Un tribunal a tenté de déterminer l’âge de jeunes congolaises en fonction de leur pilosité
Deux jeunes Congolaises (RDC) ont subi, le 19 avril dernier, un examen médical visant à déterminer leur âge en fonction de leur pilosité. Ce « test de puberté », vécu comme une humiliation, était censé apporter la preuve qu’elles avaient falsifié leur âge lorsqu’elles sont entrées sur le territoire français. Il servira à juger l’une d’entre-elles en janvier prochain. Pourtant sa validité juridique, comme celle de l’analyse osseuse, plus courante, a été maintes fois mise en cause par des experts scientifiques.
« Le système pileux des aisselles, du pubis et péri vulvaire a été rasé de très près et récemment mais il est manifestement bien développé tant dans les aisselles que sur le pubis et recouvre totalement les grandes lèvres. Les seins sont totalement développés et formés, les aréoles des seins sont celles d’une femme adulte. Le développement ostéo-musculaire est harmonieux ; la denture comporte 31 unités en très bon état… » C’est en partie sur la base de ces analyses pour le moins humiliantes, établies par un médecin légiste à la demande de la police, que le tribunal de Limoges doit établir le 11 janvier prochain si une jeune congolaise, arrivée en France de façon illégale, a menti sur son âge pour s’y maintenir comme « mineur isolé ». Elle avait été examinée le 19 avril dernier en même temps qu’une autre congolaise, dans une affaire distincte. Pour cette dernière, le tribunal a contesté la fiabilité d’un tel examen pour une jeune fille de plus de 16 ans et transmis l’affaire au tribunal des enfants.
Des tests à valeur médicale, pas juridique
Par le passé, les plus hautes instances scientifiques françaises ont déjà mis en doutes la validité juridique de ces pratiques. En mars 2006, l’Académie nationale de médecine, saisie par le ministère de la Justice et du ministère de la Santé et des Solidarités, a estimé que l’étude osseuse (radiographie du poignet et de la main gauche par comparaison avec l’Atlas de Greulich et Pyle) est la méthode la plus fiable mais qu’elle renferme des « possibilités d’erreur ». Cette fiabilité est renforcée par « l’examen du développement pubertaire », a-t-elle estimé, mais n’écarte pas toute possibilité d’erreur.
En juin 2005, le Comité consultatif national d’éthique s’était voulu plus explicite. L’imprécision des tests osseux, plus grande encore pour les populations « non caucasiennes », peut être améliorée par une radio dentaire et un « examen clinique des signes de puberté », mais tous ces procédés comportent « une part importante d’imprécision », expliquait-il dans ses conclusions. Cette imprécision est « encore plus grande entre 15 et 20 ans, âges pour lesquels les examens sont le plus fréquemment demandés, ajoutait-il, avant de conclure : l’utilisation qui est faite [de ces tests] par la transformation d’une donnée collective et relative à une finalité médicale en une vérité singulière à finalité juridique ne peut être que très préoccupante ».
Les consignes aux préfets : « mettez-moi tout ce monde-là à la porte »
Dans le cas des deux jeunes Congolaises de Limoges, c’est surtout le procédé utilisé qui a ulcéré les avocates des prévenues et les membres du Réseau éducation sans frontière de la Haute-vienne, aux oreilles desquelles l’histoire est parvenue. C’est « à vomir », a déclaré Me Josette Rejou, l’avocate de la jeune fille encore en procès. « Le conseil de l’ordre a été saisi et je voudrais également une action au parquet et qu’une démarche soit entreprise au conseil de l’ordre des médecins », a-t-elle ajouté.
Il semble que ces tests soient une première en Haute-Vienne. Ils sont même très rares en France, au contraire des examens osseux, pour lesquels la demande des autorités a augmenté ces dernières années. « Le procureur est à la botte du préfet et les préfets ont tous reçu les mêmes ordres : "mettez-moi tout ce monde-là à la porte", assure Josette Rejou. Heureusement, il y a des gens vigilants, même des magistrats, dans leurs décisions », ajoute l’avocate, qui ne mâche pas ses mots. Le 12 mai 2004, rappelle-t-elle, le premier président de la cour d’appel de Limoges a rendu une décision allant contre l’utilisation juridique des analyses osseuses en raison de leur caractère approximatif.
Selon Me Rejou, la question de l’âge ne se pose pas lorsque le ressortissant étranger - comme la congolaise dont le procès s’est déjà déroulé cette année - peut présenter un document d’état civil. La justice française se doit de reconnaître sa validité. « C’est d’ailleurs, selon l’avocate, ce qu’a dit le président Louvel dans l’arrêt du 12 mai 2004 : "Qu’est ce qui vous autorise à dire que cet acte de naissance est faux ?" Après, si on veut aller vers le débat de l’état civil en Afrique, cela nous ramène à celui sur l’ADN. C’est une autre question et il faut alors aider le continent à améliorer cet état civil. »
Auteur: Saïd Aït-Hatrit
afrik.com
Deux jeunes Congolaises (RDC) ont subi, le 19 avril dernier, un examen médical visant à déterminer leur âge en fonction de leur pilosité. Ce « test de puberté », vécu comme une humiliation, était censé apporter la preuve qu’elles avaient falsifié leur âge lorsqu’elles sont entrées sur le territoire français. Il servira à juger l’une d’entre-elles en janvier prochain. Pourtant sa validité juridique, comme celle de l’analyse osseuse, plus courante, a été maintes fois mise en cause par des experts scientifiques.
