S’offrir une hygiène de vie à tout prix : c’est le défi que s’est lancé le lead vocal du Dandé Léñol qui a souffert le martyre pendant un an du fait de la dépendance au tabac. Pour Baba Maal, qui revient largement sur sa mission auprès de l’institution onusienne, dans la première partie de cet entretien, ce choix relève plus d’une volonté de mieux porter son manteau d’émissaire du Pnud pour faire émerger une jeunesse saine.
Wal Fadjri : Avec votre statut d’émissaire du Pnud pour la jeunesse, vous êtes aussi porteur des Objectifs du millénaire pour le développement pour l’horizon 2015. Quelles sont les actions phares prévues en 2008 ?
Baaba MAAL : Nous savons que d’ici 2015, il y a plein de choses qui peuvent se passer. Et il y a tout un planning, qui a été élaboré par le Pnud. Et quand on quittait la rencontre de Dakar, qui avait permis l’enregistrement de la chanson continentale du Pnud, Nous sommes les Tam Tam, chacun des musiciens s’était engagé, de retour dans son pays, à promouvoir les Objectifs du millénaire pour le développement (Omd), dans ses concerts, lors des interviews qu’ils accorderaient aux médias, etc. Et à chaque fois qu’il avait la chance de s’adresser à des jeunes dans des écoles ou dans des casernes, il ferait passer l’information sur ces objectifs. J’essaie pour ma part de susciter un déclic chez tous les jeunes d’Afrique et de leur faire savoir que chacun peut jouer un rôle dans ce projet Africa 2015. Tout récemment, j’étais en Afrique du Sud, dans le cadre d’un programme télévisé intitulé Big Brother. Le concept de l’émission, c’est de sélectionner des jeunes issus de pays africains, et de les réunir pendant deux à trois mois dans un château. Et chaque semaine, il y a un jeune qui est éliminé. Il y avait plus de trente pays en Afrique, donc des millions de téléspectateurs qui étaient chaque jour branchés sur la vie de ces jeunes… Il s’est trouvé que Big Brother avait décrété une semaine pour parler des Objectifs du millénaire en Afrique du Sud. Et j’ai été amené à rencontrer les six derniers candidats du Big Brother. C’était une audience formidable. Et cela m’a permis de parler de l’éducation et de demander à ces jeunes, qui sont devenus des stars, de se donner à ce projet dans tout ce qu’ils auront comme activités. Parce que la meilleure chose à faire dans ce projet, c’est de donner l’information. Le déclic doit, à mon sens, venir des populations elles-mêmes.
Wal Fadjri : L’Afrique Sud, c’est aussi le pays de feu Lucky Dube. Comment avez-vous vécu son assassinat survenu le 18 octobre dernier ?
Baaba MAAL : Justement, Lucky Dube a été assassiné le jour où j’ai quitté Johannesburg pour Dakar. Et, c’est au lendemain de mon retour qu’on m’a informé de son assassinat. J’avoue que cela a été un véritable choc pour moi. Parce que je me souviens qu’en 1995, on avait fait un très grand concert en Angleterre avec les Youssou Ndour, Salif Keïta, Khaled et Lucky Dube pour promouvoir la musique africaine, pour donner la chance au public londonien, pendant toute une après-midi (de 15 h à 03 h du matin) d’avoir un panorama sur la musique africaine. Et c’est Lucky Dube qui avait ouvert ce grand concert. C’est quelqu’un que j’ai beaucoup estimé et respecté, par rapport aux thèmes qu’il a toujours su aborder. Parce que ce sont des thèmes qui sont propres à l’Afrique du Sud. Quand on voyage dans ce pays, on se rend compte que les Noirs ont beaucoup de choses à dire. C’est un pays assez développé, un peu à l’image des Etats-Unis. Et les mouvements de gangs, la séparation entre les communautés sont des réalités qui ont toujours inspiré un musicien comme Lucky Dube. C’était quelqu’un qu’on aurait souhaité voir vivre très longtemps. Son assassinat m’a fait très mal. Parce que pour moi, un musicien, on ne doit pas l’assassiner. Par exemple, ces gangs, bien qu’étant d’habitude des gens très agressifs, écoutent la musique de Lucky Dube et s’y retrouvent. Ils ne devaient pas l’assassiner. Parce qu’un rasta comme Lucky Dube, qui a toujours revendiqué son appartenance à cette communauté pauvre et malmenée, devait être un héros pour ces gangs.
