1. Quelle est l’analyse de l’AVOMM de la situation du pays (la Mauritanie) ?
Le pays a connu des avancées depuis l’élection du Président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, particulièrement en matière de libertés et de la volonté du Chef de l’Etat d’organiser le retour des réfugiés et le règlement du passif humanitaire. Nous suivons avec beaucoup d’intérêt ce processus.
2. Quels sont, selon vous, les enseignements des journées de concertation ?
Je dirai qu’elles ont été bénéfiques pour tous les Mauritaniens, dans la mesure où le débat était franc, dépassionné et responsable. Les victimes ont pour la première fois pu exprimer leurs douleurs, leurs attentes et leurs doléances. Le devoir de vérité sans aucune haine, ni désir de vengeance. Les organisations des Droits de l’Homme, la société civile et les partis politiques ont été unanimes à demander un règlement juste et équitable de ces dossiers.
3. Comment évolue le dossier des déportés mauritaniens au Sénégal et au Mali ?
Les organisations représentants les réfugiés ont, à l’occasion de ces journées, exprimé des recommandations visant à assurer le succès de ce retour, recommandations qui ont d’ailleurs été retenues dans le document de synthèse.
4. Peut-on dire que toutes les conditions sont réunies pour accueillir les premiers déportés sur le sol mauritanien ?
Je crois que la priorité doit être accordée à l’équipement des sites qui doivent accueillir les réfugiés. Pour répondre à votre question, disons qu' il y' a quelques soucis de communications en ce moment depuis les journées de concertations, on ne sait pas trop ce que le gouvernement veut faire et nous sommes dans un flou artistique qui demande à être éclaircis assez rapidement, car le doute ne peut pas favoriser un retour des réfugiés chez eux dans la sérénité. Il est évident que les réfugiés doivent être associés à toute la procédure. Il semble que les structures se mettent progressivement en place.
5. A nos jours combien de zones ont été répertoriées pour l’accueil des déportés ?
Vous savez le retour planifié s’effectuera par tranche, et ce en raison du nombre important de réfugiés d’une part et des différentes zones qu’ils doivent intégrer, à ce jour on parle de sites au Trarza et au Gorgol.
6. On parle de 24000 déportés mauritaniens candidats au retour. Un chiffre très en deçà par rapport à ceux revendiqués par les organisations concernant nos compatriotes vivant au Sénégal et au Mali. Comment expliquez-vous ce décalage ?
Beaucoup de réfugiés sont des éleveurs qui sont très mobiles et accompagnent leurs troupeaux selon la disponibilité du pâturage, c’est pourquoi beaucoup d’entre eux n’ont pas été inscrits lors des recensements du HCR. A ma connaissance le dernier recensement effectué par le HCR et qui a impliqué les chefs de sites des réfugiés devrait combler ces omissions. Cependant, je pense que l’identification des réfugiés ne doit pas poser problème dans un pays où tout le monde se connaît.
7. Qu’en est-il du dossier des exilés politiques mauritaniens dans la diaspora ?
Les exilés sont des réfugiés politiques qui doivent bénéficier de toutes les réparations retenues pour les autres réfugiés. La prise en charge de ces exilés doit commencer par l’abrogation de la loi interdisant la double nationalité.
En effet, si cette loi n’est pas abrogée, on assistera à l’exclusion d’un grand nombre de réfugiés qui ont été contraints durant toutes ces années d’exil à adopter la nationalité de leur pays d’accueil. Nous avons donc demandé à ce que la double nationalité soit reconnue en vue de permettre à toutes les victimes de recouvrer leurs droits de citoyens Mauritaniens à part entière.Cependant l'interdiction de la double nationalité ne concerne pas seulement les déportés,elle touche beaucoup de personnes dans notre pays.
8. Et le passif humanitaire…
La position de l’AVOMM est claire et a été exprimée dans la déclaration publiée suite à l'assemblée générale extraordinaire du 09 décembre 2007 à Paris.
