Chers confrères,
J’aimerais, si le temps qui m’est imparti le permet, aborder ici trois thèmes qui sont des sujets de préoccupation majeurs pour nombre de personnes en Mauritanie, et qui sont au centre du discours de mon parti, l’AJD/MR. Ces thèmes sont en droite ligne des problématiques que nous traitons ici dans cette commission. Il s’agit :
- De la question foncière en Mauritanie,
- De la situation des anciens déportés,
- Et de la question de l’esclavage.
1) La question foncière :
Il s’agit d’une question centrale en Mauritanie. Elle est au cœur du débat politique dans mon pays, car elle cristallise bien des frustrations. Les populations du sud (majoritairement noires) qui ont un mode de vie agro-pastoral ancestral, sont souvent confrontées à la spoliation de leurs terres, de la part d’agro-businessmen appuyés par l’Etat. Des villages entiers sont souvent expropriés de leurs terres de cultures au profit de ces prédateurs. Et depuis peu, c’est au profit d’agro-businessmen saoudiens que ces spoliations sont faites. Cela, pour répondre aux enjeux alimentaires de l’Arabie Saoudite ; comme si la Mauritanie elle, avait déjà réglé son problème d’autosuffisance alimentaire. Cela conduit à de terribles conséquences sociales et environnementales.
a) Conséquences sociales :
La loi mauritanienne sur le foncier prévoit la possibilité pour l’Etat d’attribuer les terres dite « mortes », c’est-à-dire celles qui ne sont pas cultivées pendant un certain temps, à tout celui qui est en capacité de les mettre en valeur. Mais depuis un certain temps l’Etat encourage des opérateurs saoudiens à racheter des terres de culture en cours d’exploitation par des villageois. Dans les endroits où ces opérations ont été faites, les opérateurs saoudiens mettent des clôtures dans des domaines entiers, sans aucune distinction, engloutissant quelques fois des zones de pâturage traditionnelles d’éleveurs locaux. Et, plus grave encore, ces clôtures engloutissent des cimetières villageois. C’est donc à la fois une casse sociale liée au fait que des paysans et des éleveurs sont privés de facto de leur seul moyen de subsistance, mais c’est aussi une humiliation et une blessure symbolique que constitue le fait d’empêcher des villageois d’accéder au lieu de sépulture des êtres qui leur sont chers. Dans certains villages, les populations se voient désormais obligées de traverser le fleuve pour enterrer leurs morts en territoire sénégalais voisin. Telle est l’absurdité induite par cette voracité !
b) Conséquences environnementales
Comme dit plus haut, les enjeux alimentaires de l’Arabie Saoudite qui sous-tendent ces expropriations en Mauritanie, font que 90% de la production doit être rapatrié dans ce pays. Les populations du sud mauritanien ne bénéficieront nullement de ce qui sera produit sur leurs propres terres. De plus, pour atteindre ces objectifs de production, les opérateurs sont obligés de faire de l’agriculture intensive avec une utilisation massive de pesticides. Cela induit les terribles conséquences environnementales suivantes :
- Risque de pollution des puits et des nappes phréatiques,
- Risque de pollution des cours d’eau et d’impacter leur débit
- Et enfin, risque d’appauvrir considérablement les terres cultivables.
Cette situation est un véritable scandale écologique, social et économique, que la députée que je suis ne peut taire dans ce genre de rencontres, sans trahir honteusement les milliers de sans-voix qui en sont victimes. C’est aussi un scandale qui interroge gravement notre modèle démocratique. Car je rappelle que ces mesures foncières sont prises en l’absence de toute concertation avec les populations concernées.
