François Hollande a souligné hier «l'impossible réparation» des ravages de l'esclavage, «outrage fait par la France à la France», à l'occasion de la Journée nationale des mémoires de la traite, de l'esclavage et de leurs abolitions.
Une «impossible réparation». Mais un devoir de «mémoire, de vigilance, de transmission». C'est en substance ce qu'a déclaré, hier, François Hollande à l'occasion de la journée nationale des mémoires, de la traite, de l'esclavage et de leurs abolitions. Mais sans tarder, cette déclaration sur l'impossibilité de «réparer» le passé de la traite négrière - qui a commencé au XVIIe siècle dans les colonies françaises jusqu'à son abolition définitive le 27 avril 1848 sous l'impulsion de l'homme politique philanthrope Victor Schoelcher - ne convient pas à tout le monde. Hier, le Conseil représentatif des associations noires (Cran), a décidé de poursuivre en justice la Caisse des dépôts et consignation pour avoir, selon elle, tiré profit de l'esclavage en recueillant notamment la «rançon» imposée à Haïti pour «payer» son indépendance (lire ci-contre).
«L'impossible réparation» est aussi pour le président de la République une citation qui rend hommage au poète antillais Aimé Césaire, dont on célèbre cette année le centième anniversaire de la naissance. «Il y aurait une note à payer et ensuite ce serait fini ? Non, ce ne sera jamais réglé», a dit M. Hollande, en écho à cette figure de la vie martiniquaise, célébrée au Panthéon.
«L'histoire ne s'efface pas. On ne la gomme pas. Elle ne peut faire l'objet de transactions au terme d'une comptabilité qui serait en tout point impossible à établir», a ajouté le chef de l'État en présence de la ministre de la Justice, Christiane Taubira. Celle-ci, originaire de Cayenne (Guyane) est à l'origine de la loi de 2001 reconnaissant l'esclavage comme un crime contre l'humanité. Entre le milieu du XVIIe à la fin du XIXe siècle, la France a déporté plus d'un million d'Africains. Dès lors, la question de l'indemnisation des victimes de l'esclavage reste en suspens Outre-mer. La grève générale qui paralysa les Antilles en 2009 ou à La Réunion à la fin des années 90 a démontré combien ces sociétés demeurent minées par d'inextricables problèmes économiques, sociaux et identitaires. Aujourd'hui, certaines associations conflictualisent la mémoire de l'esclavage en faisant miroiter l'obtention de réparations financières pour chaque descendant d'esclaves ou encore pour le paiement d'une dette qui assurerait, entre autres, l'indépendance des Antilles.
G.C.
«La CDC est complice d'un crime contre l'humanité», a déclaré Louis-Georges Tin, le président du Cran. «Nous assignons en justice la Caisse des dépôts et consignations, la banque d'État qui a joué un rôle considérable dans l'esclavage», a-t-il insisté. Haïti a acquis son indépendance en 1804 contre les troupes de Napoléon Bonaparte, mais la France a alors exigé un tribut financier pour indemniser ses colons. Haïti a payé de 1825 à 1946 «des sommes équivalentes à 21 milliards de dollars», selon M. Tin. C'est la CDC qui a encaissé cet argent. Selon lui, «cette rançon a précipité Haïti dans une spirale infernale d'instabilité et de misère». Après la colonisation, Haïti a été frappé «d'une double peine». La CDC s'est également «enrichie grâce à l'exploitation colonialiste», selon Me Norbert Tricaud, avocat du Cran.
Pierre Sauvey
Source: ladepeche
Une «impossible réparation». Mais un devoir de «mémoire, de vigilance, de transmission». C'est en substance ce qu'a déclaré, hier, François Hollande à l'occasion de la journée nationale des mémoires, de la traite, de l'esclavage et de leurs abolitions. Mais sans tarder, cette déclaration sur l'impossibilité de «réparer» le passé de la traite négrière - qui a commencé au XVIIe siècle dans les colonies françaises jusqu'à son abolition définitive le 27 avril 1848 sous l'impulsion de l'homme politique philanthrope Victor Schoelcher - ne convient pas à tout le monde. Hier, le Conseil représentatif des associations noires (Cran), a décidé de poursuivre en justice la Caisse des dépôts et consignation pour avoir, selon elle, tiré profit de l'esclavage en recueillant notamment la «rançon» imposée à Haïti pour «payer» son indépendance (lire ci-contre).
«Une note à payer» ne suffit pas
«L'impossible réparation» est aussi pour le président de la République une citation qui rend hommage au poète antillais Aimé Césaire, dont on célèbre cette année le centième anniversaire de la naissance. «Il y aurait une note à payer et ensuite ce serait fini ? Non, ce ne sera jamais réglé», a dit M. Hollande, en écho à cette figure de la vie martiniquaise, célébrée au Panthéon.
