Dans deux semaines, la transition politique fêtera son premier anniversaire. L’occasion pour bon nombre d’observateurs politiques et autres de s’interroger sur les forces et faiblesses d’une transition politique qui malgré les lueurs d’espoir qu’elle a suscite dés son avènement, risque de ne pas voir ses engagements déclarés au lendemain du changement du 3 août 2005 se réaliser ; à plus forte raison perdurer pour jeter les véritables bases d’un Etat de droit disposant de structures publiques autorégulatrices.
Toujours est-il qu’entre optimistes et pessimistes de cette transition politique qui n’a plus devant elle que 8 mois pour rendre son tablier, nous avons jugé nécessaire de voir ce qu’en pensent les hommes ayant fait preuve de patriotisme incontestable et d’intégrité totale le long de notre récente histoire politique à l’instar de l’avocat, Me Brahim Ould Ebety.
Ce juriste de renommée nationale et internationale qui n’a pas besoin d’être présenté, est sans aucun doute le mieux placé pour dresser un bilan à mi-parcours de la transition politique. En effet, ayant été depuis ces 20 dernières années le seul homme à rester égal à lui-même et fidèle à ses convictions dans un régime politique caractérisé par l’anarchie, l’injustice et l’arbitraire, Me Brahim Ould Ebety que les pouvoirs politiques successifs ont voulu sans succès intimider pour le plier à leurs caprices, a préféré compter sur les moyens de fortune dont sa foi professionnelle pour mener à bon escient son combat que de troquer ses convictions pour des privilèges de quelque nature qu’ils soient.
L’avocat a aussi dénoncé avec fougue les violations des droits de l’homme, comme il a défendu avec brio tous les prisonniers de droit commun, politiques et militaires dont les chances de sortir acquittés ou bénéficiant de circonstances atténuantes sont quasi-nulles. N’empêche, Me Brahim Ould Ebety a persévéré dans ses convictions jusqu’au jour où le destin lui donnât raison, notamment avec cette transition politique où il était l’un des rares juristes à bénéficier d’un profil blanc digne des grands cerveaux de ce pays. Ainsi pour dire, chers lecteurs vous trouverez ci-après ce bilan mi-parcours très instructif, détaillé et précis de la transition politique présenté par le brillant avocat Me Brahim Ould Ebety à l’occasion du forum (Contribution au processus démocratique : Bilan et Perspectives) organisé par la Fondation Moktar Ould DADDAH à son siège le 1e juillet courant devant un parterre de sommités nationales des droits de l’homme, de la presse, du droit, des affaires, de la société civile…
Dans son introduction, l’avocat situe d’emblée l’objectif de son intervention qui selon lui est : « sera d'ordre pratique sous forme d'introduction d'un débat sur le bilan à mi- parcours ». A la question « que faire alors pour vous entretenir sur le Bilan du Changement du 3 août 2OO6 », Me Brahim Ould Ebety a répondu en tirant au clair la situation du pays qui : « était restée jusqu’ici, sur le plan politique, le domaine où s'exerce le pouvoir personnel à travers le parti unique –parti Etat ou régime militaire d’exception - et où aucune perspective d’alternance au pouvoir ne se pointait à l’horizon ». Ce qui a engendré selon lui : « un climat de frustration et de crise politique constante à travers l'absence de toute concertation ou dialogue entre ceux qui gouvernent et l’opposition et de façon générale entre ceux qui gouvernent et les gouvernés ». Et d’ajouter aussi : « dans ce climat, il y avait absence de toute _expression de liberté à travers les médias publics que monopolisent le Président et son parti – Etat ». Par la suite, l’avocat procédera dans son bilan à mi-parcours à une analyse sectorielle.
Sur le plan économique
Toujours selon Me Brahim Ould Ebety : « la situation n’était pas non plus rose, dominée par toutes les formes de la délinquance économique : détournement de deniers publics, corruption délits d'initié, favoritisme érigé en système de pouvoir pour concentrer les richesses entre quelques mains et généraliser l’impunité ». Et d’ajouter : « l’administration à tous les niveaux était laissée à elle même pourvue qu’elle adhère aux orientations et philosophie du parti -Etat dont l’objectif premier était d'utiliser l’Etat dans sa globalité pour servir le Président omnipotent ou l'héritier qu'il désignera pour lui succéder après sa mort ».
Sur le plan judiciaire A ce sujet, l’avocat a qualifié la justice : « de domaine privilégié du laisser aller et de la corruption sous toutes ses formes, où la décision judiciaire se négocie comme les titres en bourse comme s’il y avait un deal entre le magistrat et le pouvoir exécutif suivant la formule :«pourvu que vous restiez fidèles pour la défense de mon pouvoir je vous concéderais toute forme de liberté d’entreprise ». Toujours selon lui : « l'impunité était érigée en système et toutes les atteintes aux droits de l'homme étaient du domaine des tabous et tous ceux qui en parlent étaient pestiférés et présentés comme des ennemis de la nation : exclusion des formes d'_expression d'opposition ou même indépendante, pratiques et séquelles de l'esclavage, passif humanitaire, déportés, pratiques de tortures, arrestations arbitraires et détentions prolongées sans le moindre motif ».
