Pouvez-vous vous présentez à nos lecteurs ?
Ciré BA : Me présenter, c’est un peu faire l’état des lieux du règne du colonel TAYA, dans la sérénité pour qu’ensemble, nous transmettons aux générations futures des valeurs de tolérance et de solidarité pour que différences soient richesses.
Je fais partie du petit groupe de rescapés de la chasse menée par le génocidaire Maawiya Ould Sid’Ahmed Ould TAYA en Septembre et Octobre 1986 suite à la publication du très célèbre Manifeste et aux arrestations arbitraires qui ont suivi.
Je venais de soutenir mon mémoire de Maitrise sur l’histoire politique de la Mauritanie de 1946 à 1960. Ma soutenance avait pris une allure de meeting politique, de camps retranchés avec un jury qui était tout sauf scientifique. Il est vrai que le contexte était très explosif avec la montée en puissance des Baathistes et des Nassériens qui venaient de nous refuser la présidence tournante du syndicat des étudiants. D’autres signaux venus de l’annulation d’un simple séminaire des jeunes à Kaédi, laissaient présager ce qui allait se passer.
Nous avons, pendant des semaines, organisé la riposte à Nouakchott en brulant des véhicules S.G, et ce malgré l’important dispositif sécuritaire mis en place pour nous arrêter. Les protestations s’étaient répandues dans les villes du Sud à Kaédi avec Mody CISSE, Asset SALL et les jeunes Habibou WONE, Ousmane DIALLO, Bocar BA et Kaaw TOURE, à Sélibaby avec feu Ama SOW et Ibrahima Mifo SOW et au Nord, à Zouerate avec Abdoul Ghoudouss KAMARA, Mamadou Saidou SY dit Oumar et Mamoudou BAL.
Avec la déclaration guerrière d’Ely Ould Mohamed VALL, alors Directeur de la Sureté Nationale, promettant de nous arrêter et de nous punir très sévèrement, le dispositif militaro – policier déployé finit par démanteler notre organisation (Arrestation puis déferrement de Saidou KANE Junior à Walata, arrestation de Tazi BA) et c’est le début de l’exil pour moi et pour :
Amar BA, Amadou Alpha BA, Mamadou KANE, Amadou Birane BAL, Safi WANE, Salah Eddine SY, Boubacar DIAGANA, Abdoul Ghoudouss KAMARA, Amadou Tidiane TANDIA, El Hadj et Moustapha NGAIDE, Cherif BA, feu Boubacar SOW, Kaaw TOURE, Mohamed Lemine SAKHO, Yaghine HAIDARA, Samba DIA, Abdoulaye SANGHOT, Abou SOW, Laji et Yaya Maabel, Amadou et Ismaila WELE, Ousmane CAMARA, Alpha DIALLO, Amadou LAM… ).
Le moment est venu pour moi de remercier tous ceux qui m’ont protégé à Nouakchott et organisé ma fuite rocambolesque. Merci à feu « Général » BA, mes hommages. Repose en paix. Merci à tous les autres. Ils se reconnaitront.
A Dakar, notre groupe de rescapés s’est étoffé avec les déportations en 1989. Nous sommes alors passés à plusieurs dizaines de milliers de militants et sympathisants. A partir du Sénégal, nous avons organisé la résistance et reconstruit les Forces de Libération Africaines de Mauritanie (FLAM). Je peux vous dire qu’on a ébranlé les fondements du régime militaro – génocidaire de ce sinistre personnage qui a beaucoup de similitudes avec Hitler.
Je cumulais les fonctions de Chef du Département Presse et Information et Porte Parole, avec à mes côtés, le médiatique Kaaw TOURE qui était mon adjoint. Nous avons, de 1986 aux débuts des années 90, occupé et monopolisé toute la scène médiatique internationale. Avec les déportations de milliers de nos compatriotes au Sénégal et au Mali, Ould TAYA a fini par accréditer sans le savoir la justesse de notre combat et ouvrir beaucoup de portes jusque là fermées. Je me souviens encore des chaudeslarmes versées par le Président Abdou DIOUF lors de sa visite en Avril 89, au Centre de Traumatologie de Grand Yoff, aux rapatriés Sénégalais gravement mutilés en Mauritanie par les hordes à la solde de notre Hitler.
Nous avions eu des opportunités hautement crédibles de changer radicalement la donne en Mauritanie. Contrairement aux allégations fantaisistes, distillées çà et là encore aujourd’hui, nous n’avons inscrit notre lutte que pour l’égalité et la démocratie.
Je suis tout à fait modeste en disant que si TAYA a lâché du lest en organisant des élections certes manipulées en 1992, reconnu certains partis politiques.., c’est essentiellement du fait de notre opposition acharnée qui l’a privé, après l’affaiblissement de son mentor Saddam Hussein, du moindre soutien. Au début des années 90, son régime était totalement discrédité, parfois privé de financements d’institutions internationales. Sous la pression d’ONG (Amnesty International entre autres..), de personnalités, de partis politiques, de l’engagement à notre côté de certains grands décideurs politiques, TAYA fut contraint de transférer nos camarades de la prison mouroir de Walata à celle d’Aïoun avant de les libérer.
Je profite de l’occasion pour féliciter chaleureusement Thiebilé DRAME, chef du Département Mali Mauritanie Sénégal à Amnesty International à l’époque des faits, qui sans parti pris, a contribué grandement aux changements que nous vivons. Sans lui, tous seraient peut être morts à Walata.
