A quelques encablures des législatives, l’opposition mauritanienne est divisée sur la question du dialogue avec la majorité présidentielle. Mais, pour le président d’Elwiam, une coalition de partis, l’heure doit être à la realpolitik pour booster la démocratie.
Wal fadjri : Peut-on savoir les raisons pour lesquelles vous avez décidé de quitter l’opposition alors que vous avez été un des membres fondateurs de ses principales coalitions ?
Bodiel Ould H’met : Je n’ai pas du tout quitté la coordination de l’opposition encore moins l’opposition. Ce qui est vrai, c’est que depuis un an nous sommes en train de discuter sur la manière d’engager le dialogue avec le pouvoir. Et comme vous le savez, le président de la République, à plusieurs reprises, nous a indiqué individuellement sa disponibilité et la officiellement dit à la radio et à la télévision. Il a toujours dit qu’il était disposé à dialoguer avec l’opposition. Et dans ce cadre, depuis un an, alors même que je présidais la coordination, des discussions ont été engagées pour s’entendre sur une feuille de route ou sur une plateforme commune. On s’est finalement entendu sur une feuille de route que nous avons mise à la disposition du président de la République et de son gouvernement. Ils nous ont répondu pour dire qu’ils étaient d’accord pour qu’on engage la discussion. Donc, ils étaient d’accord pour engager le dialogue sur la base de cette feuille de route que nous avions soumise. Il y a des points de divergences, certes. Car, sur certains points, nous avons demandé qu’il y a des mesures que le pouvoir devait prendre pour faciliter le dialogue.
Quelles sont ces mesures ?
Parmi ces mesures, il y a le problème de la presse publique qui devait être mis à la disposition aussi bien de la majorité que de l’opposition. Il y avait aussi le problème des élections, c'est-à-dire l’organisation d’élections consensuelles. A ce niveau, on avait demandé le report des élections pour que nous pussions participer, en tant qu’opposition, à l’élaboration d’un code électoral consensuel. D’une manière générale, s’agissant de la passation des marchés par rapport à la discrimination qui existe dans l’administration, sur la manière d’accorder les marchés publics aux entrepreneurs mauritaniens, nous, en tant qu’opposition, on avait estimé que tous les hommes d’affaires opposants étaient tous exclus, et qu’il fallait donc une réglementation qui pourrait mettre fin à cette discrimination. Un autre point, c’est l’accord de Dakar. Après discussion, nous nous sommes entendus essentiellement sur le fait que l’accord de Dakar est à son terme.
On pouvait le dépasser dans la mesure où tous les points qui étaient dans cet accord étaient dans la discussion et dans la plateforme revendicative. Il y avait deux points qui étaient essentiels pour nous. Pour tout cela, on a demandé au gouvernement de s’engager à respecter l’accord qui est pris de commun accord aussi bien avec la majorité qu’avec l’opposition dans le cadre de la Haute autorité de l’audiovisuel (Happa) et qui devait être mis en application. Sur le problème des élections, cela a été reporté comme on l’avait demandé en attendant le dialogue et que nous puissions fixer ensemble la date de ces élections-là. Et c’est pour toutes ces raisons que nous avons estimé que le fait de continuer à poser des conditions, ce n’était pas favorable au dialogue.
Quant aux trois partis, à savoir le Hamam, l’App et Elwiam, ils ont accepté de rester dans la coordination. Toutefois, l’App a décidé de geler sa contribution. Mais, les deux autres partis restent membres à part entière de la coordination. Et je pense que, s’agissant de ce dialogue, personne ne peut plus parler au nom de la coordination. Parce que, dans cette coordination, les décisions se prennent à l’unanimité. Donc, ceux qui parlent aujourd’hui au nom de la coordination, ils doivent plutôt parler au nom de leur parti politique, comme nous dans le cadre du dialogue, nous parlons au nom de nos partis politiques. Mais, nous restons des partis d’opposition.
