Chers amis de la liberté, bonjour !
Ainsi, donc, nous voici, mes camarades et moi, distingués par la bonne ville de Weimar, vieille capitale du Duché de Saxe, patrie de Bach, Goethe et Schiller, de Liszt et de Nietzsche, berceau des architectes du Bauhaus, lieu de naissance de la première république en Germanie, aujourd’hui capitale culturelle de l’Europe selon l’Unesco ! L’honneur valait bien le voyage, de mon désert de Mauritanie, jusqu’aux confins de la Thueringen !
D’emblée je remercie, la ville, de nous accorder son prestigieux prix ; la gratitude, au nom de mes compagnons de lutte, va à chacun des électeurs membres du jury qui ont surmonté le fracas de l’actualité mondiale, pour porter leur voix sur notre Mauritanie lointaine.
A tous, je dois, par politesse, une brève présentation de l’entreprise qui nous vaut, aujourd’hui, de recevoir les marques de votre soutien, au nom d’une idée commune de l’humanité, par-delà la différence confessionnelle, l’obstacle de la langue et les défis de l’éloignement.
Comme lors de votre révolution de 1918, l’engagement de l’Initiative pour la Résurgence du mouvement Abolitionniste (Ira) témoigne de la même détermination à se dresser, debout, devant l’arbitraire ; dans les deux cas, sont comparables, également, les forces auxquelles l’impératif de la dignité nous confronte ; partout et quoi qu’en disent les tenants du relativisme culturel, notre espèce, réécrit, partout, un livre identique, sans cesse répété. C’est cette faculté à retenir la leçon et prévenir la barbarie que nous appelons universalisme. L’IRA Mauritanie nourrit son effort à cette sève.
Chers amis de la liberté, je souhaiterai vous exposer le paradoxe de notre effort : nous n’avons pas choisi la lutte ; elle s’est imposée à nous ; le fardeau coercitif du système nous a contraint à agir pour rester libres ou le redevenir, comme au jour de la naissance, quand nos mères nous enfantaient ; nous venions au monde sans chaines ni injonctions. Hélas, nous en trouvions, chacun à sa taille, dès le premier éveil à la vie. Nous grandissons esclaves et, même libérés de fait, nous devons vivre avec l’infamie perpétuelle de notre condition.
Le système de domination contre quoi nous nous sommes élevés en Mauritanie, nous a contraints à la réfuter. Pour se perpétuer en marge du mouvement d’émancipation à l’œuvre dans les sociétés contemporaines, l’ordre hégémonique mauritanien a dû produire, au-delà du supportable, l’extrême misère, la frustration et l’excès de dissuasion parmi les descendants d’esclaves. C’est de ce cumul que procède notre prise de conscience face au bloc historique où se négocie - au sein de l’ethnie arabo-berbère - le partage des privilèges entre les féodalités terriennes, le capital privé national et les réseaux d’entente tribale dans la haute administration. Les forces armées et de sécurité consacrent, grâce à leur arbitrage violent, la pérennité du modèle, au service de la minorité démographique. Les coups d’états militaires sont les seuls modes de régulation dans ce processus prédateur qui cultive un semblant de pluralisme politique et mêmes des nuances d’idéaux différenciés. En réalité, tous les segments de cette diversité participent au leurre : les partis reconnus contribuent à maintenir, dans les normes admises, le champ de l’alternative.
IRA Mauritanie et quelques autres associations ont doublement ouvert la brèche dans la cohérence épistémologique du dispositif :
1. En introduisant la non-violence au centre des modes d’expression militants, nous opérons une rupture dans la principale règle du jeu, c’est-à-dire la force brute, pour en démystifier la menace.
2. En osant énoncer des analyses et des propositions hors du périmètre de la parole permise, nous avons libéré l’imagination, par un supplément d’audace, donc hors de toute instance de contrôle idéologique.