2) La situation des anciens déportés :
En 1989, la Mauritanie profite d’un conflit avec le Sénégal pour déporter dans ce pays et au Mali des dizaines de milliers de mauritaniens noirs. Et depuis 2007, le gouvernement mauritanien décide, en collaboration avec l’état sénégalais et le HCR d’organiser le retour chez eux des mauritaniens déportés au Sénégal (ignorant ceux vivant au Mali). Il promet au passage de les réinstaller dans tous leurs droits ; ce qui est un minimum après 20 ans de déportation. Mais depuis leur retour, ceux-ci sont confrontés aux problèmes sociaux suivants :
- Problème de scolarisation des enfants,
- Problème d’accès à l’état-civil
- Problème d’accès à leurs domiciles et leurs terres toujours occupés par d’autres compatriotes.
Et tout cela dans une relative négligence des ONG dont ils bénéficient peu de l’assistance. La frustration de ces populations qui vivent comme des réfugiés dans leur propre pays constitue une misère sociale qui ne pouvait, elle aussi, ne pas être entendue ici.
3) La question de l’esclavage
Aussi ahurissant que cela puisse paraître à des oreilles non averties, il existe encore aujourd’hui dans mon pays la Mauritanie une question sociale d’un autre temps : celle de l’esclavage.
En effet, malgré les différentes lois d’abolition de l’esclavage successives, il persiste encore dans mon pays ce phénomène moyenâgeux. En 2014, il existe encore dans mon pays, la Mauritanie, des personnes qui appartiennent à d’autres. Il existe encore dans mon pays des personnes que l’on fait travailler sans rémunération. Il existe encore dans mon pays des personnes qu’on peut prêter comme n’importe quel outil de travail.
Pour cette raison d’ailleurs, la Mauritanie a été classée comme le pays le plus esclavagiste au monde.
Ce sont là mesdames et messieurs, des souffrances sociales qui caractérisent mon pays dans sa face sombre, que la députée de l’AJD-MR que je suis ne pouvait taire ici dans cette commission, sans trahir honteusement ceux qui les subissent, et sans trahir gravement le combat de mon parti. Je vous remercie de votre aimable attention.
Madame Sawdatou Mamadou WANE
Députée
Mauritanie
Source: ajd/mr
J’aimerais, si le temps qui m’est imparti le permet, aborder ici trois thèmes qui sont des sujets de préoccupation majeurs pour nombre de personnes en Mauritanie, et qui sont au centre du discours de mon parti, l’AJD/MR. Ces thèmes sont en droite ligne des problématiques que nous traitons ici dans cette commission. Il s’agit :
- De la question foncière en Mauritanie,
- De la situation des anciens déportés,
- Et de la question de l’esclavage.
1) La question foncière :
Il s’agit d’une question centrale en Mauritanie. Elle est au cœur du débat politique dans mon pays, car elle cristallise bien des frustrations. Les populations du sud (majoritairement noires) qui ont un mode de vie agro-pastoral ancestral, sont souvent confrontées à la spoliation de leurs terres, de la part d’agro-businessmen appuyés par l’Etat. Des villages entiers sont souvent expropriés de leurs terres de cultures au profit de ces prédateurs. Et depuis peu, c’est au profit d’agro-businessmen saoudiens que ces spoliations sont faites. Cela, pour répondre aux enjeux alimentaires de l’Arabie Saoudite ; comme si la Mauritanie elle, avait déjà réglé son problème d’autosuffisance alimentaire. Cela conduit à de terribles conséquences sociales et environnementales.
a) Conséquences sociales :
La loi mauritanienne sur le foncier prévoit la possibilité pour l’Etat d’attribuer les terres dite « mortes », c’est-à-dire celles qui ne sont pas cultivées pendant un certain temps, à tout celui qui est en capacité de les mettre en valeur. Mais depuis un certain temps l’Etat encourage des opérateurs saoudiens à racheter des terres de culture en cours d’exploitation par des villageois. Dans les endroits où ces opérations ont été faites, les opérateurs saoudiens mettent des clôtures dans des domaines entiers, sans aucune distinction, engloutissant quelques fois des zones de pâturage traditionnelles d’éleveurs locaux. Et, plus grave encore, ces clôtures engloutissent des cimetières villageois. C’est donc à la fois une casse sociale liée au fait que des paysans et des éleveurs sont privés de facto de leur seul moyen de subsistance, mais c’est aussi une humiliation et une blessure symbolique que constitue le fait d’empêcher des villageois d’accéder au lieu de sépulture des êtres qui leur sont chers. Dans certains villages, les populations se voient désormais obligées de traverser le fleuve pour enterrer leurs morts en territoire sénégalais voisin. Telle est l’absurdité induite par cette voracité !
