Le 6 avril 2008 devait être une grande date dans l’histoire des relations qatari-mauritaniennes, puisque l’Emir du Qatar, Cheikh Hamad Bin Khalifa Al Thani, y était attendu en visite d’Etat par le président Ould Cheikh Abdellahi et les plus hautes autorités de l’Etat. Mais cette visite a été considérablement perturbée par des événements qui, pour certains, semblèrent le fruit du hasard et d’autres, l’effet d’une désorganisation sans précédent au sommet de l’Etat mauritanien.
Pour comprendre le sel de l’histoire, il faut souligner que le souverain qatari est un partenaire de longue date de la Mauritanie, et qu’il y finance des équipements importants (tel l’hôpital de Boutilimitt, qui fut inauguré ‘virtuellement’ au Palais des congrès de Nouakchott, la délégation officielle n’envisageant pas de franchir les kilomètres qui séparent Boutilimitt de la capitale...). Plus encore, il faut se souvenir que l’ancien président renversé Maaouya Ould Sid’Ahmed Taya est actuellement en exil... au Qatar justement, d’où le souverain qatari avait reçu l’assurance, en marge du sommet arabe de Damas, qu’il pourrait prochainement partir pour réintégrer son pays sans conditions.
Las... Quelques dizaines de minutes avant l’arrivée du souverain, Sidi Ould Sidina, auteur présumé de l’attentat qui a coûté la vie à quatre touristes français, arrêté en Guinée-Bissau le 14 janvier dernier, s’évade spectaculairement du Palais de justice de Nouakchott. Stupéfiante évasion d’un criminel sous haute surveillance qui imposait nécessairement des complicités dans les forces de l’ordre. Puis, quelques minutes avant la réception officielle, désordre dans les rangs mauritaniens, un prétexte protocolaire survient qui conduit nombre de conseillers ou de ministres à se retirer du Pavillon d’honneur de l’aéroport.
Un peu plus tard, lors de la réception donnée par le président Ould Cheikh Abdellahi pour le dîner, les gardes refusent l’entrée à l’ancien président Eli Ould Mohamed Vall, que le souverain qatari espérait rencontrer, et il faut une intervention expresse du colonel (et récemment promu général) Ould Abdel Aziz, éminence grise des présidents mauritaniens successifs, pour que l’ancien chef de l’Etat soit admis, de peu... Le lendemain, l’épouse de l’Emir se rend à la Fondation de Khattou, puis à celle d’Ould Bouamatou : à quelques dizaines de mètres de son cortège explose une fusillade et une course-poursuite s’engage entre une voiture et des soldats tandis que les balles sifflent... Elle rentre alors à la Présidence rejoindre l’Emir, qui termine rapidement son programme en recevant tout à tour le Premier ministre, le président de l’Assemblée nationale, le président du Sénat et le chef de file de l’opposition. Au fil des rendez-vous, l’Emir comprend que la situation politique, sociale, sécuritaire, est plus complexe qu’elle ne paraissait au premier abord, et que l’hypothèse d’un retour d’Ould Taya comme simple citoyen n’a jamais été sérieusement envisagée. Se sent-il joué ?
Son dernier visiteur à peine sorti, le souverain qatari ne demande pas son reste, il s’engouffre dans sa voiture, file vers l’aéroport, où il entre par une grille secondaire de l’Agence pour la sécurité de la navigation aérienne (Asecna), qui dessert l’ancien aérogare et la tour de contrôle. En quelques minutes, il est dans l’avion, qui roule déjà sur le tarmac et s’envole immédiatement. La visite d’Etat se termine en queue de poisson... Cette information parvient alors au Premier ministre mauritanien Zeine Ould Zeidane, qui quitte en hâte son bureau avec trois véhicules pour rattraper l’Emir et lui offrir un départ plus protocolaire... Mais lorsqu’il arrive à l’aéroport, l’avion officiel qatari est déjà loin dans le ciel...
Comment expliquer cette précipitation ? L’Emir aurait-il perçu au fil de ses entretiens l’extrême nervosité de ses interlocuteurs ? Rien ne se passait comme prévu depuis vingt-quatre heures... Les services secrets occidentaux, et en particulier la Cia, avaient-ils informé l’Emir, comme certains, au plus haut de l’Etat, le rapportèrent, qu’une tentative de coup d’Etat était sur le point de se produire ? Ou tout au moins un attentat visant l’inamovible colonel (nouvellement promu général) Ould Abdel Aziz, chef d’Etat-major particulier du président de la République ? Tout concordait enfin pour faire craindre à Cheikh Hamad Bin Khalifa Al Thani qu’une action violente ne se produise à l’occasion de la prochaine cérémonie officielle prévue : sa visite au futur complexe touristique ‘Diyar Qatar’, où des tentes avaient été dressées pour l’accueillir dans l’après-midi... à moins que l’attentat n’ait été préparé pour la cérémonie officielle d’adieux, prévue au Salon d’honneur de l’aéroport, que justement le souverain évita soigneusement pour rejoindre directement son avion en voiture, par une grille secondaire, et en traversant les pistes à toute vitesse !
