Hamidou Magassa, essayiste, poète, linguiste, anthropologue et consultant socio-économiste au bureau d'études «Le Sernes» à Bamako suit de très près la situation qui prévaut dans son pays le Mali. Dans cet entretien accordé à EnQuête, ce chercheur postdoctoral de l'Université d'Indiana (Bloomington/USA) en analyse institutionnelle du développement décrypte les enjeux de cette guerre aux multiples ramifications.
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Votre pays, le Mali est en guerre contre des groupes islamistes qui, après plusieurs semaines de statu quo, ont voulu s’emparer de la ville stratégique de Konnan. Etes-vous surpris de la tournure des événements ?
Non, parce que dès cette nouvelle crise sahélo-saharienne, avec l’attaque armée de Ménaka le 17 janvier 2012, par les indépendantistes et islamistes touaregs, alliés aux narcotrafiquants et à la mafia AQMI, j’ai toujours soutenu à Bamako, avec un certain nombre de collègues universitaires, qu'«à quelque chose malheur est bon !» Ces terroristes, rejetons égarés du sud de l’Algérie, se sont trop facilement offerts au Nord Mali un sanctuaire pour tous les juteux business (otages, cocaïne, mercenariat, migration clandestine) depuis deux décennies de démocratisation de façade à usage externe. Ils se sont naturellement taillés un immense domaine saharien réservé pour tous les trafics mondialisés face à la déliquescence manifeste, complaisante et complice de l’Etat malien et à la déroute de l’armée républicaine, exclue de la sécurisation de ces très vastes territoires, par un jeu d’accords de paix tous plus fictifs les uns que les autres.
Vous pensez à quoi là par exemple ?
Je pense notamment au «Pacte national de 1992» qui a permis au Président Konaré, dans un climat d’insécurité dite résiduelle par les pouvoirs publics mais habilement entretenu par la rébellion touareg à des fins politiques et économiques, d’arriver à Tombouctou en compagnie du Président Rawlings, à la cérémonie de la Flamme de la Paix en 1996. Je pense encore plus aux pitoyables «Accords d’Alger de 2006» du Président ATT(Amadou Toumani Touré) qui ont conforté la rébellion touareg dans sa tentative malheureuse d’avoir toute seule droit à tout le Mali, avec la caution politique de l’Etat pétrolier militaro-policier qui nous sépare de la France.
Vous faites référence à l'Algérie ?
Elle a été heureuse de vider sa poubelle terroriste islamiste chez son infortuné voisin du sud et elle est devenue un arbitre spécialisé dans les négociations Touaregs-Gouvernement du Mali. Elle veut se faire passer pour une bonne âme panafricaniste alors qu'elle est incapable de cacher son avidité de puissance sous-régionale avec son soutien au Polisario contre le Maroc dont elle est une rivale héréditaire depuis leur «guerre des sables de 1963». Il y a lieu de rappeler à Alger que c’est le Président Modibo Keïta qui mit fin à ce conflit après avoir courageusement chassé l’armée française du Mali et soutenu le FLN (NDLR : Front de Libération Nationale, parti historique qui gouverne l'Algérie depuis la guerre d'indépendance contre la France) par l’ouverture d’un front sud grâce à Frantz Fanon basé à Accra. C’est dire que je ne suis pas surpris par l’ingratitude des hommes politiques africains et des faux frères maghrébins. Je suis encore moins surpris par l’attaque terroriste de Konnan par la bande à Iyad et à Belmokthar (NDLR : Iyad Ag Ghali, leader de Ansar Dine, et Mokhtar Belmokhtar, un des émirs de la mouvance Aqmi) tant elle méprise les populations noires maliennes et ignore que les Bozos, pacifiques pêcheurs islamisés depuis le 10ème siècle, sont à éviter strictement pour des raisons protohistoriques connues des archéologues qui ont travaillé sur le site de Djenné, patrimoine mondial de l’UNESCO. Et avec la récente attaque terroriste d’In Amenas suite à l’intervention militaire française au Mali (ironie du sort à la veille de la fête de l’armée), l’Algérie n’a demandé à aucun bilatéral ou multilatéral la permission armée pour faire ce qu’elle a magistralement exécuté et c’est le Mali qui subit la rupture diplomatique avec le Japon (…)
De nombreux observateurs voient à travers l’intervention militaire française un échec de la CEDEAO. Partagez vous cet avis ?
