Peuple) quand il y a enjeu national. Voilà c’est cela qu’il fallait comprendre. Notre seule chance c’est notre diversité.
La khoutba III discute de superstition, enfin disons de croyance aux coïncidences heureuses ou pas pour être plus soft. N’oublions pas que dans la khoutba II, il s’agissait de démontrer que rien peut unir à plus forte raison des coïncidences qui rappellent les manifestations d’une Nation. Elle rend compte de manière claire de plusieurs choses en même temps, mais le plus important était de dire à ceux qui pensent que la franchise et la lucidité des assignés parmi les mauritaniens mérite d’être fêtée, de sortir en masse comme des « Je » avertis des exigences de l’espace public.
La IV est venue mettre une symphonie à tout cela pour que le concert des Khoutba soit plus mélodieux. La musique, cet autre rien, peu aussi unir la Nation. Elle a insisté sur quelque chose d’important, c’est de prendre la dimension centrale des langues dans la vie de la société. C’est pourquoi je pense et rêve toujours que le Bambara parte s’inscrire de manière intelligente sur la liste des langues nationales pour que le réaménagement territorial de 1944 ait son vrai sens. Ça c’est une langue, pensée simple bande de terre accolée à un territoire colonial et que l’État postcolonial s’entête à perpétuer en validant l’acte d’amputation ! J’ai aussi dit quelque chose qui a dû marquer quelques esprits. Ma liaison avec la Mauritanie reste le hassanya. Je considère cette langue comme « maternelle », car je l’ai apprise en même temps que le pulaar. Finalement elle allait dominer la seconde jusqu’à mon entrée dans l’adolescence. C’est la langue du peuple que mon père gouvernait et m’apprit à connaître et à intégrer en la tétant directement dans la rue. Tout est dit.
Enfin, il s’agissait juste de dire, avec cette simplicité déconcertante, que les langues se valent et que l’usage de l’une comme langue de travail ou nationale n’empêche point la reconnaissance, la valorisation et le soutien permanent de la dominante pour que les autres développent le rythme de leur débit, expliquent leurs onomatopées, leurs proverbes, leurs rires, leurs pleurs, leurs amours, leurs multiples joies, leurs patronymes, rendent compte de leur musique et l’harmonie qu’elles recherchent entre elles : s’emprunter mutuellement pour mieux communiquer. Il faut apprendre leur musique pour rester tranquille dans sa peau d’Homme. Leur similitude est certaine, sinon on ne pourrait jamais les traduire. Elles désignent les mêmes choses dans un univers singulier certes, mais elles dé-signent et c’est déjà très courageux de signer l’existence de son « Je ».
Donc si elles désignent c’est qu’elles nomment la vie en même temps dans un univers cosmogonique territorialement ancré-sacré pour les « Je » qu’il rassemble. C’est ça leur philosophie et qui doit rejoindre celle dominante ou pensée comme telle pour s’accorder avec elle sur les éléments en partage. Donc laissons les gens parler, bouger se marier et danser au son de toutes nos musiques. Le bal n’en sera que grandiose.
J’ai aussi profité de cette même khoutba, pour me permettre de parler de la censure, enfin de toutes les censures. Je considère la censure comme le fait de vouloir empêcher quelqu’un d’aller aux toilettes pour se décharger du surplus qui pèse sur son corps et qui le fait suer des cordes d’eau à noyer ngabu. C’est une catastrophe que de s’entêter d’empêcher les gens de parler, de voyager, de se marier et de chanter librement. Cela conduit directement au parloir géré par « On ». Et le parloir indique le lieu de la détention, de la torture voire de l’élimination pure et simple au nom de ce « Nous » hautain et donc malsain. Cela peut déboucher sur une tentative de génocide qui brouille le passif humanitaire. Le vocabulaire devient compliqué quand on empêche quelqu’un (« Je ») de s’exprimer. Les camps de concentration nazis ne peuvent être réédités, c’est simple, clair et historiquement prouvé. Il nous faut plutôt des espaces ouverts (le pays est vaste), des cafés où le chtari restera tranquille car maîtrisé, des théâtres, des cinémas, des terrasses ouvertes tard la nuit, une police discrète, une armée camouflée et des barbus rasés à la fleur de la peau et vous verrez que le peuple sentira un nouveau souffle envahir tout le corps social. Libérons les énergies vitales qui sommeillent en nous et arrêtons cette hypocrisie qui nous rend un mauvais service. Il faut vivre, mais Dieu le recommande. Il faut vivre. Enfin il faut vivre ! Laissez-nous vivre notre temps à travers toutes les musiques de la vie.
