"Moi je n'ai pas rêvé l'Afrique, c'est l'Afrique qui m'a fait rêver". Ancien responsable humanitaire, écrivain à succès et maintenant ambassadeur de France au Sénégal, Jean-Christophe Rufin évoque le continent dans son imaginaire romanesque.
"C'est la première fois que je peux parler d'autre chose, en n'étant pas dans le rôle de l'ambassadeur de France. J'en suis très content", explique tout d'abord le diplomate, qui a pris fonction en septembre, visiblement soulagé de prendre ses distances avec les codes rigides du langage diplomatique.
Prix Goncourt en 2001 pour "Rouge Brésil", M. Rufin, 55 ans, était récemment l'invité d'une rencontre littéraire sur le thème "Rêver l'Afrique et l'écrire" à l'Institut culturel français de Dakar.
"Ce qui m'intéresse, ce sont les parcours, la rencontre entre l'Europe et d'autres civilisations, la rencontre avec l'Autre". Concernant l'Afrique, "cette rencontre brutale avec un autre monde a produit un choc", poursuit l'auteur de "L'Abyssin", Prix Goncourt du premier roman en 1997.
Et de partir en guerre contre clichés et préjugés: "L'Afrique, ce n'est ni le paradis, ni l'enfer. Ce n'est pas un endroit où les gens vivent nus et cueillent des fruits sur les arbres, comme le pensent encore certains. Ce n'est pas non plus un endroit où on ne fait que s'étriper".
L'Ethiopie, "pays vers toujours lequel je reviens" et d'où est originaire sa femme, Azeb, a notamment souffert des images atroces de la terrible famine de 1984-85 - enfants au ventre ballonné, membres squelettiques - qui ont durablement marqué la représentation de ce pays en Occident.
"L'Ethiopie a été diffamée, déformée", explique l'ex-vice-président de Médecins sans frontières (MSF) et ancien responsable d'Action contre la faim (ACF). "Mais c'est un pays riche par son histoire. J'espère que mon livre (L'Abyssin) a contribué à donner une autre image que la famine et la guerre".
Il a vécu cette éprouvante période en tant que médecin, sur le terrain en Ethiopie, et en a tiré un roman un peu désabusé: "Asmara ou les causes perdues", Prix Interallié 1999.
La médecine, "c'est un métier du regard. Les médecins regardent (...) Le regard médical dépouille. C'est la pensée de l'efficacité, du diagnostic".
"Le regard littéraire, c'est le contraire. Il ne nomme pas. Ecrire des romans permet de récupérer tout ce que la médecine a éliminé. C'est pareil pour mon métier actuel. J'étais hier à un défilé militaire. Il y avait des visages, des paysages mais moi j'étais là pour le défilé militaire".
"Je sais que tout cela n'est pas perdu et nourrira la création. Les deux regards se complètent".
"Pour l'instant, je vois beaucoup d'incompatibilités" entre les obligations, les agendas surchargés du diplomate et le temps nécessaire à la création de l'écrivain, précise-t-il à l'AFP, prolongeant pourtant la lignée prestigieuse des écrivains-diplomates comme Chateaubriand, Romain Gary ou Jean-François Deniau.
"Mais avec la fonction de diplomate, vous êtes en contact avec beaucoup de réalités, de visages, de paysages... Je ne sais pas comment je vais l'exploiter".
Il observe un silence puis, l'écrivain prenant le dessus sur le diplomate, conclut: "On ne peut pas rêver d'un meilleur point d'observation".
Source: TV5
(M)
"C'est la première fois que je peux parler d'autre chose, en n'étant pas dans le rôle de l'ambassadeur de France. J'en suis très content", explique tout d'abord le diplomate, qui a pris fonction en septembre, visiblement soulagé de prendre ses distances avec les codes rigides du langage diplomatique.
Prix Goncourt en 2001 pour "Rouge Brésil", M. Rufin, 55 ans, était récemment l'invité d'une rencontre littéraire sur le thème "Rêver l'Afrique et l'écrire" à l'Institut culturel français de Dakar.
"Ce qui m'intéresse, ce sont les parcours, la rencontre entre l'Europe et d'autres civilisations, la rencontre avec l'Autre". Concernant l'Afrique, "cette rencontre brutale avec un autre monde a produit un choc", poursuit l'auteur de "L'Abyssin", Prix Goncourt du premier roman en 1997.
Et de partir en guerre contre clichés et préjugés: "L'Afrique, ce n'est ni le paradis, ni l'enfer. Ce n'est pas un endroit où les gens vivent nus et cueillent des fruits sur les arbres, comme le pensent encore certains. Ce n'est pas non plus un endroit où on ne fait que s'étriper".
L'Ethiopie, "pays vers toujours lequel je reviens" et d'où est originaire sa femme, Azeb, a notamment souffert des images atroces de la terrible famine de 1984-85 - enfants au ventre ballonné, membres squelettiques - qui ont durablement marqué la représentation de ce pays en Occident.
"L'Ethiopie a été diffamée, déformée", explique l'ex-vice-président de Médecins sans frontières (MSF) et ancien responsable d'Action contre la faim (ACF). "Mais c'est un pays riche par son histoire. J'espère que mon livre (L'Abyssin) a contribué à donner une autre image que la famine et la guerre".
Il a vécu cette éprouvante période en tant que médecin, sur le terrain en Ethiopie, et en a tiré un roman un peu désabusé: "Asmara ou les causes perdues", Prix Interallié 1999.
La médecine, "c'est un métier du regard. Les médecins regardent (...) Le regard médical dépouille. C'est la pensée de l'efficacité, du diagnostic".
"Le regard littéraire, c'est le contraire. Il ne nomme pas. Ecrire des romans permet de récupérer tout ce que la médecine a éliminé. C'est pareil pour mon métier actuel. J'étais hier à un défilé militaire. Il y avait des visages, des paysages mais moi j'étais là pour le défilé militaire".
"Je sais que tout cela n'est pas perdu et nourrira la création. Les deux regards se complètent".
"Pour l'instant, je vois beaucoup d'incompatibilités" entre les obligations, les agendas surchargés du diplomate et le temps nécessaire à la création de l'écrivain, précise-t-il à l'AFP, prolongeant pourtant la lignée prestigieuse des écrivains-diplomates comme Chateaubriand, Romain Gary ou Jean-François Deniau.
"Mais avec la fonction de diplomate, vous êtes en contact avec beaucoup de réalités, de visages, de paysages... Je ne sais pas comment je vais l'exploiter".
Il observe un silence puis, l'écrivain prenant le dessus sur le diplomate, conclut: "On ne peut pas rêver d'un meilleur point d'observation".
Source: TV5
(M)