Retour sur la vie du célèbre érudit malien Amadou Hampâté Bâ qui oeuvra tout au long du 20ème siècle pour la conservation des richesses de la tradition orale africaine
Par Iphri.net
Préserver le savoir séculaire africain, tel fut le combat auquel se dévoua corps et âme Amadou Hampâté Bâ tout le long de sa vie, et toute son œuvre aura eu pour but ultime de contribuer à une compréhension profonde et authentique des cultures africaines en général, et de la culture occidento-soudanaise en particulier.
Amadou Hampaté Ba naquit vers 1901 à Bandiagara, en pays Dogon (Mali actuel), dans une famille aristocratique peule.
Très tôt orphelin de père, il suivra d’abord sa mère et son père adoptif à Bougouni, en pays Bambara, où il commencera son initiation coranique sous l’autorité de Tierno Kounta. Il reviendra en 1908 à dans sa ville natale de Bandiagara, et il continuera son instruction à l’école coranique de Tierno Bokar Salif Tall, un mystique religieux musulman de la confrérie tidjaniya qui deviendra plus tard son Maître spirituel.
Mais le petit Amadou est un fils de Noble, et en tant que tel, il doit aller à “l’école des otages”, qui n’est en fait que l’école française : en effet, les français avaient pris l’habitude à cette époque de forcer tous les dignitaires à envoyer leurs enfants dans leurs écoles, afin de préparer au plus tôt les futures générations régnantes à une collaboration plus étroite et plus docile avec l’administration coloniale.
Dès 1912 donc, Amadou Hampâté Bâ y fera ses classes, à Bandiagara puis à Djenné : il obtiendra son certificat d’études en 1915. Il complètera ses études à Bamako avec un autre certificat d’études (1917) et avec le diplôme de l’Ecole Professionnelle qui lui donne accès à l’Ecole Normale William Ponty de Gorée (1921). Amadou Hampaté Ba refusera pourtant d’aller à Gorée : cela lui vaudra une affectation disciplinaire à Ouagadougou, au Burkina-Faso actuel.
Il travaillera dans l’administration coloniale au Burkina et au Mali pendant les vingt années qui suivront, jusqu’en 1942. En 1933, il profite d’un congé de 8 mois pour se retirer auprès de son maître spirituel, Tierno Bokar, “Le sage de Bandiagara”. Cette retraite spirituelle lui permettra de retranscrire la parole et l’enseignement du Maître. Il soumettra cinq ans plus tard ce manuscrit à l’anthropologue Théodore Monod, qui le fera publier. Une amitié se scelle alors entre les deux hommes, et Monod le fait affecter auprès de lui à Dakar en 1942, en tant que chercheur à l’Institut Français d’Afrique Noire (IFAN).
Il y travaillera jusqu’à l’orée des années 60, focalisant ses recherches sur le thème de la culture dans des civilisations de l’Afrique occidentale. L’écriture est une chose et le savoir en est une autre. L’écriture est la photographie du savoir, mais elle n’est pas le savoir lui-même. Le savoir est une lumière qui est en l’homme; héritage de ce qui lui a été transmis. La parole est l’homme. Le verbe est créateur. Il maintient l’homme dans sa nature propre.
A partir de 1960, Amadou Hampaté Ba se consacre à la promotion de la culture de son pays nouvellement indépendant, le Mali. Déjà la même année il crée l’Institut des Sciences Humaines de Bamako, dont il est le directeur. Il sera par la suite ambassadeur du Mali en Côte d’Ivoire de 1962 à 1966, et membre du conseil exécutif de l’Unesco de 1962 à 1970.
La bibliographie de Amadou Hampaté Ba est aussi riche que variée, tant il est vrai qu’il se sera essayé à plusieurs styles, de l’essai biographique à l’essai historique, en passant par la poésie, le roman et le conte mythologique.
Déjà en 1955 il publie un essai historique “L’empire peul du Macina”. Deux ans plus tard, il publiera une biographie de son maître spirituel “Vie et enseignement de Tierno Bokar, le sage de Bandiagara”, puis en 1972, un autre essai intitulé “Aspects de la civilisation africaine”. Il retranscrira aussi plusieurs contes et récits de la mythologie peule, comme Kaïdara (1969), L’Éclat de la grande étoile (1974), Njeddo Dewal mère de la calamité (1985), La poignée de poussière (1987), et enfin Petit Bodiel (1993).
Amadou Hampaté Ba publiera aussi un roman, L’étrange destin du Wangrin (1973), qui obtiendra le Grand Prix de Littérature d’Afrique noire en 1974, puis un essai religieux intitulé Jésus vu par un musulman (1976).
Amadou Hampaté Ba décède le 15 mai 1991 à Abidjan. Une partie de ses mémoires a été publiée posthumément en deux tomes, à savoir “Amkoullel, l’enfant Peul” et “Oui mon commandant!”, qui retracent respectivement sa petite enfance et ses débuts dans l’administration coloniale française. “Amkoullel...”, en particulier est un modèle presque absolu dans le genre autobiographique, tant sa qualité, sa perspective historique et sa poésie sont difficilement égalables.
Beaucoup ne retiendront de cet érudit autodidacte que cette citation qui a fait sa célébrité: « A chaque fois qu’un vieillard meurt en Afrique, c’est une bibliothèque qui brûle. » Mais surtout, Amadou Hampaté Ba devra rester et demeurrer dans les esprits comme le plus grand conteur de la littérature africaine, l’un de ses poètes les plus doués, comme l’un des intellectuels les plus érudits et les plus pluridisciplinaires de son temps, et surtout comme l’un des meilleurs joyaux du système éducatif traditionnel africain.
