Le gouvernement mauritanien, en collaboration avec le Haut Commissariat des Réfugiés (Hcr) et les autorités sénégalaises, a organisé, en février dernier, le rapatriement d’un premier contingent d’une centaine de réfugiés au Sénégal, depuis 1989. Notre collaborateur, Amadou Diagne Niang, a fait partie de ce voyage. Il raconte dans ce reportage le déroulement du voyage et les modalités d’accueil sur place.
Il est dix heures quand nous foulons le sol de Rosso, en Mauritanie. Il est difficile de décrire le sentiment que ressentent les réfugiés qui, près de vingt ans plus tôt, avaient été déportés au Sénégal. En voyant le poste de police, des images se bousculent dans leurs têtes. Le décor a pourtant bien changé, même si les contrôles de police au poste frontalier sont toujours de rigueur. Une fois cette obligation remplie, on fait cap sur Nouakchott, la capitale mauritanienne.
Les 204 kilomètres qui séparent Rosso de Nouakchott paraissent interminables. Avec beaucoup d’anxiété, on prie pour que tout se passe bien. La route asphaltée était presque la même, blanche, du fait de sa vieillesse, et bordée par une bande noire. Les dunes de sable qui constituent le décor ont visiblement doublé du fait de l’avancée d’un désert vorace face à un peuple certainement peu enclin au reboisement. Les villages et hameaux dénommés P.K. (Poste kilométrique) défilent, sous l’effet de la vitesse du véhicule de location. Sur les murs, un mot revenait sans cesse : « Trachome ». Il s’agit d’une campagne nationale de lutte contre cette maladie des yeux due à la promiscuité et aux mouches.
Nous arrivons enfin à Nouakchott pour découvrir, stupéfaits, une ville qui a littéralement «explosée». Les réfugiés ne se retrouvent plus, eux qui ont si bien connu cette ville qu’ils ont vu grandir, au rythme des vagues de populations fuyant les difficultés du monde rural. Nous prenons immédiatement contact avec l’Agence nationale d’accueil et de réinsertion des réfugiés (Anair).
Son credo est « de réparer les préjudices subis et transformer le mal en bien ». L’Anair a été créé par décret du 2 janvier 2008. Sa mission consiste, entre autres, en « l’assistance d’urgence aux anciens réfugiés, à leur insertion harmonieuse sur le territoire national, la contribution au développement économique et social des zones concernées, à l’appui aux structures impliquées dans l’opération de retour des réfugiés ». Son siège se trouve dans les locaux de l’ancien parti du président déchu, Maouya Ould Taya. L’Anair, qui en est à ses premiers mois, est composée de hauts cadres compétents « qui veulent que les choses avancent ». Déjà, elle affiche ses ambitions : c’est une équipe dynamique qui mène la bataille pour gagner le pari du retour des réfugiés, sous la conduite de son directeur Moussa Fall, un banquier de formation connu dans les milieux politiques pour son efficacité dans les campagnes électorales.
« L’Anair qui coordonne ses activités avec le Hcr est la structure de mise en œuvre du retour des réfugiés mauritaniens dans leur terroir. Elle a déjà assisté les premiers mauritaniens dans le cadre d’un retour test, dans leur installation dans la région du Trarza (Rosso) », explique Moussa Fall. Selon lui, il y a une manière, typiquement du terroir, de recevoir son hôte. « Nous l’appelons El Kechwa en langue maure. Cela consiste à combler son hôte de présents, notamment en cheptel », explique encore Moussa Fall. Dans les camps des premiers arrivants que nous avons visités, le 4 mars dernier, certains ont reçu deux bœufs par famille, d’autres dix moutons ou chèvres.
SCOLARISATION DES ENFANTS : Les difficultés subsistent
Les premières difficultés rencontrées par les réfugiés de retour en Mauritanie sont dans l’éducation des enfants. En effet, les différences dans les programmes scolaires créent un lourd handicap aux enfants qui doivent, somme toute, jouir de leur droit à l’éducation.
