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Le bureau exécutif de l'AVOMM

"L'important n'est pas ce qu'on fait de nous, mais ce que nous faisons nous-mêmes de ce qu'on a fait de nous." Jean-Paul Sartre

"L'Association d'aides aux veuves et aux orphelins de mauritanie (AVOMM) qui nous rassemble, a été créée le 25/12/95 à PARIS par d'ex-militaires mauritaniens ayant fui la terreur, l'oppression, la barbarie du colonel Mawiya o/ sid'ahmed Taya ......
Ces rescapés des geôles de ould Taya, et de l'arbitraire, décidèrent, pour ne jamais oublier ce qui leur est arrivé, pour garder aussi la mémoire des centaines de martyrs, de venir en aide aux veuves, aux orphelins mais aussi d'engager le combat contre l'impunité décrétée par le pouvoir de Mauritanie."
E-mail : avommavomm@yahoo.fr

Bureau exécutif

*Ousmane SARR, président
*Demba Niang, secrétaire général
*Secrétaire général Adjt; Demba Fall
*Alousseyni SY, Chargé des relations extérieures
*Mme Rougui Dia, trésorière
*Chargé de l’organisation Mariame Diop
*adjoint Ngolo Diarra
*Mme Mireille Hamelin, chargée de la communication
*Chargé de mission Bathily Amadou Birama
Conseillers:
*Kane Harouna
*Hamdou Rabby SY










AVOMM

Rwanda : Sosthène Munyemana, un génocidaire présumé si bien intégré en France


Jugé en France en vertu de la compétence universelle, l’ancien médecin de Butare a exercé jusqu’en 2022 à Villeneuve-sur-Lot. Le parquet a requis trente années d’emprisonnement contre lui.


Qui est Sosthène Munyemana, cet ancien médecin rwandais qui comparait depuis le 13 novembre devant la cour d’assises de Paris pour « génocide » et « crimes contre l’humanité » commis dans son pays en 1994 ? Un docteur affable, apprécié de ses collègues et de ses amis français ? Ou « le boucher de Tumba » accusé d’avoir joué un rôle dans les tueries de masse en signant notamment une motion de soutien au gouvernement génocidaire ?

Suite à une plainte déposée à Bordeaux en 1995, l’ancien médecin de Butare (sud du Rwanda) est jugé en France en vertu de la compétence universelle, un principe qui stipule qu’un Etat peut poursuivre les auteurs de certains crimes quel que soit le lieu où ceux-ci ont été commis. Il encourt la réclusion criminelle à perpétuité.


« Vous n’avez pas à juger le génocide mais la participation de l’accusé à celui-ci, a rappelé vendredi 15 décembre l’avocate générale, Sophie Havard, en s’adressant aux jurés. L’accusé, intellectuel parfait, prétend qu’il n’a pas vu la dérive du régime, pas entendu les discours extrémistes. Mais comment le croire ? Tout le monde savait que l’ennemi était le Tutsi. Il ne pouvait ignorer que l’Etat rwandais voulait les exterminer… Il va au contraire soutenir avec efficacité la politique du gouvernement génocidaire. » Le parquet a requis trente années d’emprisonnement.

Sosthène Munyemana, 68 ans aujourd’hui, a toujours reconnu avoir eu en sa possession la clé du bureau de secteur de Tumba, un quartier résidentiel de Butare. Dans ce bâtiment, considéré comme le centre du pouvoir local où étaient transmises les directives préfectorales et nationales, plusieurs Tutsi furent enfermés en avril 1994 avant d’être tués. Devant les jurés, Sosthène Munyemana a expliqué mardi 12 décembre que « ce bureau constituait un refuge pour les personnes qui n’avaient pas où se cacher. »

« Un homme charmant, humble et consciencieux »

« Comme les personnes réfugiées autour étaient tuées, que des filles étaient violées, j’ai pris l’initiative de leur ouvrir la porte pour les sauver, a-t-il ajouté. Le bourgmestre Joseph Kanyabashi [condamné définitivement en 2015 par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) à vingt ans de réclusion criminelle pour incitation au génocide] a alors envoyé une équipe pour chercher ces personnes. Je pensais qu’ils allaient être mis en sécurité puisque Kanyabashi le promettait. » Mais aucun Tutsi n’est revenu vivant.