Sur les plan social Me Brahim Ould Ebety dira que la Mauritanie est loin d’être ce paradis terrestre où tout va à merveille. Selon lui : « les secteurs clefs et vitaux : l’éducation, la santé, l’eau potable, l’électricité, les infrastructures sont abandonnés pour permettre à certains groupes de s'enrichir et faire du pays une coquille vide faisant ainsi abstraction de tout effort tendant à atténuer ou à réduire l’écart profond entre la misère et la richesse, devenu la donne caractéristique de la situation socio- économique du pays ». Pour finir son portrait de la situation dans laquelle le pays se trouvait, l’avocat dira : « c’est dans ce climat que je qualifierai de volcan porteur de conséquences graves pour la pérennité et la cohésion de notre pays que le mouvement du 3 août 2005 est intervenu ».
Le changement du 3 août 2005 A propos du changement du 3 août dernier, Me Brahim Ould Ebety dira : « de prime à bord les militants et défenseurs des droits de l’homme ainsi que l'opposition dans son ensemble l’ont salué pas par amour pour les régimes militaires et d’exception où tout démocrate ne saurait adhérer à leur philosophie mais seulement parce que le changement était devenu la seule et inévitable issue pour préserver la Mauritanie des guerres civiles et des explosions aux conséquences imprévisibles, raison pour laquelle l’ensemble des mauritaniens tous partis confondus, même ceux qui étaient dans les rouages du pouvoir personnel par opportunisme se sont positionnés pour déclarer qu’ils acceptent d’accompagner le changement sur la base des objectifs que le conseil militaire pour la justice et la démocratie (CMJD) - après avoir décidé une amnistie de tous les prisonniers et détenus d'opinion - s’est assigné dans sa première déclaration par l’organisation d’un processus électoral, l’assainissement de la gestion de la chose publique et la refonte de la justice ». Toujours selon lui : « ces courants d'opinions se sont donnés comme tâche sur le plan national et international d'accompagner le changement et de le surveiller en sentinelle vigilante pour transformer le pays à tout point de vue ».
Le bilan à mi-parcours de la transition politique proprement dite
Pour dresser un bilan à mi-parcours de la transition politique, l’avocat se demande : « qu'en est il aujourd'hui des réalisations du changement? Quel état des lieux pouvons nous dresser ? », avant d’ajouter : « pour ainsi faire, nous entendons dresser l'état des lieux à travers les acquis et les insuffisances pour pouvoir consolider les acquis et combler les insuffisances ». Me Brahim Ould Ebetty présentera son intervention en traitant à la fois le processus électoral, la bonne gouvernance et l'assainissement de la justice. Ce qui s’est accompagné aussi d’une mise en en relief de toutes les insuffisances ou lacunes car selon lui : « la présentation de tout bilan doit comporter et ses aspects positifs et négatifs, seul Allah est parfait et le travail de l'être humain demeure toujours incomplet » .
Le processus électoral Au sujet du référendum, Me Brahim Ould Ebety s’attardera sur d’abord sur la portée des amendements avant de dire que : « le référendum sur la modification de la constitution - a été organisée dans de bonnes conditions grâce à une complémentarité entre l'administration et la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) et constitue un premier résultat positif de la transition parce que consacre l’alternance politique au pouvoir en Mauritanie où cette CENI, nouvelle création par consensus a été l'une des pièces principales du succès des opérations du référendum ; institution qui mérite d'être consolidée en raison du rôle de premier plan qu'elle doit jouer lors des prochaines échéances pour garantir leur transparence et la liberté du choix de l'électeur ». Et d’ajouter « mais nous devons préserver cet acquis et travailler pour sa consolidation et éviter tout enchantement d'excès parce que l'essentiel du processus électoral reste à faire ».
Au sujet de l’organisation des élections municipales, législatives, sénatoriales et présidentielles, Me Brahim Ould Ebety notera avec satisfaction la particularité mauritanienne en disant : « si nos voisins et amis maliens avaient organisé un processus électoral quelque peu similaire au nôtre en 1992, le CMJD et le Gouvernement de transition ont introduit une donnée qui distingue le cas mauritanien du cas malien par l’interdiction aux membres du gouvernement de transition de se présenter aux échéances électorales ce qui n’était pas le cas au Mali pour les membres civils du Gouvernement ». L’avocat louera aussi les journées de concertation qui selon lui : « constituent une première dans les annales de l’histoire de la Mauritanie, où aucune question n’était plus tabou : impunité, torture, atteintes aux droits de l'homme, pratiques et séquelles de l’esclavage, passif humanitaire, déportés, délinquance économique, déliquescence et déconfiture de l’Etat dans tout son ensemble ». Toujours selon lui : « une telle concertation fut un véritable déclic qui a permis de dégager une synthèse consensuelle sur toutes les questions essentielles traitées lors des journées ou chaque partie avait sa place et son mot à dire sans complaisance aucune ».