Est-ce beaucoup demander à François SOUDAN, journaliste à Jeune Afrique, de présenter ses excuses à toutes les victimes ? Les mauvaises langues, disaient de lui, qu’il écrivait ses articles aux dos de chèques signés à blanc. L’histoire, notre Histoire, retiendra qu’il avait pris fait et cause pour Ould TAYA. Avec le recul, je suis tenté de croire que François SOUDAN a été son meilleur Ministre de la Communication.
J’ai pu me rendre compte, à mon arrivée en France en 1990, combien notre Section européenne (avec Ousmane DIAGANA, Cheikh Oumar BA, Hapsa Banor, Aboubacry NDONGO, Ibrahima NDIM dit Zoumala, Ousmane BA, Ibrahima WELE, Mamoudou DIALLO, Adama Samba BA, Salif Malick et Garba DIALLO,Thierno TANDIA, Moussa Koli BA … et bien d’autres dont je tairai les noms pour des raisons évidentes) avait occupé le terrain et rendu indésirable le régime de Ould TAYA à tous les niveaux. Le quadrillage de cet espace était tellement efficace que certains éléments du Front de Résistance Unie pour l’Indépendance et la DEmocratie en Mauritanie (FRUIDEM), animé par des transfuges de l’ancien MND, le reconnaissaient volontiers. Un des faits d’armes de notre section d’Europe fut incontestablement la publication et la diffusion planétaire de notre livre blanc intitulé :
Mauritanie : Radioscopie d’un Apartheid méconnu.
Force est, cependant, de reconnaitre que l’option prise en 1992 par la France de MITTERAND de normaliser les relations entre la Mauritanie et le Sénégal et d’organiser des élections pour « recycler » Ould TAYA a porté un terrible coup à la résistance. Nous avions opposé une fin de recevoir à cette proposition car nous exigions l’organisation d’une Conférence Nationale, la disqualification de toute façon de Ould TAYA responsable des déportations, d’un génocide..
La suite on la connait : Maintien au pouvoir du dictateur, dissensions internes, recomposition du paysage politique intérieur sans nous…
Aujourd’hui, je pense être de la société civile. Je voterai pour l’AJD/MR tout en me sentant Flamiste sans complexe. Je rêve de la création d’un pôle pour la Démocratie pour le retour des militaires dans les casernes. Ce pôle pourrait regrouper les formations politiques suivantes : UFP, APP, AJD/MR, FLAM et des Islamistes modérés.
Je ne saurais finir ma présentation sans remercier le Sénégal qui nous accueilli, ses partis politiques (au pouvoir et dans l’opposition), les journaux, les associations, le HCR, les ONG.. et toutes les personnes qui se reconnaitront. Je rends un hommage particulier à Souleymane NIANG, Recteur de l’Université Cheikh Anta DIOP au moment des faits, décédé depuis quelques semaines. Souleymane a autorisé nos inscriptions dans les Facs et écoles supérieures de Dakar.
Notre résistance a été portée par des artistes de renommée internationale, amplifiée par feux Tidiane ANNE, Aboubacry Kalidou BA et Yéro Doro DIALLO, rendue possible par ces personnes qui nous ont offert l’hospitalité, je veux citer Fatima HAMRAOUI, Hadia Coumbourou LY, feu Demba Gueladio BA, Tenguella BA et toutes les familles originaires de Djowol, Boghé, Kaédi.
Je réserve une mention spéciale au sous-officier Cheikh FALL qui a eu le courage en 1991 de révéler à la face du monde, sur les ondes de RFI, les exécutions sommaires et tortures de militaires noirs Mauritaniens par leurs collègues aux ordres du génocidaire Ould TAYA. Les livres de Mahamadou SY « l’Enfer d’Inal » et d’Alassane BOYE « J’étais à Oualata » sont des pièces à conviction.
Je ne cite pas sciemment des personnalités en exercice ou les contacts sensibles. Je ne parle pas non plus de la lutte armée qui n’était pas une fiction. Merci aux journalistes qui se reconnaitront, aux agences de presse internationales, merci aux « contacts accrédités ». Le Cinquantenaire de l’Indépendance de notre pays sera célébré sans que justice soit rendue, sans que Ould TAYA soit arrêté et jugé. Ce 28 Novembre 2010, dans le public venu assister aux manifestations et sur la tribune officielle, des génocidaires seront debout ou assis comme si rien ne s’est passé.
BOCAR BA : Merci de me faire l’honneur de me recevoir comme premier invité pour inaugurer sur votre site cette formule de débat dont je suis sûr qu’elle fera mouche.
Il faut bien évidement rendre hommage à ce parcours hors pair. Ciré fait partie des gens qui m’ont inspiré en politique durant mon adolescence, je ne peux que m’incliner face à ce parcours qui en dit long sur la difficulté de notre lutte.
Je m’appelle Bocar Oumar BA, je suis originaire de la ville de Kaédi au sud de la Mauritanie, une ville qui a vécu dans sa chair le traumatisme des années TAYA, tant est énorme le fossé entre sa splendeur d’antan et sa déliquescence d’aujourd’hui. Membre de l’AJD-MR depuis sa création, mon cheminement militant s’est toujours tracé dans le sillon du courant politique et idéologique qui a donné naissance à mon parti. Président de la ligue des jeunes de l’Alliance pour une Mauritanie Nouvelle (AMN) de 1994 à 1998, j’ai été également le représentant en Europe de l’AJD pendant deux ans. Et jusqu’à très récemment j’étais le président de la section AJD-MR en France. Aujourd’hui, je suis redevenu militant de base de ce parti, ce que je n’aurais peut-être jamais dû cesser d’être…tant je me sens bien dans cette posture finalement. Que vous dire d’autre, si ce n’est que je vis à Strasbourg depuis 12 ans où, outre mon travail, je m’investis autant que possible dans le milieu associatif.
