Clavel Kayitare portait le numéro 13 quand il a quitté le Rwanda pour la France avec trente autres gamins rescapés du génocide. Gravement blessé, traumatisé, il se reconstruit depuis 1994 auprès de Nadine et Antoine Léonard-Maestrati, ses parents adoptifs. Lorsqu’il décide de retourner au Rwanda, en 2007 son père, documentariste, l’accompagne. Résultat: Clavel l’enfant n°13, un film sensible sur le parcours d’un jeune homme hors du commun diffusé le 24 avril sur France 3.
Lorsque Clavel débarque en France, il n’est encore qu’un petit bonhomme de huit ans. Et il n’a plus envie de vivre. Sa jambe droite est brûlée, son genou déchiqueté par une grenade, il souffre de septicémie. Il a assisté à l’assassinat de dizaines de personnes, dont certains membres de sa famille. Nous sommes en 1994. Au Rwanda, le génocide a déjà fait des milliers de victimes. Clavel a miraculeusement échappé à la mort. Il est transporté, avec trente autres enfants, en France. Le 5 juin, à l’aéroport d’Orly, Antoine et Nadine Léonard-Maestrati s’apprêtent à accueillir un enfant, celui qui porte le numéro 13 et dont ils ne savent rien encore, pour quelques semaines. Le temps de se faire soigner, que la guerre cesse.
2008, Clavel a 22 ans, il est toujours en France, sur une piste d’athlétisme cette fois. Et il court. Il se prépare à défendre les couleurs de la France aux jeux Paralympiques de Pékin. Quatorze ans après son arrivée. Quatorze années d’une lente reconstruction physique et psychologique que raconte le documentaire qui sera diffusé le 24 avril prochain sur France 3.
Le film conduit le spectateur, avec une extrême pudeur, au Rwanda où le jeune homme retrouve sa tante et un frère, une cousine et un oncle, seuls rescapés d’une famille qui comptait une quarantaine de personnes. Un récit juste et émouvant, sans images choc, sans long discours, juste quelques mots.
Dire l’indicible
C’est le père adoptif de Clavel, Antoine Léonard-Maestrati, qui a fait le film. « Je suis un réalisateur plutôt pudique. Mais le retrait s’imposait encore plus ici. Le Tutsi rwandais n’est pas bavard, comme tous les gens en danger. Quand nous sommes arrivés, juste après les retrouvailles, j’ai voulu laisser Clavel avec sa famille. Je ne voulais pas que la présence de la caméra casse ces moments précieux. J’ai juste installé un micro, et je suis resté à l’extérieur de la maison, pendant au moins une heure, un casque sur la tête pour écouter le son. Ils ne se sont rien dit. Pas un mot. »
Clavel, à son arrivée en France, avait déjà perdu l’usage de sa langue maternelle, le choc de ce qu’il avait vu sans doute, une façon bien à lui de prouver qu’il ne pouvait pas rentrer au Rwanda, qu’il avait peut-être besoin de rester en France. « J’appréhendais de retrouver ma famille après tout ce temps, mais ça c’est bien passé. On s’est reconnu tout de suite. Bien sûr, il y a la barrière de la langue, mais on communique par les regards, les gestes. Toutes les choses qui ne sont pas des paroles », se souvient-il.
Antoine Léonard-Maestrati fait l’hypothèse que tous, son fils comme sa famille rwandaise, avaient besoin d’un médiateur pour ces retrouvailles : « Il y a des sentiments indicibles. C’était difficile émotionnellement parlant. C’était encore trop violent. Clavel, qui vit en Europe, est libéré du génocide, mais pas eux. Ils ont des voisins qui sont leurs assassins. Ils pensent que les autres (les Hutus, ndlr) ont pour projet de finir le "travail". Je servais d’exutoire. Ils ont parlé parce que je suis le père adoptif de Clavel, et qu’ils m’ont adopté à leur tour. C’est pour ça que j’ai pu filmer, ils m’ont accepté, avec mon équipe, comme faisant partie de la famille », confie le cinéaste pour qui le film n’aurait pas été possible sans la très grande complicité qui le lie à son fils.
Clavel, témoin du pire et messager du meilleur
Pour Clavel, il était important de montrer, à travers son histoire, ce que son pays a vécu, de faire prendre conscience que les événements se sont réellement déroulés « sans que personne n’intervienne ». La communauté internationale les a regardés comme dans un film », explique-t-il. Alors, il a fallu un autre film à Clavel pour s’assurer qu’on ne peut pas oublier, que le monde n’est pas du cinéma. « Il faut laisser des traces, je serais allé au Rwanda même si le film ne s’était pas fait, mais j’aurais vécu tout ça seul. C’était important de partager ce voyage, pour faire passer des messages. Pour montrer que quand on a un problème, on peut s’en sortir. »
Comme le Rwanda est sorti de sa folie meurtrière, Clavel est sorti de son cauchemar. « On ne peut pas oublier, on ne doit pas, mais il ne faut pas rester non plus sans rien faire, il faut avancer », poursuit-il. Depuis le tournage, il s’avoue plus serein. « Je suis comme une plante, j’ai des racines qui poussent. Quand je suis arrivé en France j’avais déjà mes racines, maintenant, j’ai deux racines, une en France, l’autre au Rwanda ». Clavel Kayitare portera à Pékin, où se dérouleront les prochains Jeux, les couleurs de la France et, dans le coeur, son Rwanda natal.