‘J’ai toujours dit que quand on veut faire des audits, il faut généraliser’
Vous êtes aujourd’hui plus proche de la mouvance présidentielle que de l’opposition. Certains disent que c’est parce que vous trainez des casseroles qui datent du temps où vous occupiez des postes de responsabilité au niveau de la caisse assurance maladie. Que répondez-vous à ces accusations ?
Je ne pense pas que je suis plus proche du président Aziz que ceux de l’opposition. Moi, je suis et je reste toujours un parti d’opposition. Mais, que les gens estiment que c’est parce qu’on a engagé un dialogue qu’on est de la majorité présidentielle, ce n’est pas du tout le cas. Je réaffirme encore ici que je ne suis pas du tout de la majorité présidentielle. Je suis un parti d’opposition. Mais dialoguer veut dire le faire avec un pouvoir que vous reconnaissez. Et tous ces partis que j’ai cités reconnaissent le pouvoir en place. Quand vous reconnaissez un pouvoir en place, vous pouvez discuter avec lui sur certaines questions. Le problème des élections, de la gestion quotidienne de l’Etat, si vous ne discutiez pas avec celui qui a le pouvoir, vous ne pouvez pas avoir de consensus. Donc, j’ai toujours dit que dans l’opposition, il y a deux attitudes. Ou bien l’opposition qui est là ne reconnait pas le pouvoir. En ce moment, on est catégorique qu’on ne reconnaît nullement le pouvoir.
On n’est pas au Parlement, on retire nos députés et sénateurs, on est pas dans les conseils municipaux et ensuite c’est l’affrontement. Cela est une position. Mais, quand vous reconnaissez un pouvoir je pense que il n’y a pas de mal à engager avec lui des discussions. Moi, s’agissant des casseroles auxquelles vous faites allusion, personnellement je n’ai aucun problème. Et je n’ai aucun souci dans ce sens. Je suis vraiment tranquille, rien ne me fait peur puisque j’ai la forte conviction que je suis blanc comme neige. Partout où je suis passé au contraire, j’ai aidé à la transparence et à la bonne gouvernance des affaires publiques. D’abord, je dois vous dire que quand il y a eu ce coup d’Etat-là, j’étais ministre secrétaire à la Présidence de la République. Le président en place m’a même demandé de rester et travailler avec lui. Ce que je n’ai pas du tout accepté. J’ai dit au président Aziz que, en tant que démocrate, je ne peux pas continuer à travailler avec quelqu’un qui est arrivé au pouvoir grâce à un coup d’Etat.
Quand maintenant, il y a eu les accords de Dakar et que l’opposition a décidé d’aller aux élections et que Abdoul Aziz a gagné, j’ai été le premier à le reconnaitre et j’ai accepté de traiter avec lui par ce que simplement il est aujourd’hui le président de tous les Mauritaniens. C’est pour cela que je me suis engagé pour ce dialogue politique. Je ne traine aucune casserole. Tenez-vous bien, au niveau de la Caisse nationale d’assurances maladie, je dois même vous dire que c’est moi-même qui ai créé cette société de toutes pièces. Effectivement, quand j’étais dans l’opposition on m’a envoyé trois agents de l’Etat pour me contrôler. Malheureusement pour eux, ils n’ont rien trouvé qui pourrait les intéresser. Maintenant, il y a eu des Mauritaniens bien connus dont son propre directeur de cabinet, son propre conseiller qui est ambassadeur à Bruxelles. Ce dernier était envoyé et soigné avec ses enfants en Europe et au Maroc et cet argent qui a servi à ses frais-là, l’Etat m’a demandé de le rembourser par la force. On m’a envoyé une mise en demeure et j’ai rappelé à ces gens-là qu’ils ne connaissent pas l’Etat.