PK6. Situé à six kilomètres de Rosso, les habitants de ce village peulh vivaient au Sénégal, dans un camp de Richard Toll, appelé Thiabak 4. Ce camp est dirigé par Aliou Moussa Sow, qui a remercié l’actuel chef d’Etat mauritanien pour l’assistance dont ils ont bénéficié. Toutefois, des problèmes subsistent. Car, « les tentes octroyées par le Hcr sont trop chaudes, pire, elles sont vétustes et se déchirent au moindre coup de vent ; nous passons tout le temps à coudre ces veilles pièces », confie Rouguiyata Samba Bâ, son épouse. Comme toutes les autres femmes, elle déplore le fait que les tentes soient partagées par tous les membres d’une même famille. Une telle situation amène le Forum des organisations nationales de droits humains en Mauritanie (Fonadh) à « douter de la gestion du Hcr ».
PK 6 est habité par des peulhs qui vivent difficilement encore leur retour au bercail, particulièrement pour les deux élèves Aminata Sow et Aissata Djiby Sow, en classe de CE2, quatrième année du primaire. Elles n’arrivent pas à intégrer une classe. Elles seront alors obligées de se rendre à Rosso avec tous les désagréments et difficultés que cela occasionnent. Cette situation est la hantise de tous les candidats au retour. Car le système éducatif sénégalais est diffèrent de celui proposé en Mauritanie où l’arabe est obligatoire dès la première année du cycle primaire.
Ici, comme ailleurs du reste, l’Anair s’active à gérer la situation. En plus du cheptel fourni, (deux vaches par famille), des tonnes de riz et du blé sont disponibles à la maison communautaire. M. Mohamed Salem est responsable du département chargé de l’assistance d’urgence et des activités génératrices de revenu. Notre guide était suivi d’un autre véhicule qui transportait du matériel de teinture qui sera livré aux femmes de PK 6 sous nos yeux. L’homme est revenu sur les magasins communautaires. Selon lui, le déporté trouve presque tout ce dont il a besoin dans « cette sorte de banque de céréales, avec un système de gestion communautaire ou le profit n’est pas recherché ».
Dans ces magasins communautaires, les denrées sont vendues à un prix très abordable et les revenus permettent de renouveler le stock. Dans un autre site, Médina-Gaya, c’est le même système, sauf qu’à la place des vaches, il s’agit ici d’une dizaine de chèvres et de moutons qui ont été fournis.
L’insertion qui semble être aujourd’hui sujet de toutes les préoccupations serait beaucoup plus aisée, aux dires de certains observateurs, si elle avait commencé par les réfugies mauritaniens qui avaient regagné le pays à la fin des années 90. Fonctionnaires pour la plupart, certains d’entre eux ont simplement été remerciés sous le régime de Taya, comme les négro-africains de la Banque centrale de Mauritanie et ceux des autres banques primaires. Depuis dix ans, ils n’ont jamais été intégrés.
Appel à un élan de solidarité
Mme Sawdadou Wane, qui dirige la Cellule de solidarité aux déportés, que nous avons rencontrée dans les locaux de l’Alliance pour la justice et la démocratie/Mouvement pour le renouveau (Ajd/Mr), une formation politique dirigée par le journaliste-écrivain Ibrahima Sarr, explique qu’un compte a été ouvert pour eux. « Et certaines bonnes volontés se sont déjà manifestées à l’endroit des nouveaux venus », ajoute-t-elle. Après l’arrivée des premiers réfugiés en Mauritanie, déclare Ibrahima Sarr, « nous avons visité trois sites d’accueil. Mais, nous avons été ahuri de trouver tous ces gens sous ces tentes, avec une maigre dotation de d’environs 15.000 Cfa ».
« Quand l’Etat ne peut pas prendre en charge 101 personnes, qu’en adviendrait-il s’il doit en recevoir des milliers », s’interroge-t-il. Il précise toutefois que l’Etat mauritanien avait donné des instructions à l’Agence nationale d’insertion et de réinsertion des réfugiés dans ce sens, et invite à la nécessaire contribution de tout le monde pour faciliter les choses.
