L'écrivain Malek Chebel a dénoncé l'appel au boycottage des écrivains arabes.
C'est un Salon du livre sous tension, et pas tout à fait comme les autres qui s'ouvre demain à Paris pour six jours. La raison en est politique: cette année, l'invité d'honneur est Israël. Ou plutôt: la littérature israélienne. Mais, littérature ou pas, de nombreux pays arabes ont décidé de boycotter l'événement, d'autant plus qu'il coïncide avec le 60e anniversaire de la création de l'État d'Israël.
Parmi ceux qui prônent le boycottage, on trouve les pays du Maghreb - Algérie, Maroc et Tunisie -, trois pays arabes qui entretiennent avec la France des relations historiques, politiques et culturelles particulièrement fortes. Et le Liban, où une bonne moitié de la population est intensément francophile. Leurs écrivains les plus connus écrivent en français et publient dans des maisons d'éditions à Paris pour la plupart.
Pour la première fois depuis la création du Salon du livre, on ne trouvera pas les stands de ces pays à la porte de Versailles. Et des pressions diverses, émanant des gouvernements arabes ou des organismes professionnels, se sont exercées sur les écrivains concernés pour qu'ils s'abstiennent de venir au Salon. Une majorité d'entre eux ont toutefois décidé de passer outre à cette consigne de boycottage.
Mais c'est dans un climat tendu et avec des mesures de sécurité exceptionnelles que se déroulera le Salon. Tout particulièrement demain, pour la soirée d'ouverture. Il faut dire que l'inauguration officielle aura lieu, en fin d'après-midi - et donc avant l'arrivée de la foule des invités - en présence du président de l'État hébreu, Shimon Pérès, qui effectue cette semaine une visite d'État à Paris, avec les mesures de sécurité franco-israéliennes qu'on imagine.
Pour cette soirée d'inauguration, tous les exposants et professionnels ont été priés de venir au plus tard à 16h30, après quoi les portes seront bouclées pour de bon. Et, pour le cocktail traditionnellement organisé sur le stand Gallimard pour l'invité d'honneur, la sécurité sera en partie assurée par des vigiles de l'ambassade israélienne. Il est possible que des portiques de contrôle, comme dans les aéroports, soient installés pour toute la durée du Salon.
Une responsable de l'événement, Christine de Mazière, déclare de son côté à Libération: «Il pourra effectivement se passer des choses. Certains ont appelé à une présence critique, et on ne sait pas exactement ce que cela peut signifier.» Sans aller jusqu'à l'hypothèse terroriste, beaucoup de responsables redoutent des incidents, à commencer par des manifestations bruyantes autour du stand israélien.
Dans certains cas - les pays du Maghreb, mais aussi l'Arabie Saoudite, le Yémen et l'Iran -, ce sont les gouvernements qui prônent le boycottage. Ailleurs, comme en Égypte par exemple, ce sont les syndicats (officiels) d'écrivains ou d'éditeurs qui prennent le relais. Et placent beaucoup d'écrivains dans une situation inconfortable.
Ainsi le romancier égyptien Alaa el-Aswani, célèbre auteur de L'immeuble Yacoubian, et qui viendra malgré tout à Paris, s'est senti obligé de dénoncer l'événement: «Inviter un pays coupable de crimes contre l'humanité est une faute très grave.» En France, l'écrivain à succès Yasmina Khadra, auteur des Hirondelles de Kaboul, a fait savoir qu'il se joint au boycottage. Il faut dire qu'il est devenu entre-temps le très officiel directeur du Centre culturel algérien de Paris.
Dans l'ensemble, les écrivains arabes publiant à Paris ont décidé, publiquement ou dans la plus grande discrétion, de participer au Salon comme si de rien n'était. Cela vaut pour le Marocain Tahar Ben Jelloun (qui vit à Paris), pour Boualem Sansal, qui viendra spécialement d'Algérie pour la circonstance, malgré les pressions officielles.
Quant à l'essayiste Malek Chebel, qui se veut musulman et libéral, et qui vient de publier un ouvrage sur le sujet délicat de l'esclavage en terre d'Islam, il ne se gêne pas pour condamner sans réserve cet appel au boycottage: «Ce sont les mêmes régimes arabes, fort peu démocratiques, dit-il à La Presse, qui entretiennent des relations diplomatiques avec Israël et veulent forcer les écrivains au boycott. Une position hypocrite et scandaleuse qui équivaut à prendre la littérature en otage. C'est d'autant plus odieux que, parmi les 39 écrivains israéliens invités, la plupart sont critiques de la politique de leur gouvernement et sont des partisans de la paix.»