b) Conséquences environnementales
Comme dit plus haut, les enjeux alimentaires de l’Arabie Saoudite qui sous-tendent ces expropriations en Mauritanie, font que 90% de la production doit être rapatrié dans ce pays. Les populations du sud mauritanien ne bénéficieront nullement de ce qui sera produit sur leurs propres terres. De plus, pour atteindre ces objectifs de production, les opérateurs sont obligés de faire de l’agriculture intensive avec une utilisation massive de pesticides. Cela induit les terribles conséquences environnementales suivantes :
- Risque de pollution des puits et des nappes phréatiques,
- Risque de pollution des cours d’eau et d’impacter leur débit
- Et enfin, risque d’appauvrir considérablement les terres cultivables.
Cette situation est un véritable scandale écologique, social et économique, que la députée que je suis ne peut taire dans ce genre de rencontres, sans trahir honteusement les milliers de sans-voix qui en sont victimes. C’est aussi un scandale qui interroge gravement notre modèle démocratique. Car je rappelle que ces mesures foncières sont prises en l’absence de toute concertation avec les populations concernées.
2) La situation des anciens déportés :
En 1989, la Mauritanie profite d’un conflit avec le Sénégal pour déporter dans ce pays et au Mali des dizaines de milliers de mauritaniens noirs. Et depuis 2007, le gouvernement mauritanien décide, en collaboration avec l’état sénégalais et le HCR d’organiser le retour chez eux des mauritaniens déportés au Sénégal (ignorant ceux vivant au Mali). Il promet au passage de les réinstaller dans tous leurs droits ; ce qui est un minimum après 20 ans de déportation. Mais depuis leur retour, ceux-ci sont confrontés aux problèmes sociaux suivants :
- Problème de scolarisation des enfants,
- Problème d’accès à l’état-civil
- Problème d’accès à leurs domiciles et leurs terres toujours occupés par d’autres compatriotes.
Et tout cela dans une relative négligence des ONG dont ils bénéficient peu de l’assistance. La frustration de ces populations qui vivent comme des réfugiés dans leur propre pays constitue une misère sociale qui ne pouvait, elle aussi, ne pas être entendue ici.
3) La question de l’esclavage
Aussi ahurissant que cela puisse paraître à des oreilles non averties, il existe encore aujourd’hui dans mon pays la Mauritanie une question sociale d’un autre temps : celle de l’esclavage.
En effet, malgré les différentes lois d’abolition de l’esclavage successives, il persiste encore dans mon pays ce phénomène moyenâgeux. En 2014, il existe encore dans mon pays, la Mauritanie, des personnes qui appartiennent à d’autres. Il existe encore dans mon pays des personnes que l’on fait travailler sans rémunération. Il existe encore dans mon pays des personnes qu’on peut prêter comme n’importe quel outil de travail.
Pour cette raison d’ailleurs, la Mauritanie a été classée comme le pays le plus esclavagiste au monde.
Ce sont là mesdames et messieurs, des souffrances sociales qui caractérisent mon pays dans sa face sombre, que la députée de l’AJD-MR que je suis ne pouvait taire ici dans cette commission, sans trahir honteusement ceux qui les subissent, et sans trahir gravement le combat de mon parti. Je vous remercie de votre aimable attention.
Madame Sawdatou Mamadou WANE
Députée
Mauritanie
Source: ajd/mr