Que sont devenus les prisonniers mauritaniens condamnés pour terrorisme à Nouakchott et subitement disparus ? Depuis plus de neuf mois, "leur lieu de détention n'a pas été révélé, en complète violation des conventions internationales sur les droits humains", a dénoncé Amnesty International dans un communiqué le 23 février, après avoir mené une mission sur place.
Le 23 mai 2011, à 3 heures, quatorze hommes incarcérés à la prison centrale de Nouakchott, la capitale mauritanienne, sont extraits un à un de leurs cellules et emmenés par des agents cagoulés. Destination inconnue, vers une prison secrète. Une première en Mauritanie, dirigée par un ancien général, Mohamed Ould Abdel Aziz, et devenue depuis 2005 une cible privilégiée d'Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI).
Selon des informations officieuses, les détenus disparus se trouveraient en zone militaire interdite, dans la province de l'Adrar, dans le nord du pays, à proximité des bases où des instructeurs des forces spéciales françaises et américaines forment les militaires mauritaniens à la lutte antiterroriste.
Le 8 juin 2011, soit trois semaines après leur transfert, tous les effets personnels des prisonniers, livres, couvertures, vêtements, ont été rendus sans explications aux familles paniquées. Un Guantanamo local ? Malgré nos demandes, le ministère de la justice mauritanien n'a pas souhaité répondre au Monde à ce sujet. Les 11 détenus, dont certains ont été formés dans les camps d'AQMI dans le nord du Mali, sont bien connus des services, y compris en Occident.
Huit d'entre eux ont été condamnés à mort (la Mauritanie n'a pas aboli la peine capitale mais ne l'applique plus depuis 1987), dont Khadim Ould Semane, 37 ans, considéré comme le chef de la cellule Ansar Allah al Mourabitoune vi bilad Chinguitt ("les combattants alliés d'Allah en Mauritanie"), liée à AQMI. En 2010, le tribunal de Nouakchott l'a reconnu coupable de la fusillade qui visait l'ambassade d'Israël (fermée depuis) dans la capitale au cours de laquelle un policier était mort.
Figurent aussi dans cette liste les trois principaux accusés de l'assassinat de quatre Français à Aleg, fin 2007, Sidi Ould Sidna, Mohamed Ould Chabarnou et Maarouf Ould Haiba ; de même que Mohamed Abdellahi Ould Ahmednah Ould Mohamed Salem, reconnu coupable du meurtre d'un Américain, Christopher Leggett, tué d'une balle dans la tête en plein centre de Nouakchott en 2009 ; ou bien encore Mohamed Ould Abdou, Abderrahmane Ould Areda et Mohamed Ould Chbih, condamnés pour l'attaque en 2008 de la caserne de Tourine, près de Zouerate, dans le nord du pays, qui avait coûté la vie à 11 militaires.
Les autres purgent des peines comprises entre huit et quinze ans de prison pour complicité. Sitôt après la disparition de ces 14 prisonniers, des proches, des organisations humanitaires ainsi que le député mauritanien Moustapha Ould Bedredine, membre d'un parti d'opposition, se sont mobilisés pour connaître leur nouveau lieu de détention.
Mais tous se sont heurtés au mutisme des autorités mauritaniennes. Seule la sœur du détenu Mohamed Mahmoud Ould Sebty, condamné à dix ans de prison dans l'affaire de l'assassinat des quatre Français à Aleg, Meriem Mint El-Mostly, choisie pour représenter les familles, a été autorisée à rencontrer le ministre de la justice, Abidine Elkheir. Mais, là encore, sans obtenir de réponse concrète. Tout au plus, Amnesty International a pu savoir qu'ils avaient été transférés dans un "endroit sûr" et qu'ils étaient "correctement traités".
Selon une source sécuritaire mauritanienne désireuse de conserver l'anonymat, le transfert des quatorze prisonniers décrits comme "dangereux" aurait été décidé parce qu'ils étaient "toujours actifs" au sein de la prison centrale de Nouakchott. "Ils avaient maintenu des contacts avec des réseaux, s'exprimaient parfois même dans les médias depuis leurs cellules et influençaient les autres prisonniers", affirme cette source.