Et donc l’Homélie d’El Fitr contient tout cela en même temps. Ce n’est pas plus clair que les Khoutba prises individuellement. Donc laissons chacune s’exprimer indépendamment des autres pour qu’on ait une véritable harmonie des différences et que nous fassions comme si l’harmonie était préétablie.
Donc à ceux que les Khoutba firent prendre une mine agacée, je m’excuse. À ceux qui n’y ont vu qu’une simple et légère autobiographie d’un prétentieux observateur, désœuvré et hautain j’assume le « Je » qui se prête au jeu de « Nous » en pouffant de ce « On » débonnaire, et à ceux qui n’ont rien à dire, je dis vous m’avez compris en préservant l’éthique et la morale de votre beau « Je ».
« NOUS-TOUS », « Je » compris, dirons avec l’auteur Joanne Anton (lire son petit et succulent roman Le découragement, Paris, Allia, 2011, 63 p.) : « On observe que sans être fou, on en a l’air » (p. 55) dans ce monde où l’onde néolibérale nous dicte nos tremblements, nos comportements, nos filiations, nos goûts, notre santé, et qui finalement gouverne tous les aspects, et les plus intimes de notre quotidien.
Yeen mbatuni mo wuuri, grand jeu entre « Nous », « On » et « Je » s’il en est un ! Il faut donc tout RE-LIER pour avancer vers notre destin Essentiellement fatal.
Id moubarak !
Abdarahmane NGAIDE (Bassel)
Dakar, Id El Fitr 2013, an 1434 de l’Hégire.
Source: A. NGaide (Bassel)
Evidence que Je s’exprime toujours. Vous vous êtes rendu compte, que dans toutes ces Khoutba que je ne vous ai entretenu que de mes expériences au point de vouloir vous dire là, à l’instant, qu’on ne témoigne que du vécu et puis de son propre vécu. Joom boru loppa boru mum[[1]] . La conclusion est irréfutable, car il s’agit là de « Je » qui s’exprime en toute conscience. C’est une évidence ! Pourtant elle est peu admise, car on est vite taxé de nombriliste, pointé du doigt par cette injonction qui nous dit que « parler à la première personne du singulier appelle un égocentrisme, une schizophrénie !».
Je n’ai jamais croisé sentence aussi injuste, folle, inadmissible, inintelligente, et qui, finalement, ne cherche qu’à censurer l’expression de la différance dans le sens Derridéien du terme. Car laissez-moi vous dire que le « Nous » est le plus nombriliste au monde. « Nous » qui ? Comme si nous (tous ensemble, inséparables) avions les mêmes constitutions physiques, sensationnelles, des pulsions criminelles, intellectuelles et décisionelles identiques. C’est de la dictature anonyme et aveugle, car elle appelle une unité de vues, le contraire de l’essence de la vie. Et ce « On » ! Comme un Zéro (0) à la ceinture trop serrée au point qu’il prend la forme de ce Huit (8) qu’il n’est pas et ne sera jamais, ce Huit couché tentant de figurer l’infini (cıɔ) pour tromper notre vigilance. Imaginez-vous un peu un Zéro ceinturé et qui devient comme un Huit. Vous voyez qu’il res-semble seulement au huit alors qu’il figure deux Zéros. Donc « On » n’a pas de sens aussi, car il censure l’expérience individuelle qui doit être partagée afin que nous [tous, de «Je » en « Je », formions la chaîne humaine et convions NOUS-TOUS au jeu du monde, terrible je qui se débat sur le terrain de jeu libéral] arrivions à concilier les individualités et fondions un consensus autour des questions qui nous rassemblent.