Pour nous il est clair que les voies et moyens que l’Etat compte mettre en œuvre pour le règlement du passif humanitaire doivent intégrer les points suivants :
1. La période 90-91 n’est que l’aboutissement d’un processus de graves violations des droits de l’Homme qui a visé la communauté négro-africaine et qui a débuté en 1986. Le Président de la République dans son discours historique du 29 juin 2007 a lui-même confirmé de façon courageuse la période incriminée, nous le citons : « Au cours des années 80, notre pays a été le théâtre d’atteintes massives aux droits de l’Homme qui devaient culminer en 1989-90-91… . En conséquence nous demandons la prise en charge effective de toute cette période.
2. Le devoir de Vérité est impératif pour tout processus de règlement du passif humanitaire. A cet effet l’AVOMM considère que seule une Commission Nationale Indépendante composée d’hommes et de femmes connus pour leur intégrité et leur compétence peut formuler des recommandations qui prennent en compte le droit des victimes étant entendu que l’Etat ne peut à la fois être juge et partie.
3. Le devoir de Justice suppose que l’ensemble des responsables des crimes et abus soient identifiés, jugés et punis. C’est seulement après qu’on pourra parler de pardon. Pour l’AVOMM, Il ne s’agira pas de chasse aux sorcières mais de rendre justice aux victimes. On ne peut pas bâtir une société démocratique sur un déni de justice. Aussi, l’AVOMM appelle les victimes et les organisations des droits de l’homme à la vigilance car tout n’est pas encore clairement défini ou arrêté au vu du rapport de synthèse concernant le passif humanitaire. Aussi nous nous devons de réaffirmer solennellement notre engagement à lutter contre L’impunité de criminels responsables de la mort de centaines de citoyens innocents.
Nous pensons que tout ce dossier doit être confié à une commission nationale indépendante assistée par des experts du Centre International pour la Justice Transitionnelle basé à New York et qui a supervisé les 20 Commissions Vérité et Réconciliation recensées aujourd’hui à travers le monde.
Propos recueillis par
Camara Seydi Moussa
Le pays a connu des avancées depuis l’élection du Président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, particulièrement en matière de libertés et de la volonté du Chef de l’Etat d’organiser le retour des réfugiés et le règlement du passif humanitaire. Nous suivons avec beaucoup d’intérêt ce processus.
2. Quels sont, selon vous, les enseignements des journées de concertation ?
Je dirai qu’elles ont été bénéfiques pour tous les Mauritaniens, dans la mesure où le débat était franc, dépassionné et responsable. Les victimes ont pour la première fois pu exprimer leurs douleurs, leurs attentes et leurs doléances. Le devoir de vérité sans aucune haine, ni désir de vengeance. Les organisations des Droits de l’Homme, la société civile et les partis politiques ont été unanimes à demander un règlement juste et équitable de ces dossiers.
3. Comment évolue le dossier des déportés mauritaniens au Sénégal et au Mali ?
Les organisations représentants les réfugiés ont, à l’occasion de ces journées, exprimé des recommandations visant à assurer le succès de ce retour, recommandations qui ont d’ailleurs été retenues dans le document de synthèse.
4. Peut-on dire que toutes les conditions sont réunies pour accueillir les premiers déportés sur le sol mauritanien ?
Je crois que la priorité doit être accordée à l’équipement des sites qui doivent accueillir les réfugiés. Pour répondre à votre question, disons qu' il y' a quelques soucis de communications en ce moment depuis les journées de concertations, on ne sait pas trop ce que le gouvernement veut faire et nous sommes dans un flou artistique qui demande à être éclaircis assez rapidement, car le doute ne peut pas favoriser un retour des réfugiés chez eux dans la sérénité. Il est évident que les réfugiés doivent être associés à toute la procédure. Il semble que les structures se mettent progressivement en place.
5. A nos jours combien de zones ont été répertoriées pour l’accueil des déportés ?
Vous savez le retour planifié s’effectuera par tranche, et ce en raison du nombre important de réfugiés d’une part et des différentes zones qu’ils doivent intégrer, à ce jour on parle de sites au Trarza et au Gorgol.