Toujours au sujet de ces journées, Me Brahim Ould Ebety dira : « il s’agit de journées où la langue de bois qui fut jusque là la caractéristique principale du travail administratif a été bannie pour être remplacée par le franc parler et le traitement objectif de l’ensemble des questions ».Mais, l’avocat toujours prudent dans ses bonnes humeurs, dira : « si les journées ont été un véritable succès, la première manche du processus – le référendum - bien gérée et que le calendrier du processus défini, le contenu et la forme de celui – ci ne le sont pas encore, raison pour laquelle, il y a lieu de déclencher rapidement une large et générale concertation entre le CMJD, le Gouvernement de transition d’une part et l’ensemble des acteurs politiques et des organisations de la société civile à l'effet de définir avec précision et à temps le contenu et la forme des différents scrutins – mode de découpage, critères d'éligibilité, mode de constitution des différentes listes ou de présentation de candidature, le nombre d'élus affectés à chaque département ou circonscription électorale ». Et d’ajouter : « en somme la définition des différents modes de scrutins pour favoriser la maîtrise du processus, encourager l'esprit compétitif entre les différents acteurs politiques par la conception de mécanismes pour la garantie de la neutralité, de l'impartialité de l'administration et des modes de financement et de contrôle des campagnes électorales».
Toujours selon lui : « cette donnée fondamentale pour la liberté et la transparence des prochaines échéances électorales mérite une attention et un suivi constants pour soustraire ces échéances des mécanismes de fraude et des emprises de la tribu ou du clan ». Et de noter : « il y a lieu de faire preuve de vigilance à tous les niveaux pour éviter le retour des méthodes et procédés qui avaient été largement développés durant les périodes de fraudes électorales ».
La bonne gouvernance Pour une réelle bonne gouvernance, Me Brahim Ould Ebety en appelle au : « rôle combien important » des organisations de la société civile qui dira t-il : « d'antan courtisées ou persécutées en application du principe colonial très connu, diviser pour régner, se doivent de se réorganiser, se former et se restructurer en réseaux pour rendre ses actions plus vigoureuses et conformes à sa nature apolitique sans but lucratif ». L’avocat appelle aussi à la généralisation de la concertation « entre le gouvernement d'une part et les acteurs politiques et la société civile d'autre part et entre les acteurs politiques eux mêmes ainsi qu'entre les organisations de la société civile autour des questions d'intérêt général pour créer un climat de concorder où chacun pourra jouer son rôle dans les moments de tensions et de crises ». Pour ce faire, Me Brahim Ould Ebety estime que : « le gouvernement se doit de corriger ses méthodes de concertation en termes d'informations, de calendrier et de durée à l'effet de mettre le partenaire en position de donner des avis réfléchis et étudiés pour éviter sa mise devant le fait accompli ».
La justice A ce sujet, Me Brahim dira : « sans complaisance aucune, nous pouvons constater aujourd’hui une amélioration dans le fonctionnement des juridictions, dans la relation des magistrats avec les auxiliaires de justice et avec l’ensemble des justiciables, mais il reste beaucoup à faire en raison de l’état de délabrement dans lequel végétait notre justice ». Toutefois notera t-il : « toute la famille judiciaire, magistrats, avocats, greffiers, huissiers, experts se doivent de consacrer plus de temps à l'organisation de leur travail, à la formation, à la documentation et à l'échange d'expérience entre eux et avec leurs collègues d'autres pays pour offrir un travail de qualité de nature à rehausser le niveau de rendement de chacun dans sa spécificité et faire ainsi évoluer la justice dans son ensemble ».
Et les autres secteurs Me Brahim Ould Ebety dira que l’action du CMJD et du Gouvernement de transition s’est focalisé sur les trois domaines précités et beaucoup d’autres secteurs n’ont pas été inscrits dans le calendrier de la transition, alors qu'ils avaient été délaissés durant ces dernières années. Toujours à ce sujet, il dira : « l’éducation , la santé , l’eau et l’électricité, qui constituent les secteurs vitaux pour l’existence de toute nation et comme en Mauritanie, ces secteurs ont été délaissés, je dirai même abandonnés aucune action d’envergure n’avait été conçue et entreprise pour réfléchir sur les meilleurs moyens de sortir l’éducation et la santé de la grande crise qui les traverse et doter tous les mauritaniens dans tous les centres urbains et toutes les contrées les plus reculées d’eau potable et d'électricité».
