Samedi, le 6 juillet 2013. La petite municipalité de Lac-Mégantic, en Estrie, allait vivre une catastrophe d'une ampleur surréaliste. Un train, transportant des matières dangereuses, déraille en plein centre-ville et provoque, sous la force des multiples explosions, la destruction de plusieurs résidences et commerces.
Je suis photographe pour SPIQ.ca depuis 9 ans. J'ai couvert plusieurs interventions incendie. Cependant, ce matin à mon réveil, jamais je n'aurais cru vivre une journée si bouleversante. Voici le récit de cette journée qui n'aurait jamais dû exister.
8h45. Comme à tous les matins, je prends quelques minutes pour faire le tour du web, question de prendre connaissance des dernières nouvelles. C'est à ce moment que j'apprends la tragédie. Les photos se font rares, si ce n'est que quelques images prises pendant la nuit. Quelque chose me pousse à me rendre sur place. Alors que je quitte la résidence, et que je suis sur les routes de la Beauce en direction de Lac-Mégantic, je n'ai aucune idée de ce qui m'attend sur place. Je n'ai non plus aucune idée de la façon dont je vais aborder mon reportage.
Suite à une brève communication avec mon patron, Christian Thibault, il est convenu que SPIQ.ca ira à Lac-Mégantic pour offrir son aide au service incendie de la municipalité. L'aide que nous avons convenu de leur apporter est simple; documenter la tragédie, à l'aide de photos. Ces photos pourront par la suite être utilisées pour les archives de la municipalité.
11h15. Arrivé sur place, je me suis entretenu quelques instants avec le directeur du service des incendies de Lac-Mégantic, monsieur Denis Lauzon. Je lui ai donc offert notre offre de service, offre qu'il a immédiatement acceptée. Alors que je suis en direction de la zone d'intervention, je n'ai encore aucune idée de l'ampleur du sinistre. Très rapidement, la situation se précise. Comment qualifier la vision que j'ai à cet instant? C'est tout simplement impossible de trouver les mots. Les mots "apocalypse" ou encore "surréaliste" semblent si faibles pour résumer la scène qui s'offre à mes yeux.
J'ai l'impression d'être téléporté dans un village d'Europe, pendant la seconde guerre mondiale. Des maisons ne sont plus qu'un amas de briques, seules quelques cheminées ont résisté et tiennent en place. Les arbres, calcinés, ne sont que des flèches noires qui pointent vers le ciel. Des carcasses de voitures complètement brûlées. La vie semble s'être arrêtée, c'est un sentiment indescriptible. Lors de mon déplacement dans la ville, j'ai l'occasion de discuter avec des petits groupes de pompiers au repos. Tout comme moi, ils sont sans mots. Ils ne comprennent tout simplement pas, ils sont dépassés par les événements. De l'autre côté de la rue, un pompier s'exclame devant une maison en ruines; "Aye, je connais le gars qui habite ici".
Lors de cette journée de désolation, j'ai aussi vu la beauté. La beauté de l'entraide. Plusieurs services d'incendie sont venus prêter main forte à Lac-Mégantic. J'ai vu des pompiers des municipalités de Saint-Robert, Saint-Georges-de-Beauce, Saint-Romain, Lac-Drolet, Saint-Gédéon, La Guadeloupe, Sherbrooke, Sainte-Cécile-de-Whitton, Eustis (Maine) et New Vineyard (Maine), travailler dans une belle solidarité.
Ce soir, je vais me coucher avec un mélange de sentiments; la fierté du devoir accompli, mais aussi la tristesse d'une journée qui n'aurait jamais dû exister.
Les membres de SPIQ.ca dirigent leurs pensées positives vers le directeur du service des incendies de Lac-Mégantic, monsieur Denis Lauzon, ainsi qu'à tous les pompiers présents sur place.
Texte et photos: René Jobin
Source: SPIQ.CA