Louis-Bernard Robitaille
Source: cyberpresse
(M)
Parmi ceux qui prônent le boycottage, on trouve les pays du Maghreb - Algérie, Maroc et Tunisie -, trois pays arabes qui entretiennent avec la France des relations historiques, politiques et culturelles particulièrement fortes. Et le Liban, où une bonne moitié de la population est intensément francophile. Leurs écrivains les plus connus écrivent en français et publient dans des maisons d'éditions à Paris pour la plupart.
Pour la première fois depuis la création du Salon du livre, on ne trouvera pas les stands de ces pays à la porte de Versailles. Et des pressions diverses, émanant des gouvernements arabes ou des organismes professionnels, se sont exercées sur les écrivains concernés pour qu'ils s'abstiennent de venir au Salon. Une majorité d'entre eux ont toutefois décidé de passer outre à cette consigne de boycottage.
Mais c'est dans un climat tendu et avec des mesures de sécurité exceptionnelles que se déroulera le Salon. Tout particulièrement demain, pour la soirée d'ouverture. Il faut dire que l'inauguration officielle aura lieu, en fin d'après-midi - et donc avant l'arrivée de la foule des invités - en présence du président de l'État hébreu, Shimon Pérès, qui effectue cette semaine une visite d'État à Paris, avec les mesures de sécurité franco-israéliennes qu'on imagine.
Pour cette soirée d'inauguration, tous les exposants et professionnels ont été priés de venir au plus tard à 16h30, après quoi les portes seront bouclées pour de bon. Et, pour le cocktail traditionnellement organisé sur le stand Gallimard pour l'invité d'honneur, la sécurité sera en partie assurée par des vigiles de l'ambassade israélienne. Il est possible que des portiques de contrôle, comme dans les aéroports, soient installés pour toute la durée du Salon.
Une responsable de l'événement, Christine de Mazière, déclare de son côté à Libération: «Il pourra effectivement se passer des choses. Certains ont appelé à une présence critique, et on ne sait pas exactement ce que cela peut signifier.» Sans aller jusqu'à l'hypothèse terroriste, beaucoup de responsables redoutent des incidents, à commencer par des manifestations bruyantes autour du stand israélien.
Dans certains cas - les pays du Maghreb, mais aussi l'Arabie Saoudite, le Yémen et l'Iran -, ce sont les gouvernements qui prônent le boycottage. Ailleurs, comme en Égypte par exemple, ce sont les syndicats (officiels) d'écrivains ou d'éditeurs qui prennent le relais. Et placent beaucoup d'écrivains dans une situation inconfortable.
Ainsi le romancier égyptien Alaa el-Aswani, célèbre auteur de L'immeuble Yacoubian, et qui viendra malgré tout à Paris, s'est senti obligé de dénoncer l'événement: «Inviter un pays coupable de crimes contre l'humanité est une faute très grave.» En France, l'écrivain à succès Yasmina Khadra, auteur des Hirondelles de Kaboul, a fait savoir qu'il se joint au boycottage. Il faut dire qu'il est devenu entre-temps le très officiel directeur du Centre culturel algérien de Paris.
Dans l'ensemble, les écrivains arabes publiant à Paris ont décidé, publiquement ou dans la plus grande discrétion, de participer au Salon comme si de rien n'était. Cela vaut pour le Marocain Tahar Ben Jelloun (qui vit à Paris), pour Boualem Sansal, qui viendra spécialement d'Algérie pour la circonstance, malgré les pressions officielles.
Quant à l'essayiste Malek Chebel, qui se veut musulman et libéral, et qui vient de publier un ouvrage sur le sujet délicat de l'esclavage en terre d'Islam, il ne se gêne pas pour condamner sans réserve cet appel au boycottage: «Ce sont les mêmes régimes arabes, fort peu démocratiques, dit-il à La Presse, qui entretiennent des relations diplomatiques avec Israël et veulent forcer les écrivains au boycott. Une position hypocrite et scandaleuse qui équivaut à prendre la littérature en otage. C'est d'autant plus odieux que, parmi les 39 écrivains israéliens invités, la plupart sont critiques de la politique de leur gouvernement et sont des partisans de la paix.»
Louis-Bernard Robitaille
Source: cyberpresse
(M)