Au sujet du passif humanitaire, Me Brahim Ould Ebety ajoutera : « les déportés, le comportement de la police politique, qui continue à sévir comme par le passé en dehors de tout contrôle judiciaire ou en tout cas dans les mêmes formes et pratiques d’antan en ce sens que le personnes interpellées par cette police l’ont été sans mandat judiciaire et sans que le policier leur signifie les motifs pour lesquels, elles sont interpellées ainsi que le refus de toute communication avec leurs avocats et leur famille ». Et d’ajouter : « dans ce cadre l’autorité du juge doit être restaurée et garantie et le policier soumis à son autorité pour couper cours avec les habitudes de persécutions, de séquestration, de violation de domicile et d’atteinte aux droits de l’homme ».
A sujet de l’inexécution par le pouvoir exécutif des décisions judiciaires en matière de liberté, l’avocat s’est référé au : « cas des quelques éléments de la mouvances des reformistes musulmans qui avaient bénéficié de la liberté provisoire accordée par le juge d'instruction et confirmée par la cour d'appel et dont le dossier a été confisqué par le parquet général depuis octobre 2005 en empêchant sa transmission à la cour suprême pour statuer sur le pourvoi en cassation et en continuant à les garder dans leurs cellules alors que le pourvoi en cassation contre les décisions de liberté provisoire n'est point suspensif à telle enseigne que leur défense ne demande plus leur libération mais celle du dossier des tiroirs du parquet général près la cour suprême ».
La protection de la chose publique A ce sujet, Me Brahim Ould Ebety dira : « si toutes les formes de la délinquance économique en passant par l’industrie de la fabrication de faux chiffres ont été largement décrites et dénoncées, il y a lieu de concevoir et de mener des actions plus courageuses, programmées et suivies au niveau de toutes les administrations : Ministères, sociétés publiques et para - publiques par une mise en valeur du rôle, de la technicité et du professionnalisme de la Cour des Comptes, de la Commission Centrale des Marchés et de l’Autorité de Régulation ». Et d’ajouter : « en fait si des audits ont été commandés et effectués, leurs résultats doivent être rendus publics à l'effet de décrier toutes les formes de la délinquance économique, contribuer à son élimination ou au moins à la neutralisation des auteurs des différentes infractions , qui sont toujours aux mêmes places ». Me Brahim continuera en ajoutant : « il y a lieu de rendre publics, périodiquement, les rapports de la Cour des Comptes, de la Commission Centrale de Marchés et de l’autorité de Régulation parce que les responsables à tous les niveaux doivent sentir le changement par l’exigence édictée et rendue obligatoire pour la protection de la chose publique ». Toujours selon lui : « il ne suffit pas d’actions coup de poings ponctuelles effectuées par l’Inspecteur Général pour protéger la chose publique, il faut plutôt des audits sur la gestion et la définition d’une réelle transparence dans le traitement des deniers publics à tous les niveaux ».
Enfin, me Brahim Ould Ebety en appela à quelques recommandations d’importance capitale comme la neutralité et l’impartialité de toutes les autorités dans le processus électoral y compris le CMJD et son gouvernement de transition, les autorités territoriale. Selon lui : « cette administration, pour mener le processus à bon port, doit pouvoir jouer le rôle d’arbitre entre les différents acteurs politiques et pour jouer ce rôle, elle doit faire preuve d’impartialité et de neutralité ». Au sujet des organisations de la société civile, l’avocat en appela à leur louable action : « pour former, encadrer et éduquer les électeurs mais aussi jouer le rôle d’arbitre entre l’administration et les acteurs politiques et entre les acteurs politiques eux-mêmes en proposant éventuellement une charte de bonne conduite entre l’ensemble des acteurs politiques ».
Au sujet de la presse, l’avocat dira : « ce secteur a été hautement marqué ces derniers temps par la nouvelle législation qui le fait sortir de la tutelle de la censure et de l'interdiction qu'exerçait le Ministère de l'intérieur pour rendre le rôle de ses médias difficile à accomplir, mais cette presse écrite a besoin de formation et de soutien pour lui permettre de jouer son rôle d'éducateur et de formateur d'opinions ». Et d’ajouter : « nous regrettons l'absence encore de radio et de télévision libres et espérons revoir sous peu des initiatives encourageantes dans ce domaine ».
Au sujet de la presse publique, l’avocat souhaita qu’elle se transforme dans la conception, la préparation et la diffusion de ses programmes pour devenir un véritable service public. Pour terminer, Me Brahim Ould Ebetty a ajouté : « si l'agence à travers ses dépêches et ses deux quotidiens (Chaab et Horizons) et la Radio font un effort louable pour accompagner le processus en cours, la Télévision demeure encore prisonnière des précédentes méthodes de conception, de préparation et de diffusion de ses programmes, d'où l'exigence d'une prise de conscience du rôle de cet outil de communication, aujourd'hui incontournable ».