Ciré BA : Me présenter, c’est un peu faire l’état des lieux du règne du colonel TAYA, dans la sérénité pour qu’ensemble, nous transmettons aux générations futures des valeurs de tolérance et de solidarité pour que différences soient richesses.
Je fais partie du petit groupe de rescapés de la chasse menée par le génocidaire Maawiya Ould Sid’Ahmed Ould TAYA en Septembre et Octobre 1986 suite à la publication du très célèbre Manifeste et aux arrestations arbitraires qui ont suivi.
Je venais de soutenir mon mémoire de Maitrise sur l’histoire politique de la Mauritanie de 1946 à 1960. Ma soutenance avait pris une allure de meeting politique, de camps retranchés avec un jury qui était tout sauf scientifique. Il est vrai que le contexte était très explosif avec la montée en puissance des Baathistes et des Nassériens qui venaient de nous refuser la présidence tournante du syndicat des étudiants. D’autres signaux venus de l’annulation d’un simple séminaire des jeunes à Kaédi, laissaient présager ce qui allait se passer.
Nous avons, pendant des semaines, organisé la riposte à Nouakchott en brulant des véhicules S.G, et ce malgré l’important dispositif sécuritaire mis en place pour nous arrêter. Les protestations s’étaient répandues dans les villes du Sud à Kaédi avec Mody CISSE, Asset SALL et les jeunes Habibou WONE, Ousmane DIALLO, Bocar BA et Kaaw TOURE, à Sélibaby avec feu Ama SOW et Ibrahima Mifo SOW et au Nord, à Zouerate avec Abdoul Ghoudouss KAMARA, Mamadou Saidou SY dit Oumar et Mamoudou BAL.
Avec la déclaration guerrière d’Ely Ould Mohamed VALL, alors Directeur de la Sureté Nationale, promettant de nous arrêter et de nous punir très sévèrement, le dispositif militaro – policier déployé finit par démanteler notre organisation (Arrestation puis déferrement de Saidou KANE Junior à Walata, arrestation de Tazi BA) et c’est le début de l’exil pour moi et pour :
Amar BA, Amadou Alpha BA, Mamadou KANE, Amadou Birane BAL, Safi WANE, Salah Eddine SY, Boubacar DIAGANA, Abdoul Ghoudouss KAMARA, Amadou Tidiane TANDIA, El Hadj et Moustapha NGAIDE, Cherif BA, feu Boubacar SOW, Kaaw TOURE, Mohamed Lemine SAKHO, Yaghine HAIDARA, Samba DIA, Abdoulaye SANGHOT, Abou SOW, Laji et Yaya Maabel, Amadou et Ismaila WELE, Ousmane CAMARA, Alpha DIALLO, Amadou LAM… ).
Le moment est venu pour moi de remercier tous ceux qui m’ont protégé à Nouakchott et organisé ma fuite rocambolesque. Merci à feu « Général » BA, mes hommages. Repose en paix. Merci à tous les autres. Ils se reconnaitront.
A Dakar, notre groupe de rescapés s’est étoffé avec les déportations en 1989. Nous sommes alors passés à plusieurs dizaines de milliers de militants et sympathisants. A partir du Sénégal, nous avons organisé la résistance et reconstruit les Forces de Libération Africaines de Mauritanie (FLAM). Je peux vous dire qu’on a ébranlé les fondements du régime militaro – génocidaire de ce sinistre personnage qui a beaucoup de similitudes avec Hitler.
Je cumulais les fonctions de Chef du Département Presse et Information et Porte Parole, avec à mes côtés, le médiatique Kaaw TOURE qui était mon adjoint. Nous avons, de 1986 aux débuts des années 90, occupé et monopolisé toute la scène médiatique internationale. Avec les déportations de milliers de nos compatriotes au Sénégal et au Mali, Ould TAYA a fini par accréditer sans le savoir la justesse de notre combat et ouvrir beaucoup de portes jusque là fermées. Je me souviens encore des chaudeslarmes versées par le Président Abdou DIOUF lors de sa visite en Avril 89, au Centre de Traumatologie de Grand Yoff, aux rapatriés Sénégalais gravement mutilés en Mauritanie par les hordes à la solde de notre Hitler.
Nous avions eu des opportunités hautement crédibles de changer radicalement la donne en Mauritanie. Contrairement aux allégations fantaisistes, distillées çà et là encore aujourd’hui, nous n’avons inscrit notre lutte que pour l’égalité et la démocratie.
Je suis tout à fait modeste en disant que si TAYA a lâché du lest en organisant des élections certes manipulées en 1992, reconnu certains partis politiques.., c’est essentiellement du fait de notre opposition acharnée qui l’a privé, après l’affaiblissement de son mentor Saddam Hussein, du moindre soutien. Au début des années 90, son régime était totalement discrédité, parfois privé de financements d’institutions internationales. Sous la pression d’ONG (Amnesty International entre autres..), de personnalités, de partis politiques, de l’engagement à notre côté de certains grands décideurs politiques, TAYA fut contraint de transférer nos camarades de la prison mouroir de Walata à celle d’Aïoun avant de les libérer.
Je profite de l’occasion pour féliciter chaleureusement Thiebilé DRAME, chef du Département Mali Mauritanie Sénégal à Amnesty International à l’époque des faits, qui sans parti pris, a contribué grandement aux changements que nous vivons. Sans lui, tous seraient peut être morts à Walata.
