Mamadou Bocar Bâ
Les nouvelles autorités de la Mauritanie devront veiller à un partage égal du pouvoir entre les différentes communautés. L'avis est du président des Forces de libération africaine de Mauritanie (Flam). Dans l'entretien qu'il nous a accordé, Mamadou Bocar Bâ regrette, par ailleurs, l'attitude de ses anciens compagnons des Flam originelles qui, après avoir fustigé l'organisation des élections, se sont résolus à prendre acte de l'élection du nouveau président. Un paradoxe. N'empêche, il leur a lancé un appel pour qu'ils reviennent contribuer à la construction de la nouvelle Mauritanie. Il a, en outre, annoncé la reconversion de son mouvement en un parti politique. Lequel sera créé avec le candidat indépendant Ibrahima Sarr.
Wal Fadjri : Quelle appréciation faites-vous du processus démocratique qui vient de s'achever avec l'élection de Sidi Ould Cheikh Abdallahi ?
Mamadou Bocar Bâ : La première appréciation, c'est, quand même, de reconnaître que, malgré tout, les choses se sont, globalement, bien passées. Même si nous avons beaucoup de réserves. Des réserves liées au fait qu'il y a eu beaucoup d'argent qui a été distribué pour acheter des consciences. Seulement, par rapport à la Mauritanie, je pense que c'est un grand pas en avant. Il faudrait, maintenant, que tout le monde essaye de consolider ce fait et le pérenniser. Il faut aussi féliciter les militaires pour avoir permis au processus d'arriver à son terme, dans la paix. Il faut aussi féliciter les acteurs politiques qui ont joué le jeu. Ce sont là des éléments positifs qu'il faut apprécier à leur juste valeur. Maintenant, il faut dire cela n'est pas une fin en soi. Certes c'était bien d'arriver à cela mais je reste convaincu que la transition n'aura réussi que si, à partir de maintenant, la société mauritanienne regarde clairement les urgences. C'est-à-dire identifier d'abord les problèmes que nous vivons, en tant que société et essayer de les prendre à bras-le-corps pour trouver des solutions adéquates. Nous sommes dans un pays où les gens aiment trop les faux-fuyants, on aime trop faire la politique de l'autruche alors qu'il y a des problèmes réels que l'ensemble des candidats ont eu, d'une certaine façon, à aborder pendant la campagne électorale. Il s'agit, entre autres des problèmes de la communauté des Négro-africains, notamment des déportés, du passif humanitaire... Je pense que cela a été suffisamment discuté, qu'aujourd'hui cela devrait permettre au pouvoir en place de pouvoir aborder ces questions avec beaucoup plus de sérénité.
Wal Fadjri : Et vous pensez que le nouveau pouvoir pourra régler ces problèmes en une année comme il l'a promis ?
Mamadou Bocar Bâ : Je pense bien qu'il pourra le faire. En fait, il y a deux problèmes qu'ils peuvent régler au bout d'une année. Il s'agit de la question des déportés et du passif humanitaire. Mais, il y a d'autres problèmes qui sont plus compliqués à régler. Il s'agit du problème de la cohabitation, de l'esclavage, entre autres. Je pense que la résolution de ces questions prendra un peu plus de temps. Il reste que si on a le courage de les aborder, ils pourront trouver une bonne solution avec la volonté de tous.
Wal Fadjri : Comment peut-on, selon vous, régler ces problèmes ?
Mamadou Bocar Bâ : Pour ce qui est du problème des déportés, je pense que c'est assez simple. Les déportés mauritaniens sont, généralement, partis sous la contrainte. Ce sont des gens qui ont été souvent recensés en Mauritanie. Donc, je pense que ce qu'il faut aujourd'hui, c'est créer, parmi les déportés, des commissions qui se chargeront d'identifier ceux qui veulent rentrer. Je crois que cela peut se faire au bout d'un an. La Mauritanie n'est pas un pays vaste. Ici, tout le monde connaît tout le monde. Les gens qui sont restés en Mauritanie connaissent ceux qui sont partis. Donc, à partir du moment où les gens sont identifiés et leur ‘Mauritanité’ prouvée, je crois qu'il ne restera que les dispositifs pratiques pour les faire revenir et, éventuellement, les insérer.
Wal Fadjri : Pouvez-vous revenir sur votre participation à l'élection présidentielle ?