Voilà pourquoi mes textes sont remplis de ce « Je » qui est un véritable jeu, une lutte, un drame que j’entretiens avec ce « Nous » hautain et nombriliste et ce « On » vide, insipide et qui, finalement, provoque le rejet dans le sens vomitif du terme. « Nous » et « On » relèvent des statistiques alors que « Je » est éminemment philosophique. Je ne souhaite pas être simplement décompté, mais compter pour qu’on décompte ma voix le jour du vote car Je, doit s’exprimer librement sans « Nous » et « On » empêchés par l’isoloir qui valide la souveraineté de mon « Je » venu peser de son vrai poids sur le « jeu électoral ». Nous n’existe pas dans l’urne, mais Je oui : « A voté », c’est « On » qui le déclare après que « Je » ai glissé son bulletin dans l’urne. Il sanctionne la démocratie et valide l’individualité de l’individu. Donc, « Je », ne peut pas toujours accepter d’être accusé de nombrilisme, d’égocentrisme ou de toute autre étiquette au point de le disqualifier dans son assumation. Il faut bien comprendre avec Bertrand Badie et Pascal Perrineau que « La citoyenneté apparaît […] comme un effort de l’individu sur lui-même pour accepter la dimension collective de l’existence humaine à laquelle il se sent étranger et pénétrer ainsi dans la Cité » (Lire le livre qu’ils ont coordonné Le citoyen. Mélanges offerts à Alain Lancelot, Paris, Presses de Sciences Po, 2000, p. 22).
Je ne supporte pas ce manque de discernement de nombre de mes contradicteurs. Sinon comment témoigner de quelque chose qu’on n’a pas vécu et qui n’est pas notre vécu ? Cela s’appelle de la mégalomanie en langage intelligent. La mégalomanie est la chose la plus abominable dans notre vie. Mais elle nous gouverne collectivement comme individuellement, c’est-à-dire NOUS-TOUS alimentée d’informations par « On » et glorifiée par « Nous ». Donc si on ne témoigne que du vécu et de son vécu, même si on ne dit pas « Je », il est évident que c’est « Je » qui se prononce dans votre témoignage. C’est, ce que j’ai fait tout au long de mes fameuses Khoutba subversives et pleines de travers-es, de labyrinthes sémantiques, de camouflages orthographiques et de libertés grammaticales qui m’ont permis de toucher le cœur de ce qui nous préoccupe, à partir de ma lorgnette victime des intempéries liées à l’évolution de notre propre histoire ; celle qui produit en même temps notre nouvelle société. Enfin ce qui me préoccupe pour dire vrai.
Pour atténuer ma chute, disons ce que je vois à partir de mon perchoir presque insolent, impertinent, agaçant, fâchant, décourageant et finalement très moqueur. Ne vous en faites même pas, c’est ma vocation et, Je, assume. Donc je ne peux pas utiliser « Nous » et « On » sinon je vous accuse de mes bêtises et vous m’accablez d’orthographes qui décrivent les hérétiques parmi nous, des « Je » ostracisés. Voilà, là le « Nous » s’imposait car le « parmi » est le « Je » isolé dans ce nous uniforme et si difforme car imitant Zéro (0) avec sa ceinture si serrée qu’il ressemble à un Huit (8).
Pour aller dans la mare des non-dits. Je vous avoue, que je me suis tellement donné du mal à y réfléchir que l’excès de subtilités, comme un vrai kalajo moderne quand même dira l’autre, dans le langage a fait que mes Khoutba étaient devenues insipides[[2]] pour moi-même qui cours après les autres idées qui me parviennent du Tout-monde pour parler comme Edouard Glissant. Mais, je crois aussi que par pur amusement intellectuel, je souhaitais tester leur sipidité (stupidités !). Eh bien voilà leur but justement, c’est de vous faire lire et relire, de vous fatiguer, vous lasser, de vous faire suer, vous faire gratter vos méninges, tuer le temps du Ramadan (qui vous tue oui !) et finalement de vous dire l’Imam-curé[[3]] Bassel Djinthiou professe des choses irréalisables. Idéaliste ! Un pauvre « intellectuel » du Net ! Il rêve tout le temps. Un pauvre poète meurtri par l’exil alors qu’il est juste à 500 kilomètres de chez lui, Boghé-Ndakaaru rek. Le Sénégal c’est bien son second pays non ! Il connait tout le monde, il se permet même de s’afficher dans leurs télés et de vociférer dans leurs multiples radios comme un… ! Et puis ils sont tous noirs là-bas ! Mais qu’est-ce qui le prend à se sentir EXILÉ au Sénégal ? Incroyable comme situation !