Chers amis, notre mobilisation, quasi quotidienne, pour libérer les victimes de l’esclavage par ascendance, prolonge, sur le terrain et à vif, un déploiement global, sur l’ensemble de la sphère citoyenne. Nous refusons la banalité de la corruption, la préséance tribale, la gabegie et l’impunité du racisme, les violences sexuelles sur les mineures esclaves, nous n’admettons pas le travail forcé des enfants, l’exploitation de la force de l’individu sans salaire ni soins.
Le large spectre de la domination nous oblige à une vigilance plurielle, sur tous les fronts où s’exerce l’autorité de l’Etat. Nos juges corrompus, nos militaires tortionnaires et assassins de noirs, notre chef d’Etat putschiste, nos hommes de religion complices historiques et actuels de l’esclavage, voilà les facettes de cette face de Janus, à têtes d’hydre, que nous devons combattre, traquer, harceler jusqu’à son effondrement. Vous, braves gens de Weimar et de toute l’Allemagne, savez, combien la triomphe de la liberté présuppose la défaite de l’oppresseur, une défaite sans appel, définitive dont nul ne se relève.
Chers amis, IRA Mauritanie et bien d’autres organisations alliées subissent encore la censure, le refus d’autorisation administrative et payent, à presque chaque manifestation, le lot habituel de l’emprisonnement, de la torture et des procès iniques. En 2010 et 2011, des dizaines de nos militants ont séjourné dans les geôles insalubres ; ils sont devenus les locataires saisonniers de commissariats de police où l’insulte raciste relève du minimum à endurer. Certains d’entre nous se retrouvent sous le régime de l’internement psychiatrique ; la menace de mort pèse sur quelques autres, de la part d’une police politique, sous la direction d’un général, présumé auteur d’homicides à caractère raciste, co-auteur du coup d’Etat du 6 août 2008, contre un président élu. Oui, chers amis, la Mauritanie reste désespérément en marge de la dynamique des révoltes et des réformes en vigueur dans le monde arabe !!! Pourtant, notre pays a signé et ratifié bien des instruments du droit international mais s’abstient de les inscrire dans ses lois, encore moins de les appliquer.
En Mauritanie, la liberté de conscience est suspendue à la peine de mort, quant à toute démarcation publique de la version locale et officielle du rite malékite, elle synonyme d’apostasie impardonnable ; cette charia officielle, reconnait et consacre l’esclavage, les inégalités et la violence. Cette loi consacre la minorité juridique de la femme dans bien des domaines, en particulier le statut personnel ; la profession de magistrat est fermée au genre féminin en vertu d’une mentalité rétrograde selon laquelle la femme mentirait davantage que l’homme. Les amputations et autres sévices corporels sont inscrits dans le code pénal.
Et si je vous apprenais, braves gens de Weimar, que l’Union Européenne continue la coopération avec l’Etat mauritanien !
Alors, pour que le sens de ce prix ne s’éteigne au lendemain de la cérémonie, je vous invite, tous ici, à rejoindre notre campagne civique, pour que les partenaires extérieurs de mon pays conditionnent leurs concours financiers, à la stricte observance, par la Mauritanie, des principaux référents en matière de protection de la personne. Nous citons, en premier, le Traité de Rome portant création de la Cour pénale internationale (Cpi) et le concours total aux statuts de celle-ci ; en second lieu, nous exigeons une adhésion pleine et sans réserve au pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) de 1966 ainsi qu’à ses protocoles facultatifs.
Chers amis, nous voulons inscrire notre pays dans la modernité et l’éthique, à l’abri de l’intolérance. Aidez-nous et vous garantirez, ainsi, à des générations d’Européens, un avenir de paix ; vous, grand peuple d’Allemagne, savez à quel point la justice, seule, garantit la stabilité. Soyez solidaires des démocrates sous les tropiques, un grand moment de vos lendemains d’homme libres s’y joue !
Vive l’Homme debout ! Je vous remercie !