Wal Fadjri : N’avez-vous peur que cet assassinat n’étouffe l’inspiration des musiciens ?
Baaba MAAL : Du tout. L’art, c’est quelque chose de très spécial. Je ne dirai pas que nous souhaitons être tout le temps dans des difficultés pour avoir de l’inspiration. Mais les difficultés aussi réveillent en nous des révoltes qui amènent une certaine grandeur dans l’inspiration. Par exemple, je me suis engagé à parler des Objectifs du millénaire par rapport à ma position d’Africain qui connaît les réalités du continent, qui vit dans le Sahel et est imprégné des problèmes de l’environnement… Mais ce qui m’a encore davantage motivé à enregistrer des titres qui vont sortir dans mon prochain album, c’est le fait que, pendant toute une année, j’ai été malade. Et c’était un choc. Donc, avec les artistes il y a des chocs qui font que leur inspiration se réveille davantage. Cela crée d’autres conditions qui sont nécessaires à la création. L’assassinat de Lucky Dube aussi nous montre qu’on a des choses à dire… Et peut-être que ceux qui ont l’assassiné, n’ont rien compris. La musique, c’est une voix. Il faut l’utiliser pour exprimer nos opinions.
Wal Fadjri : C’est votre maladie qui vous a conduit à vous rebeller contre la cigarette ?
Baaba MAAL : (Rires) Il y a une rébellion contre tout ce qui peut être un frein à la santé. Parce qu’après la maladie, je me suis organisé pour savoir comment aborder ma vie, pour savoir qu’est-ce qu’il faut laisser de côté et comment gérer mes repos. Cela m’a permis de me rendre compte que la santé est très importante, surtout pour un chanteur, mais au-delà, je dirai pour n’importe quel être humain. Et c’est encore davantage important pour les Africains. Nous nous disons que nous avons des défis à relever. L’Afrique ne peut plus être ce continent à la traîne. Nous revendiquons nos droits. Nous voulons que les gens nous respectent. Cela nous pousse à être forts et très consistants. Mais pour être fort et consistant, il nous faut être en bonne santé. Aujourd’hui, pour moi, tout ce qui nuit à la santé, je dois mettre un terme à cela, en tant que symbole pour cette jeunesse africaine. Même si cela me plaît du fond de mon cœur, il y a un choix à faire. Je veux danser sur la scène. Je veux voyager et je sais que ce n’est pas facile de voyager pendant tout un mois avec un groupe de musiciens. Pour aller de pays en pays, il faut être en très bonne santé. Puisque j’ai promis à une maison de disque, à un pays, à des musiciens d’être leur leader, il y a des sacrifices à faire ; même si cela ne me plaît pas. Maintenant, je me rends compte que c’est même un avantage pour moi d’être en bonne santé. Parce que je retrouve ma voix. Je retrouve ce qui faisait que quand je regardais les gens autour de moi, je remarquais les gestes ; j’appréciais les mots à leur juste valeur, par exemple, quand les gens me parlent. Je redécouvre la vie. Et je ne veux plus perdre cet acquis. Donc, pour moi, je dis non dorénavant à la cigarette !
Wal Fadjri : Vous avez l’impression d’être sorti d’un gouffre ?
Baaba MAAL : Bien sûr ! Parce que je redécouvre les odeurs, les couleurs, les très bonnes sensations, le goût pour l’alimentation. A chaque fois que quelqu’un prépare un plat, j’ai envie d’y goûter. Cela faisait très longtemps que j’avais perdu l’appétit. Et je sais que la cigarette y était pour beaucoup.
Wal Fadjri : N’avez-vous pas peur de recevoir les contre-coups des firmes de tabac qui investissent beaucoup d’argent dans le monde de la musique ?
Baaba MAAL : De toutes les façons, depuis plus de cinq ans, je n’ai pas cherché à avoir un sponsor dans les firmes de tabac. Et par rapport à mon rôle comme émissaire du Pnud pour la jeunesse, il y a quand même une image à respecter. Je me bats avec certains de mes musiciens quand je les vois venir près de la scène avec une cigarette. Je n’aimerais pas que les photographes prennent cette image et aillent présenter le groupe du Dandé Leñol avec cette image. Parce que cela ne colle pas avec cette prétention de vouloir donner des conseils à une jeunesse pour qu’elle soit saine. Mais, de toutes les façons, nous pouvons trouver des sponsors un peu partout. Il n’y a pas que des firmes de tabac comme sponsors. Je ne vais pas en guerre contre elles. Mais chacun a le droit d’avoir un choix personnel. (A suivre)
Propos recueillis à Podor par Mbagnick NGOM
Source: walfad
(M)
Wal Fadjri : Avec votre statut d’émissaire du Pnud pour la jeunesse, vous êtes aussi porteur des Objectifs du millénaire pour le développement pour l’horizon 2015. Quelles sont les actions phares prévues en 2008 ?