Dieu est Grand et la France vient de prouver au Mali qu’elle n’est pas une petite nation comme nos micro-Etats en quête d’une unité sous régionale ou continentale qu’ils ne souhaitent pas acquérir. Histoire de ne pas perdre les privilèges personnalisés d’une souveraineté publique sur procuration depuis nos indépendances cha-cha-cha. La CEDEAO, l’UEMOA où l’UA sont toutes pareilles car pour que deux nègres soient ensemble, il faut que Dieu soit le troisième !
Qu’est-ce qui explique la réticence de certains pays africains comme la Mauritanie, la Côte d'Ivoire ou l'Afrique du Sud, à envoyer des troupes au Mali ?
C’est Dieu qui décide qui accompagnera qui dans la vie et dans la mort ! Pour le moment, dans tous nos pays qui font bonne figure patriotique, c’est le masque républicain, religieux et populiste qui tombe partout sur un continent africain à qui Dieu a tout donné. Prions pour que ses fils et filles se réconcilient avec eux-mêmes et retournent à l’Éternel ! Prions pour être en mesure de nous aimer fraternellement dans nos belles différences africaines, ce qui est loin d’être le cas à Addis-Abeba, Abidjan, Abuja, Alger, Nouakchott, Pretoria, Ouagadougou ou Bamako, tant les égoïsmes anthropophagiques se sont fossilisés autour de frontières fictives, de valeurs sans valeurs et de mendiants assis sur des tonnes d’or et d’idées !
Après s'être associés aux groupes islamistes en mars dernier pour conquérir le nord du Mali, les rebelles touaregs du Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA) se disent "prêts à aider" la France sur le terrain. Leur soutien peut-il être déterminant ?
Bonne question ! Le MNLA est une invention diabolique de mes collègues à cas-demi-chiens qui, de Paris, veulent penser l’Afrique à la place des Africains et contre lesquels Césaire nous a mis en garde. C’est le MNLA qui a tout déclenché le 17 janvier 2012 à Ménaka et égorgé comme des moutons, avec AQMI, une centaine de soldats maliens à Aguelhok. Ils ne perdent rien à attendre côté Partenaire technique exotique de la France en guerre au Mali.
Il y a un amalgame que certains semblent entretenir dans ce confit en assimilant l’islam au terrorisme. Ne risque-t-on pas d’assister à des dérives par rapport aux droits fondamentaux des citoyens ?
Encore une belle question sur islam, terrorisme et droits fondamentaux des citoyens ! De quels droits de l’homme, de la femme, de l’enfant ou des animaux s’agit-il ? L’islam, je le soutiens, est la plus belle religion au monde même si aujourd’hui les musulmans sont devenus de très grands malades pour évoquer une pensée non dite de François Hollande dans son fameux débat qui a éjecté Sarkozy du trône élyséen. Et le seul remède pour la grande épidémie terroriste islamiste se trouve dans les capacités intellectuelles de la Ummah du Prophète Muhammad (PSL) à débloquer par le retour à l’ijtihad (NDLR : effort de réflexion et d'interprétation des textes islamiques) à l’échelle universelle. En effet, l’islam recommande impérativement la protection sacrée de toute vie pour ceux qui croient au Paradis, à ne pas confondre avec le pouvoir, l’argent ou la célébrité, et ont peur de l’enfer, ici-bas et au-delà. Après le 11 septembre, nous traversons à l’échelle mondiale une profonde crise du monothéisme avec les actuelles dérives du printemps arabe qui ont brûlé, sans pouvoir l’enflammer, le manguier malien. Dieu merci, nous avons eu les fruits amers de notre crise du pouvoir en période préélectorale avec le coup d'Etat du 22 mars 2012 par des mutins anti-ATT. Dieu merci encore, nous avons aujourd’hui une guerre, presque gagnée, qui doit mettre un terme à l’insécurité d’Etat. Et Dieu sera encore plus à remercier si les Maliens ont le courage et l’intelligence institutionnelle de remettre à plat leur mauvais modèle de gestion du pouvoir traditionnel et moderne, sans chasse aux sorcières.
Lors d’une conférence que vous aviez animée à Dakar, vous déclariez que le problème n'est pas au Nord, mais au Sud du Mali à cause de son instabilité politique. Qu'est-ce à dire ?
