Dans son petit bureau du nouvel hôpital de Pikine (12 km de Dakar), Aminata Sophie Coulbary jongle calmement entre les coups de fil qui s’enchaînent et les rapports à rédiger. La quarantaine épanouie, l’anesthésiste impose le respect dans sa grande blouse blanche. Elle a une démarche sereine et gracieuse, des yeux discrètement ourlés de khôl et des cheveux tressés en un élégant chignon.
C’est en août 2006 que Sophie Coulbary a été affectée comme chef du service de réanimation dans cet établissement hospitalier où tout était à faire. Une responsabilité qui l’enchante : ‘J’ai pu organiser le service à ma convenance et j’ai aussi été chargée d’ouvrir le bloc opératoire.’
L’anesthésiste mesure sa chance : elle sait mieux que quiconque que peu de femmes au Sénégal accèdent à un tel niveau de la hiérarchie du monde médical, dominé par les hommes. Comme dans bien d'autres pays, les postes d'infirmières et d'aides-soignantes sont encore largement une quasi-spécialité féminine tandis que les femmes chirurgiens ou anesthésistes sont loin d'être majoritaires. Au Sénégal, on compte toutefois dix femmes sur trente anesthésistes.
Avant d’occuper ce poste, Sophie exerçait en chirurgie cardiaque à l’hôpital de Fann, à Dakar. ‘Mais là-bas, dit-elle, je n’avais pas la même liberté d’action. Quand on est sous la coupe d’un chef de service, c’est bien plus compliqué. Chez nos collègues masculins, le préjugé persiste que nous ne sommes pas capables d’exercer certaines activités.’
Tout son parcours est comme un pied de nez à ceux qui auraient voulu la cantonner à des tâches domestiques et familiales. Sophie Coulbary a grandi à Bambey, à 150 km à l'est de Dakar, près d’un grand-père qu’elle adorait, décédé en 1974. ‘C'est à cette époque qu'est née ma vocation, confie-t-elle. Mon grand-père était agent des chemins de fer. Il a eu un accident à son travail et les médecins n’ont pas réussi à le soigner. Le jour de sa mort, j’ai su que je travaillerais un jour dans la santé’.
Sophie, qui a alors 6 ans, rêve au mieux de devenir infirmière. ‘J’avais une tante aide soignante, dit-elle, mais personne ne pensait que je pouvais être médecin.’ D'autant qu'elle est issue d'un milieu modeste : un père aide comptable qui perdra son emploi et une mère femme de ménage : la famille Coulbary se débrouille comme elle peut.
Durant toute sa scolarité, Sophie est une élève sérieuse et appliquée. Après son bac, elle s’inscrit en fac de médecine à l’Université de Dakar et, grâce à une bourse, fera au total douze années d’études. ‘Dans la famille, je suis la seule femme à avoir fait des études aussi poussées, explique-t-elle. Et lorsque j’ai dit aux étudiants à la fac que j’allais faire anesthésie, c’était quelque chose ! Pour beaucoup de médecins, les femmes doivent se cantonner à l’ophtalmologie, jugée plus facile que d’autres spécialités, ou à la pédiatrie et à la gynécologie parce que cela concerne les enfants et les femmes. Je ne voulais pas être gynécologue, car j’aurais détesté voir les femmes souffrir en accouchant et l’ophtalmologie ne m’intéressait pas. Quant à la pédiatrie, le secteur était saturé.’
Aujourd’hui, Sophie paye le brix de son caractère bien trempé dans une société qui fait la part belle aux hommes. ‘Je ne suis pas mariée, mais ce n’est pas par choix. Les hommes que je rencontre, n’osent pas me parler. J’aurais trop de tempérament !’. Insoumise, Sophie a toujours refusé de se plier à la tradition qui impose aux femmes de s’occuper de tout à la maison. Résultat : pas de mari à ses côtés et un travail qui la passionne.
Les choses évoluent pourtant : ‘Désormais, souligne-t-elle, les femmes sont majoritaires sur les bancs de la faculté de médecine au Sénégal’, mais, à l’hôpital, les rapports entre les femmes et les hommes restent tendus : ‘C’est dur de travailler avec certains d’entre eux, car nous sommes encore dans une société où les femmes ne doivent pas commander aux hommes.’ Quant aux patients, assure-t-elle, ils lui font confiance en tant qu'anesthésiste et n’ont aucun problème à être soignés par des femmes : ‘Nous prenons plus de temps pour les écouter, et ça c’est un plus pour eux.’