Est-ce beaucoup demander à François SOUDAN, journaliste à Jeune Afrique, de présenter ses excuses à toutes les victimes ? Les mauvaises langues, disaient de lui, qu’il écrivait ses articles aux dos de chèques signés à blanc. L’histoire, notre Histoire, retiendra qu’il avait pris fait et cause pour Ould TAYA. Avec le recul, je suis tenté de croire que François SOUDAN a été son meilleur Ministre de la Communication.
J’ai pu me rendre compte, à mon arrivée en France en 1990, combien notre Section européenne (avec Ousmane DIAGANA, Cheikh Oumar BA, Hapsa Banor, Aboubacry NDONGO, Ibrahima NDIM dit Zoumala, Ousmane BA, Ibrahima WELE, Mamoudou DIALLO, Adama Samba BA, Salif Malick et Garba DIALLO,Thierno TANDIA, Moussa Koli BA … et bien d’autres dont je tairai les noms pour des raisons évidentes) avait occupé le terrain et rendu indésirable le régime de Ould TAYA à tous les niveaux. Le quadrillage de cet espace était tellement efficace que certains éléments du Front de Résistance Unie pour l’Indépendance et la DEmocratie en Mauritanie (FRUIDEM), animé par des transfuges de l’ancien MND, le reconnaissaient volontiers. Un des faits d’armes de notre section d’Europe fut incontestablement la publication et la diffusion planétaire de notre livre blanc intitulé :
Mauritanie : Radioscopie d’un Apartheid méconnu.
Force est, cependant, de reconnaitre que l’option prise en 1992 par la France de MITTERAND de normaliser les relations entre la Mauritanie et le Sénégal et d’organiser des élections pour « recycler » Ould TAYA a porté un terrible coup à la résistance. Nous avions opposé une fin de recevoir à cette proposition car nous exigions l’organisation d’une Conférence Nationale, la disqualification de toute façon de Ould TAYA responsable des déportations, d’un génocide..
La suite on la connait : Maintien au pouvoir du dictateur, dissensions internes, recomposition du paysage politique intérieur sans nous…
Aujourd’hui, je pense être de la société civile. Je voterai pour l’AJD/MR tout en me sentant Flamiste sans complexe. Je rêve de la création d’un pôle pour la Démocratie pour le retour des militaires dans les casernes. Ce pôle pourrait regrouper les formations politiques suivantes : UFP, APP, AJD/MR, FLAM et des Islamistes modérés.
Je ne saurais finir ma présentation sans remercier le Sénégal qui nous accueilli, ses partis politiques (au pouvoir et dans l’opposition), les journaux, les associations, le HCR, les ONG.. et toutes les personnes qui se reconnaitront. Je rends un hommage particulier à Souleymane NIANG, Recteur de l’Université Cheikh Anta DIOP au moment des faits, décédé depuis quelques semaines. Souleymane a autorisé nos inscriptions dans les Facs et écoles supérieures de Dakar.
Notre résistance a été portée par des artistes de renommée internationale, amplifiée par feux Tidiane ANNE, Aboubacry Kalidou BA et Yéro Doro DIALLO, rendue possible par ces personnes qui nous ont offert l’hospitalité, je veux citer Fatima HAMRAOUI, Hadia Coumbourou LY, feu Demba Gueladio BA, Tenguella BA et toutes les familles originaires de Djowol, Boghé, Kaédi.
Je réserve une mention spéciale au sous-officier Cheikh FALL qui a eu le courage en 1991 de révéler à la face du monde, sur les ondes de RFI, les exécutions sommaires et tortures de militaires noirs Mauritaniens par leurs collègues aux ordres du génocidaire Ould TAYA. Les livres de Mahamadou SY « l’Enfer d’Inal » et d’Alassane BOYE « J’étais à Oualata » sont des pièces à conviction.
Je ne cite pas sciemment des personnalités en exercice ou les contacts sensibles. Je ne parle pas non plus de la lutte armée qui n’était pas une fiction. Merci aux journalistes qui se reconnaitront, aux agences de presse internationales, merci aux « contacts accrédités ». Le Cinquantenaire de l’Indépendance de notre pays sera célébré sans que justice soit rendue, sans que Ould TAYA soit arrêté et jugé. Ce 28 Novembre 2010, dans le public venu assister aux manifestations et sur la tribune officielle, des génocidaires seront debout ou assis comme si rien ne s’est passé.
BOCAR BA : Merci de me faire l’honneur de me recevoir comme premier invité pour inaugurer sur votre site cette formule de débat dont je suis sûr qu’elle fera mouche.
Il faut bien évidement rendre hommage à ce parcours hors pair. Ciré fait partie des gens qui m’ont inspiré en politique durant mon adolescence, je ne peux que m’incliner face à ce parcours qui en dit long sur la difficulté de notre lutte.
Je m’appelle Bocar Oumar BA, je suis originaire de la ville de Kaédi au sud de la Mauritanie, une ville qui a vécu dans sa chair le traumatisme des années TAYA, tant est énorme le fossé entre sa splendeur d’antan et sa déliquescence d’aujourd’hui. Membre de l’AJD-MR depuis sa création, mon cheminement militant s’est toujours tracé dans le sillon du courant politique et idéologique qui a donné naissance à mon parti. Président de la ligue des jeunes de l’Alliance pour une Mauritanie Nouvelle (AMN) de 1994 à 1998, j’ai été également le représentant en Europe de l’AJD pendant deux ans. Et jusqu’à très récemment j’étais le président de la section AJD-MR en France. Aujourd’hui, je suis redevenu militant de base de ce parti, ce que je n’aurais peut-être jamais dû cesser d’être…tant je me sens bien dans cette posture finalement. Que vous dire d’autre, si ce n’est que je vis à Strasbourg depuis 12 ans où, outre mon travail, je m’investis autant que possible dans le milieu associatif.