Source: Biram Dah
Ainsi, donc, nous voici, mes camarades et moi, distingués par la bonne ville de Weimar, vieille capitale du Duché de Saxe, patrie de Bach, Goethe et Schiller, de Liszt et de Nietzsche, berceau des architectes du Bauhaus, lieu de naissance de la première république en Germanie, aujourd’hui capitale culturelle de l’Europe selon l’Unesco ! L’honneur valait bien le voyage, de mon désert de Mauritanie, jusqu’aux confins de la Thueringen !
D’emblée je remercie, la ville, de nous accorder son prestigieux prix ; la gratitude, au nom de mes compagnons de lutte, va à chacun des électeurs membres du jury qui ont surmonté le fracas de l’actualité mondiale, pour porter leur voix sur notre Mauritanie lointaine.
A tous, je dois, par politesse, une brève présentation de l’entreprise qui nous vaut, aujourd’hui, de recevoir les marques de votre soutien, au nom d’une idée commune de l’humanité, par-delà la différence confessionnelle, l’obstacle de la langue et les défis de l’éloignement.
Comme lors de votre révolution de 1918, l’engagement de l’Initiative pour la Résurgence du mouvement Abolitionniste (Ira) témoigne de la même détermination à se dresser, debout, devant l’arbitraire ; dans les deux cas, sont comparables, également, les forces auxquelles l’impératif de la dignité nous confronte ; partout et quoi qu’en disent les tenants du relativisme culturel, notre espèce, réécrit, partout, un livre identique, sans cesse répété. C’est cette faculté à retenir la leçon et prévenir la barbarie que nous appelons universalisme. L’IRA Mauritanie nourrit son effort à cette sève.
Chers amis de la liberté, je souhaiterai vous exposer le paradoxe de notre effort : nous n’avons pas choisi la lutte ; elle s’est imposée à nous ; le fardeau coercitif du système nous a contraint à agir pour rester libres ou le redevenir, comme au jour de la naissance, quand nos mères nous enfantaient ; nous venions au monde sans chaines ni injonctions. Hélas, nous en trouvions, chacun à sa taille, dès le premier éveil à la vie. Nous grandissons esclaves et, même libérés de fait, nous devons vivre avec l’infamie perpétuelle de notre condition.
Le système de domination contre quoi nous nous sommes élevés en Mauritanie, nous a contraints à la réfuter. Pour se perpétuer en marge du mouvement d’émancipation à l’œuvre dans les sociétés contemporaines, l’ordre hégémonique mauritanien a dû produire, au-delà du supportable, l’extrême misère, la frustration et l’excès de dissuasion parmi les descendants d’esclaves. C’est de ce cumul que procède notre prise de conscience face au bloc historique où se négocie - au sein de l’ethnie arabo-berbère - le partage des privilèges entre les féodalités terriennes, le capital privé national et les réseaux d’entente tribale dans la haute administration. Les forces armées et de sécurité consacrent, grâce à leur arbitrage violent, la pérennité du modèle, au service de la minorité démographique. Les coups d’états militaires sont les seuls modes de régulation dans ce processus prédateur qui cultive un semblant de pluralisme politique et mêmes des nuances d’idéaux différenciés. En réalité, tous les segments de cette diversité participent au leurre : les partis reconnus contribuent à maintenir, dans les normes admises, le champ de l’alternative.
IRA Mauritanie et quelques autres associations ont doublement ouvert la brèche dans la cohérence épistémologique du dispositif :
1. En introduisant la non-violence au centre des modes d’expression militants, nous opérons une rupture dans la principale règle du jeu, c’est-à-dire la force brute, pour en démystifier la menace.
2. En osant énoncer des analyses et des propositions hors du périmètre de la parole permise, nous avons libéré l’imagination, par un supplément d’audace, donc hors de toute instance de contrôle idéologique.
