Le député néerlandais d'extrême droite Geert Wilders.
La diffusion depuis jeudi sur Internet d'un film provocateur sur le Coran, qui faisait craindre le pire au gouvernement néerlandais, a eu l'effet d'un pétard mouillé au sein de la communauté musulmane du petit pays.
Hier, la plupart des résidants musulmans d'Amsterdam interrogés par La Presse ont accueilli avec un haussement d'épaules, voire un sourire moqueur, les questions relatives à la vidéo du controversé député populiste Geert Winders.
«Ce qu'il montre, ce n'est pas le vrai islam», a déclaré Aïcha, rencontrée en matinée alors qu'elle se promenait avec ses deux jeunes enfants le long d'un des canaux de l'ouest de la ville.
«J'ai vu quelques extraits du film à la télé, mais je ne veux pas le voir sur l'internet. Je ne veux pas contribuer personnellement à faire monter le nombre de visionnements», a indiqué la jeune femme, qui s'est converti à l'islam il y a cinq ans.
«Il (Wilders) ne veut pas parler avec les musulmans. Il ne veut entendre que ce qui conforte sa vision», déplore-t-elle.
«Il est stupide... Il fait comme Hitler en cherchant à tout blâmer sur les minorités», a déclaré Yasine, un chauffeur de 28 ans qui disait vouloir regarder le film sur l'internet «par curiosité».
«Tout ce qu'il fait, c'est crier. Mais il ne propose pas de solution. Si c'est ça être un politicien, tout le monde peut l'être», souligne-t-il.
Tofik Dibi, jeune député musulman, estime aussi que le film, visionné plus de trois millions de fois depuis sa mise en ligne, constitue une sorte «d'anti-climax».
«Il présente des scènes violentes que nous connaissons déjà et qui nous ont scandalisées. Mais il n'apporte rien au débat», déplore-t-il.
Le député de 27 ans prépare lui-même un film qui devrait être prêt à la fin de l'année. Il cherchera à favoriser un rapprochement entre musulmans et non-musulmans, sans esquiver ce qu'il appelle les «côtés sombres» de l'islam.
«Il est important que les gens reconnaissent qu'il y a des problèmes et que nous devons les discuter», dit M. Dibi, qui s'est fait arrêté en janvier sur la place centrale d'Amsterdam lors d'une manifestation contre Geert Wilders. Il portait une pancarte arborant une photo du député et un message, calqué sur les campagnes antitabac, précisant que «l'extrémisme est dangereux pour votre santé».
Le premier ministre Jan Peter Balkanede s'est félicité hier de la réaction modérée des principales organisations musulmanes du pays. Leurs dirigeants insistaient depuis plusieurs jours sur la nécessité de réagir sans violence à la «provocation» de Geert Wilders, qui a fait de ses envolées anti-islam et anti-immigration le point central de son programme politique.
M. Balkanede a déclaré qu'il regrettait la diffusion du film, mis en ligne sur le site anglais Liveleak. «Il amalgame l'islam et la violence. Nous rejetons cette interprétation», a-t-il noté.
La justice néerlandaise entend vérifier si le document contrevient aux dispositions de la loi interdisant l'incitation à la haine. M. Wilders s'est dit convaincu que son film était «convenable» et ne prêtait pas flanc aux poursuites réclamées par ses détracteurs.
Bas Heijne, chroniqueur politique au respecté quotidien néerlandais NRC Handelsblad, ne croit pas que le film aura d'importantes répercussions locales et internationales, même s'il a été dénoncé hier par plusieurs pays musulmans.
«Les problèmes sous-jacents (dans la société néerlandaise) n'ont pas disparu pour autant», souligne M. Heijne, qui déplore l'importance de l'attention médiatique accordée aux frasques de l'apprenti cinéaste. «Le climat d'hystérie, les débats enflammés qui entourent des interventions de ce type sont contre-productifs», dit-il.
Geert Wilders, poursuit le journaliste, réussit à tirer profit par ses interventions «paranoïaques» des inquiétudes ressenties par la société néerlandaise face à l'immigration et la mondialisation.
