Relations Mauritanie/Israël : Le jeu en vaut-il la chandelle ?

Aleg (quatre morts), Ghallaouia (trois morts), l’ambassade d’Israël ou le VIP (quelques blessés). Ces attaques terroristes ont été perpétrées sur fond de vives contestations des relations entre la Mauritanie et Israël. Rompre ces relations, dans le contexte actuel, s’apparenterait à une capitulation devant la menace terroriste. Ne pas les rompre, c’est prendre le risque de subir d’autres attaques terroristes. Un véritable dilemme pour les autorités mauritaniennes.


Au sujet des relations entre la Mauritanie et Israël, le candidat Sidi Ould Cheikh Abdellahi, pendant la campagne électorale, n’a pas tranché. Il avait promis de soumettre la question au référendum. Une année après son élection à la tête de la République, il n’y a pas eu de referendum.


«Jouer la carte du dialogue et de la paix», telle était la raison de l’établissement des ces relations. Dans les territoires occupés, l’atmosphère n’est pas à l’apaisement. La colonisation continue. Gaza est sous embargo. Chaque palestinien qui tombe sous les balles de Tsahal rend, aux yeux de l’opinion mauritanienne, la relation avec l’Etat hébreu plus honteuse, plus illégitime, plus inacceptable.




Plus grave, au-delà de l’indignation et des ressentiments que suscitent ces relations, la succession d’actes terroristes et les «revendications» d’Al Qaeda ont sérieusement entamées l’image de la Mauritanie, sa sécurité et son économie. L’attaque d’Aleg a eu pour conséquence directe l’annulation du rallye Lisbonne-Dakar. Les touristes ont tourné le dos à la Mauritanie. Le secteur du tourisme continue de trinquer.


L’attaque de l’Ambassade d’Israël et/ou du VIP a révélé au grand jour la fragilité et la vulnérabilité de la Mauritanie. L’ambassade d’Israël est située dans l’une des zones les plus sécurisée de Nouakchott. L’ambassade des Etat Unis, la présidence de la République, véritables forteresses sont à quelques minutes de marche du drapeau Israélien. Malgré tout, pendant une quinzaine de minutes, des assaillants armés de kalachnikov, ont mitraillé à volonté les lieux avant de disparaître dans la nature. Comment se sont-ils procurés ces kalachnikovs ? D’autres personnes disposent-elles de la «bombe atomique des pauvres?» Le problème de la circulation des armes légères reste posé.


Reculade salutaire



La Mauritanie qui lutte contre la pauvreté, qui a entamé un processus de réconciliation nationale et de démocratisation, peut elle se payer le luxe de vivre dans la durée sous la menace terroriste. Sommes-nous assez soudés, assez forts pour être la cible d’Al qaeda ?


La gestion de la hantise sécuritaire ne va-t-elle pas prendre le pas sur la construction de l’unité nationale, la lutte contre l’esclavage, les défis du développement économique et social… ? En politique, comme dans beaucoup d’autres domaines, il est des reculades salutaires, pensent certains. Pour le président de la République, il ne s’agira pas d’une reculade mais de la rectification d’une décision impopulaire et contreproductive. Les relations entre la Mauritanie et Israël ne sont plus seulement «honteuse», elles son devenues dangereuses.


Les prêcheurs des ténèbres



La rupture des relations diplomatiques entre la Mauritanie et Israël sous la menace terroriste et sous la pression des prêches enflammés pourrait être la boite de pandore de revendications extrêmes. Après la rupture de ces relations, ces prêcheurs nous dirons peut-être «les voiles que vos femmes portent ne sont pas très protecteurs. Remplacez les par des tchadors. Fermez les boites de nuit qui incitent à la débauche. Rétablissez les amputations de mains, les flagellations et les exécutions capitales…»


Concomitance suspecte



Autre question importante : Peut-on fermer les yeux sur la «concomitance» entre le blocus de gaza, les discours enflammés de certains leader politiques au sujet des relations Mauritanie-Israel et l’attaque de l’ambassade d’Israël et/ ou du VIP ? Dans les meetings anti Etat hébreu de certains leaders politiques, il est abusivement répété « Jihad ». Dans ces mêmes meetings, la foule est en majorité composée de jeunes, souvent des adolescents. Dans les cybers café de Nouakchott, les sites proches d’Alqaeda sont accessibles. La violence est d’abord dans les mots. Avant le 11 septembre, il y a eu des années de propagande sur le «grand Satan américain», avant l’occupation des territoires palestiniens, il y a eu la théorie «du grand Israël». Contester les relations entre l’Etat hébreu et la Mauritanie, c’est légitime. Les discours enflammés et passionnés devant des adolescents, ça peut donner l’envie de passer à l’acte.


Khalilou Diagana
khalioubi@yahoo.fr




source : Nouakchott Info via cridem