Ramata SY
Source: walfad
(M)
C’est en août 2006 que Sophie Coulbary a été affectée comme chef du service de réanimation dans cet établissement hospitalier où tout était à faire. Une responsabilité qui l’enchante : ‘J’ai pu organiser le service à ma convenance et j’ai aussi été chargée d’ouvrir le bloc opératoire.’
L’anesthésiste mesure sa chance : elle sait mieux que quiconque que peu de femmes au Sénégal accèdent à un tel niveau de la hiérarchie du monde médical, dominé par les hommes. Comme dans bien d'autres pays, les postes d'infirmières et d'aides-soignantes sont encore largement une quasi-spécialité féminine tandis que les femmes chirurgiens ou anesthésistes sont loin d'être majoritaires. Au Sénégal, on compte toutefois dix femmes sur trente anesthésistes.
Avant d’occuper ce poste, Sophie exerçait en chirurgie cardiaque à l’hôpital de Fann, à Dakar. ‘Mais là-bas, dit-elle, je n’avais pas la même liberté d’action. Quand on est sous la coupe d’un chef de service, c’est bien plus compliqué. Chez nos collègues masculins, le préjugé persiste que nous ne sommes pas capables d’exercer certaines activités.’
Tout son parcours est comme un pied de nez à ceux qui auraient voulu la cantonner à des tâches domestiques et familiales. Sophie Coulbary a grandi à Bambey, à 150 km à l'est de Dakar, près d’un grand-père qu’elle adorait, décédé en 1974. ‘C'est à cette époque qu'est née ma vocation, confie-t-elle. Mon grand-père était agent des chemins de fer. Il a eu un accident à son travail et les médecins n’ont pas réussi à le soigner. Le jour de sa mort, j’ai su que je travaillerais un jour dans la santé’.
Sophie, qui a alors 6 ans, rêve au mieux de devenir infirmière. ‘J’avais une tante aide soignante, dit-elle, mais personne ne pensait que je pouvais être médecin.’ D'autant qu'elle est issue d'un milieu modeste : un père aide comptable qui perdra son emploi et une mère femme de ménage : la famille Coulbary se débrouille comme elle peut.
Durant toute sa scolarité, Sophie est une élève sérieuse et appliquée. Après son bac, elle s’inscrit en fac de médecine à l’Université de Dakar et, grâce à une bourse, fera au total douze années d’études. ‘Dans la famille, je suis la seule femme à avoir fait des études aussi poussées, explique-t-elle. Et lorsque j’ai dit aux étudiants à la fac que j’allais faire anesthésie, c’était quelque chose ! Pour beaucoup de médecins, les femmes doivent se cantonner à l’ophtalmologie, jugée plus facile que d’autres spécialités, ou à la pédiatrie et à la gynécologie parce que cela concerne les enfants et les femmes. Je ne voulais pas être gynécologue, car j’aurais détesté voir les femmes souffrir en accouchant et l’ophtalmologie ne m’intéressait pas. Quant à la pédiatrie, le secteur était saturé.’
Aujourd’hui, Sophie paye le brix de son caractère bien trempé dans une société qui fait la part belle aux hommes. ‘Je ne suis pas mariée, mais ce n’est pas par choix. Les hommes que je rencontre, n’osent pas me parler. J’aurais trop de tempérament !’. Insoumise, Sophie a toujours refusé de se plier à la tradition qui impose aux femmes de s’occuper de tout à la maison. Résultat : pas de mari à ses côtés et un travail qui la passionne.
Les choses évoluent pourtant : ‘Désormais, souligne-t-elle, les femmes sont majoritaires sur les bancs de la faculté de médecine au Sénégal’, mais, à l’hôpital, les rapports entre les femmes et les hommes restent tendus : ‘C’est dur de travailler avec certains d’entre eux, car nous sommes encore dans une société où les femmes ne doivent pas commander aux hommes.’ Quant aux patients, assure-t-elle, ils lui font confiance en tant qu'anesthésiste et n’ont aucun problème à être soignés par des femmes : ‘Nous prenons plus de temps pour les écouter, et ça c’est un plus pour eux.’
Ramata SY
Source: walfad
(M)