Mamadou Bocar Bâ : Nous avons soutenu la candidature de Ibrahima Sarr parce que son programme était plus proche de nos aspirations. Nous étions membres de la Coalition des forces du changement démocratique (Cfcd) donc, nous aurions pu soutenir un candidat de la coalition mais nous ne l'avons pas fait parce que le programme du candidat indépendant Ibrahima Sarr recoupait beaucoup plus nos préoccupations. Avec lui, nous avons fait la campagne. Et au second tour aussi nous avons, ensemble, soutenu Ahmed Ould Daddah.
Wal Fadjri : Quelles sont les raisons pour lesquelles vous avez soutenu Ahmed Ould Daddah au détriment de Sidi Ould Cheikh Abdallahi ?
Mamadou Bocar Bâ : Parce que, d'abord, au départ c'est-à-dire après le premier tour, notre candidat a tenu une conférence de presse pour dire qu'il est à équidistance des candidats. Ce qui lui importait, c'étaient les engagements que l'un et l'autre prendraient par rapport à son propre programme. C'est sur ces bases que les discussions ont été ouvertes avec les deux candidats. Au vu des résultats, il s'est trouvé que Ahmed Ould Daddah était plus engagé par rapport à ce qui nous préoccupe que Sidi Ould Cheikh Abdallahi. C'est la seule raison.
Wal Fadjri : Les Flam originelles ont pris acte de l'élection du nouveau président. Quelle lecture faites-vous de cette appréciation ?
Mamadou Bocar Bâ : Pour nous, ce n'est pas intéressant de nous prononcer sur ça. Mais, je crois que cela manque un peu de cohérence. En fait, nous, notre séparation avec eux est due au fait qu'ils ont dit que nous, nous étions venus pour crédibiliser le système et que ces élections ne serviront à rien puisque tout était joué d'avance. Je pense que la logique aurait voulu, actuellement, qu'ils se taisent. Qu'ils ne disent rien. Qu'ils ne donnent pas d'appréciation par rapport à ce qui s'est passé. D'autant que, pour eux, cela ne correspondait à rien du tout. Maintenant, ils ont pris acte, c'est tant mieux. Nous, en ce qui nous concerne, nous aurions bien voulu qu'ils reviennent en Mauritanie et qu'ils travaillent avec tout le monde pour l'édification de cette Mauritanie nouvelle dont nous rêvons. Parce que nous savons que ce sont, sincèrement, des combattants et qu'ils veulent la justice dans ce pays.
Wal Fadjri : Au-delà de la question du passif humanitaire et des problèmes à connotation raciale, quelles sont les urgences auxquelles les nouvelles autorités devront faire face ?
Mamadou Bocar Bâ : Ce que l'on doit rechercher quand on est à la tête d'un pays comme la Mauritanie, c'est la paix sociale. Laquelle permet d'aller, sérieusement de l'avant. Or, je crois qu'aujourd'hui, la Mauritanie a une telle configuration que l'on ne peut pas dire qu'il n'y aura pas de soubresauts qui risquent de conduire à des drames, si cela continue comme cela. Nous pensons au problème de la cohabitation entre les différentes communautés. Nous sommes dans un pays où les communautés négro-africaines sont complètement exclues de tous les rouages de l'Etat. Elles sont complètement absentes de partout. Ce sont des choses qui ne peuvent pas continuer. Si cela continue, cela risque de mettre en péril l'existence même du pays. Donc je pense qu'après ces problèmes de déportés et du passif humanitaire qui sont assez urgents, les autorités devront avoir à cœur le règlement de ce problème de cohabitation et essayer de voir dans quelle mesure on peut trouver un moyen qui permette d'abord un partage de pouvoir équitable entre toutes les communautés et un partage équitable des ressources. Une séparation nette entre les quartiers de Nouakchott n'est pas bonne pour un pays.
Wal Fadjri : Aujourd'hui que les autorités acceptent de prendre en considération vos revendications de toujours, quel va être maintenant l'avenir de Flam/Rénovation ?
Mamadou Bocar Bâ : Flam/Rénovation s'écrit dans une dynamique avec d'autres afin de se retrouver dans un large rassemblement pour faire un parti politique avec les gens qui ont soutenu la candidature de Ibrahima Sarr et au-delà, trouver des compatriotes arabes. L'objectif est de parvenir à peser sur l'échiquier politique national.