Ainsi, on peut être souverain dans le Golfe, et ne pas se sentir parfaitement protégé en cas de coup d’Etat en Mauritanie. Il était temps de prendre un peu de distance avec une capitale décidément bien peu sûre... C’était ‘rififi à Nouakchott’, un film tragi-comique captivant qu’on ne verra pas sur les antennes d’Al Jazeera, la chaîne qatari.
Source: walfad
(M)
Pour comprendre le sel de l’histoire, il faut souligner que le souverain qatari est un partenaire de longue date de la Mauritanie, et qu’il y finance des équipements importants (tel l’hôpital de Boutilimitt, qui fut inauguré ‘virtuellement’ au Palais des congrès de Nouakchott, la délégation officielle n’envisageant pas de franchir les kilomètres qui séparent Boutilimitt de la capitale...). Plus encore, il faut se souvenir que l’ancien président renversé Maaouya Ould Sid’Ahmed Taya est actuellement en exil... au Qatar justement, d’où le souverain qatari avait reçu l’assurance, en marge du sommet arabe de Damas, qu’il pourrait prochainement partir pour réintégrer son pays sans conditions.
Las... Quelques dizaines de minutes avant l’arrivée du souverain, Sidi Ould Sidina, auteur présumé de l’attentat qui a coûté la vie à quatre touristes français, arrêté en Guinée-Bissau le 14 janvier dernier, s’évade spectaculairement du Palais de justice de Nouakchott. Stupéfiante évasion d’un criminel sous haute surveillance qui imposait nécessairement des complicités dans les forces de l’ordre. Puis, quelques minutes avant la réception officielle, désordre dans les rangs mauritaniens, un prétexte protocolaire survient qui conduit nombre de conseillers ou de ministres à se retirer du Pavillon d’honneur de l’aéroport.
Un peu plus tard, lors de la réception donnée par le président Ould Cheikh Abdellahi pour le dîner, les gardes refusent l’entrée à l’ancien président Eli Ould Mohamed Vall, que le souverain qatari espérait rencontrer, et il faut une intervention expresse du colonel (et récemment promu général) Ould Abdel Aziz, éminence grise des présidents mauritaniens successifs, pour que l’ancien chef de l’Etat soit admis, de peu... Le lendemain, l’épouse de l’Emir se rend à la Fondation de Khattou, puis à celle d’Ould Bouamatou : à quelques dizaines de mètres de son cortège explose une fusillade et une course-poursuite s’engage entre une voiture et des soldats tandis que les balles sifflent... Elle rentre alors à la Présidence rejoindre l’Emir, qui termine rapidement son programme en recevant tout à tour le Premier ministre, le président de l’Assemblée nationale, le président du Sénat et le chef de file de l’opposition. Au fil des rendez-vous, l’Emir comprend que la situation politique, sociale, sécuritaire, est plus complexe qu’elle ne paraissait au premier abord, et que l’hypothèse d’un retour d’Ould Taya comme simple citoyen n’a jamais été sérieusement envisagée. Se sent-il joué ?
Son dernier visiteur à peine sorti, le souverain qatari ne demande pas son reste, il s’engouffre dans sa voiture, file vers l’aéroport, où il entre par une grille secondaire de l’Agence pour la sécurité de la navigation aérienne (Asecna), qui dessert l’ancien aérogare et la tour de contrôle. En quelques minutes, il est dans l’avion, qui roule déjà sur le tarmac et s’envole immédiatement. La visite d’Etat se termine en queue de poisson... Cette information parvient alors au Premier ministre mauritanien Zeine Ould Zeidane, qui quitte en hâte son bureau avec trois véhicules pour rattraper l’Emir et lui offrir un départ plus protocolaire... Mais lorsqu’il arrive à l’aéroport, l’avion officiel qatari est déjà loin dans le ciel...
Comment expliquer cette précipitation ? L’Emir aurait-il perçu au fil de ses entretiens l’extrême nervosité de ses interlocuteurs ? Rien ne se passait comme prévu depuis vingt-quatre heures... Les services secrets occidentaux, et en particulier la Cia, avaient-ils informé l’Emir, comme certains, au plus haut de l’Etat, le rapportèrent, qu’une tentative de coup d’Etat était sur le point de se produire ? Ou tout au moins un attentat visant l’inamovible colonel (nouvellement promu général) Ould Abdel Aziz, chef d’Etat-major particulier du président de la République ? Tout concordait enfin pour faire craindre à Cheikh Hamad Bin Khalifa Al Thani qu’une action violente ne se produise à l’occasion de la prochaine cérémonie officielle prévue : sa visite au futur complexe touristique ‘Diyar Qatar’, où des tentes avaient été dressées pour l’accueillir dans l’après-midi... à moins que l’attentat n’ait été préparé pour la cérémonie officielle d’adieux, prévue au Salon d’honneur de l’aéroport, que justement le souverain évita soigneusement pour rejoindre directement son avion en voiture, par une grille secondaire, et en traversant les pistes à toute vitesse !
Ainsi, on peut être souverain dans le Golfe, et ne pas se sentir parfaitement protégé en cas de coup d’Etat en Mauritanie. Il était temps de prendre un peu de distance avec une capitale décidément bien peu sûre... C’était ‘rififi à Nouakchott’, un film tragi-comique captivant qu’on ne verra pas sur les antennes d’Al Jazeera, la chaîne qatari.
Source: walfad
(M)