« Le système pileux des aisselles, du pubis et péri vulvaire a été rasé de très près et récemment mais il est manifestement bien développé tant dans les aisselles que sur le pubis et recouvre totalement les grandes lèvres. Les seins sont totalement développés et formés, les aréoles des seins sont celles d’une femme adulte. Le développement ostéo-musculaire est harmonieux ; la denture comporte 31 unités en très bon état… » C’est en partie sur la base de ces analyses pour le moins humiliantes, établies par un médecin légiste à la demande de la police, que le tribunal de Limoges doit établir le 11 janvier prochain si une jeune congolaise, arrivée en France de façon illégale, a menti sur son âge pour s’y maintenir comme « mineur isolé ». Elle avait été examinée le 19 avril dernier en même temps qu’une autre congolaise, dans une affaire distincte. Pour cette dernière, le tribunal a contesté la fiabilité d’un tel examen pour une jeune fille de plus de 16 ans et transmis l’affaire au tribunal des enfants.
Des tests à valeur médicale, pas juridique
Par le passé, les plus hautes instances scientifiques françaises ont déjà mis en doutes la validité juridique de ces pratiques. En mars 2006, l’Académie nationale de médecine, saisie par le ministère de la Justice et du ministère de la Santé et des Solidarités, a estimé que l’étude osseuse (radiographie du poignet et de la main gauche par comparaison avec l’Atlas de Greulich et Pyle) est la méthode la plus fiable mais qu’elle renferme des « possibilités d’erreur ». Cette fiabilité est renforcée par « l’examen du développement pubertaire », a-t-elle estimé, mais n’écarte pas toute possibilité d’erreur.
En juin 2005, le Comité consultatif national d’éthique s’était voulu plus explicite. L’imprécision des tests osseux, plus grande encore pour les populations « non caucasiennes », peut être améliorée par une radio dentaire et un « examen clinique des signes de puberté », mais tous ces procédés comportent « une part importante d’imprécision », expliquait-il dans ses conclusions. Cette imprécision est « encore plus grande entre 15 et 20 ans, âges pour lesquels les examens sont le plus fréquemment demandés, ajoutait-il, avant de conclure : l’utilisation qui est faite [de ces tests] par la transformation d’une donnée collective et relative à une finalité médicale en une vérité singulière à finalité juridique ne peut être que très préoccupante ».
Les consignes aux préfets : « mettez-moi tout ce monde-là à la porte »
Dans le cas des deux jeunes Congolaises de Limoges, c’est surtout le procédé utilisé qui a ulcéré les avocates des prévenues et les membres du Réseau éducation sans frontière de la Haute-vienne, aux oreilles desquelles l’histoire est parvenue. C’est « à vomir », a déclaré Me Josette Rejou, l’avocate de la jeune fille encore en procès. « Le conseil de l’ordre a été saisi et je voudrais également une action au parquet et qu’une démarche soit entreprise au conseil de l’ordre des médecins », a-t-elle ajouté.
Il semble que ces tests soient une première en Haute-Vienne. Ils sont même très rares en France, au contraire des examens osseux, pour lesquels la demande des autorités a augmenté ces dernières années. « Le procureur est à la botte du préfet et les préfets ont tous reçu les mêmes ordres : "mettez-moi tout ce monde-là à la porte", assure Josette Rejou. Heureusement, il y a des gens vigilants, même des magistrats, dans leurs décisions », ajoute l’avocate, qui ne mâche pas ses mots. Le 12 mai 2004, rappelle-t-elle, le premier président de la cour d’appel de Limoges a rendu une décision allant contre l’utilisation juridique des analyses osseuses en raison de leur caractère approximatif.
Selon Me Rejou, la question de l’âge ne se pose pas lorsque le ressortissant étranger - comme la congolaise dont le procès s’est déjà déroulé cette année - peut présenter un document d’état civil. La justice française se doit de reconnaître sa validité. « C’est d’ailleurs, selon l’avocate, ce qu’a dit le président Louvel dans l’arrêt du 12 mai 2004 : "Qu’est ce qui vous autorise à dire que cet acte de naissance est faux ?" Après, si on veut aller vers le débat de l’état civil en Afrique, cela nous ramène à celui sur l’ADN. C’est une autre question et il faut alors aider le continent à améliorer cet état civil. »
Auteur: Saïd Aït-Hatrit
afrik.com