Wal Fadjri : Quels seront les objectifs de ce ‘large rassemblement’ ? Mamadou Bocar Bâ : Ce sera de créer une Mauritanie unie et prospère dans laquelle toutes les communautés se reconnaîtraient et dans laquelle il y aura un partage équitable des richesses et du pouvoir.
Propos recueillis à Nouakchott par Elh Saidou Nourou DIA
Source : http://www.walf.sn/
Wal Fadjri : Quelle appréciation faites-vous du processus démocratique qui vient de s'achever avec l'élection de Sidi Ould Cheikh Abdallahi ?
Mamadou Bocar Bâ : La première appréciation, c'est, quand même, de reconnaître que, malgré tout, les choses se sont, globalement, bien passées. Même si nous avons beaucoup de réserves. Des réserves liées au fait qu'il y a eu beaucoup d'argent qui a été distribué pour acheter des consciences. Seulement, par rapport à la Mauritanie, je pense que c'est un grand pas en avant. Il faudrait, maintenant, que tout le monde essaye de consolider ce fait et le pérenniser. Il faut aussi féliciter les militaires pour avoir permis au processus d'arriver à son terme, dans la paix. Il faut aussi féliciter les acteurs politiques qui ont joué le jeu. Ce sont là des éléments positifs qu'il faut apprécier à leur juste valeur. Maintenant, il faut dire cela n'est pas une fin en soi. Certes c'était bien d'arriver à cela mais je reste convaincu que la transition n'aura réussi que si, à partir de maintenant, la société mauritanienne regarde clairement les urgences. C'est-à-dire identifier d'abord les problèmes que nous vivons, en tant que société et essayer de les prendre à bras-le-corps pour trouver des solutions adéquates. Nous sommes dans un pays où les gens aiment trop les faux-fuyants, on aime trop faire la politique de l'autruche alors qu'il y a des problèmes réels que l'ensemble des candidats ont eu, d'une certaine façon, à aborder pendant la campagne électorale. Il s'agit, entre autres des problèmes de la communauté des Négro-africains, notamment des déportés, du passif humanitaire... Je pense que cela a été suffisamment discuté, qu'aujourd'hui cela devrait permettre au pouvoir en place de pouvoir aborder ces questions avec beaucoup plus de sérénité.
Wal Fadjri : Et vous pensez que le nouveau pouvoir pourra régler ces problèmes en une année comme il l'a promis ?
Mamadou Bocar Bâ : Je pense bien qu'il pourra le faire. En fait, il y a deux problèmes qu'ils peuvent régler au bout d'une année. Il s'agit de la question des déportés et du passif humanitaire. Mais, il y a d'autres problèmes qui sont plus compliqués à régler. Il s'agit du problème de la cohabitation, de l'esclavage, entre autres. Je pense que la résolution de ces questions prendra un peu plus de temps. Il reste que si on a le courage de les aborder, ils pourront trouver une bonne solution avec la volonté de tous.
Wal Fadjri : Comment peut-on, selon vous, régler ces problèmes ?
Mamadou Bocar Bâ : Pour ce qui est du problème des déportés, je pense que c'est assez simple. Les déportés mauritaniens sont, généralement, partis sous la contrainte. Ce sont des gens qui ont été souvent recensés en Mauritanie. Donc, je pense que ce qu'il faut aujourd'hui, c'est créer, parmi les déportés, des commissions qui se chargeront d'identifier ceux qui veulent rentrer. Je crois que cela peut se faire au bout d'un an. La Mauritanie n'est pas un pays vaste. Ici, tout le monde connaît tout le monde. Les gens qui sont restés en Mauritanie connaissent ceux qui sont partis. Donc, à partir du moment où les gens sont identifiés et leur ‘Mauritanité’ prouvée, je crois qu'il ne restera que les dispositifs pratiques pour les faire revenir et, éventuellement, les insérer.
Wal Fadjri : Pouvez-vous revenir sur votre participation à l'élection présidentielle ?
Mamadou Bocar Bâ : Nous avons soutenu la candidature de Ibrahima Sarr parce que son programme était plus proche de nos aspirations. Nous étions membres de la Coalition des forces du changement démocratique (Cfcd) donc, nous aurions pu soutenir un candidat de la coalition mais nous ne l'avons pas fait parce que le programme du candidat indépendant Ibrahima Sarr recoupait beaucoup plus nos préoccupations. Avec lui, nous avons fait la campagne. Et au second tour aussi nous avons, ensemble, soutenu Ahmed Ould Daddah.