Puisqu’ils venaient d’arriver au pouvoir, ils devaient faire doucement et aller vers l’apprentissage sur la gestion d’un Etat. Alors ils oublient que moi, je suis un ancien contrôleur et ancien inspecteur général d’Etat et des finances. Et je sais ce que je fais, puisque connaissant le vrai sens d’une mise en demeure. Et la mise en demeure, on ne la négocie pas. Quand on vous envoie cela, vous l’exécutez ou vous allez en prison. Donc j’ai moi-même accepté d’exécuter cette mise en demeure et j’ai porté l’affaire devant les tribunaux. J’ai commis quatre avocats dont Me Aïssata Tall Sall qui connait bien ce dossier. D’abord, en premier lieu, j’ai exécuté cette mise en demeure et je n’ai eu aucun problème avec l’Etat. Et actuellement, c’est moi qui poursuis l’état pour qu’on me rembourse mon argent. Sur ce plan-là je n’ai aucun problème. (…)
Etes-vous de ceux qui pensent que ces audits n’étaient que de la poudre aux yeux ?
J’ai dit que ces audits étaient une manière de régler des comptes personnels. Et cela a été mon cas puisque j’ai tous les dossiers avec moi. Et tout ce qu’on m’a reproché jusqu’ici, c’est faux puisque c’est de l’argent que j’ai légalement dépensé pour soigner les Mauritaniens qui en avaient droit. Il y a eu d’ailleurs beaucoup de membres des gouvernements qui se sont succédé qui avaient leur livret dans cette société que je dirigeais. Je peux même vous citer des ministres, Premiers ministres, présidents de l’Assemblée nationale, des anciens ministres qui sont décédés.
Par exemple, Soumara Diarra Mona qui était mon ministre des Finances des années 1973. Celui-là a été ‘exécuté’ chez un cardiologue en France. Après sa mort, on m’a demandé de rembourser les frais. Je les ai remboursées mais tout en portant l’affaire devant les juridictions. Donc, il y a eu des règlements de compte dans ces audits. Et j’ai toujours dit que quand on veut faire des audits, il faut toujours généraliser. Parce que il y a eu des impunis, des gens qui n’ont pas été contrôlés et d’autres qui ont été contrôlés et qui ont détourné et qui n’ont pas été inquiétés parce que simplement ils ont été proches du pouvoir. C’est ce qui est grave pour ce régime et que le président Aziz devait éviter.
On a aujourd’hui l’impression que le dialogue de sourds perdure entre l’opposition et la majorité présidentielle. Selon vous où se situe le blocage ? Et quelles sont les solutions pour un retour à la concertation ?
II n’y a plus de blocage puisque les discussions sont engagées entre le pouvoir et une partie de l’opposition. Ce dialogue aura lieu très bientôt et il sera très solennel. Il y aura toutes les personnalités au devant. Il y aura le président Aziz qui prononcera un discours à l’ouverture. Aujourd’hui, on ne peut pas prévoir ce qi va se passer. Avec la disponibilité du président Aziz et de son gouvernement, je suis convaincu que nous arriverons à des résultats qui apporteront quelque chose dans la vie politique mauritanienne.(…)
‘Je demande à Wade de se ressaisir, puisque avant lui il y avait les présidents Senghor et Diouf et je pense qu’il doit savoir qu’après lui, il doit y avoir d’autres’
Toutes les conditions sont-elles aujourd’hui réunies pour des législatives transparentes ?
Les élections, je pense que ce n’est pas simplement le jour des élections. C’est tout ce qui précède. C’est avant, pendant et après. Et ce dialogue qu’on va engager va aussi déterminer la manière dont on va faire les recensements, ce sera donc un recensement consensuel.
Quel commentaire faites vous aujourd’hui de la situation politique en Afrique et que pensez-vous des dirigeants qui veulent s’éterniser au pouvoir ?