Je rappelais simplement ce que j’avais intitulé «La crise de société du Mali : quelle alternative ?». Cet article prémonitoire était adressé au Mouvement démocratique de Bamako qui venait de gagner une nouvelle République du Mali avec mon ami et collègue, le Président Alpha Oumar Konaré. Il leur disait en conclusion qu'«une nation se forge, un Etat se crée et une démocratie s’invente». Or, eux étaient exactement en train de faire le contraire ! En dépit de ma bonne foi de porte-plume de Konaré pendant les années de lutte contre le Général Moussa Traoré et après avoir délibérément quitté mon poste de «visiting scientist» de l’Université d’Indiana, Bloomington (USA).
Et c'est pour dire quoi ?
Ceci pour dire que les problèmes du Nord Mali sont nés au Sud, à Bamako, du déficit de la classe politique, de la démocratisation non pensée, sous pression du discours de La Baule, de la décentralisation comme rente républicaine livrée aux Touaregs pour négocier avec leur économie de razzia d’Etat une honorable sortie de crise en faveur du Président Konaré. Ce dernier a bouclé la boucle avec Kadhafi qu’il a rendu internationalement fréquentable par ses multiples visites à Tripoli pour le cash-flow en pétrodollars libyens.
Par exemple ?
A titre d’illustration de cette manne financière sans procédure technique compliquée et qui a valu au Mali de s’appeler officieusement «Malibya», il y a le siège du Gouvernement, la Bibliothèque-Archives nationales, la chaîne hôtelière Laïco, 100 000 ha de terres irriguées à l’Office du Niger, les distributeurs Oil Libya, le palais privé du «Guide» à Tombouctou, le Centre culturel islamique de Hamdallaye à Bamako, le paiement mensuel d’un réseau d’imams, la rencontre de l’Internationale soufie à Bamako en 2004, la Grande prière du Maouloud 2006 à Tombouctou, entre autres. Et cerise sur le gâteau ensablé : le recrutement au Palais de Koulouba (NDLR : Palais de la République sur les hauteurs de Bamako) de mercenaires touaregs pour l’Armée du Sud de Kadhafi ! Alors, ne vous étonnez pas qu’ils reviennent chez eux après les bombes de Sarkozy, avec armes de dernière génération et bagages bourrés d’explosifs pour terroriser les Maliens qui subissent plus de 50 ans de mauvaise gouvernance d’Etat dans le septentrion. (…) En vous renvoyant à une dernière publication de co-auteur «l’Occupation du Nord du Mali» (Libraire Harmattan), permettez-moi de dire que tous les Touaregs du Mali ne sont pas des rebelles, certains sont mes amis, de même que certains juifs de Paris...
PAR DAOUDA GBAYA
Source: enquête plus
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Votre pays, le Mali est en guerre contre des groupes islamistes qui, après plusieurs semaines de statu quo, ont voulu s’emparer de la ville stratégique de Konnan. Etes-vous surpris de la tournure des événements ?
Non, parce que dès cette nouvelle crise sahélo-saharienne, avec l’attaque armée de Ménaka le 17 janvier 2012, par les indépendantistes et islamistes touaregs, alliés aux narcotrafiquants et à la mafia AQMI, j’ai toujours soutenu à Bamako, avec un certain nombre de collègues universitaires, qu'«à quelque chose malheur est bon !» Ces terroristes, rejetons égarés du sud de l’Algérie, se sont trop facilement offerts au Nord Mali un sanctuaire pour tous les juteux business (otages, cocaïne, mercenariat, migration clandestine) depuis deux décennies de démocratisation de façade à usage externe. Ils se sont naturellement taillés un immense domaine saharien réservé pour tous les trafics mondialisés face à la déliquescence manifeste, complaisante et complice de l’Etat malien et à la déroute de l’armée républicaine, exclue de la sécurisation de ces très vastes territoires, par un jeu d’accords de paix tous plus fictifs les uns que les autres.
Vous pensez à quoi là par exemple ?
Je pense notamment au «Pacte national de 1992» qui a permis au Président Konaré, dans un climat d’insécurité dite résiduelle par les pouvoirs publics mais habilement entretenu par la rébellion touareg à des fins politiques et économiques, d’arriver à Tombouctou en compagnie du Président Rawlings, à la cérémonie de la Flamme de la Paix en 1996. Je pense encore plus aux pitoyables «Accords d’Alger de 2006» du Président ATT(Amadou Toumani Touré) qui ont conforté la rébellion touareg dans sa tentative malheureuse d’avoir toute seule droit à tout le Mali, avec la caution politique de l’Etat pétrolier militaro-policier qui nous sépare de la France.
Vous faites référence à l'Algérie ?