Isabelle Mandraud
Le Monde
Source: Kassataya
Le 23 mai 2011, à 3 heures, quatorze hommes incarcérés à la prison centrale de Nouakchott, la capitale mauritanienne, sont extraits un à un de leurs cellules et emmenés par des agents cagoulés. Destination inconnue, vers une prison secrète. Une première en Mauritanie, dirigée par un ancien général, Mohamed Ould Abdel Aziz, et devenue depuis 2005 une cible privilégiée d'Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI).
Selon des informations officieuses, les détenus disparus se trouveraient en zone militaire interdite, dans la province de l'Adrar, dans le nord du pays, à proximité des bases où des instructeurs des forces spéciales françaises et américaines forment les militaires mauritaniens à la lutte antiterroriste.
Le 8 juin 2011, soit trois semaines après leur transfert, tous les effets personnels des prisonniers, livres, couvertures, vêtements, ont été rendus sans explications aux familles paniquées. Un Guantanamo local ? Malgré nos demandes, le ministère de la justice mauritanien n'a pas souhaité répondre au Monde à ce sujet. Les 11 détenus, dont certains ont été formés dans les camps d'AQMI dans le nord du Mali, sont bien connus des services, y compris en Occident.
Huit d'entre eux ont été condamnés à mort (la Mauritanie n'a pas aboli la peine capitale mais ne l'applique plus depuis 1987), dont Khadim Ould Semane, 37 ans, considéré comme le chef de la cellule Ansar Allah al Mourabitoune vi bilad Chinguitt ("les combattants alliés d'Allah en Mauritanie"), liée à AQMI. En 2010, le tribunal de Nouakchott l'a reconnu coupable de la fusillade qui visait l'ambassade d'Israël (fermée depuis) dans la capitale au cours de laquelle un policier était mort.
Figurent aussi dans cette liste les trois principaux accusés de l'assassinat de quatre Français à Aleg, fin 2007, Sidi Ould Sidna, Mohamed Ould Chabarnou et Maarouf Ould Haiba ; de même que Mohamed Abdellahi Ould Ahmednah Ould Mohamed Salem, reconnu coupable du meurtre d'un Américain, Christopher Leggett, tué d'une balle dans la tête en plein centre de Nouakchott en 2009 ; ou bien encore Mohamed Ould Abdou, Abderrahmane Ould Areda et Mohamed Ould Chbih, condamnés pour l'attaque en 2008 de la caserne de Tourine, près de Zouerate, dans le nord du pays, qui avait coûté la vie à 11 militaires.
Les autres purgent des peines comprises entre huit et quinze ans de prison pour complicité. Sitôt après la disparition de ces 14 prisonniers, des proches, des organisations humanitaires ainsi que le député mauritanien Moustapha Ould Bedredine, membre d'un parti d'opposition, se sont mobilisés pour connaître leur nouveau lieu de détention.
Mais tous se sont heurtés au mutisme des autorités mauritaniennes. Seule la sœur du détenu Mohamed Mahmoud Ould Sebty, condamné à dix ans de prison dans l'affaire de l'assassinat des quatre Français à Aleg, Meriem Mint El-Mostly, choisie pour représenter les familles, a été autorisée à rencontrer le ministre de la justice, Abidine Elkheir. Mais, là encore, sans obtenir de réponse concrète. Tout au plus, Amnesty International a pu savoir qu'ils avaient été transférés dans un "endroit sûr" et qu'ils étaient "correctement traités".
Selon une source sécuritaire mauritanienne désireuse de conserver l'anonymat, le transfert des quatorze prisonniers décrits comme "dangereux" aurait été décidé parce qu'ils étaient "toujours actifs" au sein de la prison centrale de Nouakchott. "Ils avaient maintenu des contacts avec des réseaux, s'exprimaient parfois même dans les médias depuis leurs cellules et influençaient les autres prisonniers", affirme cette source.
Isabelle Mandraud
Le Monde
Source: Kassataya