Je ne peux vous donner que mon point de vue. Je pense que les peuples sont les seul à décider de leur avenir. Et si vraiment j’ai un conseil à donner à nos chefs d’Etat, c’est que les pays africains doivent tirer les leçons de tout ce qui s’est passé ces derniers temps. Ils doivent savoir que le seul avenir pour nos peuples, nos pays, c’est la démocratie, une démocratie réelle. Le président quel qu’il soit, quel que soit son âge avancé ne doit nullement s’accrocher au pouvoir. Ce qui s’est passé en Libye et dans d’autres pays en est un exemple. Je pense que l’intérêt de l’Afrique, c’est d’avoir des responsables qui croient à la démocratie et qui travaillent dans ce cadre-là.
Votre lecture sur la candidature du président Wade pour briguer un troisième mandat au Sénégal ?
(…) Ce mandat est une affaire sénégalaise. Mais je regrette simplement ce qui s’est passé au Sénégal (allusion aux événements des 23 et 27 juin, Ndlr). Nous l’avons vivement ressenti comme tous les Sénégalais. Puisque nous avons des Mauritaniens au Sénégal. Donc, nous ne pouvons que prier pour que la paix règne dans ce pays. Abdoulaye Wade est un homme qui s’est opposé très tôt. C’est quelqu’un qui sait ce que c’est la valeur d’un opposant. Il connaît la valeur d’un peuple. Il doit donc tenir compte de tout cela. Et il doit vraiment aller dans le sens de ce que veut le peuple sénégalais. Le Sénégal est un peuple musulman, un peuple mûr, qui n’acceptera jamais certaines choses. Je demande à Wade de se ressaisir, puisque avant lui il y avait les présidents Senghor et Diouf et je pense qu’il doit savoir qu’après lui, il doit y avoir d’autres. Car, le Sénégal, après Wade, ne va pas s’arrêter. Le Sénégal a un potentiel d’intellectuels de grande qualité. Ceux-là qui peuvent diriger ce pays ne manquent pas. Donc, je pense que personne n’a intérêt à brûler le Sénégal, le président Wade, encore moins.
Propos recueillis à Nouakchott par Abou KANE
Source: walf fadjri
Wal fadjri : Peut-on savoir les raisons pour lesquelles vous avez décidé de quitter l’opposition alors que vous avez été un des membres fondateurs de ses principales coalitions ?
Bodiel Ould H’met : Je n’ai pas du tout quitté la coordination de l’opposition encore moins l’opposition. Ce qui est vrai, c’est que depuis un an nous sommes en train de discuter sur la manière d’engager le dialogue avec le pouvoir. Et comme vous le savez, le président de la République, à plusieurs reprises, nous a indiqué individuellement sa disponibilité et la officiellement dit à la radio et à la télévision. Il a toujours dit qu’il était disposé à dialoguer avec l’opposition. Et dans ce cadre, depuis un an, alors même que je présidais la coordination, des discussions ont été engagées pour s’entendre sur une feuille de route ou sur une plateforme commune. On s’est finalement entendu sur une feuille de route que nous avons mise à la disposition du président de la République et de son gouvernement. Ils nous ont répondu pour dire qu’ils étaient d’accord pour qu’on engage la discussion. Donc, ils étaient d’accord pour engager le dialogue sur la base de cette feuille de route que nous avions soumise. Il y a des points de divergences, certes. Car, sur certains points, nous avons demandé qu’il y a des mesures que le pouvoir devait prendre pour faciliter le dialogue.
Quelles sont ces mesures ?
Parmi ces mesures, il y a le problème de la presse publique qui devait être mis à la disposition aussi bien de la majorité que de l’opposition. Il y avait aussi le problème des élections, c'est-à-dire l’organisation d’élections consensuelles. A ce niveau, on avait demandé le report des élections pour que nous pussions participer, en tant qu’opposition, à l’élaboration d’un code électoral consensuel. D’une manière générale, s’agissant de la passation des marchés par rapport à la discrimination qui existe dans l’administration, sur la manière d’accorder les marchés publics aux entrepreneurs mauritaniens, nous, en tant qu’opposition, on avait estimé que tous les hommes d’affaires opposants étaient tous exclus, et qu’il fallait donc une réglementation qui pourrait mettre fin à cette discrimination. Un autre point, c’est l’accord de Dakar. Après discussion, nous nous sommes entendus essentiellement sur le fait que l’accord de Dakar est à son terme.