L'assassinat en 2004 par un intégriste musulman du réalisateur Théo Van Gogh, auteur d'un brûlot sur les liens entre les femmes et l'islam, a contribué, dit-il, à l'éclatement du sentiment d'unité national et à une remise en cause du multiculturalisme.
«Les Néerlandais ont longtemps cru qu'ils étaient spéciaux, que leur pays pouvait faire face à la complexité du monde sans sourciller. Soudainement, ils ont découvert que ce n'était pas tout à fait vrai. Et ils ont découvert que le monde était grand et dangereux», caricature-t-il en parlant des préoccupations ressenties par l'électorat du député populiste.
Les partisans de M. Wilders, souligne-t-il, devront ultimement accepter qu'ils vivent dans une société pluraliste «qu'ils le veuillent ou non».
Même son de cloche de Tofik Dibi, qui plaide pour un dialogue soutenu afin de faire tomber la méfiance entre communautés. «On ne peut pas, comme le veut M. Wilders, se contenter de dire que l'on va renvoyer les musulmans au Moyen-Orient et fermer les frontières. Ce n'est pas possible», dit-il.
Le monde musulman partagé
La mise en ligne du film anti-islam du député Geert Wilders a suscité des réactions d'indignation dans le monde musulman, où certaines voix se sont toutefois élevées pour appeler à la modération et au dialogue. Si l'Iran a dénoncé une «vendetta de la part de citoyens occidentaux», les Frères musulmans égyptiens ont jugé qu'il ne fallait pas «grossir» l'événement, deux ans après l'affaire des caricatures du prophète Mahomet qui avaient déclenché une vague de violences dans les pays musulmans. L'Organisation de la conférence islamique (OCI) a présenté le film de Geert Wilders comme «une incitation à la haine» destinée «uniquement à provoquer la violence et l'intolérance» religieuse. Le Pakistan, où des centaines d'étudiants avaient manifesté la semaine dernière contre la diffusion du film, a pour sa part convoqué l'ambassadeur des Pays-Bas pour demander des poursuites pour diffamation contre M. Wilders. À Amman, des responsables de médias ont annoncé qu'ils allaient traîner le député néerlandais devant la justice jordanienne et commencer une campagne de boycottage de produits néerlandais.
Source: cyberpresse
(M)
Hier, la plupart des résidants musulmans d'Amsterdam interrogés par La Presse ont accueilli avec un haussement d'épaules, voire un sourire moqueur, les questions relatives à la vidéo du controversé député populiste Geert Winders.
«Ce qu'il montre, ce n'est pas le vrai islam», a déclaré Aïcha, rencontrée en matinée alors qu'elle se promenait avec ses deux jeunes enfants le long d'un des canaux de l'ouest de la ville.
«J'ai vu quelques extraits du film à la télé, mais je ne veux pas le voir sur l'internet. Je ne veux pas contribuer personnellement à faire monter le nombre de visionnements», a indiqué la jeune femme, qui s'est converti à l'islam il y a cinq ans.
«Il (Wilders) ne veut pas parler avec les musulmans. Il ne veut entendre que ce qui conforte sa vision», déplore-t-elle.
«Il est stupide... Il fait comme Hitler en cherchant à tout blâmer sur les minorités», a déclaré Yasine, un chauffeur de 28 ans qui disait vouloir regarder le film sur l'internet «par curiosité».
«Tout ce qu'il fait, c'est crier. Mais il ne propose pas de solution. Si c'est ça être un politicien, tout le monde peut l'être», souligne-t-il.
Tofik Dibi, jeune député musulman, estime aussi que le film, visionné plus de trois millions de fois depuis sa mise en ligne, constitue une sorte «d'anti-climax».
«Il présente des scènes violentes que nous connaissons déjà et qui nous ont scandalisées. Mais il n'apporte rien au débat», déplore-t-il.
Le député de 27 ans prépare lui-même un film qui devrait être prêt à la fin de l'année. Il cherchera à favoriser un rapprochement entre musulmans et non-musulmans, sans esquiver ce qu'il appelle les «côtés sombres» de l'islam.