Source: grioo.com (iphri.net)
(M)
Par Iphri.net
Préserver le savoir séculaire africain, tel fut le combat auquel se dévoua corps et âme Amadou Hampâté Bâ tout le long de sa vie, et toute son œuvre aura eu pour but ultime de contribuer à une compréhension profonde et authentique des cultures africaines en général, et de la culture occidento-soudanaise en particulier.
Amadou Hampaté Ba naquit vers 1901 à Bandiagara, en pays Dogon (Mali actuel), dans une famille aristocratique peule.
Très tôt orphelin de père, il suivra d’abord sa mère et son père adoptif à Bougouni, en pays Bambara, où il commencera son initiation coranique sous l’autorité de Tierno Kounta. Il reviendra en 1908 à dans sa ville natale de Bandiagara, et il continuera son instruction à l’école coranique de Tierno Bokar Salif Tall, un mystique religieux musulman de la confrérie tidjaniya qui deviendra plus tard son Maître spirituel.
Mais le petit Amadou est un fils de Noble, et en tant que tel, il doit aller à “l’école des otages”, qui n’est en fait que l’école française : en effet, les français avaient pris l’habitude à cette époque de forcer tous les dignitaires à envoyer leurs enfants dans leurs écoles, afin de préparer au plus tôt les futures générations régnantes à une collaboration plus étroite et plus docile avec l’administration coloniale.
Dès 1912 donc, Amadou Hampâté Bâ y fera ses classes, à Bandiagara puis à Djenné : il obtiendra son certificat d’études en 1915. Il complètera ses études à Bamako avec un autre certificat d’études (1917) et avec le diplôme de l’Ecole Professionnelle qui lui donne accès à l’Ecole Normale William Ponty de Gorée (1921). Amadou Hampaté Ba refusera pourtant d’aller à Gorée : cela lui vaudra une affectation disciplinaire à Ouagadougou, au Burkina-Faso actuel.
Il travaillera dans l’administration coloniale au Burkina et au Mali pendant les vingt années qui suivront, jusqu’en 1942. En 1933, il profite d’un congé de 8 mois pour se retirer auprès de son maître spirituel, Tierno Bokar, “Le sage de Bandiagara”. Cette retraite spirituelle lui permettra de retranscrire la parole et l’enseignement du Maître. Il soumettra cinq ans plus tard ce manuscrit à l’anthropologue Théodore Monod, qui le fera publier. Une amitié se scelle alors entre les deux hommes, et Monod le fait affecter auprès de lui à Dakar en 1942, en tant que chercheur à l’Institut Français d’Afrique Noire (IFAN).
Il y travaillera jusqu’à l’orée des années 60, focalisant ses recherches sur le thème de la culture dans des civilisations de l’Afrique occidentale. L’écriture est une chose et le savoir en est une autre. L’écriture est la photographie du savoir, mais elle n’est pas le savoir lui-même. Le savoir est une lumière qui est en l’homme; héritage de ce qui lui a été transmis. La parole est l’homme. Le verbe est créateur. Il maintient l’homme dans sa nature propre.
A partir de 1960, Amadou Hampaté Ba se consacre à la promotion de la culture de son pays nouvellement indépendant, le Mali. Déjà la même année il crée l’Institut des Sciences Humaines de Bamako, dont il est le directeur. Il sera par la suite ambassadeur du Mali en Côte d’Ivoire de 1962 à 1966, et membre du conseil exécutif de l’Unesco de 1962 à 1970.
La bibliographie de Amadou Hampaté Ba est aussi riche que variée, tant il est vrai qu’il se sera essayé à plusieurs styles, de l’essai biographique à l’essai historique, en passant par la poésie, le roman et le conte mythologique.
Déjà en 1955 il publie un essai historique “L’empire peul du Macina”. Deux ans plus tard, il publiera une biographie de son maître spirituel “Vie et enseignement de Tierno Bokar, le sage de Bandiagara”, puis en 1972, un autre essai intitulé “Aspects de la civilisation africaine”. Il retranscrira aussi plusieurs contes et récits de la mythologie peule, comme Kaïdara (1969), L’Éclat de la grande étoile (1974), Njeddo Dewal mère de la calamité (1985), La poignée de poussière (1987), et enfin Petit Bodiel (1993).
Amadou Hampaté Ba publiera aussi un roman, L’étrange destin du Wangrin (1973), qui obtiendra le Grand Prix de Littérature d’Afrique noire en 1974, puis un essai religieux intitulé Jésus vu par un musulman (1976).
Amadou Hampaté Ba décède le 15 mai 1991 à Abidjan. Une partie de ses mémoires a été publiée posthumément en deux tomes, à savoir “Amkoullel, l’enfant Peul” et “Oui mon commandant!”, qui retracent respectivement sa petite enfance et ses débuts dans l’administration coloniale française. “Amkoullel...”, en particulier est un modèle presque absolu dans le genre autobiographique, tant sa qualité, sa perspective historique et sa poésie sont difficilement égalables.
Beaucoup ne retiendront de cet érudit autodidacte que cette citation qui a fait sa célébrité: « A chaque fois qu’un vieillard meurt en Afrique, c’est une bibliothèque qui brûle. » Mais surtout, Amadou Hampaté Ba devra rester et demeurrer dans les esprits comme le plus grand conteur de la littérature africaine, l’un de ses poètes les plus doués, comme l’un des intellectuels les plus érudits et les plus pluridisciplinaires de son temps, et surtout comme l’un des meilleurs joyaux du système éducatif traditionnel africain.
Source: grioo.com (iphri.net)
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