On pouvait le dépasser dans la mesure où tous les points qui étaient dans cet accord étaient dans la discussion et dans la plateforme revendicative. Il y avait deux points qui étaient essentiels pour nous. Pour tout cela, on a demandé au gouvernement de s’engager à respecter l’accord qui est pris de commun accord aussi bien avec la majorité qu’avec l’opposition dans le cadre de la Haute autorité de l’audiovisuel (Happa) et qui devait être mis en application. Sur le problème des élections, cela a été reporté comme on l’avait demandé en attendant le dialogue et que nous puissions fixer ensemble la date de ces élections-là. Et c’est pour toutes ces raisons que nous avons estimé que le fait de continuer à poser des conditions, ce n’était pas favorable au dialogue.
Quant aux trois partis, à savoir le Hamam, l’App et Elwiam, ils ont accepté de rester dans la coordination. Toutefois, l’App a décidé de geler sa contribution. Mais, les deux autres partis restent membres à part entière de la coordination. Et je pense que, s’agissant de ce dialogue, personne ne peut plus parler au nom de la coordination. Parce que, dans cette coordination, les décisions se prennent à l’unanimité. Donc, ceux qui parlent aujourd’hui au nom de la coordination, ils doivent plutôt parler au nom de leur parti politique, comme nous dans le cadre du dialogue, nous parlons au nom de nos partis politiques. Mais, nous restons des partis d’opposition.
‘J’ai toujours dit que quand on veut faire des audits, il faut généraliser’
Vous êtes aujourd’hui plus proche de la mouvance présidentielle que de l’opposition. Certains disent que c’est parce que vous trainez des casseroles qui datent du temps où vous occupiez des postes de responsabilité au niveau de la caisse assurance maladie. Que répondez-vous à ces accusations ?
Je ne pense pas que je suis plus proche du président Aziz que ceux de l’opposition. Moi, je suis et je reste toujours un parti d’opposition. Mais, que les gens estiment que c’est parce qu’on a engagé un dialogue qu’on est de la majorité présidentielle, ce n’est pas du tout le cas. Je réaffirme encore ici que je ne suis pas du tout de la majorité présidentielle. Je suis un parti d’opposition. Mais dialoguer veut dire le faire avec un pouvoir que vous reconnaissez. Et tous ces partis que j’ai cités reconnaissent le pouvoir en place. Quand vous reconnaissez un pouvoir en place, vous pouvez discuter avec lui sur certaines questions. Le problème des élections, de la gestion quotidienne de l’Etat, si vous ne discutiez pas avec celui qui a le pouvoir, vous ne pouvez pas avoir de consensus. Donc, j’ai toujours dit que dans l’opposition, il y a deux attitudes. Ou bien l’opposition qui est là ne reconnait pas le pouvoir. En ce moment, on est catégorique qu’on ne reconnaît nullement le pouvoir.
On n’est pas au Parlement, on retire nos députés et sénateurs, on est pas dans les conseils municipaux et ensuite c’est l’affrontement. Cela est une position. Mais, quand vous reconnaissez un pouvoir je pense que il n’y a pas de mal à engager avec lui des discussions. Moi, s’agissant des casseroles auxquelles vous faites allusion, personnellement je n’ai aucun problème. Et je n’ai aucun souci dans ce sens. Je suis vraiment tranquille, rien ne me fait peur puisque j’ai la forte conviction que je suis blanc comme neige. Partout où je suis passé au contraire, j’ai aidé à la transparence et à la bonne gouvernance des affaires publiques. D’abord, je dois vous dire que quand il y a eu ce coup d’Etat-là, j’étais ministre secrétaire à la Présidence de la République. Le président en place m’a même demandé de rester et travailler avec lui. Ce que je n’ai pas du tout accepté. J’ai dit au président Aziz que, en tant que démocrate, je ne peux pas continuer à travailler avec quelqu’un qui est arrivé au pouvoir grâce à un coup d’Etat.