Amadou Diagne NIANG
Source: LeSoleil
(M)
Il est dix heures quand nous foulons le sol de Rosso, en Mauritanie. Il est difficile de décrire le sentiment que ressentent les réfugiés qui, près de vingt ans plus tôt, avaient été déportés au Sénégal. En voyant le poste de police, des images se bousculent dans leurs têtes. Le décor a pourtant bien changé, même si les contrôles de police au poste frontalier sont toujours de rigueur. Une fois cette obligation remplie, on fait cap sur Nouakchott, la capitale mauritanienne.
Les 204 kilomètres qui séparent Rosso de Nouakchott paraissent interminables. Avec beaucoup d’anxiété, on prie pour que tout se passe bien. La route asphaltée était presque la même, blanche, du fait de sa vieillesse, et bordée par une bande noire. Les dunes de sable qui constituent le décor ont visiblement doublé du fait de l’avancée d’un désert vorace face à un peuple certainement peu enclin au reboisement. Les villages et hameaux dénommés P.K. (Poste kilométrique) défilent, sous l’effet de la vitesse du véhicule de location. Sur les murs, un mot revenait sans cesse : « Trachome ». Il s’agit d’une campagne nationale de lutte contre cette maladie des yeux due à la promiscuité et aux mouches.
Nous arrivons enfin à Nouakchott pour découvrir, stupéfaits, une ville qui a littéralement «explosée». Les réfugiés ne se retrouvent plus, eux qui ont si bien connu cette ville qu’ils ont vu grandir, au rythme des vagues de populations fuyant les difficultés du monde rural. Nous prenons immédiatement contact avec l’Agence nationale d’accueil et de réinsertion des réfugiés (Anair).
Son credo est « de réparer les préjudices subis et transformer le mal en bien ». L’Anair a été créé par décret du 2 janvier 2008. Sa mission consiste, entre autres, en « l’assistance d’urgence aux anciens réfugiés, à leur insertion harmonieuse sur le territoire national, la contribution au développement économique et social des zones concernées, à l’appui aux structures impliquées dans l’opération de retour des réfugiés ». Son siège se trouve dans les locaux de l’ancien parti du président déchu, Maouya Ould Taya. L’Anair, qui en est à ses premiers mois, est composée de hauts cadres compétents « qui veulent que les choses avancent ». Déjà, elle affiche ses ambitions : c’est une équipe dynamique qui mène la bataille pour gagner le pari du retour des réfugiés, sous la conduite de son directeur Moussa Fall, un banquier de formation connu dans les milieux politiques pour son efficacité dans les campagnes électorales.
« L’Anair qui coordonne ses activités avec le Hcr est la structure de mise en œuvre du retour des réfugiés mauritaniens dans leur terroir. Elle a déjà assisté les premiers mauritaniens dans le cadre d’un retour test, dans leur installation dans la région du Trarza (Rosso) », explique Moussa Fall. Selon lui, il y a une manière, typiquement du terroir, de recevoir son hôte. « Nous l’appelons El Kechwa en langue maure. Cela consiste à combler son hôte de présents, notamment en cheptel », explique encore Moussa Fall. Dans les camps des premiers arrivants que nous avons visités, le 4 mars dernier, certains ont reçu deux bœufs par famille, d’autres dix moutons ou chèvres.
SCOLARISATION DES ENFANTS : Les difficultés subsistent
Les premières difficultés rencontrées par les réfugiés de retour en Mauritanie sont dans l’éducation des enfants. En effet, les différences dans les programmes scolaires créent un lourd handicap aux enfants qui doivent, somme toute, jouir de leur droit à l’éducation.