Je pense qu’il ne s’est jamais remis de ce choc de 1989 ! Mais moi je crois que sa Terre Natale (c’est-à-dire le degré de concentration de son TN2) - ce quelque chose qui ne s’exprime pas, muet comme l’Univers un peu avant le big bang - ne peut que lui manquer, sinon il ne se serait pas réfugié, pensant s’échapper, dans sa quatrième khoutba derrière la musicalité, ce fouillis incroyables de mé-tissages. Mais oui cette chose qu’on appelle avec ce mot un peu barbare, pour moi, chronotope - wuddu, ce nombril qu’on regarde chaque matin et qui s’est cicatrisé mais qui nous rappelle la « terre-natale » notre TN2. Voilà, j’ai finalement trouvé, c’est le Cordon Ombilical (CO1)[[4]] enterré quelque part sur cette terre-mère et que mon esprit cherche vainement, c’est ma Nationalité Irrévocable, mon NI1 - cette chose bizarre qui vous prend la gorge, malgré tout votre confort matériel, familiale et intellectuelle. Vous savez en quittant l’autre rive, il y a quelques années, je m’étais dit : « Je change de pays ! ». Quelle naïveté, en présence de la douleur, peut habiter un homme pour croire que changer de pays et de nationalité de manière définitive est possible. C’est même une idée horriblement folle et suicidaire. Ce n’est pas une bonne idée, car elle conduit aux hallucinations quotidiennes venant d’un fond historique vécu et surtout à vivre en terre-natale. Bon on l’appelle abusivement « les racines », et cela lui ressemble de toutes les façons. C’est pourquoi la sensation de mal ne disparaîtra jamais. D’ailleurs en pulaar « On » dit que la « terre rappelle » ses fils hein ! C’est incroyable que de s’arracher ou de se voir arraché de son pays, et puis de rester si attaché à lui jusqu’à se prendre pour un imam-curé sans mission précise ni charge justifiée par une katiba « centralisée » pour donner des ordres dans des Khoutba si impertinentes[[5]] . Eh bien, c’est en fait la nostalgie dans sa dimension nostalgiquement nostalgique : la permanence de l’appartenance à un pays et surtout la rage de le revendiquer au point d’écrire des Khoutba aux allures de Fatwa très ciblées.
Affirmation du rôle de Je dans le Jeu entre « Nous » et « On ». L’Imam-curé de Djinthiou, nous a servi des Khoutba, à la limite, une partie de sa biographie expérimentale, maigre du reste et qui ne s’occupe pas de l’essentiel de la lutte que Tous menons. Je n’ai pas dit « nous » de peur de singulariser la lutte et l’attribuer à celui-là ou celui-ci. Mais bon, n’oublions pas que les choses doivent changer et que donc nous devons réfléchir sur comment revenir réellement sur ce terrain pour nous enrôler tous, nos fils et nos petits fils avec, pour devenir de vrais « Je » et prétendre au « Nous-Tous ». Ah, il faut que le combat continue, mais à l’intérieur. Le combat de dehors là, c’est fini. Mbiir lamba mais pas caggal [Lutteur dans l’arène pas dehors, c’est du pulaar et c’est très clair comme exigence. Il faut se prendre pour Balla Gaye 2 devant Yahou Dial et le combat est gagné]. Oui la présence, l’acte de naissance, les certificats de décès des arrières grands-parents, l’inscription sur la liste des enrôlés, puis les infinies queues pour la carte d’identité numérique, le passeport, l’inscription sur les listes électorales, la carte électorale non falsifiable qui confirme la citoyenneté en offrant la possibilité de choisir celui qui doit gouverner cette diversité à préserver et ses alliances matrimoniales qui adviendront sous peu. Eh bien sans cela la lutte n’aura aucun sens, hélas ! Il faut se faire identifier mort ou vif pour mériter les honneurs de la vie et échapper à la souffrance des obsèques d’un inconnu.
Devenir un tumuranke – étranger, non étrangeté c’est plus expressif de ce qui risque d’arriver à beaucoup, si l’intelligence ne nous vient pas au secours - dans son propre pays cela transforme en victime anonyme de ce mal du pays, catégorie de cancer mortel non répertorié par l’OMS.