A voir sur France 3 Clavel, l’enfant n°13, le 24 avril
Source: afrikcom
(M)
Lorsque Clavel débarque en France, il n’est encore qu’un petit bonhomme de huit ans. Et il n’a plus envie de vivre. Sa jambe droite est brûlée, son genou déchiqueté par une grenade, il souffre de septicémie. Il a assisté à l’assassinat de dizaines de personnes, dont certains membres de sa famille. Nous sommes en 1994. Au Rwanda, le génocide a déjà fait des milliers de victimes. Clavel a miraculeusement échappé à la mort. Il est transporté, avec trente autres enfants, en France. Le 5 juin, à l’aéroport d’Orly, Antoine et Nadine Léonard-Maestrati s’apprêtent à accueillir un enfant, celui qui porte le numéro 13 et dont ils ne savent rien encore, pour quelques semaines. Le temps de se faire soigner, que la guerre cesse.
2008, Clavel a 22 ans, il est toujours en France, sur une piste d’athlétisme cette fois. Et il court. Il se prépare à défendre les couleurs de la France aux jeux Paralympiques de Pékin. Quatorze ans après son arrivée. Quatorze années d’une lente reconstruction physique et psychologique que raconte le documentaire qui sera diffusé le 24 avril prochain sur France 3.
Le film conduit le spectateur, avec une extrême pudeur, au Rwanda où le jeune homme retrouve sa tante et un frère, une cousine et un oncle, seuls rescapés d’une famille qui comptait une quarantaine de personnes. Un récit juste et émouvant, sans images choc, sans long discours, juste quelques mots.
Dire l’indicible
C’est le père adoptif de Clavel, Antoine Léonard-Maestrati, qui a fait le film. « Je suis un réalisateur plutôt pudique. Mais le retrait s’imposait encore plus ici. Le Tutsi rwandais n’est pas bavard, comme tous les gens en danger. Quand nous sommes arrivés, juste après les retrouvailles, j’ai voulu laisser Clavel avec sa famille. Je ne voulais pas que la présence de la caméra casse ces moments précieux. J’ai juste installé un micro, et je suis resté à l’extérieur de la maison, pendant au moins une heure, un casque sur la tête pour écouter le son. Ils ne se sont rien dit. Pas un mot. »
Clavel, à son arrivée en France, avait déjà perdu l’usage de sa langue maternelle, le choc de ce qu’il avait vu sans doute, une façon bien à lui de prouver qu’il ne pouvait pas rentrer au Rwanda, qu’il avait peut-être besoin de rester en France. « J’appréhendais de retrouver ma famille après tout ce temps, mais ça c’est bien passé. On s’est reconnu tout de suite. Bien sûr, il y a la barrière de la langue, mais on communique par les regards, les gestes. Toutes les choses qui ne sont pas des paroles », se souvient-il.
Antoine Léonard-Maestrati fait l’hypothèse que tous, son fils comme sa famille rwandaise, avaient besoin d’un médiateur pour ces retrouvailles : « Il y a des sentiments indicibles. C’était difficile émotionnellement parlant. C’était encore trop violent. Clavel, qui vit en Europe, est libéré du génocide, mais pas eux. Ils ont des voisins qui sont leurs assassins. Ils pensent que les autres (les Hutus, ndlr) ont pour projet de finir le "travail". Je servais d’exutoire. Ils ont parlé parce que je suis le père adoptif de Clavel, et qu’ils m’ont adopté à leur tour. C’est pour ça que j’ai pu filmer, ils m’ont accepté, avec mon équipe, comme faisant partie de la famille », confie le cinéaste pour qui le film n’aurait pas été possible sans la très grande complicité qui le lie à son fils.
Clavel, témoin du pire et messager du meilleur
Pour Clavel, il était important de montrer, à travers son histoire, ce que son pays a vécu, de faire prendre conscience que les événements se sont réellement déroulés « sans que personne n’intervienne ». La communauté internationale les a regardés comme dans un film », explique-t-il. Alors, il a fallu un autre film à Clavel pour s’assurer qu’on ne peut pas oublier, que le monde n’est pas du cinéma. « Il faut laisser des traces, je serais allé au Rwanda même si le film ne s’était pas fait, mais j’aurais vécu tout ça seul. C’était important de partager ce voyage, pour faire passer des messages. Pour montrer que quand on a un problème, on peut s’en sortir. »
Comme le Rwanda est sorti de sa folie meurtrière, Clavel est sorti de son cauchemar. « On ne peut pas oublier, on ne doit pas, mais il ne faut pas rester non plus sans rien faire, il faut avancer », poursuit-il. Depuis le tournage, il s’avoue plus serein. « Je suis comme une plante, j’ai des racines qui poussent. Quand je suis arrivé en France j’avais déjà mes racines, maintenant, j’ai deux racines, une en France, l’autre au Rwanda ». Clavel Kayitare portera à Pékin, où se dérouleront les prochains Jeux, les couleurs de la France et, dans le coeur, son Rwanda natal.
A voir sur France 3 Clavel, l’enfant n°13, le 24 avril
Source: afrikcom
(M)