PK6. Situé à six kilomètres de Rosso, les habitants de ce village peulh vivaient au Sénégal, dans un camp de Richard Toll, appelé Thiabak 4. Ce camp est dirigé par Aliou Moussa Sow, qui a remercié l’actuel chef d’Etat mauritanien pour l’assistance dont ils ont bénéficié. Toutefois, des problèmes subsistent. Car, « les tentes octroyées par le Hcr sont trop chaudes, pire, elles sont vétustes et se déchirent au moindre coup de vent ; nous passons tout le temps à coudre ces veilles pièces », confie Rouguiyata Samba Bâ, son épouse. Comme toutes les autres femmes, elle déplore le fait que les tentes soient partagées par tous les membres d’une même famille. Une telle situation amène le Forum des organisations nationales de droits humains en Mauritanie (Fonadh) à « douter de la gestion du Hcr ».
PK 6 est habité par des peulhs qui vivent difficilement encore leur retour au bercail, particulièrement pour les deux élèves Aminata Sow et Aissata Djiby Sow, en classe de CE2, quatrième année du primaire. Elles n’arrivent pas à intégrer une classe. Elles seront alors obligées de se rendre à Rosso avec tous les désagréments et difficultés que cela occasionnent. Cette situation est la hantise de tous les candidats au retour. Car le système éducatif sénégalais est diffèrent de celui proposé en Mauritanie où l’arabe est obligatoire dès la première année du cycle primaire.
Ici, comme ailleurs du reste, l’Anair s’active à gérer la situation. En plus du cheptel fourni, (deux vaches par famille), des tonnes de riz et du blé sont disponibles à la maison communautaire. M. Mohamed Salem est responsable du département chargé de l’assistance d’urgence et des activités génératrices de revenu. Notre guide était suivi d’un autre véhicule qui transportait du matériel de teinture qui sera livré aux femmes de PK 6 sous nos yeux. L’homme est revenu sur les magasins communautaires. Selon lui, le déporté trouve presque tout ce dont il a besoin dans « cette sorte de banque de céréales, avec un système de gestion communautaire ou le profit n’est pas recherché ».
Dans ces magasins communautaires, les denrées sont vendues à un prix très abordable et les revenus permettent de renouveler le stock. Dans un autre site, Médina-Gaya, c’est le même système, sauf qu’à la place des vaches, il s’agit ici d’une dizaine de chèvres et de moutons qui ont été fournis.
L’insertion qui semble être aujourd’hui sujet de toutes les préoccupations serait beaucoup plus aisée, aux dires de certains observateurs, si elle avait commencé par les réfugies mauritaniens qui avaient regagné le pays à la fin des années 90. Fonctionnaires pour la plupart, certains d’entre eux ont simplement été remerciés sous le régime de Taya, comme les négro-africains de la Banque centrale de Mauritanie et ceux des autres banques primaires. Depuis dix ans, ils n’ont jamais été intégrés.
Appel à un élan de solidarité
Mme Sawdadou Wane, qui dirige la Cellule de solidarité aux déportés, que nous avons rencontrée dans les locaux de l’Alliance pour la justice et la démocratie/Mouvement pour le renouveau (Ajd/Mr), une formation politique dirigée par le journaliste-écrivain Ibrahima Sarr, explique qu’un compte a été ouvert pour eux. « Et certaines bonnes volontés se sont déjà manifestées à l’endroit des nouveaux venus », ajoute-t-elle. Après l’arrivée des premiers réfugiés en Mauritanie, déclare Ibrahima Sarr, « nous avons visité trois sites d’accueil. Mais, nous avons été ahuri de trouver tous ces gens sous ces tentes, avec une maigre dotation de d’environs 15.000 Cfa ».
« Quand l’Etat ne peut pas prendre en charge 101 personnes, qu’en adviendrait-il s’il doit en recevoir des milliers », s’interroge-t-il. Il précise toutefois que l’Etat mauritanien avait donné des instructions à l’Agence nationale d’insertion et de réinsertion des réfugiés dans ce sens, et invite à la nécessaire contribution de tout le monde pour faciliter les choses.
Amadou Diagne NIANG
Source: LeSoleil
(M)