Apparemment (ben oui, je n'ai pas eu encore la note de service sous les yeux) le français serait interdit de séjour administratif à la CUN. Nouvelle présidente, nouveaux combats : les chèvres et les ânes à qui nos autorités compétentes vont apprendre de force et le code de la route et l'interdiction formelle de sortir des clous en allant divaguer de ci de là, les « dioulas », les ronds points et la langue de Molière... Cela s'appelle « marquer les esprits » d'entrée, poser des actes forts.
Je vois bien arriver la Brigade des Ânes, chargée d'enseigner à nos quadrupèdes nouakchottois qu'il est fortement néfaste de pratiquer la divagation, que tout contrevenant à sabots pris en flagrant délit de promenades sera sévèrement châtié, ainsi que le ou les propriétaires... De là à déborder un peu, il n'y à qu'un pas à la lutte contre la divagation des Nous Z'Autres... D'un âne à un autre âne les voies de la CUN sont impénétrables....
Idem pour l'alphabet français et son corollaire, la langue : ouste, du vent ! Là aussi, interdiction de divagation dans les locaux de la très arabisante CUN nouvelle version...
Que les citoyens de notre belle capitale qui ressemble à tout sauf à ce qu'elle essaie d'être, à savoir une ville, se le tiennent pour dit : vous avez quelque chose à dire à votre nouvelle présidente, prière de réviser votre arabe...Exclusivement.
En dehors de l'arabe point de salut. Amine...
Si vous n'êtes pas bilingue, si votre savoir en arabe ne dépasse pas les 3 premières lettres de l'alphabet, alif, ba, ta...., que vous ne savez même pas qu'il y a une quatrième lettre après les 3 premières, prière d'aller écrire ailleurs en cas de crise de nerfs.
C'est ça l'économie, la rationalisation du travail : en exigeant que les courriers adressés à la Cun soient en arabe, on diminue d'une bonne moitié le travail des agents administratifs... Ils ne pourront plus se plaindre d'un trop plein de boulot... Et un agent administratif heureux est un agent administratif sympa avec les usagers...arabisants. Les Nous Z'Autres ânes non bilingues n'ont qu'à aller écrire ailleurs... D'ailleurs, ils n'ont pas à écrire du tout à la CUN ; en allant plus loin, ils n'ont même pas à envisager, ne serait ce qu'une seconde, qu'ils appartiennent à Nouakchott Plage.
Va bien falloir qu'ils se rentrent cela dans la cervelle : les nouakchottois francisants ne sont pas de vrais nouakchottois. Un vrai nouakchottois pur jus est un nouakchottois bilingue, avec un penchant pour l'arabe ; le meilleur des nouakchottois est l'arabisant exclusif... A lui le droit d'envoyer ses hommages à Mint Hamady... Les autres, s'ils ne sont pas contents, peuvent toujours déménager....
En plus, à part quelques exceptions, nous avons, dans notre pays, la couleur de notre langue...Un truc bizarre, je vous l'accorde, très couleur locale, une spécificité que le monde entier nous envie...Si vous rajoutez les noms de famille, nous pourrions dire que selon comment on s'appelle, de quelle couleur on est, nous pouvons, quasiment tout le temps, deviner la langue du quidam...
Ok, il y a une catégorie qui est noire et qui a aussi des problèmes de compréhension de l'arabe littéraire, je veux parler des haratines... Eux, pour la grande majorité, se retrouvent dans le camp de ceux qui ne pourront plus écrire à la CUN....
Bref... Que les nuls en arabe aillent se faire voir chez les grecs si la CUN n'y a pas ouvert une annexe...
C'est comme ça chez nous : nous sommes arabes. A la CUN à 200% plus que les autres, qui s'en tiennent au très réglementaire 120% « plus mieux » (voir ma chronique de la semaine passée).
Mouais....
Dans cette guerre inégale entre le français et l'arabe, les imaginaires, les fantasmes, les racismes, les exclusions, les discriminations, moi j'ai la solution à nos problèmes de langues chez nous.
Je me demande même pourquoi personne n'y a pensé avant moi.
Dans notre république dattière existent plusieurs langues : le hassanya, le pulaar, le soninké, le wolof, quelques souvenirs du bambara, l'arabe (langue du premier colon), le français (langue du second colon), des bribes de znega chez des momies... Une joyeuse tour de Babel... Soyons soulagés et reconnaissants envers Mère nature : nous aurions pu avoir, en plus, le swahili, le bantou, la pidgin nigérian.... Non. Dans notre clairvoyance nous nous sommes arrêtés aux langues citées plus haut. Fallait pas pousser....
Décidons une bonne fois pour toutes que, dorénavant, afin de pacifier les relations entre Nous Z'Autres et éviter des mesures discriminatoires comme celle de la CUN, de choisir une langue étrangère comme langue commune, langue que nous apprendrions à nos enfants dès le jardin d'enfants, langue officielle et obligatoire, rendant ainsi nos langues nationales au statut de langues utilisées exclusivement dans la cuisine ( ben oui : vous diriez comment vous appelez Mafé en hassanya ou Leksour en pulaar?), et cantonnant le français et l'arabe aux feuilletons télévisés pour une élite.
Je propose le Bichelamar comme nouvelle langue d'Etat et de la CUN.
Cet agréable pidgin nous vient directement du Vanuatu, habité, comme tout le monde le sait, par les Ni vanuatu, indépendant depuis 1980 et où, face aux 180 dialectes locaux (nous on fait petits à côté) s'est développée ce que j'appelle une langue du commerce, créole d'anglais, de français et de dialectes locaux.
Pourquoi le Vanuatu me direz vous ?
Ben c'est parce que j'y suis presque allée....Oui, oui, on peut presque aller quelque part, c'est l'avantage de tous les quelques part du monde. Mon mari y est resté 4 jours, me donnant ainsi le droit de faire comme si je connaissais....
En plus c'est dans le Pacifique, en Mélanésie (et là, j'y suis vraiment allée pendant 2 ans). C'est assez loin pour éviter que des mécontents de ce choix du Bichemalar comme langue officielle des Nous Z'Autres ne sautent dans le premier avion, venu histoire d'aller casser la gueule à ces empêcheurs de tourner en rond de Ni vanuatu et tenter de leur rendre leur pidgin dorénavant mauritanisé.
Ils nous ressemblent ces gens là. La devise de leur Etat est « Long God yumi Stanap », ce qui veut dire : nous nous tenons devant Dieu....devise à laquelle nos islamistes locaux ne peuvent rien trouver à redire...
Nous pourrions inscrire au fronton de notre CUN, « Mi save toktok bislama », « Je sais parler Bichelamar », l’équivalent du touristique « english spoken »...
Et comme je suis dans un bon jour, je vais vous donner vos premières leçons de bichelamar :
Wet smal : attends un peu
Et, datte sur la théière pour les dragueurs impénitents que sont les mâles de chez nous : « Woman ia hu ? », « qui est cette femme ? ».....
Yep. Une question me turlupine quand même : comment faire la différence, pour notre brigade anti divagation des animaux, pour savoir quelle langue comprennent les chèvres et les ânes arrêtés en flag ? Faudra, là aussi, mettre des pancartes au tour du cou de nos braves Z'Animaux : « âne arabisant » ou « âne francisant » ?...
Long CUN Yumi Stanap....Devant la CUN nous nous tenons....la tête entre les mains.
Salut
Mariem mint DERWICH