6. On parle de 24000 déportés mauritaniens candidats au retour. Un chiffre très en deçà par rapport à ceux revendiqués par les organisations concernant nos compatriotes vivant au Sénégal et au Mali. Comment expliquez-vous ce décalage ?
Beaucoup de réfugiés sont des éleveurs qui sont très mobiles et accompagnent leurs troupeaux selon la disponibilité du pâturage, c’est pourquoi beaucoup d’entre eux n’ont pas été inscrits lors des recensements du HCR. A ma connaissance le dernier recensement effectué par le HCR et qui a impliqué les chefs de sites des réfugiés devrait combler ces omissions. Cependant, je pense que l’identification des réfugiés ne doit pas poser problème dans un pays où tout le monde se connaît.
7. Qu’en est-il du dossier des exilés politiques mauritaniens dans la diaspora ?
Les exilés sont des réfugiés politiques qui doivent bénéficier de toutes les réparations retenues pour les autres réfugiés. La prise en charge de ces exilés doit commencer par l’abrogation de la loi interdisant la double nationalité.
En effet, si cette loi n’est pas abrogée, on assistera à l’exclusion d’un grand nombre de réfugiés qui ont été contraints durant toutes ces années d’exil à adopter la nationalité de leur pays d’accueil. Nous avons donc demandé à ce que la double nationalité soit reconnue en vue de permettre à toutes les victimes de recouvrer leurs droits de citoyens Mauritaniens à part entière.Cependant l'interdiction de la double nationalité ne concerne pas seulement les déportés,elle touche beaucoup de personnes dans notre pays.
8. Et le passif humanitaire…
La position de l’AVOMM est claire et a été exprimée dans la déclaration publiée suite à l'assemblée générale extraordinaire du 09 décembre 2007 à Paris.
Pour nous il est clair que les voies et moyens que l’Etat compte mettre en œuvre pour le règlement du passif humanitaire doivent intégrer les points suivants :
1. La période 90-91 n’est que l’aboutissement d’un processus de graves violations des droits de l’Homme qui a visé la communauté négro-africaine et qui a débuté en 1986. Le Président de la République dans son discours historique du 29 juin 2007 a lui-même confirmé de façon courageuse la période incriminée, nous le citons : « Au cours des années 80, notre pays a été le théâtre d’atteintes massives aux droits de l’Homme qui devaient culminer en 1989-90-91… . En conséquence nous demandons la prise en charge effective de toute cette période.
2. Le devoir de Vérité est impératif pour tout processus de règlement du passif humanitaire. A cet effet l’AVOMM considère que seule une Commission Nationale Indépendante composée d’hommes et de femmes connus pour leur intégrité et leur compétence peut formuler des recommandations qui prennent en compte le droit des victimes étant entendu que l’Etat ne peut à la fois être juge et partie.
3. Le devoir de Justice suppose que l’ensemble des responsables des crimes et abus soient identifiés, jugés et punis. C’est seulement après qu’on pourra parler de pardon. Pour l’AVOMM, Il ne s’agira pas de chasse aux sorcières mais de rendre justice aux victimes. On ne peut pas bâtir une société démocratique sur un déni de justice. Aussi, l’AVOMM appelle les victimes et les organisations des droits de l’homme à la vigilance car tout n’est pas encore clairement défini ou arrêté au vu du rapport de synthèse concernant le passif humanitaire. Aussi nous nous devons de réaffirmer solennellement notre engagement à lutter contre L’impunité de criminels responsables de la mort de centaines de citoyens innocents.
Nous pensons que tout ce dossier doit être confié à une commission nationale indépendante assistée par des experts du Centre International pour la Justice Transitionnelle basé à New York et qui a supervisé les 20 Commissions Vérité et Réconciliation recensées aujourd’hui à travers le monde.
Propos recueillis par
Camara Seydi Moussa