Le Calame : Vous venez d’être élu député à l’Assemblée nationale. Qu’en ressentez-vous ?
Bâ Mamadou Bocar : J’éprouve, avant tout, un sentiment de fierté d’avoir été élu par mes compatriotes de Nouakchott, pour siéger en leur nom, dans notre Assemblée nationale. J’éprouve aussi un sentiment de satisfaction car je crois que c’est la constance dans l’engagement, la forte conviction et la cohérence dans les idées que nos compatriotes ont voulu récompenser. J’espère mériter leur confiance et ne pas les décevoir.
- Comment appréciez les résultats de l’AJD/MR, lors des dernières élections ?
- Nous sommes satisfaits de nos résultats, même s’ils sont modestes, car nous n’avions pas une grande expérience des élections locales et la modicité de nos moyens ne nous permettait pas d’espérer davantage que ce nous avons gagné. En effet, nous étions incapables d’assurer la caution de plus de listes, la subvention de l’Etat n’ayant été octroyée qu’après leur dépôt. Aucun autre parti de la place amené à participer aux élections dans les mêmes conditions que nous n’aurait fait mieux. Pour une raison très simple : c’est parce que nous défendons des valeurs de justice, d’équité et d’unité que beaucoup de nos compatriotes nous accordent leur confiance. C’est cela qui nous distingue de la plupart des autres partis.
Il faut aussi remarquer que nous avons réalisé de bons résultats dans les zones où les citoyens ont une plus grande conscience politique. C’est important : cela veut dire que nous allons rester encore longtemps sur une courbe ascendante car les consciences s’éveillent, chaque jour un peu plus. Beaucoup pensaient que nous perdions notre temps, avec ce parti ne jouissant pas des faveurs du pouvoir et, donc, condamné à l’échec. Mais nous venons de montrer qu’un parti sans moyens peut réaliser de bons résultats, s’il s’appuie sur les citoyens qui croient en quelque chose. C’est du solide et les résultats que nous avons obtenus nous permettront, à n’en pas douter, de faire mieux la prochaine fois.
- La CENI, qui avait en charge l’organisation et la supervision des élections, a fait l’objet de vives critiques, pour ses lenteurs, son manque d’expérience et d’indépendance vis-à-vis du pouvoir. Que pense l’AJD/MR de sa prestation ?
- A mon avis, plusieurs facteurs expliquent ce qui s’est passé. Un certain nombre de membres de la CENI manquaient de réelle expérience, dans la gestion de tels processus. Le scrutin était trop complexe, pour la plupart de nos compatriotes, souvent analphabètes (trois listes pour les législatives et une liste pour la municipale). Enfin, les recrutements, pour les démembrements de la CENI, ont plus obéi à des critères de népotisme qu’à la recherche de compétences avérées.
Nous ne sommes donc pas surpris. D’ailleurs, nous avions dit que nous ne partions pas aux élections en pensant qu’elles allaient être régulières et transparentes mais que nous avions opté pour y aller, malgré les imperfections et les lacunes. C’est un choix que nous assumons.
- Le scrutin, dans ses deux tours a-t-il été démocratique et transparent ?
- Il n’a sûrement pas été démocratique. Tout le monde sait qu’il y a eu achats de consciences, influences de ce qu’on appelle les grands électeurs et, parfois, implication de l’administration. Quant à la transparence, des efforts ont été indéniablement accomplis, comme les listes uniques, la fiabilité des documents d’état-civil, l’encre indélébile ou l’isoloir. Oui, nous devons reconnaître que bien de choses ont avancé, il suffit de comparer les scrutins d’aujourd’hui à ceux d’il y a dix ans. Mais nous savons que la démocratie ne se construit pas en un jour et nous devons, en conséquence, continuer à nous battre, pour que les élections reflètent de mieux en mieux le choix réel des électeurs. C’est une lutte de longue haleine.