Sinon personne d’entre nous (donc Je) ne pourra constater avec le Pôle de l’Alliance Patriotique et de la Convention pour une Alternance Pacifique (AP/CAP) les réserves sur les élections législatives à venir. À savoir, je cite :
« - (i) l’état de l’enrôlement qui risque d’exclure beaucoup de mauritaniens de l’intérieur, comme de l’extérieur;
- (ii) le faible niveau de retrait des cartes d’identité et le coût exorbitant que cela représente pour une famille moyenne ;
- (iii) les conditions actuelles de vie des populations surtout en milieu rural;
et
- (iv) une approche purement technicienne ne tenant pas compte des concertations nécessaires avec les acteurs politiques et sans plan de communication en direction de l’opinion nationale. »
Il faudra bien que les membres de ce pôle soient appuyés par des citoyens légalement inscrits pour imposer avec eux ces quelques idées qui sonnent comme des recommandations à appliquer rapidement. Je cite encore :
« - (i) l’impérieuse nécessité de tenir compte de l’évolution de l’environnement politique à assainir afin d’organiser des élections crédibles et consensuelles ;
- (ii) l’affirmation de l’indépendance de la CENI, vis-à-vis des parties prenantes, notamment les pouvoirs publics ;
- (iii) la dotation de ressources financières légales et conformes à l’Accord politique du dialogue national ;
et
- (iv) la transparence et l’équité dans les procédures de marchés et le recrutement du personnel de la CENI. » (Lire : « Pôle AP/CAP - CENI : Rencontre de haut niveau sous le signe de la franchise » au lien : http://www.avomm.com/Pole-AP-CAP-CENI-Rencontre-de-haut-niveau-sous-le-signe-de-la-franchise_a15785.html, visité le 26/07/2013).
Pour suivre la caravane dans sa nonchalance. Voilà pourquoi les Khoutba avaient l’air poétique et une indolence littéraire alors qu’elles cachaient dans leurs gros ventres philosophiques des idées clés qu’il fallait aller cueillir comme des fruits mûrs. C’est la seule voie que j’ai pour participer avec tous, je, on et nous au combat que NOUS-TOUS menons. C’est la seule arme, mon arme, celle que je pense pouvoir utiliser avec le bonheur que je ressens là à l’instant, le clavier prolongeant la main que je vous tends pour vous saluer et puiser un peu de votre chaleur, afin que la nostalgie se repose de me fatiguer ne serait-ce que le temps d’une connexion virtuelle, finalement, salvatrice.
Je suis convaincu que c’est aussi une arme, car le discours (dis-courir, la racine disc rend la chose plus complexe, dérouler à l’infini les interprétations jusqu’à compliquer le recours à l’ijtihad au XXIe siècle ‼!) peut être plus redoutable qu’une bombe à fragmentation. Parce que justement, la bombe a commencé avec le discours avant d’obtenir cette force destructrice. Un concentré de discours mais détonnant jusqu’à la désolation, et dont les conséquences sur l’écriture de l’histoire peuvent compliquer le devenir de l’Humanité toute entière. Vous savez pour clore ce débat autour du discours et de son importance, je voue convie à vous rendre direct à la Mecque, chez les Wahhabites ou aux USA chez les Néoconservateurs.
Moi j’ai toujours cru comprendre que le discours est ce Tout qui nous enveloppe et que c’est par lui que nous arrivons à persuader les sceptiques, à ramener vers nous les plus réticents d’entre nous voire qui garantira notre accès au Paradis ou à l’Enfer. Vous voyez que c’est encore ce « Nous » pompeux qui pose problème quand il souhaite compacter le discours au point de disqualifier je, le vrai Sujet. Je crois qu’il faut d’abord prendre conscience de l’importance de « Je » pour affirmer un supposé « Nous ». Par exemple je m’enrôle, je vote, je choisis librement avec une conscience tranquille et indépendante de l’œil perçant de « On », ce surveillant aveugle et sourd. C’est aussi « Je » qui permettra de faire éclater ce « Nous » et les « On » tribaux qui les maintiennent dans les chaînes de l’esclavage, qui font commettre des injustices sans bornes et des meurtres abominables. « Je », est toujours dans un processus dynamique alors que « Nous » est un « décret » statique
Et comment donc ? Pour atteindre ce but, le discours doit être éminemment pédagogique sinon nous perdons notre temps à pérorer. Et pérorer c’est la spécialité exclusive du perroquet vert de Casamance. Je devais éviter ce chemin de la facilité de condamner sans avoir une vue large de la complexité qui nous gouverne. C’est pourquoi mes Khoutba avaient une saveur telle, qu’elles pouvaient détourner de la substance réelle des textes que vous avez lus durant ce mois de Ramadan.