Elle a été heureuse de vider sa poubelle terroriste islamiste chez son infortuné voisin du sud et elle est devenue un arbitre spécialisé dans les négociations Touaregs-Gouvernement du Mali. Elle veut se faire passer pour une bonne âme panafricaniste alors qu'elle est incapable de cacher son avidité de puissance sous-régionale avec son soutien au Polisario contre le Maroc dont elle est une rivale héréditaire depuis leur «guerre des sables de 1963». Il y a lieu de rappeler à Alger que c’est le Président Modibo Keïta qui mit fin à ce conflit après avoir courageusement chassé l’armée française du Mali et soutenu le FLN (NDLR : Front de Libération Nationale, parti historique qui gouverne l'Algérie depuis la guerre d'indépendance contre la France) par l’ouverture d’un front sud grâce à Frantz Fanon basé à Accra. C’est dire que je ne suis pas surpris par l’ingratitude des hommes politiques africains et des faux frères maghrébins. Je suis encore moins surpris par l’attaque terroriste de Konnan par la bande à Iyad et à Belmokthar (NDLR : Iyad Ag Ghali, leader de Ansar Dine, et Mokhtar Belmokhtar, un des émirs de la mouvance Aqmi) tant elle méprise les populations noires maliennes et ignore que les Bozos, pacifiques pêcheurs islamisés depuis le 10ème siècle, sont à éviter strictement pour des raisons protohistoriques connues des archéologues qui ont travaillé sur le site de Djenné, patrimoine mondial de l’UNESCO. Et avec la récente attaque terroriste d’In Amenas suite à l’intervention militaire française au Mali (ironie du sort à la veille de la fête de l’armée), l’Algérie n’a demandé à aucun bilatéral ou multilatéral la permission armée pour faire ce qu’elle a magistralement exécuté et c’est le Mali qui subit la rupture diplomatique avec le Japon (…)
De nombreux observateurs voient à travers l’intervention militaire française un échec de la CEDEAO. Partagez vous cet avis ?
Dieu est Grand et la France vient de prouver au Mali qu’elle n’est pas une petite nation comme nos micro-Etats en quête d’une unité sous régionale ou continentale qu’ils ne souhaitent pas acquérir. Histoire de ne pas perdre les privilèges personnalisés d’une souveraineté publique sur procuration depuis nos indépendances cha-cha-cha. La CEDEAO, l’UEMOA où l’UA sont toutes pareilles car pour que deux nègres soient ensemble, il faut que Dieu soit le troisième !
Qu’est-ce qui explique la réticence de certains pays africains comme la Mauritanie, la Côte d'Ivoire ou l'Afrique du Sud, à envoyer des troupes au Mali ?
C’est Dieu qui décide qui accompagnera qui dans la vie et dans la mort ! Pour le moment, dans tous nos pays qui font bonne figure patriotique, c’est le masque républicain, religieux et populiste qui tombe partout sur un continent africain à qui Dieu a tout donné. Prions pour que ses fils et filles se réconcilient avec eux-mêmes et retournent à l’Éternel ! Prions pour être en mesure de nous aimer fraternellement dans nos belles différences africaines, ce qui est loin d’être le cas à Addis-Abeba, Abidjan, Abuja, Alger, Nouakchott, Pretoria, Ouagadougou ou Bamako, tant les égoïsmes anthropophagiques se sont fossilisés autour de frontières fictives, de valeurs sans valeurs et de mendiants assis sur des tonnes d’or et d’idées !
Après s'être associés aux groupes islamistes en mars dernier pour conquérir le nord du Mali, les rebelles touaregs du Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA) se disent "prêts à aider" la France sur le terrain. Leur soutien peut-il être déterminant ?
Bonne question ! Le MNLA est une invention diabolique de mes collègues à cas-demi-chiens qui, de Paris, veulent penser l’Afrique à la place des Africains et contre lesquels Césaire nous a mis en garde. C’est le MNLA qui a tout déclenché le 17 janvier 2012 à Ménaka et égorgé comme des moutons, avec AQMI, une centaine de soldats maliens à Aguelhok. Ils ne perdent rien à attendre côté Partenaire technique exotique de la France en guerre au Mali.
Il y a un amalgame que certains semblent entretenir dans ce confit en assimilant l’islam au terrorisme. Ne risque-t-on pas d’assister à des dérives par rapport aux droits fondamentaux des citoyens ?