Mohamed Ould Mohamed Lemine
mdhademine@yahoo.fr
Journal : Investigations
Toujours est-il qu’entre optimistes et pessimistes de cette transition politique qui n’a plus devant elle que 8 mois pour rendre son tablier, nous avons jugé nécessaire de voir ce qu’en pensent les hommes ayant fait preuve de patriotisme incontestable et d’intégrité totale le long de notre récente histoire politique à l’instar de l’avocat, Me Brahim Ould Ebety.
Ce juriste de renommée nationale et internationale qui n’a pas besoin d’être présenté, est sans aucun doute le mieux placé pour dresser un bilan à mi-parcours de la transition politique. En effet, ayant été depuis ces 20 dernières années le seul homme à rester égal à lui-même et fidèle à ses convictions dans un régime politique caractérisé par l’anarchie, l’injustice et l’arbitraire, Me Brahim Ould Ebety que les pouvoirs politiques successifs ont voulu sans succès intimider pour le plier à leurs caprices, a préféré compter sur les moyens de fortune dont sa foi professionnelle pour mener à bon escient son combat que de troquer ses convictions pour des privilèges de quelque nature qu’ils soient.
L’avocat a aussi dénoncé avec fougue les violations des droits de l’homme, comme il a défendu avec brio tous les prisonniers de droit commun, politiques et militaires dont les chances de sortir acquittés ou bénéficiant de circonstances atténuantes sont quasi-nulles. N’empêche, Me Brahim Ould Ebety a persévéré dans ses convictions jusqu’au jour où le destin lui donnât raison, notamment avec cette transition politique où il était l’un des rares juristes à bénéficier d’un profil blanc digne des grands cerveaux de ce pays. Ainsi pour dire, chers lecteurs vous trouverez ci-après ce bilan mi-parcours très instructif, détaillé et précis de la transition politique présenté par le brillant avocat Me Brahim Ould Ebety à l’occasion du forum (Contribution au processus démocratique : Bilan et Perspectives) organisé par la Fondation Moktar Ould DADDAH à son siège le 1e juillet courant devant un parterre de sommités nationales des droits de l’homme, de la presse, du droit, des affaires, de la société civile…
Dans son introduction, l’avocat situe d’emblée l’objectif de son intervention qui selon lui est : « sera d'ordre pratique sous forme d'introduction d'un débat sur le bilan à mi- parcours ». A la question « que faire alors pour vous entretenir sur le Bilan du Changement du 3 août 2OO6 », Me Brahim Ould Ebety a répondu en tirant au clair la situation du pays qui : « était restée jusqu’ici, sur le plan politique, le domaine où s'exerce le pouvoir personnel à travers le parti unique –parti Etat ou régime militaire d’exception - et où aucune perspective d’alternance au pouvoir ne se pointait à l’horizon ». Ce qui a engendré selon lui : « un climat de frustration et de crise politique constante à travers l'absence de toute concertation ou dialogue entre ceux qui gouvernent et l’opposition et de façon générale entre ceux qui gouvernent et les gouvernés ». Et d’ajouter aussi : « dans ce climat, il y avait absence de toute _expression de liberté à travers les médias publics que monopolisent le Président et son parti – Etat ». Par la suite, l’avocat procédera dans son bilan à mi-parcours à une analyse sectorielle.
Sur le plan économique
Toujours selon Me Brahim Ould Ebety : « la situation n’était pas non plus rose, dominée par toutes les formes de la délinquance économique : détournement de deniers publics, corruption délits d'initié, favoritisme érigé en système de pouvoir pour concentrer les richesses entre quelques mains et généraliser l’impunité ». Et d’ajouter : « l’administration à tous les niveaux était laissée à elle même pourvue qu’elle adhère aux orientations et philosophie du parti -Etat dont l’objectif premier était d'utiliser l’Etat dans sa globalité pour servir le Président omnipotent ou l'héritier qu'il désignera pour lui succéder après sa mort ».
Sur le plan judiciaire A ce sujet, l’avocat a qualifié la justice : « de domaine privilégié du laisser aller et de la corruption sous toutes ses formes, où la décision judiciaire se négocie comme les titres en bourse comme s’il y avait un deal entre le magistrat et le pouvoir exécutif suivant la formule :«pourvu que vous restiez fidèles pour la défense de mon pouvoir je vous concéderais toute forme de liberté d’entreprise ». Toujours selon lui : « l'impunité était érigée en système et toutes les atteintes aux droits de l'homme étaient du domaine des tabous et tous ceux qui en parlent étaient pestiférés et présentés comme des ennemis de la nation : exclusion des formes d'_expression d'opposition ou même indépendante, pratiques et séquelles de l'esclavage, passif humanitaire, déportés, pratiques de tortures, arrestations arbitraires et détentions prolongées sans le moindre motif ».