L’objet de cette Homélie d’El Fitr est de rendre aux textes et aux idées développées leur unité, car c’est JE qui a parlé. Il a parlé parce que dopé et rassuré par la présence de la franchise et de la lucidité des assignés parmi les mauritaniens. Le peuple suivra le flot qui se déversera « Je » par « Je » dans le bassin qui accueillera « Nous ». Et là les jeux seront faits afin de disqualifier « On » et pour de bon. Car « On » est le sujet du menteur et de ceux qui colportent, collent et portent. C’est dangereux tout ça non ! On ne peut pas vivre entre jassouss et kalabanté.
Dans la khoutba I, j’ai parlé de ce que je pense être le comportement d’un chef. C’est simple mais aussi compliqué que la/les cibles visées. Bon je n’ai pas le temps d’expliciter davantage de quoi je parlais dans cette khoutba, car son fondement s’applique à ceux (des « Je ») qui prétendent un jour diriger et ceux (des « Je ») qui doivent les choisir. Donc mes cibles sont si multiples que le flou risque de m’être fatal, car le contenu de la khoutba est vite détourné vers un seul « Je » qui fait plus de bruits que ce « Nous » que des « On », n’ont jamais cessé d’éduquer dans la culture de la soumission de leur « Je ».
Aussi, je voulais dire que ceux qui choisissent doivent éviter un chef qui leur montre toujours ses photos, les félicitations qu’il reçoit et son côté conteur, sinon ils se rendront compte, tardivement, qu’ils sont en face de quelqu’un qui n’écoute pas les autres et qui ne cherche pas à être consensuel. Ce sera trop tard, car ils se sont habitués à croire servir alors qu’intérieurement ils savaient qu’ils ne servaient à rien, un tel chef est inchangeable dans son comportement. Il faut le quitter pour exprimer ce « Je » que vous êtes et sortir de ce « Nous » où « On » commande, dirige, dicte et finalement gouverne avec poigne.
Dans la khoutba II j’ai parlé de ballon, de stade, de peuple, de Nation et surtout de l’émotion qui lie tous ces éléments. L’objectif était clair que tout peut unir, il suffit d’exercer de l’intelligence sur les événements. Mais là il faut aussi se pencher sur la dimension émotionnelle de la construction d’une Nation pour comprendre comment « Nous » devient si arrogant au point d’essayer de génocider « Je ». Il fallait vous dire que « Nous » ne devait pas écouter les « On » au point d’oublier qu’un stade est un stade rempli de couleurs, de corps, d’esprits qui peuvent Tous devenir un « Je » (le Peuple) quand il y a enjeu national. Voilà c’est cela qu’il fallait comprendre. Notre seule chance c’est notre diversité.
La khoutba III discute de superstition, enfin disons de croyance aux coïncidences heureuses ou pas pour être plus soft. N’oublions pas que dans la khoutba II, il s’agissait de démontrer que rien peut unir à plus forte raison des coïncidences qui rappellent les manifestations d’une Nation. Elle rend compte de manière claire de plusieurs choses en même temps, mais le plus important était de dire à ceux qui pensent que la franchise et la lucidité des assignés parmi les mauritaniens mérite d’être fêtée, de sortir en masse comme des « Je » avertis des exigences de l’espace public.