Encore une belle question sur islam, terrorisme et droits fondamentaux des citoyens ! De quels droits de l’homme, de la femme, de l’enfant ou des animaux s’agit-il ? L’islam, je le soutiens, est la plus belle religion au monde même si aujourd’hui les musulmans sont devenus de très grands malades pour évoquer une pensée non dite de François Hollande dans son fameux débat qui a éjecté Sarkozy du trône élyséen. Et le seul remède pour la grande épidémie terroriste islamiste se trouve dans les capacités intellectuelles de la Ummah du Prophète Muhammad (PSL) à débloquer par le retour à l’ijtihad (NDLR : effort de réflexion et d'interprétation des textes islamiques) à l’échelle universelle. En effet, l’islam recommande impérativement la protection sacrée de toute vie pour ceux qui croient au Paradis, à ne pas confondre avec le pouvoir, l’argent ou la célébrité, et ont peur de l’enfer, ici-bas et au-delà. Après le 11 septembre, nous traversons à l’échelle mondiale une profonde crise du monothéisme avec les actuelles dérives du printemps arabe qui ont brûlé, sans pouvoir l’enflammer, le manguier malien. Dieu merci, nous avons eu les fruits amers de notre crise du pouvoir en période préélectorale avec le coup d'Etat du 22 mars 2012 par des mutins anti-ATT. Dieu merci encore, nous avons aujourd’hui une guerre, presque gagnée, qui doit mettre un terme à l’insécurité d’Etat. Et Dieu sera encore plus à remercier si les Maliens ont le courage et l’intelligence institutionnelle de remettre à plat leur mauvais modèle de gestion du pouvoir traditionnel et moderne, sans chasse aux sorcières.
Lors d’une conférence que vous aviez animée à Dakar, vous déclariez que le problème n'est pas au Nord, mais au Sud du Mali à cause de son instabilité politique. Qu'est-ce à dire ?
Je rappelais simplement ce que j’avais intitulé «La crise de société du Mali : quelle alternative ?». Cet article prémonitoire était adressé au Mouvement démocratique de Bamako qui venait de gagner une nouvelle République du Mali avec mon ami et collègue, le Président Alpha Oumar Konaré. Il leur disait en conclusion qu'«une nation se forge, un Etat se crée et une démocratie s’invente». Or, eux étaient exactement en train de faire le contraire ! En dépit de ma bonne foi de porte-plume de Konaré pendant les années de lutte contre le Général Moussa Traoré et après avoir délibérément quitté mon poste de «visiting scientist» de l’Université d’Indiana, Bloomington (USA).
Et c'est pour dire quoi ?
Ceci pour dire que les problèmes du Nord Mali sont nés au Sud, à Bamako, du déficit de la classe politique, de la démocratisation non pensée, sous pression du discours de La Baule, de la décentralisation comme rente républicaine livrée aux Touaregs pour négocier avec leur économie de razzia d’Etat une honorable sortie de crise en faveur du Président Konaré. Ce dernier a bouclé la boucle avec Kadhafi qu’il a rendu internationalement fréquentable par ses multiples visites à Tripoli pour le cash-flow en pétrodollars libyens.
Par exemple ?
A titre d’illustration de cette manne financière sans procédure technique compliquée et qui a valu au Mali de s’appeler officieusement «Malibya», il y a le siège du Gouvernement, la Bibliothèque-Archives nationales, la chaîne hôtelière Laïco, 100 000 ha de terres irriguées à l’Office du Niger, les distributeurs Oil Libya, le palais privé du «Guide» à Tombouctou, le Centre culturel islamique de Hamdallaye à Bamako, le paiement mensuel d’un réseau d’imams, la rencontre de l’Internationale soufie à Bamako en 2004, la Grande prière du Maouloud 2006 à Tombouctou, entre autres. Et cerise sur le gâteau ensablé : le recrutement au Palais de Koulouba (NDLR : Palais de la République sur les hauteurs de Bamako) de mercenaires touaregs pour l’Armée du Sud de Kadhafi ! Alors, ne vous étonnez pas qu’ils reviennent chez eux après les bombes de Sarkozy, avec armes de dernière génération et bagages bourrés d’explosifs pour terroriser les Maliens qui subissent plus de 50 ans de mauvaise gouvernance d’Etat dans le septentrion. (…) En vous renvoyant à une dernière publication de co-auteur «l’Occupation du Nord du Mali» (Libraire Harmattan), permettez-moi de dire que tous les Touaregs du Mali ne sont pas des rebelles, certains sont mes amis, de même que certains juifs de Paris...
PAR DAOUDA GBAYA
Source: enquête plus