Quand maintenant, il y a eu les accords de Dakar et que l’opposition a décidé d’aller aux élections et que Abdoul Aziz a gagné, j’ai été le premier à le reconnaitre et j’ai accepté de traiter avec lui par ce que simplement il est aujourd’hui le président de tous les Mauritaniens. C’est pour cela que je me suis engagé pour ce dialogue politique. Je ne traine aucune casserole. Tenez-vous bien, au niveau de la Caisse nationale d’assurances maladie, je dois même vous dire que c’est moi-même qui ai créé cette société de toutes pièces. Effectivement, quand j’étais dans l’opposition on m’a envoyé trois agents de l’Etat pour me contrôler. Malheureusement pour eux, ils n’ont rien trouvé qui pourrait les intéresser. Maintenant, il y a eu des Mauritaniens bien connus dont son propre directeur de cabinet, son propre conseiller qui est ambassadeur à Bruxelles. Ce dernier était envoyé et soigné avec ses enfants en Europe et au Maroc et cet argent qui a servi à ses frais-là, l’Etat m’a demandé de le rembourser par la force. On m’a envoyé une mise en demeure et j’ai rappelé à ces gens-là qu’ils ne connaissent pas l’Etat.
Puisqu’ils venaient d’arriver au pouvoir, ils devaient faire doucement et aller vers l’apprentissage sur la gestion d’un Etat. Alors ils oublient que moi, je suis un ancien contrôleur et ancien inspecteur général d’Etat et des finances. Et je sais ce que je fais, puisque connaissant le vrai sens d’une mise en demeure. Et la mise en demeure, on ne la négocie pas. Quand on vous envoie cela, vous l’exécutez ou vous allez en prison. Donc j’ai moi-même accepté d’exécuter cette mise en demeure et j’ai porté l’affaire devant les tribunaux. J’ai commis quatre avocats dont Me Aïssata Tall Sall qui connait bien ce dossier. D’abord, en premier lieu, j’ai exécuté cette mise en demeure et je n’ai eu aucun problème avec l’Etat. Et actuellement, c’est moi qui poursuis l’état pour qu’on me rembourse mon argent. Sur ce plan-là je n’ai aucun problème. (…)
Etes-vous de ceux qui pensent que ces audits n’étaient que de la poudre aux yeux ?
J’ai dit que ces audits étaient une manière de régler des comptes personnels. Et cela a été mon cas puisque j’ai tous les dossiers avec moi. Et tout ce qu’on m’a reproché jusqu’ici, c’est faux puisque c’est de l’argent que j’ai légalement dépensé pour soigner les Mauritaniens qui en avaient droit. Il y a eu d’ailleurs beaucoup de membres des gouvernements qui se sont succédé qui avaient leur livret dans cette société que je dirigeais. Je peux même vous citer des ministres, Premiers ministres, présidents de l’Assemblée nationale, des anciens ministres qui sont décédés.
Par exemple, Soumara Diarra Mona qui était mon ministre des Finances des années 1973. Celui-là a été ‘exécuté’ chez un cardiologue en France. Après sa mort, on m’a demandé de rembourser les frais. Je les ai remboursées mais tout en portant l’affaire devant les juridictions. Donc, il y a eu des règlements de compte dans ces audits. Et j’ai toujours dit que quand on veut faire des audits, il faut toujours généraliser. Parce que il y a eu des impunis, des gens qui n’ont pas été contrôlés et d’autres qui ont été contrôlés et qui ont détourné et qui n’ont pas été inquiétés parce que simplement ils ont été proches du pouvoir. C’est ce qui est grave pour ce régime et que le président Aziz devait éviter.