Chers amis, notre mobilisation, quasi quotidienne, pour libérer les victimes de l’esclavage par ascendance, prolonge, sur le terrain et à vif, un déploiement global, sur l’ensemble de la sphère citoyenne. Nous refusons la banalité de la corruption, la préséance tribale, la gabegie et l’impunité du racisme, les violences sexuelles sur les mineures esclaves, nous n’admettons pas le travail forcé des enfants, l’exploitation de la force de l’individu sans salaire ni soins.
Le large spectre de la domination nous oblige à une vigilance plurielle, sur tous les fronts où s’exerce l’autorité de l’Etat. Nos juges corrompus, nos militaires tortionnaires et assassins de noirs, notre chef d’Etat putschiste, nos hommes de religion complices historiques et actuels de l’esclavage, voilà les facettes de cette face de Janus, à têtes d’hydre, que nous devons combattre, traquer, harceler jusqu’à son effondrement. Vous, braves gens de Weimar et de toute l’Allemagne, savez, combien la triomphe de la liberté présuppose la défaite de l’oppresseur, une défaite sans appel, définitive dont nul ne se relève.
Chers amis, IRA Mauritanie et bien d’autres organisations alliées subissent encore la censure, le refus d’autorisation administrative et payent, à presque chaque manifestation, le lot habituel de l’emprisonnement, de la torture et des procès iniques. En 2010 et 2011, des dizaines de nos militants ont séjourné dans les geôles insalubres ; ils sont devenus les locataires saisonniers de commissariats de police où l’insulte raciste relève du minimum à endurer. Certains d’entre nous se retrouvent sous le régime de l’internement psychiatrique ; la menace de mort pèse sur quelques autres, de la part d’une police politique, sous la direction d’un général, présumé auteur d’homicides à caractère raciste, co-auteur du coup d’Etat du 6 août 2008, contre un président élu. Oui, chers amis, la Mauritanie reste désespérément en marge de la dynamique des révoltes et des réformes en vigueur dans le monde arabe !!! Pourtant, notre pays a signé et ratifié bien des instruments du droit international mais s’abstient de les inscrire dans ses lois, encore moins de les appliquer.
En Mauritanie, la liberté de conscience est suspendue à la peine de mort, quant à toute démarcation publique de la version locale et officielle du rite malékite, elle synonyme d’apostasie impardonnable ; cette charia officielle, reconnait et consacre l’esclavage, les inégalités et la violence. Cette loi consacre la minorité juridique de la femme dans bien des domaines, en particulier le statut personnel ; la profession de magistrat est fermée au genre féminin en vertu d’une mentalité rétrograde selon laquelle la femme mentirait davantage que l’homme. Les amputations et autres sévices corporels sont inscrits dans le code pénal.
Et si je vous apprenais, braves gens de Weimar, que l’Union Européenne continue la coopération avec l’Etat mauritanien !
Alors, pour que le sens de ce prix ne s’éteigne au lendemain de la cérémonie, je vous invite, tous ici, à rejoindre notre campagne civique, pour que les partenaires extérieurs de mon pays conditionnent leurs concours financiers, à la stricte observance, par la Mauritanie, des principaux référents en matière de protection de la personne. Nous citons, en premier, le Traité de Rome portant création de la Cour pénale internationale (Cpi) et le concours total aux statuts de celle-ci ; en second lieu, nous exigeons une adhésion pleine et sans réserve au pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) de 1966 ainsi qu’à ses protocoles facultatifs.
Chers amis, nous voulons inscrire notre pays dans la modernité et l’éthique, à l’abri de l’intolérance. Aidez-nous et vous garantirez, ainsi, à des générations d’Européens, un avenir de paix ; vous, grand peuple d’Allemagne, savez à quel point la justice, seule, garantit la stabilité. Soyez solidaires des démocrates sous les tropiques, un grand moment de vos lendemains d’homme libres s’y joue !
Vive l’Homme debout ! Je vous remercie !
Source: Biram Dah