Des militants ANC à Polokwane, le 15 décembre
Le président sud-africain Thabo Mbeki est passé à l'attaque contre son rival Jacob Zuma dès l'ouverture dimanche d'un congrès du parti au pouvoir, décisif pour l'avenir politique du pays.
Le Congrès national africain (ANC) "a besoin aujourd'hui de dirigeants épris de ferveur éthique comme l'étaient avant nous nos prédécesseurs", a lancé Mbeki devant les 4.075 délégués réunis à Polokwane (nord-est) afin d'élire le président du parti pour les cinq années à venir.
Depuis la chute de l'apartheid en 1994, "certaines tendances négatives et totalement inacceptables sont apparues au sein du mouvement, qui menacent aujourd'hui la survie même de l'ANC", a-t-il continué, évoquant une "maladie".
Sans jamais mentionner directement l'actuel vice-président du parti Jacob Zuma, qui risque une inculpation pour corruption, il a appelé à "protéger (l'ANC) des sirènes de la corruption, du népotisme et de la soif de pouvoir, au sein de l'organisation et à tous les niveaux de l'Etat".
Elu chef de l'Etat en 1999, Mbeki dispose encore de deux ans de mandat à la tête du pays. Mais il peut perdre toute marge de manoeuvre si l'ANC, qu'il préside depuis 1997, change de mains.
Or le populiste Jacob Zuma, antithèse du distant Thabo Mbeki, s'est arrogé 61% des voix des délégués pour sa candidature, sans compter l'appui de la Ligue des femmes et de celle des jeunes, en dépit de ses démêlés avec la justice.
Un remarquable retour pour un homme limogé par Mbeki de la vice-présidence de la République après la condamnation pour corruption de son conseiller financier en 2005, et acquitté l'année suivante du viol d'une jeune séropositive. Il avait alors choqué en déclarant avoir pris une douche pour se "laver" du virus du sida.
S'ils élisent Zuma, lors d'un vote qui aura lieu lundi matin, les délégués adouberont presque à coup sûr le prochain président de la République. L'ANC est ultra majoritaire en Afrique du Sud depuis les premières élections démocratiques de 1994.
Certains observateurs n'écartent pas la possibilité d'élections anticipées, surtout si le président Mbeki subit à l'ANC la lourde défaite annoncée.
La Constitution interdit au chef de l'Etat de se présenter pour un 3e mandat.
La popularité de Zuma tient certes à ses talents de tribun, mais elle vient également, selon beaucoup, de la déception des plus pauvres, pour lesquels les progrès accomplis depuis la chute du régime raciste sont loin de suffire.
"Cela fait trop longtemps que notre peuple vit dans la pauvreté, alors que notre président, avec son esprit capitaliste, rend les riches plus riches", estimait dimanche l'une des déléguées, Elisabeth Mentile, résumant la perception d'une majorité.
Dans son discours d'ouverture, le chef de l'Etat a défendu son bilan, rappelant la croissance sans précédent enregistrée depuis 2003, la réduction du taux de chômage officiel - de 31,2% en 2003 à 25,5% en 2007 -, l'accroissement du nombre de logements dotés d'électricité, d'eau potable et de toilettes dans les townships.
Mais il a reconnu que "des progrès restaient à faire" dans la lutte contre la pauvreté - 43% de la population vit avec moins de 3.000 rands (environ 400 USD/300 EUR) par an -, la piètre éducation reçue par les plus défavorisés ou la criminalité, qui frappe avant tout les déshérités.
Tout au long de sa campagne, Zuma a dénoncé la persistance d'énormes inégalités et a reçu le soutien appuyé de la puissante confédération syndicale Cosatu et du Parti communiste, membres de l'alliance au pouvoir.
Sous l'influence d'une ANC qu'il dirigerait, le gouvernement de la première puissance économique d'Afrique pourrait être poussé à accroître ses dépenses sociales.
TV5
(M)