Baaba MAAL : Nous savons que d’ici 2015, il y a plein de choses qui peuvent se passer. Et il y a tout un planning, qui a été élaboré par le Pnud. Et quand on quittait la rencontre de Dakar, qui avait permis l’enregistrement de la chanson continentale du Pnud, Nous sommes les Tam Tam, chacun des musiciens s’était engagé, de retour dans son pays, à promouvoir les Objectifs du millénaire pour le développement (Omd), dans ses concerts, lors des interviews qu’ils accorderaient aux médias, etc. Et à chaque fois qu’il avait la chance de s’adresser à des jeunes dans des écoles ou dans des casernes, il ferait passer l’information sur ces objectifs. J’essaie pour ma part de susciter un déclic chez tous les jeunes d’Afrique et de leur faire savoir que chacun peut jouer un rôle dans ce projet Africa 2015. Tout récemment, j’étais en Afrique du Sud, dans le cadre d’un programme télévisé intitulé Big Brother. Le concept de l’émission, c’est de sélectionner des jeunes issus de pays africains, et de les réunir pendant deux à trois mois dans un château. Et chaque semaine, il y a un jeune qui est éliminé. Il y avait plus de trente pays en Afrique, donc des millions de téléspectateurs qui étaient chaque jour branchés sur la vie de ces jeunes… Il s’est trouvé que Big Brother avait décrété une semaine pour parler des Objectifs du millénaire en Afrique du Sud. Et j’ai été amené à rencontrer les six derniers candidats du Big Brother. C’était une audience formidable. Et cela m’a permis de parler de l’éducation et de demander à ces jeunes, qui sont devenus des stars, de se donner à ce projet dans tout ce qu’ils auront comme activités. Parce que la meilleure chose à faire dans ce projet, c’est de donner l’information. Le déclic doit, à mon sens, venir des populations elles-mêmes.
Wal Fadjri : L’Afrique Sud, c’est aussi le pays de feu Lucky Dube. Comment avez-vous vécu son assassinat survenu le 18 octobre dernier ?
Baaba MAAL : Justement, Lucky Dube a été assassiné le jour où j’ai quitté Johannesburg pour Dakar. Et, c’est au lendemain de mon retour qu’on m’a informé de son assassinat. J’avoue que cela a été un véritable choc pour moi. Parce que je me souviens qu’en 1995, on avait fait un très grand concert en Angleterre avec les Youssou Ndour, Salif Keïta, Khaled et Lucky Dube pour promouvoir la musique africaine, pour donner la chance au public londonien, pendant toute une après-midi (de 15 h à 03 h du matin) d’avoir un panorama sur la musique africaine. Et c’est Lucky Dube qui avait ouvert ce grand concert. C’est quelqu’un que j’ai beaucoup estimé et respecté, par rapport aux thèmes qu’il a toujours su aborder. Parce que ce sont des thèmes qui sont propres à l’Afrique du Sud. Quand on voyage dans ce pays, on se rend compte que les Noirs ont beaucoup de choses à dire. C’est un pays assez développé, un peu à l’image des Etats-Unis. Et les mouvements de gangs, la séparation entre les communautés sont des réalités qui ont toujours inspiré un musicien comme Lucky Dube. C’était quelqu’un qu’on aurait souhaité voir vivre très longtemps. Son assassinat m’a fait très mal. Parce que pour moi, un musicien, on ne doit pas l’assassiner. Par exemple, ces gangs, bien qu’étant d’habitude des gens très agressifs, écoutent la musique de Lucky Dube et s’y retrouvent. Ils ne devaient pas l’assassiner. Parce qu’un rasta comme Lucky Dube, qui a toujours revendiqué son appartenance à cette communauté pauvre et malmenée, devait être un héros pour ces gangs.
Wal Fadjri : N’avez-vous peur que cet assassinat n’étouffe l’inspiration des musiciens ?
