A son excellence le Président de la République Islamique de Mauritanie, monsieur SIDIOCA

Tous les mauritaniens vous doivent des félicitations. Tous, sans exception, vous souhaitent la bienvenue, et vous souhaitent surtout bonne gouvernance. Ceux du nord, ceux du sud, ceux de l’est, et ceux de l’ouest. Les blancs, les bruns, les noirs et les basanés.

Vous êtes le premier président élu sans contestations. Avec votre élection, la Mauritanie , grâce à Ely, a fait un grand pas de fourmi. Ça aussi c’est du développement. Moktar ould Daddah n’a jamais été élu. Haidalla aussi. Ely aussi. Seul Ould Taya avait réalisé la grande prouesse d’être élu avec un score supérieur au nombre d’inscrits, et un pourcentage supérieur au taux de participation. Ça aussi, c’était du développement. Mon ami sénégalais appelait ça « doolecratie », une nouvelle version authentiquement africaine de la démocratie.

Vous, vous n’avez pas été élu par « doolecratie ». Votre élection s’est quand même déroulée dans la transparence la plus totale. Transparence dans la confection des bulletins de vote, transparence dans les listes électorales, transparence du débat radiotélévisé, transparence dans l’urne, transparence dans le décompte des voix. Mais aussi transparence dans l’achat des consciences, transparence dans la corruption, transparence dans le régionalisme, transparence dans le soutien affiché des militaires et des membres du gouvernement. Une transparence hautement démocratique qui se passait à un même niveau avec des forces égales dans les deux camps en compétition et supervisée par les observateurs internationaux de l’Union Européenne de Marie Isler Béguin.

Mais monsieur le président, jusqu’à ce jour, Sammba et Kummba, déportés au Mali et au Sénégal, n’arrivent pas à comprendre pourquoi Ely leur a refusé ce grand honneur de pouvoir participer à votre sacre. Vous promettez de les ramener à la maison, mais eux se demandent pourquoi le policier qui les a fait traverser le fleuve peut participer à ce choix alors qu’eux sont interdits d’isoloir. Ils ne comprennent pas pourquoi seulement ceux qui les ont torturés, seulement ceux qui ont brûlé leurs papiers d’état civil, seulement ceux qui occupent leurs demeures et cultivent leurs terres, ont le droit de décider de leur sort dans l’urne.

Monsieur le président, il est vrai que le pays est un peu fâché contre Mohamed. Peut-être à raison. Mais Mohamed aussi aurait aimé contribuer à votre victoire. Oui, le pays a payé l’instituteur de Mohamed, le professeur de lycée de Mohamed, le billet d’avion de Mohamed, les vacances de Mohamed, la bourse universitaire de Mohamed à Washington et à Paris. Et Mohamed a choisi l’ « Emigration Choisie » bien avant Nicolas Sarkozy, pour servir les intérêts de la grande France et éviter les affres de la poussière de Chinguetti. Mais votre excellence, Mohamed est libre. Il n’a fait que prendre ses jambes au cou. C’était la seule parcelle de démocratie dans la « doolecratie » de Ould TAYA.

Enfin monsieur le président, le cas de Mamadou est le plus triste. Mamadou vit à Paris depuis l’âge de 18 ans. Aujourd’hui Mamadou est retraité et vit dans un foyer pour personnes âgées dépendantes. La Mauritanie ne participe pas aux soins de Mamadou. La Mauritanie n’a jamais payé un instituteur pour Mamadou, jamais de bourse pour Mamadou. Pourtant Mamadou a construit un dispensaire à Bouly, une école à Darel Barka. Mamadou a foré un puits à M’bout. Mamadou envoie mensuellement de l’argent pour participer au développement du pouvoir d’achat des mauritaniens. Et Mamadou n’a pas eu le droit de contribuer à votre élection.

Avouez, monsieur le président, même si ce n’est pas de votre faute, que vous n’avez pas été démocratiquement élu, même si ça aussi, ça a été fait dans la transparence la plus totale.

Heureusement, une lueur d’espoir pour Sammba, Kummba, Mohamed et Mamadou, c’est tout simplement que c’est vous qui êtes élu. En 2012, vous le serez démocratiquement.

Bonne chance Monsieur le président.

Amadou Alpha BA