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Arrivés au Sénégal en 1989, fuyant la répression dans leur pays d’origine, les réfugiés mauritaniens vivant au Sénégal n’ont jamais été dans une posture aussi précaire. En proie à de nombreuses difficultés et surtout ayant le sentiment d’avoir été abandonnés à eux-mêmes par le HCR et le gouvernement, ils ont donné de la voix pour dénoncer la précarité de leur condition.
Hier, vers dix heures du matin, le siège du groupe Wal Fadjri a accueilli des hôtes un peu particuliers. Une cinquantaine de réfugiés mauritaniens, brassards rouges aux bras ou bandeaux sur la tête et criant à tue tête ‘Y en a marre’, y ont fait un sit-in d’au moins trois quarts d’heure. ‘Nous voulons notre droit’ ; ‘Nous réclamons le départ de Gilbert Loubaki et de Oulimata Dioum (responsables de protection au Hcr, Ndlr) immédiatement’ ; ‘Nous exigeons l’accès à l’éducation et aux soins de santé’… Ce sont là quelques revendications qui ont rythmé leur concert de protestation. Après ce crochet qui leur a permis de sensibiliser la presse, les réfugiés ont pris la route pour se rendre au siège du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés à Liberté 6 Extension. Sur place, ils ont, pendant une heure, bravant un soleil de plomb, de vive voix dénoncé la duplicité des officiels du Hcr à leur égard, mais aussi le gouvernement sénégalais.
Porte-parole de la Coordination des associations de réfugiés mauritaniens au Sénégal, (Corms), Ibrahima Mangara a fait un sévère réquisitoire contre le Hcr et le gouvernement sénégalais. ‘Ils (le gouvernement et le Hcr) nous forcent à rentrer en Mauritanie alors que le gouvernement mauritanien ne veut pas de nous et n’est pas prêt à nous reconnaître des droits’. Une posture qui ressemble, selon la foi du réfugié mauritanien, ‘à une fuite de responsabilité’. Les réfugiés sont surtout désabusés par les dures conditions d’existence et de nombreux dénis des droits. ‘Le Hcr nous a condamné à une grande misère, déplorent-ils en chœur. Nous n’avons pas d’assistance pour subsistance, la majorité de nos enfants a dû arrêter l’école et nous ne bénéficions plus des soins médicaux’. Ce constat fait, ils estiment que le Hcr doit honorer sa mission qui est ‘d’assister et de protéger les réfugiés’ tout en notant que le personnel de l’agence onusienne se contente seulement de ses nombreux privilèges.
Dans un mémorandum adressé au Hcr et aux autorités sénégalaises qui, selon la Corms, ‘s’inscrit dans la logique de continuité des conclusions de la journée mondiale du réfugié africain célébrée le 20 juin’, les réfugiés requièrent ainsi trois mesures urgentes : l’ouverture d’un dialogue franc et sincère entre le Hcr et les dirigeants des associations des réfugiés mauritaniens, la délivrance immédiate de la carte d’identité de réfugié à tous ceux qui ont été oubliés lors de l’opération menée à cet effet au mois d’avril et la reprise urgente d’un retour organisé et civilisé des milliers des réfugiés encore présents au Sénégal et au Mali. Au-delà de ces problèmes techniques, les réfugiés mauritaniens ont aussi exprimé de façon pressante des soucis de survie.
Parlant au nom des femmes, Guédado Ly a demandé aux autorités du Hcr de faire diligence sur les difficultés que les familles vivent au quotidien. ‘Beaucoup parmi nous ici ont été victimes des inondations, renseigne-t-elle. Les officiels du Hcr avaient promis de nous aider pour être relogés, mais, jusqu’au moment où nous parlons, ils n’ont rien fait’. Conséquence de cette attitude prêtée aux officiels de l’agence onusienne, ‘une vingtaine de familles passent la nuit à la belle étoile’, soutient la réfugiée.
Au Hcr, où nous nous sommes rendus pour avoir des éclairages sur les affirmations des réfugiés, les officiels se sont tristement distingués. Comme si ils voulaient cacher quelque chose, ils nous ont renvoyé sans courtoisie. ‘Nous ne voulons pas parler aux journalistes’, nous nous sommes entendu dire. ‘Ils sont comme ça au Hcr, charge Mangara. Ils n’aiment jamais que les journalistes sachent ce qu’ils font. Ils y a des réfugiés qui meurent dans des hôpitaux faute de soins, mais ils font comme si il n’y avait pas urgence’.
Mohamed MBOYO
Source: walf fadjri