Quel bilan faites-vous du mandat de Mohamed ould Abdel Aziz au sommet de l’Etat ?
Ciré Ba : Il est très tôt pour faire un bilan, même d’étape. A mon avis, le Général Ould Abdel AZIZ n’a ni la consistance, ni les moyens pour redresser notre pays. Il n’a pas non plus de programme, il surfe sur les angoisses et les peurs, et navigue à vue.
Peut-on d’ailleurs s’attendre à autre chose qu’une gestion alimentaire et clientéliste ?
A mon avis, on ferait peut être mieux de ramener notre armée dans les casernes, de la rendre républicaine au service du politique qui répond devant les électeurs. Je réitère ma proposition de criminalisation des coups d’état militaires. Tenant compte du génocide commis sous le règne de Ould TAYA, je suis convaincu que notre armée n’est plus qualifiée à faire de la politique.
L’opposition doit être plus responsable et s’inscrire dans la reconstruction de notre pays car les chantiers ne manquent pas : Pauvreté voire misère de l’écrasante majorité, absence de vision claire et de projets, sentiments d’exclusions entrainant des replis sur soi, impunité érigée en règle de conduite et institutions bafouées, persistance de l’esclavage …
Nous devons tous travailler ensemble pour transmettre aux générations futures des valeurs de tolérance et de solidarité pour que différences soient richesses.
Bocar BA : Je souscris entièrement à l’idée qu’il est trop tôt pour faire le bilan d’un mandat qui n’est même pas encore à son milieu. En revanche, on peut quand même s’arrêter un instant pour voir si la direction prise est la bonne, avant qu’il ne soit trop tard. Ce que fait d’ailleurs par la suite Ciré BA, de façon un peu trop péremptoire à mon goût… j’y mettrai personnellement un accent plus nuancé.
Si je pense globalement que le président n’a pas suffisamment associé les organisations expertes en la matière dans la résolution de la question nationale et dans celle de l’esclavage, pour se garantir une réponse plus appropriée, je n’irai quand même pas jusqu’à jeter avec l’eau du bain, la reconnaissance par l’Etat des faits commis. C’est très important. Rappelez-vous à l’époque de TAYA où les faits ainsi désignés étaient non seulement niés, mais leur évocation même était criminalisée par un texte législatif (au passage proposé par des députés négro-africains...) Nous revenons quand même de très loin. C’est pourquoi, si nous voulons qu’Aziz avance sérieusement sur ces questions, nous devons nous imposer la pédagogie de lui reconnaitre le peu qu’il a fait ou essayé de faire. C’est important pour instaurer la confiance.
Sur le retour de l’Armée dans les casernes, je partage totalement le point de vue de Ciré ; c’est ce que disait l’AJD-MR dans sa déclaration au lendemain du coup d’état.
Ciré Ba : Il est très tôt pour faire un bilan, même d’étape. A mon avis, le Général Ould Abdel AZIZ n’a ni la consistance, ni les moyens pour redresser notre pays. Il n’a pas non plus de programme, il surfe sur les angoisses et les peurs, et navigue à vue.
Peut-on d’ailleurs s’attendre à autre chose qu’une gestion alimentaire et clientéliste ?
A mon avis, on ferait peut être mieux de ramener notre armée dans les casernes, de la rendre républicaine au service du politique qui répond devant les électeurs. Je réitère ma proposition de criminalisation des coups d’état militaires. Tenant compte du génocide commis sous le règne de Ould TAYA, je suis convaincu que notre armée n’est plus qualifiée à faire de la politique.
L’opposition doit être plus responsable et s’inscrire dans la reconstruction de notre pays car les chantiers ne manquent pas : Pauvreté voire misère de l’écrasante majorité, absence de vision claire et de projets, sentiments d’exclusions entrainant des replis sur soi, impunité érigée en règle de conduite et institutions bafouées, persistance de l’esclavage …
Nous devons tous travailler ensemble pour transmettre aux générations futures des valeurs de tolérance et de solidarité pour que différences soient richesses.
Bocar BA : Je souscris entièrement à l’idée qu’il est trop tôt pour faire le bilan d’un mandat qui n’est même pas encore à son milieu. En revanche, on peut quand même s’arrêter un instant pour voir si la direction prise est la bonne, avant qu’il ne soit trop tard. Ce que fait d’ailleurs par la suite Ciré BA, de façon un peu trop péremptoire à mon goût… j’y mettrai personnellement un accent plus nuancé.
Si je pense globalement que le président n’a pas suffisamment associé les organisations expertes en la matière dans la résolution de la question nationale et dans celle de l’esclavage, pour se garantir une réponse plus appropriée, je n’irai quand même pas jusqu’à jeter avec l’eau du bain, la reconnaissance par l’Etat des faits commis. C’est très important. Rappelez-vous à l’époque de TAYA où les faits ainsi désignés étaient non seulement niés, mais leur évocation même était criminalisée par un texte législatif (au passage proposé par des députés négro-africains...) Nous revenons quand même de très loin. C’est pourquoi, si nous voulons qu’Aziz avance sérieusement sur ces questions, nous devons nous imposer la pédagogie de lui reconnaitre le peu qu’il a fait ou essayé de faire. C’est important pour instaurer la confiance.
Sur le retour de l’Armée dans les casernes, je partage totalement le point de vue de Ciré ; c’est ce que disait l’AJD-MR dans sa déclaration au lendemain du coup d’état.