- L’AJD/MR a remporté, au second tour, la commune de Sebkha, une mairie pas facile à gérer, à cause de ses nombreux problèmes. Que va faire votre parti pour aider votre maire à ne pas décevoir ?
- Nous sommes conscients des difficultés que va poser la gestion de la mairie de Sebkha mais nous y ferons face, avec un encadrement constant de l’équipe dirigeante et espérons faire beaucoup mieux que l’équipe sortante.
- Pour certains, il s’est plus agi d’une défaite de la maire sortante, Raby Haidara que d’une victoire de l’AJD/MR. Qu’en pensez-vous ?
- La maire sortante a passé sept longues années à la tête de la mairie, c’est normal qu’elle ait eu un bilan à défendre. Apparemment, elle a été sanctionnée, par les populations, sur un parcours que beaucoup ont trouvé négatif, elle a donc perdu. Mais l’AJD/MR n’était pas le seul parti à se présenter contre elle et c’est bien lui que les populations ont choisi, pour aller au deuxième tour. Pour nous, ce n’est pas une simple victoire mais une éclatante victoire, quand on sait les moyens mis en œuvre, par nos adversaires, pour leur réélection. C’est ici l’occasion de remercier tous nos amis de l’opposition et les populations qui nous ont apporté un soutien inestimable et désintéressé, pour réussir ce coup de maître.
- Certains expliquent la défaite de votre parti à Boghé, Bababé et Riyad, où il avait de réelles chances de gagner, par un mauvais coaching. Êtes-vous de cet avis ?
- Non, pas du tout. Dans les cas de Boghé, nous devions combler un écart trop grand, en face d’un parti débordant de moyens, qui a tout fait pour gagner. Dans les autres cas, je pense que ce sont le manque de moyens et notre inexpérience conjugués qui justifient nos résultats.
- Après l’investiture des maires, on va procéder à l’élection du président de la communauté urbaine de Nouakchott. Tawassoul et UPR sont à couteaux tirés, pour cet important siège. Pour qui bat le cœur d’AJD ?
- Nous avons déjà dit que nous voterons pour l’opposition, si elle présente un candidat et nous pensons qu’avec plus de délégués que l’UPR, l’opposition ne doit pas rater cette chance, historique, de prendre la communauté urbaine.
- AJD/MR accepterait-elle d’entrer au gouvernement, si le président de la république lui tend la main ?
- Nous avons toujours montré notre disponibilité à travailler avec le pouvoir, sur la base d’une plateforme concertée. Souvenez-vous que nous avions décliné l’offre du Président Sidi Ould Cheikh Abdellahi, parce que son Premier ministre, Ould Waghef, avait refusé de discuter, avec nous, les conditions de notre participation, et que nous nous sommes retirés de la majorité, parce que la plateforme que nous avions signée avec elle n’était pas respectée. Vous comprendrez, donc, que nous ayons des exigences pour entrer dans tout gouvernement et que nous serons, désormais, plus vigilants, quant à l’application des accords.
- Le président de l’AJD/MR aurait refusé d’accompagner le président Ould Abdel Aziz à Oualata où il avait été embastillé. Que signifie ce refus ?
- Cette décision a été prise lors de notre réunion ordinaire du Bureau politique du samedi 11 janvier. Lorsque le président Sarr a informé celui-ci qu’il avait été saisi, par le Protocole, pour accompagner le président de la République à Oualata, à l’occasion du Festival des villes anciennes, la décision du bureau fut unanime. De l’avis de tous, le moment était mal choisi. Près du fort de Oualata, reposent, en effet, trois de nos camarades et frères, Ba Alassane Oumar, Ba Abdoul Khoudouss et Djigo Tapsirou, que Sarr, moi-même et nos autres camarades d’infortune avions mis en terre, lors de leur rappel à Dieu, entre le 26 août et le 28 septembre 1988. Il nous a paru préférable et plus décent de nous y rendre, d’abord, en pèlerinage, avant d’aller festoyer tout à proximité.
Propos recueillis par DL