On a aujourd’hui l’impression que le dialogue de sourds perdure entre l’opposition et la majorité présidentielle. Selon vous où se situe le blocage ? Et quelles sont les solutions pour un retour à la concertation ?
II n’y a plus de blocage puisque les discussions sont engagées entre le pouvoir et une partie de l’opposition. Ce dialogue aura lieu très bientôt et il sera très solennel. Il y aura toutes les personnalités au devant. Il y aura le président Aziz qui prononcera un discours à l’ouverture. Aujourd’hui, on ne peut pas prévoir ce qi va se passer. Avec la disponibilité du président Aziz et de son gouvernement, je suis convaincu que nous arriverons à des résultats qui apporteront quelque chose dans la vie politique mauritanienne.(…)
‘Je demande à Wade de se ressaisir, puisque avant lui il y avait les présidents Senghor et Diouf et je pense qu’il doit savoir qu’après lui, il doit y avoir d’autres’
Toutes les conditions sont-elles aujourd’hui réunies pour des législatives transparentes ?
Les élections, je pense que ce n’est pas simplement le jour des élections. C’est tout ce qui précède. C’est avant, pendant et après. Et ce dialogue qu’on va engager va aussi déterminer la manière dont on va faire les recensements, ce sera donc un recensement consensuel.
Quel commentaire faites vous aujourd’hui de la situation politique en Afrique et que pensez-vous des dirigeants qui veulent s’éterniser au pouvoir ?
Je ne peux vous donner que mon point de vue. Je pense que les peuples sont les seul à décider de leur avenir. Et si vraiment j’ai un conseil à donner à nos chefs d’Etat, c’est que les pays africains doivent tirer les leçons de tout ce qui s’est passé ces derniers temps. Ils doivent savoir que le seul avenir pour nos peuples, nos pays, c’est la démocratie, une démocratie réelle. Le président quel qu’il soit, quel que soit son âge avancé ne doit nullement s’accrocher au pouvoir. Ce qui s’est passé en Libye et dans d’autres pays en est un exemple. Je pense que l’intérêt de l’Afrique, c’est d’avoir des responsables qui croient à la démocratie et qui travaillent dans ce cadre-là.
Votre lecture sur la candidature du président Wade pour briguer un troisième mandat au Sénégal ?
(…) Ce mandat est une affaire sénégalaise. Mais je regrette simplement ce qui s’est passé au Sénégal (allusion aux événements des 23 et 27 juin, Ndlr). Nous l’avons vivement ressenti comme tous les Sénégalais. Puisque nous avons des Mauritaniens au Sénégal. Donc, nous ne pouvons que prier pour que la paix règne dans ce pays. Abdoulaye Wade est un homme qui s’est opposé très tôt. C’est quelqu’un qui sait ce que c’est la valeur d’un opposant. Il connaît la valeur d’un peuple. Il doit donc tenir compte de tout cela. Et il doit vraiment aller dans le sens de ce que veut le peuple sénégalais. Le Sénégal est un peuple musulman, un peuple mûr, qui n’acceptera jamais certaines choses. Je demande à Wade de se ressaisir, puisque avant lui il y avait les présidents Senghor et Diouf et je pense qu’il doit savoir qu’après lui, il doit y avoir d’autres. Car, le Sénégal, après Wade, ne va pas s’arrêter. Le Sénégal a un potentiel d’intellectuels de grande qualité. Ceux-là qui peuvent diriger ce pays ne manquent pas. Donc, je pense que personne n’a intérêt à brûler le Sénégal, le président Wade, encore moins.
Propos recueillis à Nouakchott par Abou KANE
Source: walf fadjri