«L'histoire ne s'efface pas. On ne la gomme pas. Elle ne peut faire l'objet de transactions au terme d'une comptabilité qui serait en tout point impossible à établir», a ajouté le chef de l'État en présence de la ministre de la Justice, Christiane Taubira. Celle-ci, originaire de Cayenne (Guyane) est à l'origine de la loi de 2001 reconnaissant l'esclavage comme un crime contre l'humanité. Entre le milieu du XVIIe à la fin du XIXe siècle, la France a déporté plus d'un million d'Africains. Dès lors, la question de l'indemnisation des victimes de l'esclavage reste en suspens Outre-mer. La grève générale qui paralysa les Antilles en 2009 ou à La Réunion à la fin des années 90 a démontré combien ces sociétés demeurent minées par d'inextricables problèmes économiques, sociaux et identitaires. Aujourd'hui, certaines associations conflictualisent la mémoire de l'esclavage en faisant miroiter l'obtention de réparations financières pour chaque descendant d'esclaves ou encore pour le paiement d'une dette qui assurerait, entre autres, l'indépendance des Antilles.
G.C.
La Caisse des dépôts poursuivie en justice
Peu importe au Conseil représentatif des associations noires (Cran) que son combat soit loin de faire l'unanimité. Il a profité de ce 10 mai pour déposer une plainte contre la Caisse des dépôts et consignations. Il estime que l'établissement bancaire public a indûment encaissé 90 millions de francs-or, que la France a fait payer à Haïti à partir de 1804 pour monnayer son indépendance. Les premières revendications du Cran sur les réparations financières remontent à l'automne 2012.«La CDC est complice d'un crime contre l'humanité», a déclaré Louis-Georges Tin, le président du Cran. «Nous assignons en justice la Caisse des dépôts et consignations, la banque d'État qui a joué un rôle considérable dans l'esclavage», a-t-il insisté. Haïti a acquis son indépendance en 1804 contre les troupes de Napoléon Bonaparte, mais la France a alors exigé un tribut financier pour indemniser ses colons. Haïti a payé de 1825 à 1946 «des sommes équivalentes à 21 milliards de dollars», selon M. Tin. C'est la CDC qui a encaissé cet argent. Selon lui, «cette rançon a précipité Haïti dans une spirale infernale d'instabilité et de misère». Après la colonisation, Haïti a été frappé «d'une double peine». La CDC s'est également «enrichie grâce à l'exploitation colonialiste», selon Me Norbert Tricaud, avocat du Cran.
Bordeaux et la difficile mémoire de l'esclavagisme
Année après année, la polémique ne retombe pas à Bordeaux autour de la mémoire de l'esclavagisme. Une nouvelle fois, pour la journée des Mémoires de la traite des noirs,, la «Fondation du Mémorial de la traite des noirs» est montée au créneau. «Quand Bordeaux refoule toujours, Nantes assume encore !» accusent ainsi ses militants. Depuis de nombreuses années ils demandent la création d'un mémorial à Bordeaux. Ils ont aussi souhaité en vain que le nouveau pont-levant de Bordeaux soit baptisé Toussaint-Louverture, le libérateur d'Haïti aux attaches bordelaises, plutôt que Chaban-Delmas. «Depuis l'ouverture des salles du Musée d'Aquitaine (qui ont réussi la prouesse de ne pas mentionner que l'esclavage est un crime contre l'humanité), Bordeaux a fermé le ban de tout travail citoyen et social autour de la mémoire des millions de personnes qui ont contribué à sa prospérité. Pendant que les négriers sont honorés dans les rues de la Ville, les associations, grâce à qui cette mémoire a émergé, quémandent des autorisations pour se recueillir, partager et se réjouir que la liberté et l'égalité aient été conquises pour tous. Il est temps que ça cesse ! Y en a marre» proteste ainsi son porte-parole Karfa Diallo sur sa page internet. La mairie de Bordeaux souligne à l'opposé les progrès réalisés en 15 ans avec la création d'un square Toussaint Louverture en 2005, l'installation, toujours en 2005 d'un comité de réflexion et de propositions sur la traite des noirs, par Hugues Martin alors maire de la ville, et l'ouverture en 2009 des salles du Musée d'Aquitaine consacrées à «Bordeaux, le commerce atlantique et l'esclavage». On y rappelle notamment que Bordeaux a été le deuxième port négrier français, derrière Nantes, avec 419 expéditions et 130.000 à 150.000 noirs déportés au 18ème siècle. Hier soir, une cérémonie avec allocution d'Alain Juppé et lancé de fleurs dans la Garonne a été organisée square Toussaint Louverture. Mais la Fondation du Mémorial relance dès ce 11 mai un débat, au cinéma Utopia, en rappelant ses combats : débaptiser les rues au nom de négriers et baptiser le nouveau pont «Toussaint Louverture».Pierre Sauvey
Source: ladepeche