La IV est venue mettre une symphonie à tout cela pour que le concert des Khoutba soit plus mélodieux. La musique, cet autre rien, peu aussi unir la Nation. Elle a insisté sur quelque chose d’important, c’est de prendre la dimension centrale des langues dans la vie de la société. C’est pourquoi je pense et rêve toujours que le Bambara parte s’inscrire de manière intelligente sur la liste des langues nationales pour que le réaménagement territorial de 1944 ait son vrai sens. Ça c’est une langue, pensée simple bande de terre accolée à un territoire colonial et que l’État postcolonial s’entête à perpétuer en validant l’acte d’amputation ! J’ai aussi dit quelque chose qui a dû marquer quelques esprits. Ma liaison avec la Mauritanie reste le hassanya. Je considère cette langue comme « maternelle », car je l’ai apprise en même temps que le pulaar. Finalement elle allait dominer la seconde jusqu’à mon entrée dans l’adolescence. C’est la langue du peuple que mon père gouvernait et m’apprit à connaître et à intégrer en la tétant directement dans la rue. Tout est dit.
Enfin, il s’agissait juste de dire, avec cette simplicité déconcertante, que les langues se valent et que l’usage de l’une comme langue de travail ou nationale n’empêche point la reconnaissance, la valorisation et le soutien permanent de la dominante pour que les autres développent le rythme de leur débit, expliquent leurs onomatopées, leurs proverbes, leurs rires, leurs pleurs, leurs amours, leurs multiples joies, leurs patronymes, rendent compte de leur musique et l’harmonie qu’elles recherchent entre elles : s’emprunter mutuellement pour mieux communiquer. Il faut apprendre leur musique pour rester tranquille dans sa peau d’Homme. Leur similitude est certaine, sinon on ne pourrait jamais les traduire. Elles désignent les mêmes choses dans un univers singulier certes, mais elles dé-signent et c’est déjà très courageux de signer l’existence de son « Je ».
Donc si elles désignent c’est qu’elles nomment la vie en même temps dans un univers cosmogonique territorialement ancré-sacré pour les « Je » qu’il rassemble. C’est ça leur philosophie et qui doit rejoindre celle dominante ou pensée comme telle pour s’accorder avec elle sur les éléments en partage. Donc laissons les gens parler, bouger se marier et danser au son de toutes nos musiques. Le bal n’en sera que grandiose.
J’ai aussi profité de cette même khoutba, pour me permettre de parler de la censure, enfin de toutes les censures. Je considère la censure comme le fait de vouloir empêcher quelqu’un d’aller aux toilettes pour se décharger du surplus qui pèse sur son corps et qui le fait suer des cordes d’eau à noyer ngabu. C’est une catastrophe que de s’entêter d’empêcher les gens de parler, de voyager, de se marier et de chanter librement. Cela conduit directement au parloir géré par « On ». Et le parloir indique le lieu de la détention, de la torture voire de l’élimination pure et simple au nom de ce « Nous » hautain et donc malsain. Cela peut déboucher sur une tentative de génocide qui brouille le passif humanitaire. Le vocabulaire devient compliqué quand on empêche quelqu’un (« Je ») de s’exprimer. Les camps de concentration nazis ne peuvent être réédités, c’est simple, clair et historiquement prouvé. Il nous faut plutôt des espaces ouverts (le pays est vaste), des cafés où le chtari restera tranquille car maîtrisé, des théâtres, des cinémas, des terrasses ouvertes tard la nuit, une police discrète, une armée camouflée et des barbus rasés à la fleur de la peau et vous verrez que le peuple sentira un nouveau souffle envahir tout le corps social. Libérons les énergies vitales qui sommeillent en nous et arrêtons cette hypocrisie qui nous rend un mauvais service. Il faut vivre, mais Dieu le recommande. Il faut vivre. Enfin il faut vivre ! Laissez-nous vivre notre temps à travers toutes les musiques de la vie.
Et donc l’Homélie d’El Fitr contient tout cela en même temps. Ce n’est pas plus clair que les Khoutba prises individuellement. Donc laissons chacune s’exprimer indépendamment des autres pour qu’on ait une véritable harmonie des différences et que nous fassions comme si l’harmonie était préétablie.
Donc à ceux que les Khoutba firent prendre une mine agacée, je m’excuse. À ceux qui n’y ont vu qu’une simple et légère autobiographie d’un prétentieux observateur, désœuvré et hautain j’assume le « Je » qui se prête au jeu de « Nous » en pouffant de ce « On » débonnaire, et à ceux qui n’ont rien à dire, je dis vous m’avez compris en préservant l’éthique et la morale de votre beau « Je ».