Comment peut-on prétendre régler le passif humanitaire et continuer à collaborer avec des gens qui ont été des artisans de tueries sommaires et extrajudiciaires ?
Bocar BA : Vous posez là une très bonne question que le pouvoir en place va devoir un jour où l’autre trancher. La volonté exprimée par le président de la République de régler la question du passif humanitaire (qui n’est d’ailleurs qu’une des conséquences du problème de fond), bute contre la présence autour de lui de personnes dont la responsabilité dans ce qui s’est passée pose, dans le meilleur des cas, interrogation. Je préfère le dire comme ça, parce que comme dans ce pays à aucun moment la justice n’a établi les responsabilités et clarifié les choses, on autorise finalement toutes les accusations péremptoires. C’est pour ça que je me sens pleinement en résonnance avec l’AJD-MR quand elle dit au président de la République qu’il devrait faire le ménage autour de lui pour se garantir une action réparatrice sans risque de blocages à quelques niveau que ce soit. L’AJD-MR a fait le choix de croire en la bonne foi du président à apporter une solution à ce problème. Elle lui fait, là aussi de bonne foi, une offre de service sur cette question, parce qu’elle en a l’expertise et la légitimité historique. A lui de faire la démonstration qu’il a vraiment envie d’y aller. Pour ça, il ne faut évidement pas s’encombrer de personnes qui n’ont aucun intérêt dans la résolution de ce problème. C’est un des combats que porte l’AJD-Mr dans la stratégie qu’elle s’est définie.
Cire BA : Parler de passif humanitaire c’est minimiser, voir solder ce qui s’est passé. Je suis d’avis, depuis toujours, qu’il faut requalifier ce terme en génocide. Cela change tout.
Récemment, j’ai été conforté par la déclaration de Ibrahima SARR, au journal le Monde, postée le 28/10/2010 sur le site de l’AJD/MR dans laquelle, il disait : « Cela a été un génocide car une communauté a été délibérément visée par un État. Nous continuons à nous battre pour une commission vérité et réconciliation ». Cette prise de position vient s’ajouter à celles de Hamdou Rabby SY et des FLAM.
J’ajoute à cela que les auteurs militaires et civils de ce génocide, les donneurs d’ordres militaires et civils devront un jour répondre de leurs forfaits.
Bocar BA : Vous posez là une très bonne question que le pouvoir en place va devoir un jour où l’autre trancher. La volonté exprimée par le président de la République de régler la question du passif humanitaire (qui n’est d’ailleurs qu’une des conséquences du problème de fond), bute contre la présence autour de lui de personnes dont la responsabilité dans ce qui s’est passée pose, dans le meilleur des cas, interrogation. Je préfère le dire comme ça, parce que comme dans ce pays à aucun moment la justice n’a établi les responsabilités et clarifié les choses, on autorise finalement toutes les accusations péremptoires. C’est pour ça que je me sens pleinement en résonnance avec l’AJD-MR quand elle dit au président de la République qu’il devrait faire le ménage autour de lui pour se garantir une action réparatrice sans risque de blocages à quelques niveau que ce soit. L’AJD-MR a fait le choix de croire en la bonne foi du président à apporter une solution à ce problème. Elle lui fait, là aussi de bonne foi, une offre de service sur cette question, parce qu’elle en a l’expertise et la légitimité historique. A lui de faire la démonstration qu’il a vraiment envie d’y aller. Pour ça, il ne faut évidement pas s’encombrer de personnes qui n’ont aucun intérêt dans la résolution de ce problème. C’est un des combats que porte l’AJD-Mr dans la stratégie qu’elle s’est définie.
Cire BA : Parler de passif humanitaire c’est minimiser, voir solder ce qui s’est passé. Je suis d’avis, depuis toujours, qu’il faut requalifier ce terme en génocide. Cela change tout.
Récemment, j’ai été conforté par la déclaration de Ibrahima SARR, au journal le Monde, postée le 28/10/2010 sur le site de l’AJD/MR dans laquelle, il disait : « Cela a été un génocide car une communauté a été délibérément visée par un État. Nous continuons à nous battre pour une commission vérité et réconciliation ». Cette prise de position vient s’ajouter à celles de Hamdou Rabby SY et des FLAM.
J’ajoute à cela que les auteurs militaires et civils de ce génocide, les donneurs d’ordres militaires et civils devront un jour répondre de leurs forfaits.
A observer de prés les populations négro-africaines dans leur comportement politiques de même que les mouvements et partis politiques dirigés par les leaders négro-africains, n’assiste-t-on pas à une certaine défaite de leur combat ou à une certaine inscription dans la fatalité ?
Ciré BA : Nous sommes à un tournant de la construction de notre pays qui n’a que cinquante d’existence. Nous sortons de vingt ans de dictature sanglante du régime de Ould TAYA. Cette dictature frappait essentiellement, sans discernement et de façon disproportionnée la communauté noire. Comment voulez que son élite soit rassurée ?
OBAMA, Président des USA, qui l’eût cru, un an avant son élection? Certainement pas le Ku Klux Klan.
Si vous faites allusion à la transhumance politique, à la propension de certains à garder des privilèges acquis, je dirais que sous toutes les latitudes, sous tous les cieux, ce phénomène existe mais n’a jamais empêché les révolutions d’avoir lieu. Après, chacun assume ses choix.