Sur les plan social Me Brahim Ould Ebety dira que la Mauritanie est loin d’être ce paradis terrestre où tout va à merveille. Selon lui : « les secteurs clefs et vitaux : l’éducation, la santé, l’eau potable, l’électricité, les infrastructures sont abandonnés pour permettre à certains groupes de s'enrichir et faire du pays une coquille vide faisant ainsi abstraction de tout effort tendant à atténuer ou à réduire l’écart profond entre la misère et la richesse, devenu la donne caractéristique de la situation socio- économique du pays ». Pour finir son portrait de la situation dans laquelle le pays se trouvait, l’avocat dira : « c’est dans ce climat que je qualifierai de volcan porteur de conséquences graves pour la pérennité et la cohésion de notre pays que le mouvement du 3 août 2005 est intervenu ».
Le changement du 3 août 2005 A propos du changement du 3 août dernier, Me Brahim Ould Ebety dira : « de prime à bord les militants et défenseurs des droits de l’homme ainsi que l'opposition dans son ensemble l’ont salué pas par amour pour les régimes militaires et d’exception où tout démocrate ne saurait adhérer à leur philosophie mais seulement parce que le changement était devenu la seule et inévitable issue pour préserver la Mauritanie des guerres civiles et des explosions aux conséquences imprévisibles, raison pour laquelle l’ensemble des mauritaniens tous partis confondus, même ceux qui étaient dans les rouages du pouvoir personnel par opportunisme se sont positionnés pour déclarer qu’ils acceptent d’accompagner le changement sur la base des objectifs que le conseil militaire pour la justice et la démocratie (CMJD) - après avoir décidé une amnistie de tous les prisonniers et détenus d'opinion - s’est assigné dans sa première déclaration par l’organisation d’un processus électoral, l’assainissement de la gestion de la chose publique et la refonte de la justice ». Toujours selon lui : « ces courants d'opinions se sont donnés comme tâche sur le plan national et international d'accompagner le changement et de le surveiller en sentinelle vigilante pour transformer le pays à tout point de vue ».
Le bilan à mi-parcours de la transition politique proprement dite
Pour dresser un bilan à mi-parcours de la transition politique, l’avocat se demande : « qu'en est il aujourd'hui des réalisations du changement? Quel état des lieux pouvons nous dresser ? », avant d’ajouter : « pour ainsi faire, nous entendons dresser l'état des lieux à travers les acquis et les insuffisances pour pouvoir consolider les acquis et combler les insuffisances ». Me Brahim Ould Ebetty présentera son intervention en traitant à la fois le processus électoral, la bonne gouvernance et l'assainissement de la justice. Ce qui s’est accompagné aussi d’une mise en en relief de toutes les insuffisances ou lacunes car selon lui : « la présentation de tout bilan doit comporter et ses aspects positifs et négatifs, seul Allah est parfait et le travail de l'être humain demeure toujours incomplet » .
Le processus électoral Au sujet du référendum, Me Brahim Ould Ebety s’attardera sur d’abord sur la portée des amendements avant de dire que : « le référendum sur la modification de la constitution - a été organisée dans de bonnes conditions grâce à une complémentarité entre l'administration et la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) et constitue un premier résultat positif de la transition parce que consacre l’alternance politique au pouvoir en Mauritanie où cette CENI, nouvelle création par consensus a été l'une des pièces principales du succès des opérations du référendum ; institution qui mérite d'être consolidée en raison du rôle de premier plan qu'elle doit jouer lors des prochaines échéances pour garantir leur transparence et la liberté du choix de l'électeur ». Et d’ajouter « mais nous devons préserver cet acquis et travailler pour sa consolidation et éviter tout enchantement d'excès parce que l'essentiel du processus électoral reste à faire ».
Au sujet de l’organisation des élections municipales, législatives, sénatoriales et présidentielles, Me Brahim Ould Ebety notera avec satisfaction la particularité mauritanienne en disant : « si nos voisins et amis maliens avaient organisé un processus électoral quelque peu similaire au nôtre en 1992, le CMJD et le Gouvernement de transition ont introduit une donnée qui distingue le cas mauritanien du cas malien par l’interdiction aux membres du gouvernement de transition de se présenter aux échéances électorales ce qui n’était pas le cas au Mali pour les membres civils du Gouvernement ». L’avocat louera aussi les journées de concertation qui selon lui : « constituent une première dans les annales de l’histoire de la Mauritanie, où aucune question n’était plus tabou : impunité, torture, atteintes aux droits de l'homme, pratiques et séquelles de l’esclavage, passif humanitaire, déportés, délinquance économique, déliquescence et déconfiture de l’Etat dans tout son ensemble ». Toujours selon lui : « une telle concertation fut un véritable déclic qui a permis de dégager une synthèse consensuelle sur toutes les questions essentielles traitées lors des journées ou chaque partie avait sa place et son mot à dire sans complaisance aucune ».