« NOUS-TOUS », « Je » compris, dirons avec l’auteur Joanne Anton (lire son petit et succulent roman Le découragement, Paris, Allia, 2011, 63 p.) : « On observe que sans être fou, on en a l’air » (p. 55) dans ce monde où l’onde néolibérale nous dicte nos tremblements, nos comportements, nos filiations, nos goûts, notre santé, et qui finalement gouverne tous les aspects, et les plus intimes de notre quotidien.
Yeen mbatuni mo wuuri, grand jeu entre « Nous », « On » et « Je » s’il en est un ! Il faut donc tout RE-LIER pour avancer vers notre destin Essentiellement fatal.
Id moubarak !
Abdarahmane NGAIDE (Bassel)
Dakar, Id El Fitr 2013, an 1434 de l’Hégire.
Source: A. NGaide (Bassel)
[[1]] J’ai pris la décision de ne rien traduire, que ceux qui ne comprennent pas quelques unes des langues mauritaniennes inscrites sur le tableau de la constitution de poser des questions à leurs voisins les plus immédiats pour se faire traduire les mots et du coup ils pourront ouvrir une boîte de dialogue et tchatcheront ensemble ne serait-ce qu’une seconde de leur vie. Il faut vous parler dans vos langues et vous allez voir le gain en confiance qui arrivera comme une vraie jouvence. C’est la liberté de « Je » qui s’exprime avec une petite véhémence-injonction.
[[2]] Je me suis même permis deux libéralités, qu’un malentendu est venu compliquer en postant une khoutba un mardi et une autre un jeudi et de la dédier à des amis d’enfance. Seul un imam-curé, un « Je » libre en fait, peut se permettre la désacralisation d’un jour de notre calendrier à NOUS-TOUS.
[[3]] Un imam bien curé regardez vers qui je pointe mon doigt. Il a une longue barbe sale, un pantalon court, un turban noir comme le linceul d’un diable et je pense qu’il était borgne, Mollah Omar qui a finit par prendre la fuite sur une moto. J’ai envie de rire devant cette image de fuite d’un borgne qui se prenait pour Mollah. Enfin, je nomme tous ces jihadistes qui nous rendent la vie difficile au point que nos rapports à Dieu voire à nos prénoms (Abda-rahmane, vous voyez pourquoi je signe Bassel) si compliqués. Donc j’ai utilisé Khoutba dans le but de signifier que JE, leur retire le droit de tenir des Khoutba dans leurs grottes sniffant de la poudre ou se partageant les gains obtenus des rançons versées pour libérer des « nassara ». Donc vous comprenez pourquoi l’imam est en même temps un curé, non imam-curé, la contraction est moins flagrante. Une histoire de colonisation de l’Andalousie et de Croisades quoi ! Soumangourou Keïta était absent de tout cela perdu entre forge et concession du griot. Que dire de Pahté Gorbal Bodeyal adorant le Dieu Taureau ! Bassel khoutba ngel wonko soomi ndekke, njuurnitode !
[[4]] Je ne suis pas mathématicien mais là je me hasarde pour cette équation prenez TN2 et multipliez-le par CO2 [C01 x TN2= NI1] cela aboutit à notre appartenance Nationale Irrévocable. Nos grands mathématiciens comme le cousin Toka Diagana me viendront en aide pour mieux affiner cette équation sociale et qu’elle soit reconnue d’utilité publique.
[[5]] Quelqu’un m’a demandé d’écrire autrement, mais je lui ai répondu que Je ne suis « pas autre qui ment », c’est-à-dire On. J’écris comme « Je » sinon toute autre tentative risque de prendre l’allure d’un mauvais jeu de ma part. Si j’écrivais autrement, je me trahirai (mégalomanie), je vous trahirai et ce n’est point mon objectif. Le partage ne peut pas faire de la trahison son lieu de convivialité. Je vais partager avec vous cette définition sublime de l’écrivain chinois réfugié en Allemagne Liao Yiwu (Lire son gros mais attachant roman du début à la fin Dans l’empire des ténèbres, Paris, François Bourin Editeur, 2011, 661 p.). Il écrit : « La devise de mon écriture peut se résumer à ceci : les soies du porc pousse sur la peau des cochons. Pour comprendre quelque chose avec profondeur et certitude, il faut te coller à la bête comme une mouche à merde » (p. 207).