Vingt ans plus tard, les souvenirs du génocide du Rwanda sont encore vifs. Lundi, 200 survivants devraient déambuler silencieusement dans les rues d'Ottawa, de la colline parlementaire à l'hôtel de ville, afin de commémorer ce triste anniversaire.
Parmi eux, Alain Ntwali pensera sans doute à ses parents, morts devant ses yeux, à Kigali. Alors âgé de 10 ans, il a tant bien que mal réussi à fuir les milices de Hutus qui, armés de machettes, ont froidement abattu des dizaines d'autres membres de sa famille. On estime que jusqu'à 800 000 Rwandais tutsis ont été tués en 1994 et pourtant, pense M. Ntwali, le monde ne semble pas en avoir tiré de leçons.
«Ce qui se passe en Syrie, ça ne devrait pas arriver maintenant qu'on a été témoins de tellement de guerres et de génocides», partage l'étudiant universitaire en comptabilité et père d'une fillette de presque deux ans.
«Je ne comprends pas pourquoi ça arrive encore, après ce qui s'est passé au Rwanda, qui est un exemple éloquent de ce qui peut survenir lorsque l'ONU ne prend pas les grands moyens.»
Le général à la retraite Roméo Dallaire, qui est maintenant sénateur libéral, partage ce point de vue. Lui qui a dirigé la mission de paix de l'ONU au Rwanda, il affirme que le monde n'a simplement pas retenu la leçon fondamentale de ce drame: prévenir le massacre de milliers d'innocents civils exige de mettre en place des politiques radicales et non de regarder passer la parade.
Bien qu'il reconnaisse que la communauté internationale a adopté la «responsabilité de protéger» dans la foulée du génocide rwandais et du massacre de Srebrenica en Bosnie en 1995, M. Dallaire se fait lucide: c'est une chose de rédiger une doctrine, l'appliquer est une tout autre paire de manches.
«Il semble qu'on n'ait pas de politiciens capables d'être des hommes d'État et de prendre le risque d'appliquer la responsabilité de protéger, affirme-t-il. C'est pourquoi la situation s'envenime en Syrie, que nous n'allons qu'à moitié en Libye, et il y a encore le Congo.»
L'histoire a depuis reconnu que le général Dallaire avait tenté de sonner l'alarme à l'ONU, où les responsables ont fait la sourde oreille. Depuis, selon lui, le Canada et les autres pays semblent s'être graduellement retirés de la responsabilité collective qu'est celle de protéger leurs semblables. À preuve: le gouvernement conservateur s'en tient au minimum avec l'ONU, perçoit-il.
«Notre éloignement de l'ONU, le fait que nous refusions de nous engager dans des missions complexes où notre technologie et nos compétences sont nécessaires, c'est absolument irresponsable envers l'humanité», gronde-t-il.
«Ce dont le monde doit se souvenir, c'est que nous avons abandonné des êtres humains dans une partie du monde. Nous n'avons pas intégré l'idée que tous les humains comptent, et pas seulement ceux qui satisfont nos propres intérêts.»
Source: MIKE BLANCHFIELD
La Presse Canadienne
OTTAWA
Parmi eux, Alain Ntwali pensera sans doute à ses parents, morts devant ses yeux, à Kigali. Alors âgé de 10 ans, il a tant bien que mal réussi à fuir les milices de Hutus qui, armés de machettes, ont froidement abattu des dizaines d'autres membres de sa famille. On estime que jusqu'à 800 000 Rwandais tutsis ont été tués en 1994 et pourtant, pense M. Ntwali, le monde ne semble pas en avoir tiré de leçons.
«Ce qui se passe en Syrie, ça ne devrait pas arriver maintenant qu'on a été témoins de tellement de guerres et de génocides», partage l'étudiant universitaire en comptabilité et père d'une fillette de presque deux ans.
«Je ne comprends pas pourquoi ça arrive encore, après ce qui s'est passé au Rwanda, qui est un exemple éloquent de ce qui peut survenir lorsque l'ONU ne prend pas les grands moyens.»
Le général à la retraite Roméo Dallaire, qui est maintenant sénateur libéral, partage ce point de vue. Lui qui a dirigé la mission de paix de l'ONU au Rwanda, il affirme que le monde n'a simplement pas retenu la leçon fondamentale de ce drame: prévenir le massacre de milliers d'innocents civils exige de mettre en place des politiques radicales et non de regarder passer la parade.
Bien qu'il reconnaisse que la communauté internationale a adopté la «responsabilité de protéger» dans la foulée du génocide rwandais et du massacre de Srebrenica en Bosnie en 1995, M. Dallaire se fait lucide: c'est une chose de rédiger une doctrine, l'appliquer est une tout autre paire de manches.
«Il semble qu'on n'ait pas de politiciens capables d'être des hommes d'État et de prendre le risque d'appliquer la responsabilité de protéger, affirme-t-il. C'est pourquoi la situation s'envenime en Syrie, que nous n'allons qu'à moitié en Libye, et il y a encore le Congo.»
L'histoire a depuis reconnu que le général Dallaire avait tenté de sonner l'alarme à l'ONU, où les responsables ont fait la sourde oreille. Depuis, selon lui, le Canada et les autres pays semblent s'être graduellement retirés de la responsabilité collective qu'est celle de protéger leurs semblables. À preuve: le gouvernement conservateur s'en tient au minimum avec l'ONU, perçoit-il.
«Notre éloignement de l'ONU, le fait que nous refusions de nous engager dans des missions complexes où notre technologie et nos compétences sont nécessaires, c'est absolument irresponsable envers l'humanité», gronde-t-il.
«Ce dont le monde doit se souvenir, c'est que nous avons abandonné des êtres humains dans une partie du monde. Nous n'avons pas intégré l'idée que tous les humains comptent, et pas seulement ceux qui satisfont nos propres intérêts.»
Source: MIKE BLANCHFIELD
La Presse Canadienne
OTTAWA