«Il est important que les gens reconnaissent qu'il y a des problèmes et que nous devons les discuter», dit M. Dibi, qui s'est fait arrêté en janvier sur la place centrale d'Amsterdam lors d'une manifestation contre Geert Wilders. Il portait une pancarte arborant une photo du député et un message, calqué sur les campagnes antitabac, précisant que «l'extrémisme est dangereux pour votre santé».
Le premier ministre Jan Peter Balkanede s'est félicité hier de la réaction modérée des principales organisations musulmanes du pays. Leurs dirigeants insistaient depuis plusieurs jours sur la nécessité de réagir sans violence à la «provocation» de Geert Wilders, qui a fait de ses envolées anti-islam et anti-immigration le point central de son programme politique.
M. Balkanede a déclaré qu'il regrettait la diffusion du film, mis en ligne sur le site anglais Liveleak. «Il amalgame l'islam et la violence. Nous rejetons cette interprétation», a-t-il noté.
La justice néerlandaise entend vérifier si le document contrevient aux dispositions de la loi interdisant l'incitation à la haine. M. Wilders s'est dit convaincu que son film était «convenable» et ne prêtait pas flanc aux poursuites réclamées par ses détracteurs.
Bas Heijne, chroniqueur politique au respecté quotidien néerlandais NRC Handelsblad, ne croit pas que le film aura d'importantes répercussions locales et internationales, même s'il a été dénoncé hier par plusieurs pays musulmans.
«Les problèmes sous-jacents (dans la société néerlandaise) n'ont pas disparu pour autant», souligne M. Heijne, qui déplore l'importance de l'attention médiatique accordée aux frasques de l'apprenti cinéaste. «Le climat d'hystérie, les débats enflammés qui entourent des interventions de ce type sont contre-productifs», dit-il.
Geert Wilders, poursuit le journaliste, réussit à tirer profit par ses interventions «paranoïaques» des inquiétudes ressenties par la société néerlandaise face à l'immigration et la mondialisation.
L'assassinat en 2004 par un intégriste musulman du réalisateur Théo Van Gogh, auteur d'un brûlot sur les liens entre les femmes et l'islam, a contribué, dit-il, à l'éclatement du sentiment d'unité national et à une remise en cause du multiculturalisme.
«Les Néerlandais ont longtemps cru qu'ils étaient spéciaux, que leur pays pouvait faire face à la complexité du monde sans sourciller. Soudainement, ils ont découvert que ce n'était pas tout à fait vrai. Et ils ont découvert que le monde était grand et dangereux», caricature-t-il en parlant des préoccupations ressenties par l'électorat du député populiste.
Les partisans de M. Wilders, souligne-t-il, devront ultimement accepter qu'ils vivent dans une société pluraliste «qu'ils le veuillent ou non».
Même son de cloche de Tofik Dibi, qui plaide pour un dialogue soutenu afin de faire tomber la méfiance entre communautés. «On ne peut pas, comme le veut M. Wilders, se contenter de dire que l'on va renvoyer les musulmans au Moyen-Orient et fermer les frontières. Ce n'est pas possible», dit-il.
Le monde musulman partagé
La mise en ligne du film anti-islam du député Geert Wilders a suscité des réactions d'indignation dans le monde musulman, où certaines voix se sont toutefois élevées pour appeler à la modération et au dialogue. Si l'Iran a dénoncé une «vendetta de la part de citoyens occidentaux», les Frères musulmans égyptiens ont jugé qu'il ne fallait pas «grossir» l'événement, deux ans après l'affaire des caricatures du prophète Mahomet qui avaient déclenché une vague de violences dans les pays musulmans. L'Organisation de la conférence islamique (OCI) a présenté le film de Geert Wilders comme «une incitation à la haine» destinée «uniquement à provoquer la violence et l'intolérance» religieuse. Le Pakistan, où des centaines d'étudiants avaient manifesté la semaine dernière contre la diffusion du film, a pour sa part convoqué l'ambassadeur des Pays-Bas pour demander des poursuites pour diffamation contre M. Wilders. À Amman, des responsables de médias ont annoncé qu'ils allaient traîner le député néerlandais devant la justice jordanienne et commencer une campagne de boycottage de produits néerlandais.
Source: cyberpresse
(M)