Toujours au sujet de ces journées, Me Brahim Ould Ebety dira : « il s’agit de journées où la langue de bois qui fut jusque là la caractéristique principale du travail administratif a été bannie pour être remplacée par le franc parler et le traitement objectif de l’ensemble des questions ».Mais, l’avocat toujours prudent dans ses bonnes humeurs, dira : « si les journées ont été un véritable succès, la première manche du processus – le référendum - bien gérée et que le calendrier du processus défini, le contenu et la forme de celui – ci ne le sont pas encore, raison pour laquelle, il y a lieu de déclencher rapidement une large et générale concertation entre le CMJD, le Gouvernement de transition d’une part et l’ensemble des acteurs politiques et des organisations de la société civile à l'effet de définir avec précision et à temps le contenu et la forme des différents scrutins – mode de découpage, critères d'éligibilité, mode de constitution des différentes listes ou de présentation de candidature, le nombre d'élus affectés à chaque département ou circonscription électorale ». Et d’ajouter : « en somme la définition des différents modes de scrutins pour favoriser la maîtrise du processus, encourager l'esprit compétitif entre les différents acteurs politiques par la conception de mécanismes pour la garantie de la neutralité, de l'impartialité de l'administration et des modes de financement et de contrôle des campagnes électorales».
Toujours selon lui : « cette donnée fondamentale pour la liberté et la transparence des prochaines échéances électorales mérite une attention et un suivi constants pour soustraire ces échéances des mécanismes de fraude et des emprises de la tribu ou du clan ». Et de noter : « il y a lieu de faire preuve de vigilance à tous les niveaux pour éviter le retour des méthodes et procédés qui avaient été largement développés durant les périodes de fraudes électorales ».
La bonne gouvernance Pour une réelle bonne gouvernance, Me Brahim Ould Ebety en appelle au : « rôle combien important » des organisations de la société civile qui dira t-il : « d'antan courtisées ou persécutées en application du principe colonial très connu, diviser pour régner, se doivent de se réorganiser, se former et se restructurer en réseaux pour rendre ses actions plus vigoureuses et conformes à sa nature apolitique sans but lucratif ». L’avocat appelle aussi à la généralisation de la concertation « entre le gouvernement d'une part et les acteurs politiques et la société civile d'autre part et entre les acteurs politiques eux mêmes ainsi qu'entre les organisations de la société civile autour des questions d'intérêt général pour créer un climat de concorder où chacun pourra jouer son rôle dans les moments de tensions et de crises ». Pour ce faire, Me Brahim Ould Ebety estime que : « le gouvernement se doit de corriger ses méthodes de concertation en termes d'informations, de calendrier et de durée à l'effet de mettre le partenaire en position de donner des avis réfléchis et étudiés pour éviter sa mise devant le fait accompli ».
La justice A ce sujet, Me Brahim dira : « sans complaisance aucune, nous pouvons constater aujourd’hui une amélioration dans le fonctionnement des juridictions, dans la relation des magistrats avec les auxiliaires de justice et avec l’ensemble des justiciables, mais il reste beaucoup à faire en raison de l’état de délabrement dans lequel végétait notre justice ». Toutefois notera t-il : « toute la famille judiciaire, magistrats, avocats, greffiers, huissiers, experts se doivent de consacrer plus de temps à l'organisation de leur travail, à la formation, à la documentation et à l'échange d'expérience entre eux et avec leurs collègues d'autres pays pour offrir un travail de qualité de nature à rehausser le niveau de rendement de chacun dans sa spécificité et faire ainsi évoluer la justice dans son ensemble ».
Et les autres secteurs Me Brahim Ould Ebety dira que l’action du CMJD et du Gouvernement de transition s’est focalisé sur les trois domaines précités et beaucoup d’autres secteurs n’ont pas été inscrits dans le calendrier de la transition, alors qu'ils avaient été délaissés durant ces dernières années. Toujours à ce sujet, il dira : « l’éducation , la santé , l’eau et l’électricité, qui constituent les secteurs vitaux pour l’existence de toute nation et comme en Mauritanie, ces secteurs ont été délaissés, je dirai même abandonnés aucune action d’envergure n’avait été conçue et entreprise pour réfléchir sur les meilleurs moyens de sortir l’éducation et la santé de la grande crise qui les traverse et doter tous les mauritaniens dans tous les centres urbains et toutes les contrées les plus reculées d’eau potable et d'électricité».