Baaba MAAL : Du tout. L’art, c’est quelque chose de très spécial. Je ne dirai pas que nous souhaitons être tout le temps dans des difficultés pour avoir de l’inspiration. Mais les difficultés aussi réveillent en nous des révoltes qui amènent une certaine grandeur dans l’inspiration. Par exemple, je me suis engagé à parler des Objectifs du millénaire par rapport à ma position d’Africain qui connaît les réalités du continent, qui vit dans le Sahel et est imprégné des problèmes de l’environnement… Mais ce qui m’a encore davantage motivé à enregistrer des titres qui vont sortir dans mon prochain album, c’est le fait que, pendant toute une année, j’ai été malade. Et c’était un choc. Donc, avec les artistes il y a des chocs qui font que leur inspiration se réveille davantage. Cela crée d’autres conditions qui sont nécessaires à la création. L’assassinat de Lucky Dube aussi nous montre qu’on a des choses à dire… Et peut-être que ceux qui ont l’assassiné, n’ont rien compris. La musique, c’est une voix. Il faut l’utiliser pour exprimer nos opinions.
Wal Fadjri : C’est votre maladie qui vous a conduit à vous rebeller contre la cigarette ?
Baaba MAAL : (Rires) Il y a une rébellion contre tout ce qui peut être un frein à la santé. Parce qu’après la maladie, je me suis organisé pour savoir comment aborder ma vie, pour savoir qu’est-ce qu’il faut laisser de côté et comment gérer mes repos. Cela m’a permis de me rendre compte que la santé est très importante, surtout pour un chanteur, mais au-delà, je dirai pour n’importe quel être humain. Et c’est encore davantage important pour les Africains. Nous nous disons que nous avons des défis à relever. L’Afrique ne peut plus être ce continent à la traîne. Nous revendiquons nos droits. Nous voulons que les gens nous respectent. Cela nous pousse à être forts et très consistants. Mais pour être fort et consistant, il nous faut être en bonne santé. Aujourd’hui, pour moi, tout ce qui nuit à la santé, je dois mettre un terme à cela, en tant que symbole pour cette jeunesse africaine. Même si cela me plaît du fond de mon cœur, il y a un choix à faire. Je veux danser sur la scène. Je veux voyager et je sais que ce n’est pas facile de voyager pendant tout un mois avec un groupe de musiciens. Pour aller de pays en pays, il faut être en très bonne santé. Puisque j’ai promis à une maison de disque, à un pays, à des musiciens d’être leur leader, il y a des sacrifices à faire ; même si cela ne me plaît pas. Maintenant, je me rends compte que c’est même un avantage pour moi d’être en bonne santé. Parce que je retrouve ma voix. Je retrouve ce qui faisait que quand je regardais les gens autour de moi, je remarquais les gestes ; j’appréciais les mots à leur juste valeur, par exemple, quand les gens me parlent. Je redécouvre la vie. Et je ne veux plus perdre cet acquis. Donc, pour moi, je dis non dorénavant à la cigarette !
Wal Fadjri : Vous avez l’impression d’être sorti d’un gouffre ?
Baaba MAAL : Bien sûr ! Parce que je redécouvre les odeurs, les couleurs, les très bonnes sensations, le goût pour l’alimentation. A chaque fois que quelqu’un prépare un plat, j’ai envie d’y goûter. Cela faisait très longtemps que j’avais perdu l’appétit. Et je sais que la cigarette y était pour beaucoup.
Wal Fadjri : N’avez-vous pas peur de recevoir les contre-coups des firmes de tabac qui investissent beaucoup d’argent dans le monde de la musique ?
Baaba MAAL : De toutes les façons, depuis plus de cinq ans, je n’ai pas cherché à avoir un sponsor dans les firmes de tabac. Et par rapport à mon rôle comme émissaire du Pnud pour la jeunesse, il y a quand même une image à respecter. Je me bats avec certains de mes musiciens quand je les vois venir près de la scène avec une cigarette. Je n’aimerais pas que les photographes prennent cette image et aillent présenter le groupe du Dandé Leñol avec cette image. Parce que cela ne colle pas avec cette prétention de vouloir donner des conseils à une jeunesse pour qu’elle soit saine. Mais, de toutes les façons, nous pouvons trouver des sponsors un peu partout. Il n’y a pas que des firmes de tabac comme sponsors. Je ne vais pas en guerre contre elles. Mais chacun a le droit d’avoir un choix personnel. (A suivre)
Propos recueillis à Podor par Mbagnick NGOM
Source: walfad
(M)