Non, il n’ya pas de fatalité à rester opprimé. Il n’y a pas de fatalité à opprimer. Personne n’est programmée pour cela. Tout est dans la conscience qui se traduit par une volonté d’améliorer sa condition. Armés de cette conscience et mus par cette volonté, nous déplacerons les montagnes et créerons les ponts de l’unité nationale.
Bocar BA : Non, on ne peut pas dire que le combat des négro-africains a échoué. Ce serait d’ailleurs très grave. Je m’explique. Ce qu’on entend aujourd’hui par le combat « négro-africain », est un combat pour la Nation mauritanienne. Quand nous parlons de « la question nationale », c’est pour éviter ce réduit qui consisterait à n’y voir que le combat des noirs de ce pays. Ce n’est pas parce que la résolution de cette question, sans laquelle il n ‘y a pas de Nation, passe aujourd’hui par le règlement de l’exclusion des négro-africains et de l’esclavage, que ce combat doit concerner exclusivement les négro-africains et les esclaves ou anciens esclaves. C’est le grand combat de la Mauritanie. Oui, c’est vrai qu’aujourd’hui il est porté hélas essentiellement par ces deux communautés. Mais force est de constater que le discours que nous portons est aujourd’hui dédiabolisé de plus en plus. C’est pour ça que la transhumance politique des uns et des autres n’est finalement qu’un épiphénomène face à la détermination de certains leaders et celle d’un nombre important de militants à poursuivre le combat.
Les « partis politiques dirigés par les négro-africains » comme vous dites, sont à l’image de tous les autres partis qui sont pas au pouvoir en Mauritanie. Les partis d’opposition en Mauritanie, comme ailleurs, ont tendance à se détricoter dans leur aventure oppositionnelle. Nous sommes un pays où les reflexes claniques et les comportements alimentaires ont tendance à mettre à l’épreuve de la survie les formations qui n’ont pas autre chose à offrir que la noblesse de leur discours. Face à cette situation il nous faut inventer d’autres modes d’engagement. L’enjeu pour nous, est d’être plus subtils dans nos approches stratégiques, et plus professionnels dans le management de nos militants. Je prends le risque de dire que la situation politique actuelle et celle à venir, ne pardonneront pas aux formations politiques qui ont choisi d’être à l’intérieur du pays, le fixisme et la raideur. Nous devons être en perpétuel mouvement ; car la solution n’est pas statique, elle est dynamique. Il faut bouger pour la rencontrer…
Quel bilan faites-vous de la lutte de notre diaspora ?
Bocar BA : Je ne sais pas s’il faut parler vraiment de bilan, car je crois que la diaspora a encore toute sa place dans la lutte que nous menons. Elle en a d’ailleurs été un des fers de lance. Car, qu’aurait été notre lutte s’il n’y avait pas eu des mauritaniens pour porter à l’international l’écho des voix étouffées à l’intérieur ? Votre association en est un exemple éloquent. D’autres également comme l’AVOMM, l’AFMAF et des mouvements politiques comme les FLAM ont joué et continue de jouer un rôle très important pour que l’opinion internationale relativise l’image lisse d’une Mauritanie de la tente, du chameau et de la théière, où il ne se passe rien, si ce n’est ce petit vent du soir caressant les sables d’un pays où il fait bon vivre. L’action de la diaspora a permis de craqueler cette carte postale et de crédibiliser à jamais le combat mené à l’intérieur. Elle a également permis à la lutte de se maintenir, au moment où sous le régime de TAYA, à part quelques personnes déterminées que tout le monde connaît, l’ambiance était plutôt à la survie et à l’appât du gain facile.
Mais elle a encore bien des marges de manœuvres. Le jour où elle arrivera à s’unir au moins autour de l’Essentiel, et à comprendre que divergence n’est pas forcément synonyme de haine, de pugilat et d’insultes, elle aura fait un grand pas en avant. Je sais que c’est facile à dire, mais je suis convaincu que ce qui nous divise est tellement minime finalement, que je suis à chaque fois étonné de tant d’énergies dépensée dans les batailles fratricides alors que la vraie lutte elle, marque le pas.
Cire BA : Notre Diaspora a toujours été à la pointe du combat pour l’amélioration des conditions de vie de nos compatriotes. Par ses réalisations, elle a toujours joué le rôle de l’État à la place d’un État qui a failli à ses missions, en particulier dans le Sud du pays (constructions de dispensaires, d’écoles et autres infrastructures). En contrepartie, aucune politique de reconnaissance et d’intégration à la Nation n’a été mise en place. Pourquoi donc ce déni de reconnaissance et pourquoi viennent ils tous ou presque du Sud de la Mauritanie ?
Votre question fait certainement allusion à la « Diaspora » constituée à partir du début des années 90, plus politique, plus engagée et qui revendique. Je ne reviens pas sur ce que j’ai dit dans ma présentation ni sur les propos de Bocar qui évoque les combats menés par notre Diaspora. Je voudrai partager avec vous une certitude : Notre jeune Diaspora constituera un jour un Lobby avec lequel il faudra compter. Un Lobby qui fera la Mauritanie, à condition qu’elle ne se laisse pas divertir.
Propos recueillis par Moulaye DIOUM
Suite et fin de "Nécessaire contradiction" sur le site OCVIDH
Source: OCVIDH.FR
Ciré BA : Nous sommes à un tournant de la construction de notre pays qui n’a que cinquante d’existence. Nous sortons de vingt ans de dictature sanglante du régime de Ould TAYA. Cette dictature frappait essentiellement, sans discernement et de façon disproportionnée la communauté noire. Comment voulez que son élite soit rassurée ?
OBAMA, Président des USA, qui l’eût cru, un an avant son élection? Certainement pas le Ku Klux Klan.
