Madame Germaine Tillion
Lucie Aubrac s’est éteinte il y a deux mois et demi. Elle avait 94 ans. Et pourtant, une autre femme a, elle aussi, illustré cette extraordinaire vivacité à résister, à refuser l’inacceptable: Germaine Tillion.
Germaine Tillion n’est pas encore morte, mais elle fait déjà partie des meubles du XXe siècle. Aujourd’hui, 30 mai 2007, elle a cent bougies.
Très vite, elle se consacre à l’ethnologie. Elle sort diplômée de l’École pratique des hautes études et de l’École du Louvre (curieux point commun avec Pierre-Gilles de Gennes dont la mère l’envoyait dans les allées du Louvre pour avoir de la culture générale).
Elle part plusieurs fois en Algérie pour étudier les Berbères dans le cadre de sa thèse.
Elle revient en été 1940 et fonde l’un des premiers réseaux de Résistance rattaché au musée de l’Homme. Elle y a le grade de commandant (elle n’a que 34 ans). L’objectif est alors de faire évader les prisonniers et de renseigner les autres réseaux.
En été 1942, sans doute suite à une confession auprès d’un prêtre, Robert Alesch (qui sera exécuté en 1949), elle est dénoncée, arrêtée et déportée à Ravensbrück. Sa mère y est alors gazée en mars 1945, si près de la fin de la guerre.
Après la guerre, elle reprend ses études en se consacrant aux systèmes concentrationnaires nazi et soviétique puis, à partir de 1954, retourne en Algérie pour étudier le processus de clochardisation et y crée des centres sociaux.
Pendant la Guerre d’Algérie, elle lutte contre la torture et les exécutions capitales, puis, lutte pour l’émancipation des femmes dans le bassin méditerranéen.
En 1959, elle réussit à faire voter une loi pour autoriser les détenus français à étudier et à passer des diplômes en prison.
Elle a publié de nombreux bouquins d’études ethnographiques et, de souvenir, et a reçu en 1999 la plus haute distinction française, Grand-croix de la Légion d’honneur, que lui a remise Geneviève Anthonioz-De Gaulle.
Défenseur des droits de l’homme, Germaine Tillion a ainsi combattu toute sa vie la pauvreté, la torture, la peine de mort, l’esclavage, s’est battue pour la scolarisation des plus démunis, n’hésitant pas à dire non dès que ses valeurs républicaines et humanistes étaient atteintes.
Grande figure du siècle dernier, toujours prête à de nouveaux combats (elle a pris position en 2003 contre la guerre en Irak), elle a réussi dans les camps d’extermination à surmonter le pire en poursuivant clandestinement son travail d’ethnologie.
C’est sa quête de justice et de vérité qui l’ont guidée toute sa vie : « C’est tellement important de comprendre ce qui vous écrase. C’est peut-être cela qu’on peut appeler ‘exister’. » écrit-elle dans ‘À la Recherche du vrai et du juste’ publié en 2001.
Dame courage, redonnant espoir aux désespérés, donnant par sa pensée un éclairage incarné de l’époque moderne, elle ne se fait cependant aucune illusion sur ses congénères : « Je suis très sévère pour l’espèce humaine, c’est une espèce dangereuse qu’il faut surveiller ».
Elle a, hélas, toujours raison.
Bon centenaire, Madame.
Et chapeau pour votre vie, modèle exemplaire.
Par : Sylvain Rakotoarison
________________
Source: Agoravox
(M)
Germaine Tillion n’est pas encore morte, mais elle fait déjà partie des meubles du XXe siècle. Aujourd’hui, 30 mai 2007, elle a cent bougies.
Très vite, elle se consacre à l’ethnologie. Elle sort diplômée de l’École pratique des hautes études et de l’École du Louvre (curieux point commun avec Pierre-Gilles de Gennes dont la mère l’envoyait dans les allées du Louvre pour avoir de la culture générale).
Elle part plusieurs fois en Algérie pour étudier les Berbères dans le cadre de sa thèse.
Elle revient en été 1940 et fonde l’un des premiers réseaux de Résistance rattaché au musée de l’Homme. Elle y a le grade de commandant (elle n’a que 34 ans). L’objectif est alors de faire évader les prisonniers et de renseigner les autres réseaux.
En été 1942, sans doute suite à une confession auprès d’un prêtre, Robert Alesch (qui sera exécuté en 1949), elle est dénoncée, arrêtée et déportée à Ravensbrück. Sa mère y est alors gazée en mars 1945, si près de la fin de la guerre.
Après la guerre, elle reprend ses études en se consacrant aux systèmes concentrationnaires nazi et soviétique puis, à partir de 1954, retourne en Algérie pour étudier le processus de clochardisation et y crée des centres sociaux.
Pendant la Guerre d’Algérie, elle lutte contre la torture et les exécutions capitales, puis, lutte pour l’émancipation des femmes dans le bassin méditerranéen.
En 1959, elle réussit à faire voter une loi pour autoriser les détenus français à étudier et à passer des diplômes en prison.
Elle a publié de nombreux bouquins d’études ethnographiques et, de souvenir, et a reçu en 1999 la plus haute distinction française, Grand-croix de la Légion d’honneur, que lui a remise Geneviève Anthonioz-De Gaulle.
Défenseur des droits de l’homme, Germaine Tillion a ainsi combattu toute sa vie la pauvreté, la torture, la peine de mort, l’esclavage, s’est battue pour la scolarisation des plus démunis, n’hésitant pas à dire non dès que ses valeurs républicaines et humanistes étaient atteintes.
Grande figure du siècle dernier, toujours prête à de nouveaux combats (elle a pris position en 2003 contre la guerre en Irak), elle a réussi dans les camps d’extermination à surmonter le pire en poursuivant clandestinement son travail d’ethnologie.
C’est sa quête de justice et de vérité qui l’ont guidée toute sa vie : « C’est tellement important de comprendre ce qui vous écrase. C’est peut-être cela qu’on peut appeler ‘exister’. » écrit-elle dans ‘À la Recherche du vrai et du juste’ publié en 2001.
Dame courage, redonnant espoir aux désespérés, donnant par sa pensée un éclairage incarné de l’époque moderne, elle ne se fait cependant aucune illusion sur ses congénères : « Je suis très sévère pour l’espèce humaine, c’est une espèce dangereuse qu’il faut surveiller ».
Elle a, hélas, toujours raison.
Bon centenaire, Madame.
Et chapeau pour votre vie, modèle exemplaire.
Par : Sylvain Rakotoarison
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Source: Agoravox
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