Au sujet du passif humanitaire, Me Brahim Ould Ebety ajoutera : « les déportés, le comportement de la police politique, qui continue à sévir comme par le passé en dehors de tout contrôle judiciaire ou en tout cas dans les mêmes formes et pratiques d’antan en ce sens que le personnes interpellées par cette police l’ont été sans mandat judiciaire et sans que le policier leur signifie les motifs pour lesquels, elles sont interpellées ainsi que le refus de toute communication avec leurs avocats et leur famille ». Et d’ajouter : « dans ce cadre l’autorité du juge doit être restaurée et garantie et le policier soumis à son autorité pour couper cours avec les habitudes de persécutions, de séquestration, de violation de domicile et d’atteinte aux droits de l’homme ».
A sujet de l’inexécution par le pouvoir exécutif des décisions judiciaires en matière de liberté, l’avocat s’est référé au : « cas des quelques éléments de la mouvances des reformistes musulmans qui avaient bénéficié de la liberté provisoire accordée par le juge d'instruction et confirmée par la cour d'appel et dont le dossier a été confisqué par le parquet général depuis octobre 2005 en empêchant sa transmission à la cour suprême pour statuer sur le pourvoi en cassation et en continuant à les garder dans leurs cellules alors que le pourvoi en cassation contre les décisions de liberté provisoire n'est point suspensif à telle enseigne que leur défense ne demande plus leur libération mais celle du dossier des tiroirs du parquet général près la cour suprême ».
La protection de la chose publique A ce sujet, Me Brahim Ould Ebety dira : « si toutes les formes de la délinquance économique en passant par l’industrie de la fabrication de faux chiffres ont été largement décrites et dénoncées, il y a lieu de concevoir et de mener des actions plus courageuses, programmées et suivies au niveau de toutes les administrations : Ministères, sociétés publiques et para - publiques par une mise en valeur du rôle, de la technicité et du professionnalisme de la Cour des Comptes, de la Commission Centrale des Marchés et de l’Autorité de Régulation ». Et d’ajouter : « en fait si des audits ont été commandés et effectués, leurs résultats doivent être rendus publics à l'effet de décrier toutes les formes de la délinquance économique, contribuer à son élimination ou au moins à la neutralisation des auteurs des différentes infractions , qui sont toujours aux mêmes places ». Me Brahim continuera en ajoutant : « il y a lieu de rendre publics, périodiquement, les rapports de la Cour des Comptes, de la Commission Centrale de Marchés et de l’autorité de Régulation parce que les responsables à tous les niveaux doivent sentir le changement par l’exigence édictée et rendue obligatoire pour la protection de la chose publique ». Toujours selon lui : « il ne suffit pas d’actions coup de poings ponctuelles effectuées par l’Inspecteur Général pour protéger la chose publique, il faut plutôt des audits sur la gestion et la définition d’une réelle transparence dans le traitement des deniers publics à tous les niveaux ».
Enfin, me Brahim Ould Ebety en appela à quelques recommandations d’importance capitale comme la neutralité et l’impartialité de toutes les autorités dans le processus électoral y compris le CMJD et son gouvernement de transition, les autorités territoriale. Selon lui : « cette administration, pour mener le processus à bon port, doit pouvoir jouer le rôle d’arbitre entre les différents acteurs politiques et pour jouer ce rôle, elle doit faire preuve d’impartialité et de neutralité ». Au sujet des organisations de la société civile, l’avocat en appela à leur louable action : « pour former, encadrer et éduquer les électeurs mais aussi jouer le rôle d’arbitre entre l’administration et les acteurs politiques et entre les acteurs politiques eux-mêmes en proposant éventuellement une charte de bonne conduite entre l’ensemble des acteurs politiques ».
Au sujet de la presse, l’avocat dira : « ce secteur a été hautement marqué ces derniers temps par la nouvelle législation qui le fait sortir de la tutelle de la censure et de l'interdiction qu'exerçait le Ministère de l'intérieur pour rendre le rôle de ses médias difficile à accomplir, mais cette presse écrite a besoin de formation et de soutien pour lui permettre de jouer son rôle d'éducateur et de formateur d'opinions ». Et d’ajouter : « nous regrettons l'absence encore de radio et de télévision libres et espérons revoir sous peu des initiatives encourageantes dans ce domaine ».
Au sujet de la presse publique, l’avocat souhaita qu’elle se transforme dans la conception, la préparation et la diffusion de ses programmes pour devenir un véritable service public. Pour terminer, Me Brahim Ould Ebetty a ajouté : « si l'agence à travers ses dépêches et ses deux quotidiens (Chaab et Horizons) et la Radio font un effort louable pour accompagner le processus en cours, la Télévision demeure encore prisonnière des précédentes méthodes de conception, de préparation et de diffusion de ses programmes, d'où l'exigence d'une prise de conscience du rôle de cet outil de communication, aujourd'hui incontournable ».
Mohamed Ould Mohamed Lemine
mdhademine@yahoo.fr
Journal : Investigations