En juin 1994, l’ancien médecin de Butare a quitté le Rwanda avec ses enfants. Après deux mois au Zaïre (aujourd’hui la République démocratique du Congo), Sosthène Munyemana s’est installé à Talence, près de Bordeaux. Il travaille un temps à l’hôpital Saint-André de Bordeaux puis déménage à Villeneuve-sur-Lot (Lot-et-Garonne). Depuis décembre 2022, il y passe sa retraite. « Docteur Sosthène est un homme charmant, humble et consciencieux », assure Christine Bartou, qui a eu « la chance de travailler à ses côtés de 2001 à 2018 ».


En tant que cheffe de service, elle l’a côtoyé au quotidien et l’a vu évoluer au fil de sa carrière à l’hôpital de Villeneuve-sur-Lot, où il a notamment travaillé aux urgences avant de s’orienter vers la gériatrie. « C’était un homme pondéré, courtois et très calme, se souvient Mme Bartou. Même dans les situations les plus tendues, Sosthène avait un ton apaisant et rassurant avec les patients et ses collègues. Il fédérait les autres et était très impliqué dans son travail, notamment lorsqu’il fallait faire des heures supplémentaires. Sur le plan humain et professionnel, je ne lui vois aucun défaut. »


Jean Favennec connaît « son cher ami Sosthène » depuis 1985 lorsque ce dernier faisait ses études de médecine en France. En 2012, il a succédé au docteur Gaëtan Gilguy à la tête de son comité de soutien. « C’est un groupe d’environ 80 membres, créé en 1995, pour lui apporter une aide morale et financière afin, par exemple, qu’il se loge à Paris pendant son procès et paie ses honoraires d’avocats, explique M. Favennec. J’ai tissé des liens forts avec lui et sa famille. J’ai l’intime conviction qu’au Rwanda, il était du côté des Justes, ceux qui ont protégé les Tutsi. J’ai confiance en lui. »

« Une colère liée à sa détresse »

Mais, mardi 12 décembre, la psychologue Paule Dahan-Sannanes a dévoilé une face bien plus sombre de l’accusé. Sur demande de l’instruction, elle l’a expertisé en janvier 2016 en lui faisant notamment passer des tests, dont celui de Rorschach où il devait interpréter des taches symétriques non figuratives.

« M. Munyemana semble vouloir donner l’image de quelqu’un de serein, maître de ses décisions avec une enfance sans problème entourée de parents aimants, a écrit la psychologue en conclusion de son rapport. Mais, sous ce masque, on perçoit un projectif avec des fantasmes de vengeance, de colère, de mépris et d’une absence d’empathie. Psychologiquement, il s’est scindé en deux. (…) En période de crise, où les circonstances et les idéologies semblent justifier les pires cruautés, c’est l’occasion privilégiée de satisfaire des tendances sadiques et d’évacuer enfin une rage qui a été accumulée depuis longtemps. »
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« Il était pourtant médecin et on le décrit comme humaniste, respectueux, courageux… », a alors rappelé le président. « C’est la définition même du clivage, répond la psychologue. On peut être pédophile et très bien encadrer des jeunes. S’il ne se sent pas en danger, M. Munyemana gère ses émotions. Mais dans une situation dramatique, il devient un autre. Tous les tests montrent une colère liée à sa détresse. »

Une contre-expertise a été demandée par la défense et celle-ci n’a révélé « aucun mécanisme de clivage ». Selon Michèle Vitry, psychologue clinicienne, Sosthène Munyemana présente « une forte personnalité tendant vers un équilibre psychique sans traits caractériels, avec une sociabilité de bonne qualité et une bienveillance envers autrui ». « Pendant cet examen, il a contré tous les points, a rétorqué Paule Dahan-Sannanes. Il a dit que tout était beau alors que ses histoires sont pleines de haine et d’agressivité. » Le jugement de l’ancien médecin est attendu mardi 19 novembre. Il sera suivi avec attention à Kigali et à Villeneuve-sur-Lot.

Pierre Lepidi

Source : Le Monde
Lundi 18 Décembre 2023 - 18:15
Lundi 18 Décembre 2023 - 18:23
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