Si vous faites allusion à la transhumance politique, à la propension de certains à garder des privilèges acquis, je dirais que sous toutes les latitudes, sous tous les cieux, ce phénomène existe mais n’a jamais empêché les révolutions d’avoir lieu. Après, chacun assume ses choix.
Non, il n’ya pas de fatalité à rester opprimé. Il n’y a pas de fatalité à opprimer. Personne n’est programmée pour cela. Tout est dans la conscience qui se traduit par une volonté d’améliorer sa condition. Armés de cette conscience et mus par cette volonté, nous déplacerons les montagnes et créerons les ponts de l’unité nationale.
Bocar BA : Non, on ne peut pas dire que le combat des négro-africains a échoué. Ce serait d’ailleurs très grave. Je m’explique. Ce qu’on entend aujourd’hui par le combat « négro-africain », est un combat pour la Nation mauritanienne. Quand nous parlons de « la question nationale », c’est pour éviter ce réduit qui consisterait à n’y voir que le combat des noirs de ce pays. Ce n’est pas parce que la résolution de cette question, sans laquelle il n ‘y a pas de Nation, passe aujourd’hui par le règlement de l’exclusion des négro-africains et de l’esclavage, que ce combat doit concerner exclusivement les négro-africains et les esclaves ou anciens esclaves. C’est le grand combat de la Mauritanie. Oui, c’est vrai qu’aujourd’hui il est porté hélas essentiellement par ces deux communautés. Mais force est de constater que le discours que nous portons est aujourd’hui dédiabolisé de plus en plus. C’est pour ça que la transhumance politique des uns et des autres n’est finalement qu’un épiphénomène face à la détermination de certains leaders et celle d’un nombre important de militants à poursuivre le combat.
Les « partis politiques dirigés par les négro-africains » comme vous dites, sont à l’image de tous les autres partis qui sont pas au pouvoir en Mauritanie. Les partis d’opposition en Mauritanie, comme ailleurs, ont tendance à se détricoter dans leur aventure oppositionnelle. Nous sommes un pays où les reflexes claniques et les comportements alimentaires ont tendance à mettre à l’épreuve de la survie les formations qui n’ont pas autre chose à offrir que la noblesse de leur discours. Face à cette situation il nous faut inventer d’autres modes d’engagement. L’enjeu pour nous, est d’être plus subtils dans nos approches stratégiques, et plus professionnels dans le management de nos militants. Je prends le risque de dire que la situation politique actuelle et celle à venir, ne pardonneront pas aux formations politiques qui ont choisi d’être à l’intérieur du pays, le fixisme et la raideur. Nous devons être en perpétuel mouvement ; car la solution n’est pas statique, elle est dynamique. Il faut bouger pour la rencontrer…
Quel bilan faites-vous de la lutte de notre diaspora ?
Bocar BA : Je ne sais pas s’il faut parler vraiment de bilan, car je crois que la diaspora a encore toute sa place dans la lutte que nous menons. Elle en a d’ailleurs été un des fers de lance. Car, qu’aurait été notre lutte s’il n’y avait pas eu des mauritaniens pour porter à l’international l’écho des voix étouffées à l’intérieur ? Votre association en est un exemple éloquent. D’autres également comme l’AVOMM, l’AFMAF et des mouvements politiques comme les FLAM ont joué et continue de jouer un rôle très important pour que l’opinion internationale relativise l’image lisse d’une Mauritanie de la tente, du chameau et de la théière, où il ne se passe rien, si ce n’est ce petit vent du soir caressant les sables d’un pays où il fait bon vivre. L’action de la diaspora a permis de craqueler cette carte postale et de crédibiliser à jamais le combat mené à l’intérieur. Elle a également permis à la lutte de se maintenir, au moment où sous le régime de TAYA, à part quelques personnes déterminées que tout le monde connaît, l’ambiance était plutôt à la survie et à l’appât du gain facile.
Mais elle a encore bien des marges de manœuvres. Le jour où elle arrivera à s’unir au moins autour de l’Essentiel, et à comprendre que divergence n’est pas forcément synonyme de haine, de pugilat et d’insultes, elle aura fait un grand pas en avant. Je sais que c’est facile à dire, mais je suis convaincu que ce qui nous divise est tellement minime finalement, que je suis à chaque fois étonné de tant d’énergies dépensée dans les batailles fratricides alors que la vraie lutte elle, marque le pas.
Cire BA : Notre Diaspora a toujours été à la pointe du combat pour l’amélioration des conditions de vie de nos compatriotes. Par ses réalisations, elle a toujours joué le rôle de l’État à la place d’un État qui a failli à ses missions, en particulier dans le Sud du pays (constructions de dispensaires, d’écoles et autres infrastructures). En contrepartie, aucune politique de reconnaissance et d’intégration à la Nation n’a été mise en place. Pourquoi donc ce déni de reconnaissance et pourquoi viennent ils tous ou presque du Sud de la Mauritanie ?
Votre question fait certainement allusion à la « Diaspora » constituée à partir du début des années 90, plus politique, plus engagée et qui revendique. Je ne reviens pas sur ce que j’ai dit dans ma présentation ni sur les propos de Bocar qui évoque les combats menés par notre Diaspora. Je voudrai partager avec vous une certitude : Notre jeune Diaspora constituera un jour un Lobby avec lequel il faudra compter. Un Lobby qui fera la Mauritanie, à condition qu’elle ne se laisse pas divertir.
Propos recueillis par Moulaye DIOUM
Suite et fin de "Nécessaire contradiction" sur le site OCVIDH
Source: OCVIDH.FR