Wal Fadjri : Quelles sont les raisons pour lesquelles vous avez soutenu Ahmed Ould Daddah au détriment de Sidi Ould Cheikh Abdallahi ?
Mamadou Bocar Bâ : Parce que, d'abord, au départ c'est-à-dire après le premier tour, notre candidat a tenu une conférence de presse pour dire qu'il est à équidistance des candidats. Ce qui lui importait, c'étaient les engagements que l'un et l'autre prendraient par rapport à son propre programme. C'est sur ces bases que les discussions ont été ouvertes avec les deux candidats. Au vu des résultats, il s'est trouvé que Ahmed Ould Daddah était plus engagé par rapport à ce qui nous préoccupe que Sidi Ould Cheikh Abdallahi. C'est la seule raison.
Wal Fadjri : Les Flam originelles ont pris acte de l'élection du nouveau président. Quelle lecture faites-vous de cette appréciation ?
Mamadou Bocar Bâ : Pour nous, ce n'est pas intéressant de nous prononcer sur ça. Mais, je crois que cela manque un peu de cohérence. En fait, nous, notre séparation avec eux est due au fait qu'ils ont dit que nous, nous étions venus pour crédibiliser le système et que ces élections ne serviront à rien puisque tout était joué d'avance. Je pense que la logique aurait voulu, actuellement, qu'ils se taisent. Qu'ils ne disent rien. Qu'ils ne donnent pas d'appréciation par rapport à ce qui s'est passé. D'autant que, pour eux, cela ne correspondait à rien du tout. Maintenant, ils ont pris acte, c'est tant mieux. Nous, en ce qui nous concerne, nous aurions bien voulu qu'ils reviennent en Mauritanie et qu'ils travaillent avec tout le monde pour l'édification de cette Mauritanie nouvelle dont nous rêvons. Parce que nous savons que ce sont, sincèrement, des combattants et qu'ils veulent la justice dans ce pays.
Wal Fadjri : Au-delà de la question du passif humanitaire et des problèmes à connotation raciale, quelles sont les urgences auxquelles les nouvelles autorités devront faire face ?
Mamadou Bocar Bâ : Ce que l'on doit rechercher quand on est à la tête d'un pays comme la Mauritanie, c'est la paix sociale. Laquelle permet d'aller, sérieusement de l'avant. Or, je crois qu'aujourd'hui, la Mauritanie a une telle configuration que l'on ne peut pas dire qu'il n'y aura pas de soubresauts qui risquent de conduire à des drames, si cela continue comme cela. Nous pensons au problème de la cohabitation entre les différentes communautés. Nous sommes dans un pays où les communautés négro-africaines sont complètement exclues de tous les rouages de l'Etat. Elles sont complètement absentes de partout. Ce sont des choses qui ne peuvent pas continuer. Si cela continue, cela risque de mettre en péril l'existence même du pays. Donc je pense qu'après ces problèmes de déportés et du passif humanitaire qui sont assez urgents, les autorités devront avoir à cœur le règlement de ce problème de cohabitation et essayer de voir dans quelle mesure on peut trouver un moyen qui permette d'abord un partage de pouvoir équitable entre toutes les communautés et un partage équitable des ressources. Une séparation nette entre les quartiers de Nouakchott n'est pas bonne pour un pays.
Wal Fadjri : Aujourd'hui que les autorités acceptent de prendre en considération vos revendications de toujours, quel va être maintenant l'avenir de Flam/Rénovation ?
Mamadou Bocar Bâ : Flam/Rénovation s'écrit dans une dynamique avec d'autres afin de se retrouver dans un large rassemblement pour faire un parti politique avec les gens qui ont soutenu la candidature de Ibrahima Sarr et au-delà, trouver des compatriotes arabes. L'objectif est de parvenir à peser sur l'échiquier politique national.
Wal Fadjri : Quels seront les objectifs de ce ‘large rassemblement’ ? Mamadou Bocar Bâ : Ce sera de créer une Mauritanie unie et prospère dans laquelle toutes les communautés se reconnaîtraient et dans laquelle il y aura un partage équitable des richesses et du pouvoir.
Propos recueillis à Nouakchott par Elh Saidou Nourou DIA
Source : http://www.walf.sn/